CRE, cordis, 8 juillet 2011, n° 131-38-11
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la Société de Production d’Énergies Renouvelables (SOPRODER) à la société Électricité de France (EDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité située sur l’immeuble Dayoub
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Racine
Rapporteur :
M. Laffaille
Avocats :
Me Bachelier, Me Guillaume
Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 11 mars 2011, sous le numéro 131-38-11, présentée par la Société de Production d’Énergies Renouvelables, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Fort-de-France sous le numéro B 479 835 829, dont le siège social est situé, 8, zone de Manhity, 97232 Le Lamentin, représentée par son représentant légal, Monsieur David DOUMITH, gérant, ayant pour avocat, Maître Olivier SCHMITT, De Pardieu Brocas Maffei A.A.R.P.I., 57, avenue d’Iéna, 75773 Paris.
La Société de Production d’Énergies Renouvelables (ci-après désignée « SOPRODER ») a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Electricité de France (ci-après désignée « EDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque situé sur l’immeuble Dayoub à Remire-Montjoly (973).
La société SOPRODER soutient qu’ayant adressé sa demande de convention de raccordement à la société EDF avant le 19 mai 2010, ses droits au maintien des conditions d’achat fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010 se trouvaient cristallisés par le double effet de l’obligation d’achat et des dispositions transitoires de l’arrêté du 31 août 2010.
Elle estime, également, que si les dispositions du décret du 9 décembre 2010 visent le seul mécanisme de la proposition technique et financière, les règles qu’il fixe s’appliquent plus globalement à l’ensemble des dispositifs de demande de raccordement et notamment à celui de demande de convention de raccordement.
La société SOPRODER estime qu’il résulte tant des dispositions du décret du 23 décembre 2006, approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d’électricité, que de la procédure de traitement des demandes de raccordement (référence ERDF-PRO-RES-21E), que la société EDF et tout gestionnaire de réseau de distribution disposent d’un délai de trois mois pour adresser une offre de raccordement au producteur.
Elle ajoute que la société EDF a commis un manquement à ses obligations de gestionnaire de réseau, s’apparentant à refus d’accès au réseau, en lui ayant adressé une convention de raccordement dans un délai supérieur à trois mois.
La société SOPRODER soutient qu’un tel manquement lui cause un préjudice direct et certain en plaçant son projet d’installation de production sous le coup du moratoire mis en place par le décret du 9 décembre 2010 et en la privant du bénéfice des tarifs d’achats fixés par l’arrêté du 12 janvier 2010.
Elle estime qu’aux termes de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 (aujourd’hui article L. 134-19 et suivants du code de l’énergie), la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions s’étend à l’ensemble des différends liés à l’accès aux réseaux sans être limité aux litiges relatifs aux seuls contrats visés expressément par cet article, comme l’a précisé la Commission de régulation de l’énergie dans sa décision du 22 juillet 2004, portant sur un différend qui opposait la société JMF IMMO à la société EDF.
La société SOPRODER considère que le différend qui l’oppose à la société EDF porte bien sur l’accès au réseau dans la mesure où le gestionnaire de réseau n’a pas respecté l’obligation qui lui incombait au titre de sa mission, en communicant, hors des délais impartis, une convention de raccordement.
Elle précise que la Commission de régulation de l’énergie a considéré, dans une décision du 23 octobre 2003, relative à un différend opposant la Société du parc éolien de Montjoyer et la Société du parc éolien de Rochefort-en-Valdaine à la société EDF, que si les textes n’ont institué aucun mécanisme de sanction de la méconnaissance du délai de trois mois imparti au gestionnaires de réseaux pour adressé une offre de raccordement au pétitionnaire, celle-ci constitue un refus d’accès au réseau.
La société SOPRODER demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :
- de constater le manquement commis par la société EDF en raison de l’absence de communication de convention de raccordement dans le délai de trois mois ;
- de dire que la société EDF n’est pas fondée à se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 pour s’opposer à la communication d’une convention de raccordement à la société SOPRODER ;
- de dire que le refus d’accès au réseau public de distribution est fautif ;
Et en conséquence,
- d’enjoindre à la société EDF de lui soumettre une convention de raccordement, dans un délai d’un mois à compter de la date de notification à la société EDF de la décision à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de prendre acte que l’acceptation de cette convention de raccordement par la société SOPRODER doit être réputée donnée à une date antérieure au 2 décembre 2010 ;
- d’enjoindre à la société EDF de réintégrer son projet dans la file d’attente des projets ayant fait l’objet d’une convention de raccordement signée avant le 2 décembre 2010 ;
- de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010 ;
- d’enjoindre à la société EDF de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010 ;
À titre subsidiaire,
- de condamner la société EDF à réparer le préjudice financier subi par la société SOPRODER, constitué des frais qu’elle a engagés pour la réalisation de son installation de production d’électricité et de la perte résultant de l’impossibilité de bénéficier de l’obligation d’achat aux tarifs fixés par l’arrêté du 12 janvier 2010.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 1er juin 2011, présentées par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par son Directeur Juridique France, Monsieur Olivier SACHS, et ayant pour avocats, Maître Emmanuel GUILLAUME et Maître Simon DABOUSSY, cabinet BAKER & McKENZIE SCP, 1, rue Paul Baudry, 75008 Paris.
La société EDF estime que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour connaitre du différend soulevé par la société SOPRODER dès lors que le gestionnaire de réseau a dûment instruit la demande de raccordement et qu’aucun refus de raccordement ne peut être caractérisé en l’espèce.
Elle soutient que la demande de la société SOPRODER vise exclusivement à échapper à l’application de la suspension de l’obligation d’achat prévue par le décret du 9 décembre 2010, dans le seul objectif d’obtenir un contrat d’obligation d’achat aux conditions fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010. Elle observe, ainsi, que la société SOPRODER ne se plaint aucunement des conditions techniques ou financières de raccordement lui ayant été proposées. Elle invoque la décision rendue le 21 janvier 2011 par le comité de règlement des différends et des sanctions dans un différend opposant la société Nicodis à la société ERDF.
La société EDF ajoute que si la Commission de régulation de l’énergie a estimé que le non-respect du délai de trois mois pour la délivrance d’une proposition technique et financière pouvait, sous certaines conditions, être considéré comme un refus de raccordement, tel n’est pas le cas en l’espèce, dès lors que la société SOPRODER s’est vue adresser une proposition de raccordement par la société EDF.
Elle considère que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour caractériser un éventuel préjudice résultant d’agissements considérés comme fautifs de la part du gestionnaire de réseau, au sens de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 (aujourd’hui article L. 134-19 et suivants du code de l’énergie).
La société EDF ajoute que le délai de trois mois pour envoyer une convention de raccordement à un producteur est indicatif et qu’aucune sanction ne s’attache à son non-respect.
Elle indique, également, que les circonstances de fait, notamment l’afflux de demandes de raccordement à la fin du mois d’août 2010, en vertu desquelles la société SOPRODER s’est trouvée soumise aux dispositions du décret du 9 décembre 2010, ne saurait lui permettre de se soustraire à la réglementation issue de ce décret.
La société EDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de rejeter la demande de la société SOPRODER comme non fondée.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 15 juin 2011, présentées par la société SOPRODER.
La société SOPRODER considère que sa demande de règlement de différend a pour objet non pas d’obtenir une injonction de signer un contrat d’achat d’électricité mais de faire reconnaître la carence de la société EDF dans l’exécution de sa mission d’instruction des demandes de raccordement.
Elle indique que sa demande de règlement de différends n’est pas comparable à celle présentée par la société Nicodis, dès lors que cette demande a pour objet essentiel de constater le manquement commis par la société EDF.
La société SOPRODER estime qu’ainsi son différend avec la société EDF entre dans les compétences du comité de règlement des différends et des sanctions.
Elle précise, également, qu’elle ne demande pas au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société EDF de conclure un contrat d’achat avec elle.
La société SOPRODER considère que la circonstance qu’elle ait accepté les conditions techniques et financières du raccordement est sans incidence sur l’existence de la carence reprochée à la société EDF.
Elle estime que l’absence de sanction formelle prévue par les textes ne saurait faire obstacle à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions fasse usage des pouvoirs qui lui ont été conférés par l’article 38 de la loi du 10 février 2000 (aujourd’hui article L. 134-19 et suivants du code de l’énergie) pour reconnaître la matérialité du manquement reproché à la société EDF.
La société SOPRODER soutient que l’afflux de demandes à la fin du mois d’août 2010, dont se prévaut la société EDF, était prévisible et ne saurait justifier le traitement hors délai de sa demande dont la société EDF a accusé réception au 26 mai 2010.
Elle estime que l’article 1147 du code civil vise les seules demandes de condamnation au paiement de dommages-intérêt et ne saurait, donc, s’appliquer aux demandes formulées par la société SOPRODER.
La société SOPRODER persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 27 juin 2011, présentées par la société EDF.
La société EDF considère que la saisine de la société SOPRODER est irrecevable en ce qu’elle concerne un litige relatif à l’obligation d’achat.
Elle estime que la demande de la société SOPRODER a pour seul objet la conclusion d’un contrat d’achat d’électricité aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010, faisant échec à l’application du décret du 9 décembre 2010. Elle soutient que les conclusions de la société SOPRODER et ses observations en réplique visent à obtenir une injonction de signer un contrat d’achat d’électricité.
La société EDF ajoute qu’il n’appartient au comité de règlement des différends et des sanctions ni de constater un manquement de sa part, ni de lui enjoindre de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010.
Elle considère enfin que la société EDF ne saurait être responsable d’un quelconque retard dès lors que l’accroissement des demandes de raccordement relève de la « cause étrangère » et que, par suite, la demande de la société SOPRODER tendant à faire constater par le comité de règlement des différends et des sanctions une faute de la société EDF n’est pas fondée.
La société EDF persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.
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Vu la mesure d’instruction du 30 juin 2011 par laquelle le rapporteur, chargé de l’instruction du dossier, a invité la société SOPRODER à prouver, par tout moyen, qu’elle a bien adressé la convention de raccordement signée en date du 1er décembre 2010 à la société EDF, ainsi que la date à laquelle a été effectué cet envoi.
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Vu la mesure d’instruction du 30 juin 2011 par laquelle le rapporteur a invité la société EDF à produire, tous les éléments attestant que la société SOPRODER a bien adressé la convention de raccordement à la société EDF, ainsi que la date à laquelle a été effectuée cette démarche.
Vu la lettre, enregistrée le 5 juillet 2011, par laquelle la société EDF a produit une copie du courrier de transmission du projet de convention de raccordement du projet Cotmig tamponné à la date du 2 décembre 2010 ainsi que le chèque d’acompte y relatif daté du 2 décembre 2010.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 11 mars 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 131-38-11 ;
Vu la décision du 20 mai 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société SOPRODER.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 8 juillet 2011, en présence de :
Monsieur Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Madame Dominique GUIRIMAND, Madame Sylvie MANDEL et Monsieur Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,
Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché,
Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur et Monsieur Jérémie ASTIER, rapporteur adjoint,
Le représentant de la société SOPRODER, assisté de Maître Emmanuel BACHELIER,
Les représentants de la société EDF, assistés de Maître Emmanuel GUILLAUME.
Après avoir entendu :
- le rapport de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Maître Emmanuel BACHELIER pour la société SOPRODER ; la société SOPRODER persiste dans ses moyens et conclusions ;
- les observations de Maître Emmanuel GUILLAUME pour la société EDF ; la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 8 juillet 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Les faits :
Il ressort des pièces du dossier que la société SOPRODER développe un projet de centrale photovoltaïque intégrée au bâti, pour une puissance de production installée de 48,4 kWc, sur l’immeuble Dayoub situé à Remire-Montjoly (Guyane). La société Electricité de France (EDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.
Le 25 novembre 2009, le Préfet du département de Guyane n’a pas fait opposition à la déclaration préalable déposée, le 1er septembre 2009, par la société Solar Electric Guyane, agissant pour le compte de la société SOPRODER, pour l’installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de l’immeuble Dayoub.
Le 19 mai 2010, la société Solar Electric Guyane a adressé à la direction des Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI) de la société EDF une demande de raccordement au réseau public de distribution pour le projet d’installation de production.
Le 26 mai 2010, la société EDF a informé la société Solar Electric Guyane de la validation des données techniques de sa demande de raccordement et lui a indiqué qu’une convention de raccordement lui serait transmise pour le 24 août 2010.
Le 8 décembre 2010, la société EDF a communiqué à la société Solar Electric Guyane une convention pour le raccordement du projet photovoltaïque sur le réseau public de distribution. La société EDF a, également, rappelé que la société Solar Electric Guyane disposait d’un délai de trois mois pour donner son accord et verser l’acompte d’un montant de 2.205,41 € TTC.
Le 20 décembre 2010, la société Solar Electric Guyane a retourné à la société EDF la convention de raccordement signée, le 14 décembre 2010, accompagnée du chèque du règlement d’acompte.
Le 22 décembre 2010, la société EDF a informé la société Solar Electric Guyane que son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil.
Le 3 janvier 2011, la société EDF a confirmé à la société Solar Electric Guyane, qu’ayant envoyé postérieurement au 1er décembre 2010 la convention de raccordement signée ainsi que le chèque d’acompte, son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010. La société EDF a retourné le chèque d’acompte.
Le 11 janvier 2011, par un courrier daté du 30 décembre 2010, la société Solar Electric Guyane a contesté la décision de la société EDF, compte tenu du retard dans la transmission de la convention de raccordement. La société Solar Electric Guyane a renvoyé à la société EDF le chèque d’acompte.
Le 24 janvier 2011, la société EDF a confirmé à la société Solar Electric Guyane que son projet était concerné par les dispositions du décret du 9 décembre 2010 et a retourné à cette société, une seconde fois, le chèque d’acompte.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n’étaient pas satisfaisantes, la société SOPRODER a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société EDF.
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Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions
La société EDF estime que le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas compétent pour connaitre du différend soulevé par la société SOPRODER en ce que le gestionnaire de réseau a dûment instruit la demande de raccordement, et qu’aucun refus de raccordement ne peut être caractérisé en l’espèce. Elle soutient que la demande de la société SOPRODER vise exclusivement à échapper à l’application de la suspension de l’obligation d’achat prévue par le décret du 9 décembre 2010.
La société SOPRODER considère que sa demande de règlement de différend a pour objet, non pas d’obtenir une injonction de signer un contrat d’achat d’électricité, mais de faire reconnaître la carence de la société EDF dans l’exécution de sa mission d’instruction des demandes de raccordement. Elle estime que son différend avec la société EDF ressortit ainsi à la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions.
Aux termes de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, « le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité […] sur l’accès auxdits réseaux […] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d’accès ou de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des contrats mentionnés aux article L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 […], la saisine du comité est à l’initiative de l’une ou l’autre des parties. […] »
Aux termes de l’article L. 134-20 du même code : « La décision du comité, qui peut être assortie d’astreintes, est motivée et précise les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend […] ».
Il ressort des pièces du dossier que la saisine de la société SOPRODER concerne les modalités de raccordement d’une installation de production au réseau public de distribution.
Dans ces conditions, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour en connaître en vertu des dispositions des articles L. 134-19 et L. 134-20 du code de l’énergie.
Sur le constat du manquement commis par la société EDF en raison de l’absence de communication de la convention de raccordement dans le délai de trois mois
La société SOPRODER soutient qu’il résulte des dispositions du décret du 23 décembre 2006, approuvant le cahier des charges type de concession du réseau public de transport d'électricité, et de la procédure de traitement des demandes de raccordement (référence ERDF-PRO-RES-21E), que la société EDF disposait d’un délai de trois mois pour adresser une offre de raccordement au producteur.
Il est constant que le délai de trois mois n’a pas été respecté en l’espèce.
Toutefois le non-respect de ce délai, si regrettable qu’il soit, ne permet pas de considérer que la société SOPRODER doit être réputée avoir accepté dès l’expiration de ce délai, soit le 24 août 2010, une convention de raccordement qui ne lui a été adressée que le 8 décembre 2010.
Sur les demandes relatives au décret du 9 décembre 2010
La société SOPRODER demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que la société EDF n’est pas fondée à se prévaloir du décret du 9 décembre 2010 pour s’opposer à la communication d’une convention de raccordement à la société SOPRODER.
La solution de cette demande dépendant de l’appréciation de la légalité du décret du 9 décembre 2010, il y a lieu, dans ces circonstances, de réserver une telle demande jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’État, saisi d’un recours en annulation dudit décret.
Il en va de même, par conséquent, des conclusions tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions enjoigne la société EDF de soumettre à la société SOPRODER une convention de raccordement dans un délai d’un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de réintégrer son projet dans la file d’attente des projets ayant fait l’objet d’une convention de raccordement signée avant le 2 décembre 2010.
Sur les demandes relatives au bénéfice de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010
La société SOPRODER demande au comité de règlement des différends et des sanctions de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010 et d’enjoindre à la société EDF d’agir en ce sens.
Il ressort des termes mêmes des dispositions précitées des articles L. 134-19 et L. 134-20 du code de l’énergie qu’un différend n’entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d’attribution, qu’à une double condition, tenant, l’une à la qualité des personnes qu’un différend oppose, l’autre, à l’objet du différend. Il ne suffit donc pas qu’un différend oppose un gestionnaire de réseau à un utilisateur pour que le comité de règlement des différends et des sanctions soit compétent pour le trancher. Il faut également que l’objet du différend corresponde à l’une des catégories limitativement énoncées par la loi.
Tel n’est pas le cas des demandes de la société SOPRODER relatives au bénéfice de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010.
Dans ces conditions, ces demandes ne peuvent qu’être rejetées.
Sur la demande de réparation du préjudice financier subi par la société SOPRODER
La société SOPRODER demande au comité de règlement des différends et des sanctions de condamner la société EDF à réparer le préjudice financier qu’elle subi, constitué des frais engagés pour la réalisation de son installation de production d’électricité et de la perte résultant de l’impossibilité de bénéficier de l’obligation d’achat aux tarifs fixés par l’arrêté du 12 janvier 2010.
Toutefois, il n’appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions, dans le cadre de la compétence que lui donne l’article L. 134-19 et suivants du code de l’énergie en matière de règlement de différends, de condamner une des parties à la réparation d’un préjudice subi du fait de l’inexécution par l’autre partie de ses obligations.
Ainsi, quelle que soit sa portée, cette dernière demande ne peut qu’être rejetée.
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DÉCIDE :
Article 1er. –
Les conclusions de la Société de Production d’Énergies Renouvelables tendant, d’une part à ce qu’elle soit réputée avoir accepté avant le 2 décembre 2010 la convention de raccordement signée le 14 décembre 2010, d’autre part à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions enjoigne à la société Electricité de France de prendre toutes mesures utiles pour mettre la société SOPRODER en mesure de bénéficier de l’obligation d’achat aux conditions tarifaires fixées par l’arrêté du 12 janvier 2010 et enfin à ce que la société Electricité de France soit condamnée à réparer le préjudice financier subi par la Société de Production d’Énergies Renouvelables sont rejetées.
Article 2. – Il est sursis à statuer sur le surplus des demandes de la Société de Production d’Énergies Renouvelables jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’État sur le décret du 9 décembre 2010.
Article 3. – La présente décision sera notifiée à la Société de Production d’Énergies Renouvelables et à la société Electricité de France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.