CA Nouméa, ch. com., 16 janvier 2023, n° 22/00020
NOUMÉA
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Come Back (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Xivecas
Conseiller :
Mme Magherbi
Avocat :
Me Tehio
Procédure de première instance :
En 2009, la SCA Rougemont a entrepris de réaliser un immeuble de 3 niveaux au [Adresse 3] dont le maître d'oeuvre était la Sarl Nouméa Etudes et Architecture.
Les travaux se sont achevés en juillet 2012, mais divers désordres et malfaçons liées à l'étanchéité du toit et de deux terrasses sont apparus à compter de 2014.
La SCI COME BACK qui détient 89,211 parts dans la SCA Rougemont est propriétaire d'un triplex au sein de la résidence litigieuse.
En octobre 2017, la SCI Rougemont a sollicité en référé la désignation d'un expert qui a conclu à l'engagement de la responsabilité du maître d'oeuvre. Une deuxième expertise ordonnée en référé le 12 septembre 2018 a attesté de désordres sur les douches de la résidence dues à des erreurs et des recommandations non conformes. Lors de la remise en état des douches, de nouveaux désordres sont apparus et une troisième ordonnance de référé a été ordonnée le 05 mars 2021, toujours en cours.
La SCI Holding PHB Patrimoine détient en qualité d'associé de la SCA ROUGEMONT deux appartements F4, deux appartements F 3 et deux locaux commerciaux outre une cave et des parkings.
Le partage de la société entre les associés étant en suspens jusqu'à la dissolution de la SCA Rougemont, elle a sollicité réparation devant le TPI engageant deux actions en indemnisation de son préjudice moral et des troubles de jouissance subis suite aux désordres et malfaçons constatées.
Le 3 août 2020, le tribunal mixte de commerce a placé la Sarl Nouméa Etudes et Architecture en liquidation judiciaire.
Le 13 octobre 2020, la SCI COME BACK a déclaré entre les mains du mandataire judiciaire, la SELARL [C] [C], sa créance au passif de la Sarl Nouméa Etudes et architectures.
Par courrier en date du 3 décembre 2020, le mandataire liquidateur a contesté l'existence de cette créance, la considérant insuffisamment justifiée en son montant et en son principe, puis a saisi par requête le tribunal mixte de commerce afin qu'il soit statué sur cette difficulté.
Par ordonnance en date du 28 février 2022 signifiée le 11 mars 2022, le juge commissaire a rejeté la créance déclarée par la SCI COME BACK au motif qu'elle n'était pas justifiée et que faute de justificatifs, la créance a été rejetée.
Procédure d'appel :
Par requête en date du 14 mars 2022, la SCI COME BACK a relevé appel de cette décision aux fins de réformation.
La SCI COME BACK en ses dernières conclusions récapitulatives déposées le 1er juin 2022, auxquelles il convient de se référer pour de plus amples développements, a indiqué avoir parfaitement justifié sa créance qui a fait l'objet d'évaluations provisoires.
Elle reproche au juge commissaire d'avoir outre passé ses pouvoirs en appréciant l'existence même de sa créance. Il devait selon elle surseoir à statuer dans l'attente de la décision au fond fixant cette créance.
Maître [C] a, en ses écritures déposées le 22 avril 2022, exposé que lorsque le liquidateur conteste la déclaration de créance en invoquant l'absence ou l'insuffisance des justifications à l'appui de celle-ci, il appartient au créancier de verser aux débats, le cas échéant, des pièces complémentaires sans que la cour d'appel soit tenue de l'y inviter. A défaut de production de ces pièces, la requête peut être rejetée par le juge commissaire. En l'espèce, elle a soutenu que la production d'un rapport d'expertise est insuffisante pour justifier du bien fondé et du quantum de l'éventuelle créance.
A titre subsidiaire, et si la décision devait être réformée, elle a demandé à ce qu'il soit jugé que la validité de la créance ne relève pas du pouvoir juridictionnel du juge commissaire et que les parties soient invitées à cet égard à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois conformément aux termes de l'article 107 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008.
Le 28 juin 2022, la clôture est ordonnée et l'affaire fixée à l'audience du 24 octobre 2022.
Sur ce
L'article L 625-25 du code de commerce et l'article 98 de la délibération n°352 du 18 janvier 2008 disposent que la déclaration de créance doit contenir des éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre, les documents justificatifs devant être joints sous bordereau et en original.
En l'espèce, s'il est constant que l'appelante ne dispose d'aucun titre exécutoire à l'appui de sa déclaration de créance, que les conclusions du rapport d'expertise citées à cet égard échouent à établir un principe de créance et un montant précis susceptible d'être produit au passif de la liquidation du débiteur, il n'en demeure pas moins qu'il n'appartenait pas au juge commissaire d'apprécier la validité des pièces produites sauf à risquer d'empiéter sur la compétence du juge de la validité de la créance.
L'ordonnance entreprise sera donc infirmée
PAR CES MOTIFS,
La Cour
INFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du 28 février 2022 et statuant à nouveau,
SE DECLARE incompétent pour en connaître, SURSOIT à statuer sur I ‘admission de la créance de la SCI COME BACK au passif de la Sarl Nouméa Etudes et Architecture dans l'attente de la décision du juge compétent ;
INVITE les parties à saisir le juge compétent dans le délai d'un mois prévu à l'article 107 de la délibération n° 352 du 18 janvier 2008 ;
Condamne la SCI COME BACK aux dépens.