Livv
Décisions

CA Rennes, 2e ch., 5 juillet 2011, n° 10/08034

RENNES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Lesconi (SAS), M. Morel, Milmo (SCI)

Défendeur :

Serga (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Le Guillanton

Conseillers :

Mme Cocchiello, M. Christien

Avoués :

SCP Gauvain Demidoff, SCP Brebion Chaudet

Avocats :

Me Gouache, Me Cressard & Bergerot

CA Rennes n° 10/08034

5 juillet 2011

EXPOSE DU LITIGE

Jean-Marc MOREL et la société par actions simplifiée LESCONI dont il est le gérant ont signé le 11 février 1994 avec la société ITM un contrat d'adhésion pour l'exploitation d'un supermarché 'INTERMARCHÉ', renouvelable par tacite reconduction pour une durée de dix ans et le 9 juillet 2002 un contrat d'enseigne pour dix ans. La société LESCONI est locataire des locaux en vertu d'un contrat de bail conclu le 24 juillet 2002 pour neufs ans renouvelables, arrivant à échéance le 31 août 2011.

La société civile d'attribution (SCA) du CENTRE COMMERCIAL DU LONG COURS dont les statuts sont signés le 12 et 13 juin 2002 a acquis, dans le cadre d'une vente en état futur d'achèvement, les murs de ce supermarché. Le capital de la SCA est composé de 37.063 parts ; la société SERGA en détient 30.580 parts.

La société SERGA et Monsieur MOREL ont eu des discussions sur la vente par la société SERGA de ses parts de la SCA au profit de Monsieur MOREL, de la société LESCONI et de la société civile immobilière MILMO dont Monsieur MOREL est le gérant.

Le 17 octobre 2003, la société SERGA a vendu les murs de l'immobilier de la station-service à la société MILMO.

Le transfert de propriété des parts sociales détenues par la société SERGA au profit des appelants n'a finalement pas eu lieu et Monsieur MOREL a appris que, par assemblée générale du 8 juin 2010, la dissolution de la SCA avait été décidée.

Monsieur MOREL, la société LESCONI et la société MILMO ont saisi le tribunal de commerce de RENNES aux fins d'exécution forcée de la vente qu'ils estiment être intervenue, engageant ainsi une première procédure au fond avec assignation à jour fixe déclarée irrecevable, une seconde procédure au fond avec assignation à jour fixe dont ils se sont désistés pour des raisons procédurales, une troisième procédure au fond avec assignation à jour fixe ; ils ont été déboutés de leurs demandes par jugement du 3 mars 2011, dont ils ont relevé appel.

Ils ont engagé également une action devant le juge des référés pour la préservation de leurs intérêts.

Par ordonnance du 9 novembre 2010, le président du tribunal de commerce de RENNES a :

débouté Monsieur MOREL, la société LESCONI et la société MILMO de leurs demandes,

condamné Monsieur MOREL, la société LESCONI et la société MILMO à payer à la société SERGA la somme de 2000 Euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles,

condamné solidairement Monsieur MOREL, la société LESCONI et la société MILMO aux dépens.

Monsieur MOREL, la société LESCONI et la société MILMO en ont relevé appel.

Par conclusions du 19 mai 2011, auxquelles il est expressément fait référence pour l'exposé complet de leur argumentation, ils demandent à la cour de :

infirmer l'ordonnance,

prononcer le sursis des opérations de liquidation de la SCA du centre commercial du LONG COURS,

condamner la société SERGA à remettre l'ensemble des originaux du procès-verbal de la décision de l'assemblée générale de la SCA en date du 8 juin 2010 sous astreinte de 500 Euros par jour de retard à compter de 'l'ordonnance à intervenir' entre les mains de telle personne qu'il plaira à la cour agissant en qualité de séquestre,

réserver à la juridiction de référé le pouvoir de liquider l'astreinte,

ordonner la mise sous séquestre judiciaire entre les mains de telle personne qu'il plaira à la cour :

de l'ensemble des originaux du procès-verbal de décision de l'assemblée générale de la SCA du 8 juin 2010,

des parts sociales de la SCA ,

et ce jusqu' à ce que la question de l'exécution de la vente par la société SERGA au profit de la société MILMO des 30.580 parts détenues par la société SERGA dans le capital de la SCA soit tranchée, soit amiablement soit judiciairement, de manière définitive,

condamner la société SERGA à leur payer la somme de 5000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

condamner la société SERGA aux dépens et dire que les dépens d'appel seront recouvrés par la société civile professionnelle GAUVAIN DEMIDOFF, avoués avec le bénéfice du recouvrement direct.

Par conclusions du 25 mai 2011 auxquelles il est expressément référence pour l'exposé complet de son argumentation, la société SERGA demande à la cour de :

déclarer irrecevable car nouvelle toute demande faite tendant à interdire toute mesure de dissolution de la SCA ,

débouter les appelants de toutes leurs demandes,

confirmer l'ordonnance critiquée,

les condamner solidairement à lui payer la somme de 5000 Euros au titre des frais irrépétibles,

les condamner solidairement en tous les dépens.

SUR CE

sur la fin de non-recevoir tirée de l'existence d'une demande nouvelle :

Considérant que la société SERGA fait valoir que les appelants demandent à la cour de prononcer une mesure d'interdiction de dissolution, ce que contestent les appelants qui rappellent que leurs demandes en appel sont strictement identiques à celles qu'ils ont faites en première instance,

Considérant que la comparaison des demandes faites par les appelants en première instance et en appel permet de constater que les demandes faites devant la cour sont celles qui avaient été formées devant le premier juge,

Considérant que l'irrecevabilité d'une demande nouvelle n'est pas justifiée,

sur les conditions d'applications de l'article 873 du Code de procédure civile :

Considérant que les appelants exposent que la rencontre des volontés sur la chose et le prix est intervenue de sorte que la vente des parts de la SCA par la société SERGA aux appelants est parfaite, que la décision de dissolution fait peser une menace grave de nature à anéantir les droits des appelants nés de la vente des parts sociales, qu'en effet, la société LESCONI se trouve dans une situation précaire alors que le contrat de bail et le contrat de franchise ont pratiquement les mêmes échéances et peuvent ne pas être renouvelés, et alors qu'il n'existe aucune possibilité de report de la promesse de vente sur l'immobilier commercial, d'autant plus que la société SERGA n'entend pas vendre les locaux donnés à bail ; qu'un préjudice très important en résultera ; qu'il y a lieu de prononcer le sursis aux opérations de liquidation étant rappelé que la société SERGA est le liquidateur, de placer les parts sociales et l'ensemble des originaux des procès-verbal de l'assemblée générale sous séquestre judiciaire,

Considérant que la société SERGA expose que la vente n'a pas eu lieu dans la mesure où les parties ne se sont pas mises d'accord sur les conditions essentielles et déterminantes de la vente, qu'à la suite de la dissolution de la SCA , elle doit devenir propriétaire des lots qu'elle avait en jouissance lorsqu'elle était propriétaire des parts, qu'elle rappelle que la société LESCONI n'est pas, selon les termes des conventions qui les lient dans la situation précaire qu'elle indique, que les conditions de l'article 873 ne sont pas réunies,

Considérant qu'il existe une contestation sérieuse sur la réalité de vente invoquée par les appelants qui ont d'ailleurs été déboutés de leur demandes sur ce point par jugement du tribunal de commerce de RENNES du 11 janvier 2011 dont ils ont interjeté appel, que ce différend ne peut être un obstacle à l’intervention du juge des référés dans les termes de l'article 873 al 1 du Code de procédure civile,

Considérant que la dissolution de la SCA a été décidée en assemblée générale des associés le 10 juin 2010, que les opérations de liquidation ne sont pas achevées ; que le partage qui interviendra à l'issue des opérations de liquidation aura pour effet d'attribuer à la société SERGA la propriété des locaux sur lesquels elle a un droit de jouissance actuellement conféré par la propriété des parts sociales,

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les appelants, la situation juridique de la société LESCONI , titulaire d'un contrat de bail sur les locaux et titulaire d'un contrat d'adhésion et d'enseigne, n'est pas rendue précaire par la dissolution de la SCA , que la possibilité de non renouvellement des conventions a toujours existé ; que la situation de locataire peut même être consolidée par l'application des dispositions de l'article IV de l'exposé du bail qui précise que si le bailleur devient propriétaire des locaux, il conférera au preneur tous les droits qui lui appartiendraient en vertu du décret du 30 septembre 1953,

Considérant toutefois que l'associé a vocation à obtenir lors du partage l'attribution en propriété d'une fraction de l'immeuble sur lequel il détenait un droit de jouissance grâce à la propriété des parts sociales ; que la vente actuellement discutée par les parties a pour objet les parts sociales et non un immeuble ; qu'en cas de partage, l'existence même des parts sociales est en cause ; que rien ne permet de dire que la vente des biens immobiliers dont la société SERGA sera propriétaire peut être ensuite envisagée et avoir lieu, alors que la société SERGA expose dans ses écritures que ' la société LESCONI a tout intérêt à voir la société SERGA devenir propriétaire des locaux donnés à bail afin qu'elle puisse bénéficier d'un bail commercial et d'une propriété commerciale' ; qu'ainsi, les droits des cessionnaires sont en péril imminent,

Considérant que le sursis aux opérations de liquidation de la SCA dans l'attente d'une décision définitive sur la vente des parts de la SCA est la mesure conservatoire qui s'impose,

Considérant en revanche que la remise de pièces sous astreinte, le placement sous séquestre des originaux du procès-verbal de la décision d'assemblée générale et des parts sociales ne sont pas nécessaires, que le sursis aux opérations de liquidation est une mesure suffisante pour conserver les droits des appelants,

Considérant qu'il y a lieu d'allouer aux appelants la somme de 4000 Euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais irrépétibles de premier instance et d'appel, que les entiers dépens seront supportés par la société SERGA,

PAR CES MOTIFS :

La cour

Rejette la demande d'irrecevabilité de la société SERGA,

Infirmant l'ordonnance critiquée,

Prononce le sursis des opérations de liquidation de la SCA du CENTRE COMMERCIAL DU LONG COURS jusqu'à ce qu'il soit tranché définitivement sur la vente des parts de la SCA par la société SERGA à la société civile immobilière MILMO,

Déboute les appelants du surplus de leurs demandes de mesures conservatoires,

Condamne la société SERGA à payer à Monsieur MOREL, à la société MILMO et à la société LESCONI la somme de 4000 Euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Condamne la société SERGA aux entiers dépens qui seront recouvrés, pour ceux d'appel, avec le bénéfice de l'article 699 du Code de procédure civile par la société civile professionnelle GAUVAIN DEMIDOFF, avoués.