Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 11, 18 octobre 2019, n° 19/11654

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Sunpower Energy Solutions France (SAS), Total (SA), Total Solar (SAS), Total Gaz & Power Actifs Industriels (SAS)

Défendeur :

Sun'R (SAS), Sun'R Infrastructure (SAS), Sun'R Investissement LS (SCA), Sun'R Investissement NS (SCA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Cochet-Marcade

Conseillers :

Mme Moreau, M. Jourdan

T. com. Paris, du 13 juin 2019, n° 18/20…

13 juin 2019

Faits et procédure :

La société Sunpower Energy Solutions France SAS (la société SES), anciennement dénommée Tenesol, est un opérateur global international de l'énergie solaire. Son activité s'articule autour de la conception, de la fabrication et de la commercialisation de systèmes photovoltaïques. Depuis le 31 janvier 2012, la société SES est la filiale de la société Sunpower, dont le contrôle est détenu par la société Total SA.

La société Sun'R est une société par actions simplifiée constituée en 2007 avec pour objet social la production d'électricité à partir d'énergie photovoltaïque. La présidence de cette société était assurée jusqu'en juin 2018 par M. Antoine N., principal associé et fondateur. Le société Sun'R est depuis présidée par la société Sun'R Holding, dont M. Antoine N. est l'associé unique et le gérant.

L'activité de la société Sun'R consiste principalement à développer et exploiter des toitures photovoltaïques de petite puissance sur des terrains situés en zone rurale.

Ces centrales photovoltaïques ne sont pas détenues directement par la société Sun'R mais par des sociétés dédiées (les SPV) gérées et contrôlées directement et indirectement par la société Sun'R.

Les sociétés de projets SPV étaient au nombre de trente, dont 17 constituées sous la forme de sociétés par actions simplifiées et 13 sous la forme de sociétés en commandite par actions, à savoir les sociétés :

- Sun'R Investissement AS ;

- Sun'R Investissement BS ;

- Sun'R Investissement CS ;

- Sun'R Investissement RS ;

- Sun'R Investissement TS ;

- Sun'R Investissement ES ;

- Sun'R Investissement GS ;

- Sun'R Investissement LS ;

- Sun'R Investissement NS ;

- Sun'R Investissement KS ;

- Sun'R Investissement 2009 ;

- Sun'R Invest 2 ;

- Sun'R Invest 3.

La société Sun'R et les sociétés du groupe Total se sont rapprochées, la société Sun'R signant le 18 avril 2011 avec la société Tenesol une 'lettre d'intention non-engageante' (la LOI) portant sur des négociations relatives à une prise de participation de la société Tenesol au capital de la société Sun'R, le financement des SPV et la mise en œuvre d'un partenariat industriel en vue de la construction et de la maintenance d'environ trente projets identifiés.

Les sociétés ont conclu les 13 et 19 mai 2011 un contrat-cadre portant sur le volet industriel de l'opération.

Le 31 mai 2011, la société Total et la société Tenesol ont informé M. N. et la société Sun'R que la société Tenesol renonçait à l'opération.

Se prévalant d'une rupture unilatérale, brutale et fautive par la société Tenesol sur initiative de la société Total de conventions d'une durée déterminée souscrites en mars et avril 2011, M. Antoine N., la société SAS Sun'R et les 30 sociétés SPV ont fait assigner le 16 juin 2011 les sociétés du groupe Total devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de les voir condamner au paiement de dommages et intérêts.

En cours d'instance devant le tribunal de commerce, la société Sun'R a été par jugement du 21 juillet 2011 placée en redressement judiciaire et onze SPV, parmi lesquelles neuf SCA , ont été admises par jugements du même jour au bénéfice de la procédure de sauvegarde.

Les organes de la procédure collective, respectivement l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire dans la procédure ouverte au bénéfice de la société Sun'R, et le mandataire judiciaire aux procédures de sauvegarde des SPV, sont intervenus volontairement à l'instance.

Par jugements en date du 9 juillet 2012 le tribunal de commerce de Paris a adopté un plan de redressement de la société Sun'R et un plan de sauvegarde des SPV concernées.

Par jugements du 7 octobre 2013, le tribunal de commerce de Paris a constaté l'exécution des plans de redressement et de sauvegarde et mis fin à la mission des organes de la procédure, mention étant faite au jugement du 25 février 2014.

Par jugement du 25 février 2014 dont appel, le tribunal de commerce de Paris, après avoir écarté des débats une pièce (la lettre du 2 décembre 2013 de différentes sociétés), déclaré recevable M. Antoine N. en son action, dit hors de cause les sociétés Total énergie développement et sas Total gaz et énergies nouvelles holding, a débouté les sociétés du groupe Sun'R de leurs demandes de dommages-intérêts à l'encontre in solidum de la SA Tenesol et de la SA Total au titre d'une prétendue rupture abusive des conventions des 12, 14 et 18 avril 2011, débouté M. Antoine N. de ses demandes en dommages et intérêts à l'encontre de la SA Tenesol et de la SA Total, rejeté toutes autres demandes et ordonné avant dire droit au bénéfice de l'exécution provisoire une expertise aux fins de donner son avis sur d'éventuels préjudices allégués par la société Sun'R et les sociétés d'investissement concernées du fait du retard dans la mise en service ou de la non exécution des projets des sites de Chambaron, Crouzet, Lac bleu 2, Noton et Sanguinet.

Par déclaration en date du 18 juin 2014, la société Sun'R, M. N. et les 30 SPV ont relevé appel de cette décision. En cours de procédure la société Sun'R infrastructure est venue aux droits de 19 SPV dont 7 ont la forme juridique de SCA .

Par arrêt en date du 7 janvier 2016, la cour d'appel de Paris a :

- ordonné la jonction des appels enrôlés sous les numéros 14/12451 et 14/13675,

- dit sans objet l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 11 mars 2014,

- donné acte à la société Sun'R infrastructure, SPV de ce qu'elle vient aujourd'hui aux droits des sociétés SPES 8, Sun'R investissement AS, Sun'R investissement BS, Sun'R investissement CS, Sun'R investissement RS, Sun'R investissement TS, SPES Aquitaine, SPES du Cantal, SPES du Val de Rhône, SPES Massif central, SPES du Quercy, SPES du Gapençais, SPES de la Plaine du Midi, SPES de Gascogne, SPES de Haute-Loire, SPES de Provence, SPES du Forez, Sun'R investissement 2009 et Sun'R investissement GS, par suite de fusions-absorptions à effet respectivement au 16 juillet 2014, 24 juillet 2014 et 3 avril 2015,

- confirmé le jugement déféré sauf en ce qu'il a:

- débouté la société Sun'R et les sociétés SPV de leurs demandes de dommages et intérêts à l'encontre in solidum de la SA Tenesol et de la SA Total au titre d'une prétendue rupture fautive des conventions du contrat-cadre des 13 et 19 mai 2011,

- débouté M. Antoine N. de ses demandes de dommages et intérêts à l'encontre in solidum de la SA Tenesol et de la SA Total,

- limité la mission de l'expert au préjudice résultant de l'inexécution du contrat-cadre au titre des cinq centrales qualifiées de prioritaires,

Et statuant à nouveau,

- dit que la société Tenesol a commis une faute en rompant à titre discrétionnaire l'ensemble contractuel et notamment le contrat-cadre des 13 et 19 mai 2011 alors que la condition tenant à l'obtention des refinancements bancaire n'avait pas défailli,

- dit que la société Total a commis une faute en intimant à sa filiale de rompre l'ensemble contractuel et notamment le contrat-cadre des 13 et 19 mai 2011.

- fixé la mission de l'expert.

Par arrêt en date du 27 juin 2018, et arrêt rectificatif du 10 octobre 2018, la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce que, infirmant le jugement déféré, il a dit que la société Tenesol a commis une faute en rompant à titre discrétionnaire l'ensemble contractuel et notamment le contrat-cadre des 13 et 19 mai 2011 alors que la condition tenant à l'obtention des refinancements bancaire n'avait pas défailli, dit que la société Total a commis une faute en intimant à sa filiale de rompre l'ensemble contractuel et notamment le contrat-cadre des 13 et 19 mai 2011 et statué sur la mission de l'expert et la provision à consigner, l'arrêt rendu le 7 janvier 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris et remis en conséquent sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvait avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée.

La société Sun'R, les SPV (les sociétés du groupe Sun'R) et M. N. ont par déclaration en date du 4 septembre 2018 saisi la cour d'appel de Paris.

Saisi de conclusions d'incident par les sociétés SES, Total SA, Total Solar et TGPAI (les sociétés du groupe Total), le Président de la chambre 11 du pôle 5 de la cour d'appel de Paris a par ordonnance rendue le 13 juin 2019, rejeté l'ensemble des moyens d'irrecevabilité opposés par les sociétés du groupe Sun'R et M. N. aux exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées par les sociétés du groupe Total ; il a également rejeté l'intégralité des demandes de ces dernières à savoir l'exception de nullité et la fin de non-recevoir de la déclaration d'appel du 18 juin 2014 ainsi que l'exception de nullité et la fin de non-recevoir de la déclaration de saisine après renvoi du 4 septembre 2018, condamnant les sociétés du groupe Total à payer à chacune des sociétés du groupe Sun'R et à M. N. la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident.

Par requête en date du 28 juin 2019, les sociétés SES, Total SA, Total Solar et TGPAI ont déféré cette ordonnance devant la cour.

Par dernières conclusions notifiées et déposées le 29 août 2019, elles demandent à la cour de:

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des moyens d'irrecevabilité opposés par les appelants ;

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a rejeté les exceptions de nullité et fins de non-recevoir de la déclaration d'appel du 18 juin 2014 et de la déclaration de saisine après renvoi du 4 septembre 2018 par elles soulevées et les a condamnées au paiement de la somme de 5.000 euros à chacun des appelants et aux entiers dépens ;

Statuant à nouveau,

A titre principal,

- les dires recevables et bien fondées en leurs demandes ;

En conséquence,

- déclarer nulle la déclaration d'appel du 18 juin 2014 déposée par les sociétés Sun'R Investissement GS, Sun'R Investissement NS, Sun'R Investissement LS, Sun'R Investissement KS, Sun'R Invest 2, Sun'R Invest 3, Sun'R Investissement AS, Sun'R Investissement BS, Sun'R Sun'R investissement CS, Sun'R Investissement RS, Sun'R Investissement TS, Sun'R Investissement ES, et Sun'R Investissement 2009 ;

- subsidiairement, déclarer leur appel irrecevable ;

- en conséquence, rejeter l'intégralité de leurs demandes en appel ;

Surabondamment,

- déclarer nulle la déclaration de saisine après renvoi du 4 septembre 2018 des sociétés Sun'R Investissement ES, Sun'R Investissement LS et Sun'R Investissement NS ;

- déclarer irrecevable la déclaration de saisine après renvoi de la société Sun'R infrastructure comme venant aux droit des sociétés Sun'R Investissement AS, Sun'R Investissement BS, Sun'R Investissement CS, Sun'R Investissement RS, Sun'R Investissement TS, Sun'R Investissement 2009, Sun'R Investissement GS, Sun'R Investissement ES, SPES Aquitaine, SPES du Cantal, SPES Val de Rhône, SPES Massif Central, SPES du Quercy, SPES du Gapençais, SPES de la Plaine du Midi, SPES de Gascogne, SPES de Haute Loire, SPES de Provence, SPES du Forez, et SPES Méditerranée;

En conséquence, rejeter l'intégralité de leurs demandes en appel;

En tout état de cause,

- condamner in solidum les appelants à leur verser respectivement la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- condamner les appelants aux entiers dépens.

Les demanderesses soutiennent que, contrairement à l'argumentation soutenue dans l'ordonnance déférée, les dispositions de l'article L.222-11 du code de commerce n'ont pas vocation à être interprétées en contemplation de l'article L.631-1 du même code qui dispose que la procédure de redressement judiciaire est destinée à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif.

Elles considèrent que la mise en redressement judiciaire de l'associé commandité, lorsqu'il est seul associé, emporte de plein droit la dissolution de la société en commandite avec toutes les conséquences de droit qui y sont attachées et que, sauf à dénaturer le texte, l'ordonnance déférée ne peut donc interpréter les dispositions de l'article L.222-11 du code de commerce autrement.

Elles font valoir que chacune des treize SCA n'ayant qu'un seul associé unique, la société Sun'R, l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 21 juillet 2011 au bénéfice de l'associé commandité a engendré de plein droit leur dissolution à compter du 21 juillet 2011 sans qu'aucune régularisation ne puisse intervenir.

Elles ajoutent que selon les dispositions de l'article 1844-8 du code civil, la personnalité morale des sociétés dissoutes peut être maintenue mais uniquement « pour les besoins de la liquidation jusqu'à la publication de la clôture de celle-ci » et que la société dissoute non liquidée est devenue inexistante et doit être considérée, à l'instar d'une société créée de fait, comme une entité dépourvue de la personnalité morale.

Elles en déduisent à titre principal, que la déclaration d'appel du 18 juin 2014 des treize SCA est nulle à un double titre: défaut de capacité d'ester en justice des SCA et défaut de pouvoir du représentant ayant interjeté appel, faute de désignation d'un liquidateur. Elles précisent que la société Sun'R Infrastructure n'agissant pas en qualité de liquidateur, son intervention ne saurait régulariser une déclaration d'appel frappée d'un vice dirimant.

A titre subsidiaire, elles arguent de l'irrecevabilité de l'appel des treize SCA en raison de l'absence du droit d'agir.

Surabondamment, elles soulèvent la nullité et l'irrecevabilité de la déclaration de saisine de la cour de renvoi du 4 septembre 2018, pour les mêmes raisons que celles précédemment exposées, la déclaration de saisine étant, d'une part, nulle en raison de l'impossibilité pour les trois SCA qui y sont mentionnées de saisir la cour d'appel de renvoi alors qu'elles n'existent plus depuis juillet 2011, et irrecevable, d'autre part, la société Sun'R Infrastructure ne pouvant prétendre avoir la qualité pour agir au nom de sociétés qu'elle n'a pu absorber, aussi bien s'agissant des huit SCA inexistantes que des SPV dont l'associé unique était une SCA inexistante.

Elles soutiennent enfin que les nullités précédemment relevées ne sont pas régularisées par l'intervention de la société Sun'R Infrastructure venant aux droits d'un certain nombre de SPV, les opérations de fusion-absorption étant intervenues le 18 juin 2014, postérieurement à la déclaration d'appel et n'ayant pu valablement intervenir en raison de la dissolution de plein droit des SCA , associé unique des SPV, et la perte subséquente de leur personnalité morale dès le 21 juillet 2011.

En réponse aux fins de non-recevoir opposées en défense, elles font valoir que :

- sur l'estoppel, elles se bornent à opposer à plusieurs parties adverses, en conformité avec le cadre procédural, un moyen de droit nouveau qui est relatif à leur inexistence juridique, alors même que ces parties adverses se sont toujours comportées de manière à créer l'apparence d'une existence et d'une activité régulières, la société Sun'R, en sa qualité d'associé commandité, n'ayant pas procédé aux inscriptions modificatives que le changement juridique des SCA imposait ;

- sur l'autorité de la chose jugée attachée aux jugements du tribunal de commerce de Paris statuant sur les procédures de sauvegarde de 9 SCA et de redressement judiciaire de la société Sun'R, que les jugements mentionnés n'ont pas tranché dans leur dispositif la dissolution des 13 SCA et le maintien de leur personnalité morale ;

- sur le défaut de pouvoir juridictionnel du président pour statuer sur l'état de dissolution des SCA , qu'elles ne demandent nullement qu'il soit statué sur la dissolution des SCA , cette dissolution étant une sanction légale intervenue de plein droit en application des dispositions de l'article L. 222-11 du code de commerce, mais qu'il soit tiré les conséquences de cette dissolution sur la nullité et l'irrecevabilité de l'appel ;

- sur la prescription des demandes, que s'agissant de demandes tendant à constater la nullité ou l'irrecevabilité des appels formés initialement par les SCA , elle n'encourt aucune prescription celles-ci pouvant être formées à la première date utile.

Par conclusions déposées et notifiées le 2 septembre 2019, M. N., la société Sun'R SAS venant aux droits de la société SPES 7 et de la société Sun'R investissement Corse 2010, la société Sun'R Infrastructure venant aux droits des sociétés SPES 8, Sun'R investissement AS, Sun'R investissement BS, Sun'R investissement CS, Sun'R investissement RS, Sun'R investissement TS, SPES d'Aquitaine, SPES du Cantal, SPES du Val de Rhône, SPES Massif central, SPES du Quercy, SPES du Gapençais, SPES de la plaine du midi, SPES de Gascogne, SPES de Haute Loire, SPES de Provence, SPES du Forez, Sun'R investissement 2009, Sun'R investissement GS, SPES de Méditerranée, Sun'R investissement ES, la société Sun'R investissement LS et la société Sun'R investissement NS, demandent à la cour de :

- confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a :

- rejeté les exceptions de nullité et d'irrecevabilité soulevées par les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels dirigées contre les déclarations d'appel et de saisine sur renvoi formées par les sociétés en commandite par actions des sociétés du groupe Sun'R ;

- condamné in solidum les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels à leur payer à chacun, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a déclaré recevables les demandes formées par les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels à l'effet de voir déclarer irrecevables et nulles les déclarations d'appel et de saisine sur renvoi formées par les sociétés en commandite par actions des sociétés du groupe Sun'R.

Statuant à nouveau :

Sur le mal-fondé des exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées,

A titre principal,

- dire et juger que les demandes formées par les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels visant à voir déclarer nulles ou irrecevables :

- la déclaration d'appel en date du 12 juin 2014 régularisée par les sociétés Sun'R investissement gs, Sun'R investissement ns, Sun'R investissement ls, Sun'R investissement ks, Sun'R invest 2, Sun'R invest 3, Sun'R investissement as, Sun'R investissement bs, Sun'R investissement cs, Sun'R investissement rs, Sun'R investissement ts, Sun'R investissement es, et Sun'R investissement 2009, et

- la déclaration de saisine sur renvoi en date du 4 septembre 2018 régularisée par la société Sun'R infrastructure comme venant aux droits des sociétés Sun'R investissement AS, Sun'R investissement BS, Sun'R investissement CS, Sun'R investissement RS, Sun'R investissement TS, Sun'R investissement 2009, Sun'R investissement GS, Sun'R investissement ES, SPES Aquitaine, SPES du Cantal, SPES du Val de Rhône, SPES Massif central, SPES du Quercy, SPES du Gapençais, SPES de la plaine du midi, SPES de Gascogne, SPES de Haute Loire, SPES de Provence, SPES du Forez, SPES de Méditerranée, doivent être rejetées, le redressement judiciaire de la société Sun'R SAS, associé commandité, n'ayant pas entraîné la dissolution des sociétés du groupe Sun'R constituées sous la forme de sociétés en commandite par actions ni celles ayant pour actionnaire unique une société en commandite par actions.

A titre subsidiaire,

- dire et juger que l'ensemble des demandes formées par les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels sont mal-fondées, la société Sun'R infrastructure étant valablement venue aux droits des sociétés qu'elle a absorbées.

Sur les fins de non-recevoir,

- dire et juger que les demandes formées par les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels visant à voir déclarer nulles ou irrecevables :

- la déclaration d'appel en date du 12 juin 2014 régularisée par les sociétés Sun'R investissement gs, Sun'R investissement ns, Sun'R investissement ls, Sun'R investissement ks, Sun'R invest 2, Sun'R invest 3, Sun'R investissement as, Sun'R investissement BS, Sun'R investissement CS, Sun'R investissement RS, Sun'R investissement TS, Sun'R investissement ES, et Sun'R investissement 2009, et

- la déclaration de saisine sur renvoi en date du 4 septembre 2018 régularisée par la société Sun'R infrastructure comme venant aux droits des sociétés Sun'R investissement AS, Sun'R investissement BS, Sun'R investissement CS, Sun'R investissement RS, Sun'R investissement TS, Sun'R investissement 2009, Sun'R investissement GS, Sun'R investissement ES, SPES Aquitaine, SPES du Cantal, SPES du Val de Rhône, SPES Massif central, SPES du Quercy, SPES du Gapençais, SPES de la plaine du midi, SPES de Gascogne, SPES de Haute Loire, SPES de Provence, SPES du Forez, SPES de Méditerranée, sont irrecevables.

En tout état de cause

- débouter les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions.

- fixer les dates de clôture et de plaidoiries.

- condamner les sociétés Sunpower energy solutions France sas, Total sa, Total solar et Total gas & power actifs industriels in solidum à payer à chacune des sociétés Sun'R SAS, Sun'R infrastructure, Sun'R investissement LS et Sun'R investissement NS ainsi qu'à M. Antoine N. la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- les condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier nécessaires à la signification et à l'exécution de l'arrêt à intervenir.

Les défendeurs au déféré concluent à la confirmation de l'ordonnance entreprise qui a rejeté les exceptions de procédure et les fins de non recevoir soulevées par les sociétés du groupe Total faute pour ces dernières de rapporter la preuve de la perte de la personnalité morale des sociétés en commandite par actions du groupe Sun'R.

Ils soutiennent en substance que l'article L.222-11 du code de commerce, qui doit être interprété en contemplation des dispositions dérogatoires et d'ordre public des procédures collectives, ne conduit pas à la dissolution impérative d'une société en commandite par actions en cas de redressement judiciaire de l'un de ses associés commandité, que cette interprétation est autorisée par le texte même de l'article L.222-11 du code de commerce, lequel ne précise pas que la dissolution de la société en commandite par actions opère de plein droit en cas de redressement judiciaire de l'un de ses associés commandités. Ils précisent qu'à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société Sun'R et pendant toute sa durée, le tribunal de commerce de Paris n'a pas jugé nécessaire, ni d'office, ni à la demande des organes de la procédure ou de tiers, de procéder à la dissolution des sociétés en commandite par actions et que, les effets substantiels attachés aux jugements définitifs ayant arrêté les plans de redressement et de continuation des sociétés du groupe Sun'R puis mis fin à la mission des organes de la procédure après avoir constaté la bonne exécution desdits plans, s'imposent à tous et en particulier aux sociétés du groupe Total. Ils ajoutent qu'à les supposer dissoutes, les sociétés en commandite par actions du groupe Sun'R n'ont pu, en l'absence de terme pour procéder aux opérations de liquidation, perdre leur personnalité morale, et que les opérations de liquidation n'ayant pas été engagées, seul le représentant légal de ces sociétés avait qualité pour les représenter.

Elles poursuivent également l'infirmation de l'ordonnance déférée, faute d'avoir déclaré irrecevables les exceptions de nullité et fins de non-recevoir dirigées contre les déclarations d'appel et de saisine sur renvoi formées par certaines des sociétés du groupe Sun'R.

Elles soutiennent que si la cour devait ne pas confirmer l'ordonnance déférée en ce qu'elle a jugé que les sociétés du groupe Total ne justifiaient pas de la perte de personnalité morale des sociétés en commandite par actions du groupe Sun'R, les exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées par les sociétés du groupe Total se heurtent aux fins de non-recevoir tirées :

- du principe suivant lequel « nul ne peut se contredire au détriment d'autrui», les sociétés du groupe Total cherchant à se prévaloir de la circonstance selon laquelle les voies de recours exercées tant par les sociétés en commandite par actions du groupe Sun'R que par la société qui les a absorbées seraient nulles ou irrecevables pour avoir été formées par des sociétés dépourvues de toute personnalité juridique ou d'intérêt à agir alors que depuis l'origine de l'instance engagée il y a près de 8 ans, les sociétés du groupe Total en ont pourtant elles-mêmes reconnu l'existence juridique, traduit une contradiction et un changement de position procédurale qui leur sont préjudiciables puisque ce faisant, les sociétés du groupe Total se sont prévalues de la circonstance que ces sociétés étaient dotées de la personnalité morale pour faire courir des voies de recours, minimiser le montant du préjudice occasionné par leur faute et obtenir la réformation d'un arrêt qui leur était en totalité défavorable ;

- de l'autorité absolue de chose jugée attachée aux jugements du tribunal de commerce de Paris ayant prononcé le redressement et la sauvegarde judiciaires de certaines sociétés du groupe Sun'R, arrêté les plans de continuation y afférents puis clôturé ces procédures, le tribunal de commerce de Paris qui a adopté les plans de sauvegarde, ayant jugé que les sociétés sous sauvegarde conservaient leur pleine et entière personnalité ;

- du défaut de pouvoir juridictionnel de Mme le Président pour statuer sur l'état de dissolution des sociétés du groupe Sun'R - question préalable à l'analyse du bien-fondé des exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées ;

- du caractère prescrit de la demande tendant à voir constater l'état de dissolution des sociétés du groupe Sun'R, la société Sun'R ayant été placée en redressement judiciaire par jugement en date du 21 juillet 2011, ce que les sociétés du groupe Total savaient parfaitement compte tenu de la publication au BODACC de ce jugement et, en toutes hypothèses, de l'intervention des organes de la procédure dans le litige opposant les parties et qu'il leur appartenait donc soit d'exercer toute voie de recours utile contre ce jugement, soit d'engager dans le délai de 5 ans, toute action aux fins de trancher la question de savoir si le placement en redressement judiciaire de Sun'R, seul associé commandité de certaines SPV, était de nature à entraîner la dissolution de ces sociétés - question préalable l'analyse du bien-fondé des exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées.

A titre subsidiaire, elles font valoir le caractère régulier des opérations de restructuration intervenues et leur opposabilité, la société Sun'R infrastructure venant aux droits de 19 SPV dont 12 avaient comme actionnaire unique une société en commandite par actions, les opérations de restructuration susvisées étant parfaitement valables, les sociétés du groupe Sun'R constituées sous la forme de sociétés en commandite par actions n'ayant jamais été dissoutes et partant, n'ayant jamais perdu la personnalité morale, de telles opérations étant, en toutes hypothèses, opposables aux sociétés du groupe Total, les opérations de fusion-absorption ayant été régulièrement publiées au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris. Elle en déduisent que les opérations de restructuration susvisées ont permis de transférer universellement à la société Sun'R infrastructure les patrimoines de 12 SPV ayant comme actionnaire unique une société en commandite par actions et de 7 SPV constituées sous la forme de sociétés en commandite par actions, ces patrimoines existant à la date de ces opérations et avec eux les sociétés qui en ont fait l'objet et que la déclaration de saisine après renvoi formée par la société Sun'R infrastructure est recevable.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

La cour est saisie d'une requête en déféré contre une ordonnance en date du 13 juin 2019 rejetant les fins de non-recevoir de l'exception de nullité et d'irrecevabilité de la déclaration d'appel du 18 juin 2014 et de l'exception de nullité et d'irrecevabilité de la déclaration de saisine après renvoi du 4 septembre 2018 opposées par M. N., les sociétés Sun'R, Sun'R infrastructure, Sun'R investissement NS et Sun'R investissement LS (M. N. et les sociétés du groupe Sun'R) ainsi que les exceptions de procédure et fins de non-recevoir invoquées par les sociétés SES, Total SA, Total Solar et TGPAI (les sociétés du groupe Total).

Sur les fins de non-recevoir opposées aux exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées par les sociétés du groupe Total

- Sur la contradiction des sociétés du groupe Total au préjudice de M. N. et des sociétés du groupe Sun'R,

M. N. et les sociétés du groupe Sun'R invoquent à l'appui de leur première fin de non-recevoir le principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui'.

Ils reprochent en substance aux sociétés du groupe Total leur attitude procédurale, celles-ci ayant attendu la saisine de la cour d'appel sur renvoi après cassation pour soulever des exceptions de procédure et fins de non-recevoir fondées sur le défaut de capacité à agir de 13 Sociétés en commandite par actions du groupe Sun'R en raison du placement en redressement judiciaire de l'unique associé commandité, alors que la procédure collective date du 21 juillet 2011, que les sociétés du groupe Total ont, à chaque étape procédurale considéré les sociétés en commandite par actions comme capables d'agir en justice, y compris après avoir été informées de la procédure collective dont a fait l'objet la société Sun'R, et se sont prévalues de la circonstance que ces sociétés étaient dotées de la personnalité morale pour faire courir les voies de recours, minimiser le montant du préjudice invoqué par celles-ci et obtenir la cassation d'un arrêt qui leur était défavorable.

Les circonstances que les sociétés du groupe Total avaient connaissance dès le cours de la première instance de l'existence de la procédure collective de la société Sun'R, qu'elles n'en ont pas tiré les conséquences de droit tant devant le tribunal de commerce, que la cour d'appel, ou encore ont été à l'initiative du pourvoi en cassation contre les sociétés qu'elles estiment aujourd'hui dissoutes, ne suffisent pas à établir une faute des sociétés du groupe Total caractérisée par un manquement à la bonne foi ou un abus de droit.

Si les sociétés du groupe Total ont attendu la saisine de la présente cour sur renvoi après cassation pour soulever le défaut de capacité ou à tout le moins le défaut de droit d'agir de treize sociétés en commandite par actions du groupe Sun'R, il convient de relever qu'elles ne sont pas à l'initiative de la présente instance qui a été introduite par les sociétés du groupe Sun'R et M. N. devant le tribunal de commerce de Paris, qui ont relevé appel du jugement de ce tribunal par déclaration en date du 18 juin 2014 et saisi la cour sur renvoi après cassation par déclaration de saisine du 4 septembre 2018.

Le pourvoi en cassation formé par les sociétés du groupe Total contre l'arrêt de la cour d'appel du 7 janvier 2016 ne démontre pas qu'elles ont pu laisser penser qu'elles avaient reconnu la capacité à agir des sociétés en commandite par actions, étant en outre relevé que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause.

Aucun acte positif ou attitude procédurale des sociétés du groupe Total ne peut donc être considéré comme tendant à faire accroire à leur adversaire qu'elles avaient renoncé à invoquer la perte de la personnalité morale des treize sociétés en commandite par actions en cause, instaurant à cet égard une confiance et une croyance légitime de leur part, et qu'elles se seraient alors contredites à leur détriment.

L'ordonnance déférée est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

- Sur l'autorité absolue de la chose jugée

M. N. et les sociétés du groupe Sun'R estiment que les jugements définitifs du tribunal de commerce de Paris des 21 juillet 2011, 9 juillet 2012, 2 septembre et 7 octobre 2013 ouvrant les procédures collectives au bénéfice de la société Sun'R et de onze SPV (dont neuf sociétés en commandite par actions), arrêtant le plan de redressement de la société Sun'R et les plans de sauvegarde des SPV et ordonnant la clôture des procédures, ont une autorité absolue de chose jugée à laquelle se heurtent les exceptions de nullité et fins de non-recevoir opposées par les sociétés du groupe Total, le tribunal de commerce ayant décidé du maintien de la pleine et entière personnalité morale de l'ensemble des sociétés du groupe Sun'R pour leur permettre la poursuite de leur activité, décision qui s'impose aux demanderesses à l'incident.

Néanmoins, ainsi que le soutiennent avec pertinence les sociétés du groupe Total, les décisions précitées du tribunal de commerce de Paris qui se sont prononcées sur l'ouverture d'une procédure collective au bénéfice de la société Sun'R et de neuf sociétés en commandite par actions, sur l'adoption des plans de redressement de la société Sun'R et de sauvegarde des sociétés en commandite par actions, puis sur la clôture de ces procédures, si elles n'ont pas remis en cause la personnalité juridique des sociétés en commandite par actions objets des procédures, et ont décidé de la continuité de leur activité, n'ont pas statué sur la dissolution de plein droit desdites sociétés à la date du redressement judiciaire de l'associé commandité unique, question dont le tribunal n'était pas saisi.

Or, l'autorité de la chose jugée n'ayant lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif, la fin de non-recevoir fondée sur l'autorité de la chose jugée ne peut être accueillie. L'ordonnance déférée rejetant cette fin de non-recevoir est en conséquence confirmée.

- Sur défaut de pouvoir juridictionnel du président

M. N. et les sociétés du groupe Sun'R soutiennent que pour statuer sur les exceptions de nullité et les fins de non-recevoir soulevées par les sociétés du groupe Sun'R, le président puis la cour saisie de la requête en déféré doivent trancher la question afférente à la dissolution ou non des sociétés en commandite par actions à raison du redressement judiciaire de l'associé commandité qui ne relève pas du pouvoir du président de chambre en application des articles 905 et suivants du code de procédure civile.

Toutefois, le président de la chambre puis la cour sur déféré de l'ordonnance entreprise sont saisis d'exception de nullité d'actes de procédure et de fins de non-recevoir concernant l'appel et la déclaration de saisine sur renvoi après cassation dont le président de chambre et partant la cour saisie sur déféré, a le pouvoir pour connaître en application de l'article 905-2 du code de procédure civile. Le président de chambre a statué uniquement sur ces questions et non sur la dissolution des sociétés en commandite par actions même si à l'occasion de l'examen des exceptions de procédure et fins de non-recevoir, il a examiné les conséquences de l'application de l'article L. 222-11 du code de commerce et notamment la dissolution de plein droit des sociétés en commandite par actions pour apprécier le défaut de capacité à agir des sociétés ou le défaut de pouvoir d'une personne comme représentant une personne morale.

La fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir juridictionnel n'est pas fondée et l'ordonnance déférée est confirmée en ce qu'elle l'a rejetée.

- Sur la prescription

M. N. et les sociétés du groupe Sun'R soutiennent que la société Sun'R ayant été placée en redressement judiciaire par décision du 21 juillet 2011, ce dont avaient connaissance les sociétés du groupe Total en raison de la publication de cette décision au Bodacc, leur action tendant à voir constater la dissolution des sociétés en commandite par actions à raison de la procédure collective dont est l'objet le seul associé commandité est irrecevable car prescrite faute pour elles d'avoir agi dans un délai de cinq années.

Néanmoins, ainsi qu'il a été précédemment relevé le président de la chambre puis la cour ne sont pas saisis par les sociétés du groupe Total d'une action en dissolution des sociétés en commandite par actions mais d'une demande de nullité voire d'irrecevabilité de la déclaration d'appel du 18 juin 2014 faute de capacité à agir des sociétés en commandite par actions ou faute de pouvoir de leur représentant légal et, subsidiairement de la nullité et de l'irrecevabilité de la déclaration de saisine.

Le moyen tiré de la prescription est donc inopérant et l'ordonnance entreprise confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur la nullité de la déclaration d'appel faute de capacité à agir des sociétés en commandite par actions ou faute de pouvoir de leur représentant légal

Les sociétés du groupe Total font valoir sur le fondement de l'article 117 du code de procédure civile que la déclaration d'appel du 18 juin 2014 des treize sociétés en commandite par actions est nulle soit en raison de l'inexistence des personnes morales qui agissent en justice, ces sociétés ayant été dissoutes de plein droit du fait du redressement judiciaire de leur unique associé commandité, soit faute de pouvoir de leur représentant légal, en l'absence de désignation d'un liquidateur.

Selon les dispositions de l'article L. 222-11 du code de commerce, 'En cas de redressement ou de liquidation judiciaires d'un des associés commandités, d'interdiction d'exercer une profession commerciale ou d'incapacité frappant l'un des associés commandités, la société est dissoute, à moins que, s'il existe un ou plusieurs autres associés commandités, la continuation de la société ne soit prévue par les statuts ou que les associés ne la décident à l'unanimité. Dans ce cas, les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 221-16 sont applicables.'

Les sociétés en commandite par actions comportent deux catégories d'associés : les commandités - capables de faire le commerce, indéfiniment responsables des dettes sociales et assimilés à des associés en nom collectif - et les commanditaires - qui se voient interdire toute immixtion dans la gestion sociale, dont la responsabilité est limitée au montant de leur apport et qui sont assimilés à des actionnaires.

Si dans le cas de modification dans la personne des commandités pouvant conduire à la disparition pure et simple de cette catégorie d'associés et partant, priver la société en cours de vie sociale d'un élément constitutif essentiel à son existence qu'est la coexistence de deux catégories d'associés, il est considéré que leur disparition doit conduire à la dissolution de la société, les sociétés du groupe Total ne peuvent être suivies lorsqu'elles soutiennent que cette dissolution est impérative et automatique lorsque l'unique associé commandité fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, les dispositions précitées de l'article L.222-11 du code de commerce ne souffrant aucune ambiguïté.

En effet, ce quand bien même l'article en cause fait usage du présent de l'indicatif, celui-ci contrairement aux dispositions de l'article L. 222-10 du même code et issu de la même loi, qui régit le devenir d'une société en commandite en suite du décès d'un des associés et notamment lorsque l'associé décédé est le seul commandité, ne prévoit pas expressément une dissolution 'de plein droit'. En outre, il convient de relever avec M. N. et les sociétés du groupe Sun'R que l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire n'est pas par principe de nature à conduire à une disparition de l'associé commandité, la procédure de redressement judiciaire étant destinée comme l'a relevé l'ordonnance critiquée 'à permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif'(Article L. 631-1 du code de commerce).

Il ressort en l'espèce, que la société Sun'R, seule associée commanditée de treize sociétés en commandite par actions a été placée en redressement judiciaire le 21 juillet 2011 et que neuf des treize sociétés en commandite par actions ont été placées sous sauvegarde par jugements du même jour. L'associé commandité a bénéficié d'un plan de continuation par décision du 9 juillet 2012, comme un plan de sauvegarde a été arrêté pour les neuf sociétés en commandite par actions à la même date, aucune dissolution des sociétés en commandite par actions n'ayant été envisagée par les organes de la société ou de la procédure collective, les créanciers ou les tiers, le tribunal de commerce ayant au contraire pris en considération la poursuite de leur activité pour apprécier les chances de redressement de leur associé commandité.

Comme retenu en effet par le tribunal de commerce de Paris dans sa décision d'arrêter les plans de redressement de la société Sun'R et de sauvegarde des SPV, la société Sun'R a pour objet de développer des projets de centrales pour le compte des SPV - dont les sociétés en commandite par actions - et pour seuls revenus des commissions facturées aux SPV, son redressement et partant, l'apurement de son passif ne pouvaient être assurés que par le recouvrement des commissions qu'elle détenait sur les SPV, ce qui supposait que ces dernières poursuivent leur activité de production d'électricité et conservent leur personnalité morale.

En conséquence, il ne peut être considéré que les treize sociétés en commandite par action ont été dissoutes de plein droit du fait de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société Sun'R, leur associé commandité unique, et que la déclaration d'appel du 18 juin 2014 est nulle car formée par des sociétés qui n'ont pas capacité à agir car dépourvues de personnalité morale du fait de leur dissolution sans ouverture d'une liquidation, ou pour défaut de pouvoir de leur représentant, faute de désignation d'un liquidateur.

L'ordonnance entreprise est donc confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception de nullité à ce titre soulevée par les sociétés du groupe Total.

Sur l'irrecevabilité de l'appel

Il ressort de ce qui précède que l'irrecevabilité de l'appel du 18 juin 2014 soutenue à titre subsidiaire par les sociétés du groupe Total en raison du défaut de droit d'agir des sociétés en commandite par action dépourvues de capacité d'exercice car dissoutes de plein droit, n'est pas fondée.

L'ordonnance déférée est en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté cette fin de non-recevoir.

Sur la nullité et l'irrecevabilité de la déclaration de saisine sur renvoi après cassation du 4 septembre 2018

Pour les motifs précédemment développés, il ne sera pas fait droit à l'exception de nullité de la déclaration de saisine sur renvoi après cassation soulevée par les société du groupe Total en raison de l'impossibilité pour les sociétés en commandite par actions qui y sont mentionnées de saisir la cour de renvoi alors qu'elle n'ont plus d'existence, ni à la fin de non-recevoir au motif que la société Sun'R infrastructure n'a ni qualité, ni intérêt à agir, celle-ci ne pouvant venir aux droits de huit sociétés en commandite par actions inexistantes et des douze SPV dont deux sociétés en commandites par actions étaient l'associé unique, qu'elle n'a pu absorber.

L'ordonnance entreprise sera également confirmée de ce chef.

Les sociétés du groupe Total qui succombent seront condamnées aux dépens, sans qu'y soient inclus les frais d'huissier nécessaires à la signification et à l'exécution de l'arrêt à intervenir, cette demande n'étant pas justifiée, et à payer à M. N. et à chacune des sociétés du groupe Sun'R la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la société Sunpower Energy Solutions France SAS, la société Total SA, la société Total Solar et la société Total gaz & power actifs industriels à payer à M. Antoine N., à la société Sun'R SAS, à la société Sun'R infrastructure, à la société Sun'R investissement LS et à la société Sun'R investissement NS, chacun, la somme de 5.000 euros,

Rejette toute autre demande,

Condamne in solidum la société Sunpower Energy Solutions France SAS, la société Total SA, la société Total Solar et la société Total gaz & power actifs industriels aux dépens.