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Décisions

Cass. crim., 2 avril 2014, n° 13-80.010

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Louvel

Rapporteur :

Mme de la Lance

Avocat général :

M. Valdès Boulouque

Avocats :

SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Colmar, du 7 déc. 2012

7 décembre 2012

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;

" en ce que l'arrêt a infirmé le jugement déféré quant aux divers chefs de prévention pour abus de biens sociaux et a prononcé en conséquence la relaxe totale de la prévenue et, infirmant le jugement déféré en ses dispositions civiles, a débouté la partie civile de ses demandes, fins et conclusions ;

" aux motifs qu'aux termes de l'arrêt attaqué, il est reproché à la prévenue divers abus de biens sociaux commis du 25 mars 2002 au 29 juin 2007 alors qu'elle était gérante de la SARL à associé unique CEGIP, infractions tenant à l'octroi de rémunérations indues sur commissions, sur un avantage de durée de l'assurance chômage passant de 12 mois à 24 mois à l'aide de 2 avenants et enfin à l'ouverture à la charge de la SARL CEGIP d'un compte PEI et d'un compte PERCOI en faveur de la prévenue ; qu'il convient de rappeler que la SARL CEGIP ne disposait que d'un associé unique, la SERS, société d'aménagement et d'équipement de la Région de Strasbourg ; qu'il résulte de très nombreux éléments recueillis au cours de la procédure que la SERS, associé unique, intervenait constamment et fortement dans le fonctionnement de la SARL CEGIP, qui en était dépendante pour bonne part de son activité et de sa gestion, y compris comptable ; qu'en droit les diverses infractions d'abus de biens sociaux reprochées à la prévenue ont fait l'objet d'une première plainte non suivie d'effet, puis d'une plainte avec constitution de partie civile devant le Juge d'Instruction en date du 16 décembre 2008 ; qu'en ce qui concerne les augmentations indues de rémunérations reprochées à la gérante, il est constant et non contesté que la prévenue a présenté à la SERS des états de rémunération, états qui ont été annotés par la SERS en vue de leur rectification dans leur présentation, méthode qui a été poursuivie les années suivantes ; qu'à ces occasions, ainsi que lors des nombreuses vérifications opérées pendant la gestion de la prévenue par le commissaire aux comptes, aucun reproche ne lui a été formulé quant à ses rémunérations, et ce, pendant plusieurs années, avec des contacts constants avec la directrice administrative et financière Mursch M. de la SERS, destinataire des décomptes établis par la prévenue ; qu'il apparaît ainsi que l'élément de mauvaise foi, caractérisé par la dissimulation par la prévenue de ses agissements, est indiscutablement absent en l'espèce alors cependant qu'il est, un élément constitutif de l'infraction d'abus de biens sociaux, la partie civile et la SERS étant en possession de tous les éléments pour une parfaite connaissance de la situation, notamment par la présentation des décomptes mensuels ; que dans ces circonstances, le jugement déféré sera infirmé sur ce chef de prévention et la prévenue relaxée en conséquence, l'élément moral de l'infraction faisant défaut ; que la prévention vise encore un allongement de 12 à 24 mois de la garantie assurance chômage de la mandataire sociale ; qu'il convient à ce sujet de rappeler que la gestion des fiches de paie était assurée par la SERS, fiches sur lesquelles étaient mentionnées les indications concernant cet avantage supérieur à celui initialement fixé par le contrat de gestion ; qu'aucun reproche ou questionnement n'ont été transmis à la prévenue, alors cependant que les avis de prélèvement des montants correspondant à cet avantage accru étaient transmis à la SERS et figuraient nécessairement dans les comptes annuels vérifiés ; que dès lors que sur ce point également l'élément de dissimulation et donc de mauvaise foi fait défaut, la partie civile disposant en continu des éléments d'information transmis par la prévenue ; que le même raisonnement peut être suivi au sujet des avantages PEI et PERCOI, dans la mesure où l'ensemble des salariés de la Sarl CEGIP ont signé la souscription de ces avantages ainsi que la prévenue ellemême ; que cet élément de transparence n'a entraîné de la part des organismes de contrôle aucune observation particulière alors que les bordereaux de retrait étaient soumis tant à la SERS qu'au commissaire aux comptes pendant des années ; que la relaxe de la prévenue s'impose également de ces chefs après infirmation du jugement déféré en proportion ; que sur l'action civile, la partie civile CEGIP EURL fait développer par son conseil des écritures en date des 15 octobre 2012 et 30 octobre 2012, déposées le 2 novembre 2012 par lesquelles elle demande à la Cour d'une part la confirmation du jugement déféré en ses dispositions civiles lui accordant 4 montants à titre de dommages et intérêts, de l'infirmer pour le surplus et de condamner M. X...à lui payer les montants suivants : a) 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral, b) 3 500 euros en application des dispositions de l'article 475-1 du code de procédure pénale, outre les frais et dépens, et, d'autre part, d'écarter les pièces produites par le conseil de la prévenue le 25 octobre 2012, numéros 1 à 12, écritures auxquelles il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des moyens de la partie civile ; que sur ce dernier point, la cour observe que sa décision, en ce qui concerne ses dispositions pénales, ne repose en rien sur lesdites pièces, de sorte qu'il est sans intérêt de les écarter des débats ; que sur l'action civile elle-même, en raison du constat de la prescription de l'action publique sur un point de la prévention et de la relaxe intervenue sur tous les autres au bénéfice de la prévenue, il échet d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles et de débouter la partie civile de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

" alors que la mauvaise foi nécessaire à la réalisation du délit d'abus de biens sociaux requiert que le prévenu ait eu conscience du caractère contraire à l'intérêt de la société de l'acte reproché et non qu'il ait tenté de dissimuler ce dernier ; qu'en jugeant que « l'élément de mauvaise foi, caractérisé par la dissimulation par la prévenue de ses agissements, est indiscutablement absent en l'espèce alors cependant qu'il est un élément constitutif de l'infraction de biens sociaux », dès lors que la SERS, associé unique de la SARL CEGIP, était en possession de tous les éléments pour avoir une parfaite connaissance de la situation, concernant les augmentations indues de rémunération de Mme X..., l'allongement unilatéral de 12 à 24 mois de sa garantie assurance chômage et la souscription à son profit des assurances PERCOI et PEI aux frais de la société CEGIP, sans l'accord de cette dernière, la cour d'appel a méconnu les textes cités " ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Mme X...a été poursuivie, en qualité de gérante de la société Cabinet d'études et de gestion immobilière patrimoniale (CEGIP) dont l'associé unique était la société d'aménagement et d'équipement de la région de Strasbourg (SERS), d'une part, pour avoir perçu des rémunérations indues sur commissions, d'autre part, pour avoir, aux frais de la société, modifié l'assurance chômage souscrite à son profit en allongeant la durée de la garantie et adhéré à deux contrats d'assurance facultatifs ;

Attendu que, pour débouter la société CEGIP de ses demandes après avoir relaxé la prévenue du chef d'abus de biens sociaux, l'arrêt infirmatif attaqué énonce que les états de rémunération et les avis de prélèvement correspondant aux avantages souscrits figuraient sur les comptes et étaient présentés à l'associé unique, la SERS, qui tenait la comptabilité de la société et n'a formulé aucun reproche auprès de Mme X...; que les juges déduisent de cette absence de dissimulation que la mauvaise foi de la prévenue n'est pas caractérisée ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que l'absence de dissimulation est sans effet sur la caractérisation des faits objet de la poursuite et qu'il n'a pas été recherché si l'usage que Mme X...a fait des fonds sociaux, en connaissance de cause et à des fins personnelles, n'était pas constitutif d'une faute civile à l'origine du dommage subi par la société CEGIP, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 du code de commerce, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de base légale ;

" en ce que l'arrêt a infirmé le jugement déféré en ce qu'il a retenu la culpabilité de Mme X...du chef d'abus de biens sociaux concernant une facture de travaux réalisés pour la SCI X...et constaté la prescription de l'action publique en ce qui concerne ce chef de prévention et, infirmant le jugement déféré en ses dispositions civiles, a débouté la partie civile de ses demandes, fins et conclusions ;

" aux motifs qu'aux termes de l'arrêt attaqué, il est en premier lieu reproché à la prévenue d'avoir fait réaliser des travaux par la SARL CEGIP dont elle est gérante dans un appartement sis rue de Mulhouse à Strasbourg, propriété de la SCI X..., pour un montant de 1 122, 21 euros en détournant la facture, qu'elle n'a jamais réglée ; qu'il résulte des éléments de la procédure que les travaux ont été réalisés en janvier 2004 et que le premier acte de poursuite pénale au sujet de cette facture remonte au 16 décembre 2008, après une première plainte de la partie civile du 3 avril 2008 non suivie d'effet de la part du ministère public ; qu'en second lieu, il est constant que la comptabilité de la SARL CEGIP était tenue par la SERS, la facture étant bel et bien établie au su de A... E., ancien gérant de la SARL CEGIP, et salarié de la SERS et détaché par elle à la SARL CEGIP ; que dès lors il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la culpabilité de la prévenue sur ce point et de constater la prescription de l'action publique en ce qui concerne ce chef de prévention ; (¿) que sur l'action civile elle-même, en raison du constat de la prescription de l'action publique sur un point de la prévention et de la relaxe intervenue sur tous les autres au bénéfice de la prévenue, il échet d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions civiles et de débouter la partie civile de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

" alors que la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indûment à la charge de la société, sauf dissimulation, et que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; qu'en jugeant que l'action publique serait prescrite concernant la facture de 1 122, 21 euros payée par la SARL CEGIP pour des travaux réalisés au bénéfice de la SCI X..., aux motifs que « la comptabilité de la SARL CEGIP était tenue par la SERS, la facture étant bel et bien établie au su de A... E., ancien gérant de la SARL CEGIP, et salarié de la SERS et détaché par elle à la SARL CEGIP » (arrêt, p. 3), sans répondre aux conclusions de la société CEGIP exposant que « Mme X...a fait en sorte que cette facture ne soit pas comptabilisée par CEGIP, en retardant l'apposition de sa griffe », ainsi que l'établissaient la facture litigieuse et l'attestation de Mme Y..., gérante de la société CEGIP depuis le 1er octobre 2007, témoignant « avoir pris connaissance du grand livre de l'année 2004, relatif à l'activité « CEGIP second oeuvre » et n'avoir pas trouvé trace de la comptabilisation de la facture n° 04 001S établie le 20 janvier 2004 pour un montant de 1 122, 21 euros, et s'adressant à M. et Mme Z...», la cour d'appel a méconnu les textes et principe énoncés " ;

Vu les articles 593 et 8 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que Mme X...a également été poursuivie pour avoir fait réaliser par la société CEGIP des travaux dans un appartement propriété de la SCI X..., dans laquelle elle avait des intérêts, en détournant la facture correspondante, de sorte que celle-ci n'a jamais été honorée ;

Attendu que, pour dire ces faits atteints par la prescription, l'arrêt retient que les travaux ont été réalisés en janvier 2004, plus de trois ans avant le premier acte de poursuite, et que la comptabilité de la société CEGIP était tenue par la SERS dont le salarié, détaché auprès de cette société, a eu connaissance de l'établissement de la facture ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute ayant consisté à user des biens sociaux contrairement à l'intérêt de la société procédait non de la réalisation des travaux ou de l'établissement de la facture, mais de l'absence d'enregistrement de ce document dans les comptes, ayant permis d'en éviter le paiement, la cour d'appel qui, pour déterminer le point de départ de la prescription, n'a pas recherché la date de présentation des comptes annuels dans lesquels aurait dû figurer la facture litigieuse, n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est de nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Colmar, en date du 7 décembre 2012, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, sur les seuls intérêts civils ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

DIT n'y avoir lieu à application, au profit de Mme X..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Colmar et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.