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Décisions

CRE, cordis, 4 juin 2010, n° 02-38-10

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société JuWi E.N.R. à la société Electricité de France (EDF) relatif au raccordement de son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Racine

Rapporteur :

M. Laffaille

Avocats :

Me Elfassi, Me Guillaume, Me Daboussy

CRE n° 02-38-10

3 juin 2010

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu, la demande de règlement de différend, enregistrée le 14 avril 2010, sous le numéro 02-38-10, présentée par la société JuWi E.N.R., société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Lisieux sous le numéro B 440 947 406, dont le siège social est situé, avenue Marcel Liabastre, ZI Portuaire, 14600 Honfleur, représentée par ses représentants légaux, Monsieur Fred JUNG, cogérant, et Monsieur Matthias WILLENBACHER, cogérant, ayant pour avocat, Maître Paul ELFASSI, cabinet CGR LEGAL, 35, boulevard des Capucines, 75002 Paris.

La société JuWi E.N.R. (ci-après désignée « JUWI ») a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Electricité de France (ci-après désignée « EDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Saint-François en Guadeloupe (97).

La société JUWI soutient qu’en application de l’article 38 de la loi du 10 février 2000, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaître de ce litige, relatif aux dispositions contenues dans la proposition technique et financière pour le raccordement de son installation de production.

Elle considère que la société EDF a appliqué à son projet de façon erronée la procédure de raccordement mise en œuvre par ERDF – s’agissant en particulier de son paragraphe 4.9 – en la contraignant à obtenir une déclaration d’exploiter en préalable de son entrée en file d’attente de raccordement, alors que, selon elle, son projet aurait dû y entrer, en application des dispositions de l’article 4.9 de la procédure, « après l’obtention du titre d’urbanisme » pour le poste de livraison.

La société JUWI soutient que le poste de livraison du projet Espérance de Saint-François constitue un « élément indissociable de l’installation de production d’électricité photovoltaïque » dont l’autorisation d’urbanisme devait lui permettre d’entrer en file d’attente.

Elle affirme que, « pour les projets implantés en métropole, le gestionnaire de réseau de distribution a pu imposer précisément la production, par le demandeur au raccordement, du titre d’urbanisme au titre du document nécessaire pour l’entrée en file d’attente du raccordement des projets photovoltaïques au sol ».

La société JUWI estime, également, que la demande de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), au titre de la procédure d’obtention du récépissé de déclaration d’exploiter, de déclarations relatives aux documents d’urbanisme « corrobore [sa] position ».

Elle considère, en outre, que les dispositions du décret du 19 novembre 2009, relatives aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d’électricité, démontrent que certaines centrales photovoltaïques au sol relevaient déjà de la réglementation d’urbanisme et que, par suite, l’entrée en file d’attente de raccordement doit intervenir à la réception des documents d’urbanisme par le gestionnaire de réseau de distribution.

La société JUWI affirme que la société EDF a manqué à son obligation de traitement transparent et non-discriminatoire en omettant de signaler à l’exposante, par publicité ou préavis, l’évolution de son interprétation de la procédure de raccordement d’ERDF. En effet, la société JUWI affirme que trois précédents projets sont entrés en file d’attente sur le fondement du titre d’urbanisme.

Elle conteste le délai de mise à disposition et le coût mis à sa charge des ouvrages de raccordement annoncés dans la proposition technique et financière transmise par la société EDF SEI, s’agissant en particulier des « travaux d’adaptation de 1.750 mètres d’ouvrages HTA en 240 mm² alu, chiffrés à un montant de 133.553,55 € HT, avec un délai de réalisation stipulé de 10 mois ».

La société JUWI soutient, également, que les contraintes à l’origine des limitations d’injection imposées à son projet et annoncées dans la proposition technique et financière transmise par EDF « préexistent à la demande de raccordement du projet de Saint-François ». Elle en conclut qu’en application des articles 14 et 18 de la loi du 10 février 2000 et de l’article 9a de la directive 2003/54, le « fait pour le producteur de devoir effacer sa production revient à lui refuser au moins partiellement un droit d’accès au réseau, pour des raisons étrangères à l’opération de raccordement ».

Elle estime que la société EDF doit justifier la durée de 7 ans nécessaire au renforcement du réseau et annoncée dans la proposition technique et financière qu’elle a transmise à la société requérante, ainsi que le niveau des limitations d’injections encourues par l’installation dans l’intervalle. Elle considère, également, que la société EDF doit préciser les « durées d’effacement susceptibles d’être imposées au producteur, en distinguant les effacements préventifs et les effacements curatifs ».

La société JUWI considère, également, que la société EDF n’a pas étudié tout les scénarios permettant de réduire ces effacements, notamment par l’installation de dispositifs tels que des automates de délestage.

Finalement, elle considère qu’elle n’a pas à supporter les conséquences d’éventuelles déconnexions « compte tenu du changement d’interprétation erroné opéré par EDF […] quant au titre nécessaire à l’entrée en file d’attente ».

La société JUWI demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :

- constater que la société EDF a manqué à son obligation d’information et de traitement transparent et non-discriminatoire des demandes de raccordement pour le site de Saint-François ;

- constater que la société EDF a fait, pour le projet photovoltaïque de Saint-François, une application irrégulière de la procédure de traitement des demandes de raccordement en exigeant la production d’un titre d’exploitation et non d’un titre d’urbanisme pour l’entrée du projet dans la file d’attente ;

- constater le caractère injustifié des coûts et délais imposés pour la mise à disposition des ouvrages de raccordement ;

- constater le caractère infondé et injustifié des délais de renforcement du réseau et des périodes d’effacement résultant des contraintes sur le réseau HTB et susceptibles d’être imposées au projet de Saint-François ;

- constater, eu égard à l’application irrégulière de la procédure de traitement quant au titre nécessaire à l’entrée en file d’attente, le caractère infondé et injustifié des durées de déconnexion susceptibles d’être imposées au projet Saint-François ;

- constater l’absence de notification de la convention de raccordement dans le délai convenu au terme de la proposition technique et financière en cause.

Par conséquent,

- ordonner à la société EDF de transmettre, sous un délai d’un mois, les éléments permettant à l’exposante d’apprécier quels projets seraient entrés en file d’attente avant le 28 octobre 2008 et avant le 16 janvier 2009 sur la base d’une autorisation d’exploiter, ainsi que les puissances cumulées représentées par ces projets ;

- ordonner à la société EDF de justifier précisément la nécessité des travaux de raccordement visés par la proposition technique et financière, leur caractère strictement imputable au projet considéré, leur coût et la durée nécessaire à leur réalisation ;

- ordonner à la société EDF de communiquer la situation en matière d’effacement résultant de contraintes sur le réseau HTB, en l’absence de prise en compte des projets entrés en file d’attente devant le projet de Saint-François sur fondement du titre d’exploitation ;

- ordonner à la société EDF de supprimer les périodes d’effacement résultant de contraintes sur le réseau HTB et, subsidiairement, de justifier, d’une part, de la durée de réalisation des travaux de renforcement et, d’autre part, des périodes d’indisponibilité susceptibles d’être imposées au projet de Saint-François ;

- ordonner à la société EDF d’étudier une solution palliative par la mise en place d’automates de délestage et, le cas échéant, d’en justifier l’impossibilité ;

- ordonner à la société EDF de communiquer la situation du projet en matière d’heures de déconnexion, en prenant pour hypothèses l’entrée du projet en file d’attente au 29 octobre 2008, date d’obtention de son titre d’urbanisme, et en faisant abstraction des projets entrés sur le fondement du titre d’exploitation, d’une part, avant le 29 octobre 2008 et, d’autre part, entre cette date et le 16 janvier 2009 ;

- ordonner, en toutes hypothèses, à la société EDF de justifier précisément des durées de déconnexion prévues et de s’engager sur ces durées ;

- ordonner à la société EDF de supprimer dans la proposition technique et financière la mention du caractère non indemnisable des pertes liées aux effacements et déconnexion ;

- ordonner à la société EDF de communiquer une convention de raccordement intégrant les modifications demandées.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 3 mai 2010, présentées par la société Electricité de France (EDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro B 552 081 317, dont le siège social est situé 22-30, avenue de Wagram, 75008 Paris, représentée par son Secrétaire Général et Directeur Juridique, Monsieur Alain TCHERNONOG, et ayant pour avocats, Maître Emmanuel GUILLAUME et Maître Simon DABOUSSY, cabinet BAKER & McKENZIE SCP, 1, rue Paul Baudry, 75008 Paris.

La société EDF affirme que la société JUWI ne justifie pas d’un « mandat l’habilitant à saisir le CoRDiS d’un différend qui oppose, en droit, la SNC PV l’Espérance au gestionnaire de réseau public de distribution en Guadeloupe ».

Elle indique que « sous réserve de quelques aménagements », la société EDF applique dans les régions insulaires, pour le raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux HTA et BT, l’ensemble du référentiel technique de la société ERDF.

La société EDF soutient que « lorsque la réalisation d’une installation de production ne nécessite pas d’autorisation d’urbanisme, il appartient au producteur de remettre au gestionnaire du réseau de distribution une copie du récépissé de déclaration d’exploitation ou une copie de l’autorisation d’exploitation ».

Elle indique que, avant l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009, les « centrales photovoltaïques au sol n’étaient pas soumises à permis de construire ou à déclaration préalable au titre du Code de l’urbanisme […] dès lors que leur hauteur au-dessus du sol était inférieure à douze mètres et qu’elles n’avaient pas pour effet de créer de surface de plancher ». Elle soutient avoir en conséquence « toujours exigé des producteurs ou de leur mandataire, pour ce type d’installations, qu’ils fournissent une copie du récépissé de déclaration d’exploitation ou une copie de l’autorisation d’exploitation pour que leur projet de centrale photovoltaïque au sol puisse entrer en file d’attente ». Elle soutient que cette « situation juridique [était] clairement connue de tous » et indique en avoir informé la société JUWI et n’avoir « pas varié dans sa position ». Dans ces conditions, elle estime avoir « fait une application conforme à la procédure de traitement des demandes de raccordement » s’agissant du projet de la requérante.

La société EDF soutient que le « poste de raccordement ne fait pas partie de l’installation de production » et conteste, donc, que le document d’urbanisme autorisant sa construction permette d’entrer en file d’attente. Elle indique qu’en l’absence de document d’urbanisme, ce sont les « documents délivrés en application du décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000 qui doivent être adressés à EDF-SEI ».

Elle considère que l’interprétation de la procédure de traitement des demandes de raccordement « retenue par l’une des agences régionales d’ERDF […] n’engage pas EDF-SEI et inversement » et en conclut que la requérante ne peut se prévaloir de la position d’ERDF pour des projets situés en métropole continentale.

De même, la société EDF considère que la demande de documents d’urbanisme dans le cadre de l’obtention de l’autorisation d’exploiter « ne saurait en rien démontrer qu’EDF-SEI aurait dû faire entrer le projet Espérance de Saint-François en file d’attente à compter de la réception du document d’urbanisme que lui a transmis la société JUWI ».

La société EDF réfute la lecture que la société JUWI fait de l’article 9 du décret du 19 novembre 2009. Elle estime que ces dispositions ne visent pas des installations de production photovoltaïque soumises précédemment aux règles d’urbanisme, mais « permet d’exonérer de cette nouvelle réglementation des projets relativement avancés à [sa] date d’entrée en vigueur ».

Elle indique que l’entrée en file d’attente de trois projets photovoltaïques, La Gavaudière, Mon Repos et Grand Café, de la société JUWI sur le fondement de documents d’urbanisme « relève d’une erreur [de ses] services ».

La société EDF estime infondée la demande de JUWI de lui communiquer la situation de la file d’attente hors prise en compte des projets entrés sur le fondement du titre d’exploitation, dans la mesure où l’autorisation d’exploiter permettait l’entrée en file d’attente pour les projets photovoltaïques au sol.

Elle considère que le coût et le délai de raccordement annoncés dans la proposition technique et financière communiquée à la société JUWI résultent de la solution de raccordement de référence qui é été définie lors de l’étude de raccordement. En particulier, pour ce qui concerne les travaux d’adaptation du tronçon HTA de 1.750 mètres, l’étude de raccordement « démontre sans ambiguïté qu’avant raccordement de l’installation de production, le tronçon n’est pas en contrainte (238 A pour 284 A) et qu’après raccordement, le tronçon passe en contrainte de transit (298 A pour 284 A) ».

La société EDF indique que l’éventualité de limitations d’injection dépend de la réalisation d’autres projets en file d’attente de raccordement. Dans ces conditions, elle estime ne pas pouvoir « anticiper les développements nécessaires à la levée de contraintes potentielles HTB, dans la mesure où seule une partie de ces projets se concrétisera ». Elle considère que l’apurement à venir de la file d’attente et l’élaboration des schémas régionaux des énergies renouvelables instaurés par la loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, font porter des « incertitudes trop nombreuses pour que le gestionnaire du réseau de distribution envisage un renforcement du réseau HTB ».

Elle affirme ne pas être « en mesure de renseigner davantage la société exposante [sur le délai de renforcement du réseau HTB] dans la mesure où la nature des mesures de renforcement ne peut pas encore être déterminée en raison des très fortes incertitudes qui pèsent sur le développement des énergies renouvelables dans le secteur concerné ».

La société EDF affirme n’être pas non plus en mesure de transmettre à la société JUWI d’évaluation des heures d’effacement, ni, par voie de conséquence, d’études de scénarios alternatifs de raccordement, mettant en œuvre, notamment, des automates de délestage.

Elle ajoute qu’elle « ne saurait être tenu[e] d’indemniser les producteurs raccordés à son réseau en raison des indisponibilités liées au seuil de 30 % ».

La société EDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de rejeter la demande de la société JUWI comme non fondée.

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Vu les observations en réplique, enregistrées le 18 mai 2010, présentées par la société JUWI.

La société JUWI indique qu’en application de l’article L.210-6 du code de commerce, les fondateurs de la SNC PV l’Espérance sont « légalement admis à former tous actes au nom et pour compte » de cette société en cours de constitution.

Elle soutient qu’un projet de centrale photovoltaïque au sol comprend plusieurs constructions et ouvrages qui ne peuvent être dissociés et nécessairement des panneaux solaires et des postes électriques, ces derniers étant soumis à une formalité d’urbanisme.

La société JUWI indique que les postes électriques nécessaires à la production d’électricité et à son injection sur le réseau sont indissociables des panneaux solaires.

Elle soutient que la société EDF n’a jamais demandé, pour son projet photovoltaïque, la production d’une copie de la déclaration préalable et que le recours déposé a été rejeté par le Tribunal administratif par ordonnance en date du 25 août 2009.

La société JUWI persiste dans ses précédentes conclusions.

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Vu les observations en duplique, enregistrées le 28 mai 2010, présentées par la société EDF.

La société EDF soutient que la société JUWI n’apporte pas la preuve que la SNC PV l’Espérance serait en cours de constitution ni qu’elle en serait l’un des « fondateurs ».

Elle indique que les « centrales photovoltaïques au sol n’étaient pas visées par le Code de l’urbanisme avant l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 » et que la requérante « n’apporte aucun argument juridique » au soutien de la définition qu’elle défend de l’installation de production.

La société EDF soutient que la « procédure de traitement en cause » s’applique exclusivement aux installations de production d’électricité. Or, EDF considère que le poste de raccordement « n’est pas un composant de l’installation de production d’électricité » et qu’il s’agit d’« un ouvrage de raccordement » qui n’est pas nécessaire pour produire de l’électricité. EDF en déduit que le projet porté par la société JUWI ne pouvait pas être placé en file d’attente de raccordement à la réception du récépissé de dépôt de déclaration préalable qui concernait le poste de raccordement.

Elle indique que le « projet porté par la société JUWI ne saurait en tout état de cause prétendre entrer en file d’attente sur le fondement du récépissé de dépôt de déclaration préalable » dès lors que l’article 4.9 de la procédure de traitement alors en vigueur demandait pour l’entrée en file d’attente des installations soumises à déclaration de travaux la transmission d’une copie de cette déclaration.

La société EDF persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.

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Vu la mesure d’instruction du 31 mai 2010 par laquelle le rapporteur, chargé de l’instruction du dossier, a demandé à la société JUWI de lui communiquer un extrait de Kbis  de la société en relation avec Electricité de France lors de la demande d’étude de faisabilité, puis d’étude détaillée en 2008 et, sil ne s’agit pas de la même société, un extrait Kbis de la société ayant introduit la demande de règlement du différend, d’une part, et la copie de la déclaration de travaux relative aux ouvrages électriques pour le projet d’installation photovoltaïque de Saint-François, d’autre part ;

Vu la lettre, enregistrée le 2 juin 2010, par laquelle la société JUWI a communiqué un extrait Kbis la concernant, la copie de déclaration de travaux faite le 28 septembre 2008 et la copie d’un procès verbal d’huissier en date du 24 mars 2009, constatant l’affichage de la déclaration de travaux.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée, relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, notamment son article 38 ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 15 avril 2010 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et de rapporteurs adjoints pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 02-38-10 ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 pris pour l’application de l'ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005, relative au permis de construire et aux autorisations d’urbanisme ;

Vu le décret n° 2007-1280 du 28 août 2007, relatif à la consistance des ouvrages de branchement et d’extension des raccordements aux réseaux publics d’électricité ;

Vu l’arrêté du 23 avril 2008, relatif aux prescriptions techniques de conception et de fonctionnement pour le raccordement à un réseau public de distribution d’électricité en basse tension ou en moyenne tension d’une installation de production d’énergie électrique ;

Vu la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 11 juin 2009, portant décision sur les règles d’élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité et le suivi de leur mise en œuvre.

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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 4 juin 2010, en présence de :

Monsieur Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Madame Dominique GUIRIMAND, Madame Sylvie MANDEL et Monsieur Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,

Madame Christine LE BIHAN-GRAF, directeur général, Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique,

Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur et Monsieur Mathieu CACCIALI et Monsieur Nicolas STAKOWSKI, rapporteurs adjoints,

Le représentant de la société JUWI, Maître Paul ELFASSI,

Les représentants de la société EDF, assistés de Maître Emmanuel GUILLAUME et de Maître Simon DABOUSSY.

Après avoir entendu :

- les rapports de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Maître Paul ELFASSI, pour la société JUWI : la société JUWI persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Maître Emmanuel GUILLAUME, pour la société EDF ; la société EDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 4 juin 2010, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés.

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Les faits : 

Il ressort des pièces du dossier que la société JUWI développe, pour le compte de la SNC PV l’Espérance un projet de centrale photovoltaïque au sol, pour une puissance de production installée de 2,085 MW, situé sur le territoire de la commune de Saint-François (Guadeloupe). Electricité de France (EDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.

Le 20 mai 2008, la société JUWI a demandé à la direction des Systèmes Énergétiques Insulaires (SEI) de la société EDF, des études de faisabilité pour le raccordement au réseau public de distribution d’électricité de trois projets photovoltaïques, d’une puissance unitaire de 1 MW, 2 MW et 3 MW.

Le 2 juillet 2008, la société EDF a communiqué à la société JUWI les résultats des études de faisabilité. L’étude pour le raccordement d’un site de production d’une puissance de 1,5 MW mentionnait une puissance cumulée en file d’attente de 0,138 MW et ne faisait apparaître aucune contrainte sur le réseau HTB.

Le 11 décembre 2008, la société JUWI a demandé à la société EDF une étude détaillée pour le raccordement de son projet au réseau public de distribution d’électricité, pour une puissance de 2,085 MW.

Un « récépissé de dépôt d’une déclaration préalable à des travaux ou aménagements non soumis à permis » délivré par la Mairie de Saint-François était joint à cette demande.

Le 18 décembre 2008, la société EDF a accusé réception de cette demande d’étude et a indiqué que le projet ne pouvait être « enregistré dans la file d’attente » dès lors que manquait le courrier de la Direction    de la demande et des marchés énergétiques (DIDEME) accusant réception de la demande de l’autorisation d’exploiter.

Le 13 janvier 2009, la société JUWI a demandé à la société EDF une proposition technique et financière, en lieu et place de l’étude détaillée, pour son projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Saint-François. Cette demande était accompagnée du récépissé de la déclaration relatif à l’autorisation d’exploiter délivrée par la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Le 29 janvier 2009, la société EDF a accusé réception de cette demande.

Le 13 mai 2009, la société JUWI a transmis une nouvelle fois à la société EDF le « récépissé de dépôt d’une déclaration préalable à des travaux ou aménagements non soumis à permis » accompagné d’un certificat de non recours délivré par le Tribunal administratif de Basse-Terre.

Le 19 mai 2009, la société EDF a communiqué à la société JUWI une proposition technique et financière pour le raccordement du projet photovoltaïque « Centrale PV de l’Espérance » sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine en HTA de 1.800 mètres, raccordée sur le départ « Desvarieux » du poste source « Saint-François ».

Cette proposition technique et financière évalue le montant des travaux de raccordement à 307.314,66 € HT et prévoit une durée de 10 mois pour leur réalisation. La société EDF a indiqué :

- que le renforcement de 1.750 mètres de réseau souterrain existant en HTA était nécessaire ;

- que des limitations de production, estimées de façon « déterministe », à environ 900 heures par an étaient nécessaires pour ne pas dépasser le seuil de 30 % prévu à l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008[1] ;

- que des travaux de renforcement du réseau 63 kV étaient indispensables pour que l’installation de production puisse fonctionner à tout moment à sa puissance maximale ;

- que la puissance cumulée des projets existants dans la file d’attente était de 29,393 MW.

Le 20 août 2009, la société JUWI a signé, avec réserves, la proposition technique et financière transmise par la société EDF et a versé l’acompte demandé, le 19 mai 2009. Dans ses réserves, elle indique que le « revirement de doctrine opéré par EDF […] quant au titre nécessaire à l’entrée dans la file d’attente des projets photovoltaïques […] l’a conduite à retarder sa demande de PTF et, par suite, le raccordement de son projet au réseau », qu’en conséquence « elle doit supporter des coûts et des délais importants qui lui paraissent […] injustifiés » et demande « que lui soient communiqués un certain nombre d’éléments indispensables à l’appréciation de la solution de raccordement objet de la PTF ».

Le 21 septembre 2009, la société EDF a indiqué à la société JUWI que les installations de production photovoltaïques au sol n’étaient pas soumises à l’obtention d’un titre d’urbanisme et qu’elle avait appliqué les principes de l’article 4.9 de la procédure de traitement des demandes de raccordement.

Le 27 janvier 2010, la société EDF a demandé à la société JUWI la fourniture du document d’urbanisme pour les installations de production relatives à six projets photovoltaïques, dont celui de la SNC PV l’Espérance, conformément à l’avenant à la procédure de traitement des demandes de raccordement modifié à la suite de l’entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009.

Estimant que la solution de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n’était pas satisfaisante, la société JUWI a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société EDF.

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Sur la recevabilité de la demande de la société JUWI

La société EDF soutient que la saisine est irrecevable dans la mesure où la société JUWI agirait pour le compte de la SNC PV l’Espérance sans produire de mandat.

Il ressort des pièces du dossier que la demande de raccordement, ainsi que la déclaration d’exploiter, ont été effectuées par la société JUWI qui a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions.

La société EDF n’est, donc, pas fondée à contester la recevabilité de la saisine et l’intérêt à agir de la société JUWI.

Sur le raccordement du projet photovoltaïque de Saint-François au réseau public de distribution d’électricité

Sur les conditions d’entrée en file d’attente de l’installation de production photovoltaïque de la société JUWI 

La société JUWI demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater qu’en exigeant la production d’un titre d’exploitation et non d’un titre d’urbanisme pour l’entrée de son projet dans la file d’attente du raccordement, la société EDF a fait une application irrégulière de sa procédure de traitement des demandes de raccordement.

Aux termes de l’article 4.9 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution de la société ERDF, appliquée par la direction des Systèmes Énergétiques Insulaires de la société EDF pour les installations de production, la date d’entrée en file d’attente est fixée à la date de réception par EDF de la « fourniture par le producteur d’un des documents suivants […] :

- pour les installations soumises à permis de construire, une copie de la décision accordant le permis de construire (notamment le cas des projets éoliens de hauteur supérieure à 12 mètres) spécifiée à l’article R.421-29 du code de l’urbanisme, ou de l’attestation prévue par l’article R.421-31 du même code ;

- pour les installations soumises à la déclaration de travaux, une copie de la déclaration de travaux ou de la mention de notification de prescriptions comme indiqué à l’article R.422-10 du code de l’urbanisme […] ;

- pour les installations ne relevant d’aucun des cas ci-dessus, une copie du récépissé de déclaration d’exploitation ou une copie de l’autorisation d’exploitation, documents délivrés dans les conditions prévues par le décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000, […] ».

En application de l’article R.421-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur issue du décret du 5 janvier 2007, les « construction nouvelles dont la hauteur au-dessus du sol est inférieure à douze mètres et qui n’ont pas pour effet de créer de surface de plancher ou qui ont pour effet de créer une surface hors œuvre brute inférieure ou égale à deux mètres carrés » sont dispensées de toute formalité au titre du code.

En l’espèce, à la date à laquelle la société JUWI a demandé à la société EDF de lui transmettre une étude détaillée, soit le 11 décembre 2008, l’installation de panneaux photovoltaïques proprement dite n’était soumise à aucune formalité particulière au titre du code de l’urbanisme.

Toutefois, l’article R.421-9 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue du décret du 5 janvier 2007, dispose que les « constructions ayant pour effet de créer une surface hors œuvre brute supérieure à deux mètres carrés et inférieure ou égale à vingt mètres carrés » doivent être précédées d’une déclaration préalable de travaux.

Il en résulte que la construction d’un poste de livraison d’une surface hors œuvre brute supérieure à 2 m2 et inférieure ou égale à 20 m2, était, donc, soumise à déclaration préalable de travaux ou d’aménagements.

Or, une installation de production d’électricité à partir de l’énergie solaire, qui a vocation à injecter de l’électricité sur un réseau public de distribution, est techniquement constituée non seulement de panneaux photovoltaïques mais également d’autres constructions ou installations électriques qui, pour certaines, comme les postes de livraison, requièrent une autorisation d’urbanisme.

Contrairement à ce que soutient la société EDF dans son mémoire en duplique, le poste de livraison, propriété du client, ne fait pas partie des « ouvrages de raccordement » limitativement énumérés à l’article 2 du décret du 28 août 2007 pris sur le fondement de l’article 23-1 de la loi du 10 février 2000, et qui relèvent des réseaux publics de transport et de distribution.

En application de l’article 4.9 de la procédure précitée, le projet d’installation de production photovoltaïque de la société JUWI pouvait entrer en file d’attente dès lors qu’était produite, pour son poste électrique, une « copie de la déclaration de travaux ou de la mention de notification de prescriptions ».

Il ressort des pièces du dossier que la société JUWI a accompagné sa demande d’étude détaillée d’un « récépissé de dépôt d’une déclaration préalable » à des travaux ou aménagements non soumis à permis de construire pour son poste électrique.

La société EDF n’a  contesté ni que la déclaration de travaux pour le poste de livraison a été effectuée le 28 septembre 2008 ni que le récépissé joint par la société JUWI à sa demande correspondait à cette déclaration et s’est bornée à réclamer, le 18 décembre 2008, pour l’entrée en file d’attente du projet de la société JUWI le « courrier de la DIDEME accusant la réception de la demande de l’autorisation d’exploiter ».

En demandant une copie du récépissé de déclaration d’exploitation, la société EDF a méconnu sa propre procédure de traitement des demandes de raccordement et retardé l’entrée en file d’attente du projet photovoltaïque de la société JUWI.

Dans ces conditions, le projet d’installation de production photovoltaïque de la société JUWI doit être regardé comme étant entré en file d’attente à la date à laquelle la société EDF a accusé réception de la demande d’étude détaillée à laquelle était joint le récépissé de dépôt de la déclaration préalable relative au poste de livraison, soit le 18 décembre 2008.

Dans la mesure où, plusieurs projets de production sont entrés en file d’attente avant le 29 janvier 2009, date à laquelle la société EDF a accepté d’insérer le projet de la société JUWI dans la file d’attente, le comité de règlement des différends et des sanctions ne saurait imposer à la société EDF de remettre en cause les engagements pris auprès de ces producteurs qui ne sont pas présents à la cause.

En revanche, la société JUWI ne saurait voir mis à sa charge les coûts de renforcement du réseau de distribution ainsi que les effacements qui résultent de ce que son projet a été classé en file d’attente le 29 janvier 2009, et non le 18 décembre 2008.

Il appartient à la société EDF de justifier au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie la bonne exécution de ce qui précède.

Sur le caractère injustifié des coûts et délais imposés pour la mise à disposition des ouvrages de raccordement 

La société JUWI demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le caractère injustifié des coûts et délais imposés pour la mise à disposition des ouvrages de raccordement. Elle considère injustifié le principe des travaux dits d’adaptation de 1.750 mètres d’ouvrages en HTA en 240 mm2 alu, chiffrés à un montant de 133.553,55 € HT, avec un délai de réalisation stipulé de 10 mois.

Aux termes de l’article 18 de la loi du 10 février 2000, lorsque l’« extension est destinée au raccordement d’un producteur d’électricité, le demandeur du raccordement est le débiteur de la part relative à l’extension de [la] contribution [due pour le raccordement] ».

Aux termes de l’article 2 du décret du 28 août 2007, l’« extension est constituée des ouvrages, nouvellement créés ou créés en remplacement d’ouvrages existants dans le domaine de tension de raccordement […] qui, à leur création, concourent à l’alimentation des installations du demandeur ou à l’évacuation de l’électricité produite par celles-ci, énumérés ci-dessous : […]

- canalisations électriques souterraines ou aériennes, au niveau de tension de raccordement, nouvellement créées ou créées en remplacement, en parallèle d’une liaison existante ou en coupure sur une liaison existante, ainsi que leurs équipements terminaux lorsque ces canalisations relient le site du demandeur du raccordement au(x) poste(s) de transformation vers un domaine de tension supérieur au domaine de tension de raccordement le(s) plus proche(s) ».

Il résulte de ces dispositions qu’un producteur est débiteur de la part relative aux ouvrages d’extension des réseaux nouvellement créés ou créés en remplacement d’ouvrages existant dans le domaine de tension de raccordement.

Il ressort de l’étude technique réalisée par la société EDF, communiquée à la société JUWI le 21 septembre 2009, que le raccordement de la nouvelle installation de production de cette dernière « risque de provoquer des contraintes thermiques et/ou de tension sur le réseau de distribution » et qu’il était nécessaire d’adapter 1.718 mètres de réseaux HTA. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société JUWI, les coûts sont justifiés.

En revanche, il appartiendra à la société EDF d’évaluer les éventuels coûts d’adaptation des réseaux HTA que la société JUWI aurait dû supporter si son projet photovoltaïque de Saint-François était entré en file d’attente à la date du 18 décembre 2008.

Sur le caractère infondé et injustifié des délais de renforcement du réseau HTB et des périodes d’effacement 

La société JUWI demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater le caractère infondé et injustifié des délais de renforcement du réseau et des périodes d’effacement résultant des contraintes sur le réseau HTB et susceptibles d’être imposées à son projet et de les supprimer.

Aux termes de l’article 18 de la loi du 10 février 2000, le « gestionnaire du réseau public de distribution est responsable [dans sa zone de desserte exclusive] de l’exploitation et de l’entretien du réseau public de distribution d’électricité. […] il est responsable de son développement afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs, ainsi que l’interconnexion avec d’autres réseaux ».

Aux termes du I de l’article 19 de la loi du 10 février 2000, le « gestionnaire de réseau public de distribution veille, à tout instant, à l’équilibre des flux d’électricité, à l’efficacité, à la sécurité et à la sûreté et du réseau qu’il exploite, compte tenu des contraintes techniques pesant sur ce dernier ».

Compte tenu des termes de la loi, la société EDF est en droit d’imposer des effacements à titre préventif dans des conditions transparentes et non-discriminatoires.

Il ressort des pièces du dossier, que le principe même de la réalisation des travaux de renforcement du réseau HTB, pour permettre au site de production photovoltaïque de Saint-François d’injecter sa puissance maximale à tout moment de l’année, n’est pas arrêté.

Dès lors, en se contentant d’indiquer qu’il n’est pas possible d’anticiper les développements du réseau HTB nécessaires à la levée des contraintes en raison des très fortes incertitudes qui pèsent sur le développement des énergies renouvelables et qu’une « méthode d’estimation des heure d’effacement » était à l’étude, la société EDF n’a pas apporté les éléments permettant de justifier les délais de  renforcement du réseau HTB et la durée des périodes d’effacement. La société JUWI est, donc, fondée à demander la communication de la situation en matière d’effacement résultant de contraintes sur le réseau HTB.

Il y a lieu, dans ces conditions, pour le comité de règlement des différends et des sanctions, d’inviter la société EDF à communiquer à la société JUWI, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, les éléments permettant de justifier de manière précise et circonstanciée les délais de renforcement des ouvrages du réseau HTB et la durée des périodes d’effacement nécessités par l’entrée en file d’attente du projet photovoltaïque de Saint-François à la date du 18 décembre 2008.

Sur le refus de la société EDF d’étudier la mise en place d’automates de délestage 

La société JUWI demande au comité de règlement des différends et des sanctions d’ordonner à la société EDF d’étudier une solution palliative par la mise en place d’automates de délestage et, le cas échéant, d’en justifier l’impossibilité.

En l’espèce, la société EDF se contente d’indiquer que la « faisabilité d’une mise en place d’automatismes particuliers ne saurait être étudiée avant même que leur intérêt au regard de l’ampleur des effacements ait été démontré ».

Contrairement à son obligation de transparence, sus-évoquée, dans le traitement d’une demande de raccordement, la société EDF n’a pas apporté les éléments permettant de justifier l’impossibilité d’y recourir.

Il y a lieu, dans ces conditions, pour le comité de règlement des différends et des sanctions, d’inviter la société EDF à communiquer à la société JUWI, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, l’étude permettant d’apprécier l’utilité de la mise en place d’automates de délestage en liaison avec le classement en file d’attente du projet photovoltaïque de Saint-François à la date du 18 décembre 2008.

Sur le caractère infondé et injustifié des durées de déconnexion susceptibles d’être imposées au projet photovoltaïque de Saint-François 

La société JUWI demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater, eu égard à l’application irrégulière de la procédure de traitement quant au titre nécessaire à l’entrée en file d’attente, le caractère infondé et injustifié des durées de déconnexion susceptibles d’être imposées à son projet photovoltaïque.

Aux termes de l’article 22 de l’arrêté du 23 avril 2008, « toute installation de production [dont la puissance Pmax est supérieure ou égale à 100 kVA] et mettant en œuvre de l’énergie fatale à caractère aléatoire telles les fermes éoliennes et les installations photovoltaïques peut être déconnectée du réseau public de distribution d’électricité à la demande du gestionnaire de ce réseau lorsque ce dernier constate que la somme des puissances actives injectées par de telles installations atteint 30 % de la puissance active totale transitant sur le réseau ».

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société JUWI, les déconnexions sont justifiées dans leur principe.

Toutefois, la société EDF a estimé une durée de déconnexion à environ 940 heures par an pour le projet photovoltaïque de Saint-François à la date du 29 janvier 2009. Or, ainsi qu’il a été dit, le projet d’installation de production photovoltaïque de la société JUWI doit être regardé comme étant entré en file d’attente le 18 décembre 2008.

Dès lors, il appartiendra à la société EDF d’évaluer la durée maximale de déconnexion susceptible d’être imposée à la société JUWI en se fondant sur la date du 18 décembre 2008. 

Sur l’absence de notification de la convention de raccordement dans le délai convenu dans la proposition technique et financière 

La société JUWI demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater l’absence de notification de la convention de raccordement dans le délai convenu au terme de la proposition technique et financière en cause.

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, la société EDF devra transmettre à la société JUWI, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une convention de raccordement conforme aux principes énoncés dans la présente décision.

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DÉCIDE : 

Article 1er. – La société Electricité de France traitera le projet d’installation de production photovoltaïque de la société JuWi E.N.R. comme étant entré en file d’attente le 18 décembre 2008.

Article 2. – La société Electricité de France adressera à la société JuWi E.N.R. dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision et en se fondant sur la date du 18 décembre 2008 pour l’entrée en file d’attente du projet photovoltaïque de SaintFrançois :

- l’évaluation des éventuels coûts d’adaptation des réseaux HTA que la société JuWi E.N.R. devrait supporter ;

 - les éléments permettant de justifier de manière précise et circonstanciée les délais de renforcement des ouvrages du réseau HTB et la durée des périodes d’effacement ;

- l’étude permettant d’apprécier l’utilité de la mise en place d’automates de délestage ;

- l’évaluation de la durée maximale de déconnexion.

Article 3. – La société Electricité de France adressera à la société JuWi E.N.R., dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, une convention de raccordement conforme aux principes énoncés dans la présente décision.

Article 4. – Le surplus des conclusions de la société JuWi E.N.R. et de la société Electricité de France est rejeté.

Article 5. – La société Electricité de France transmettra au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision l’ensemble des éléments permettant d’apprécier la bonne exécution de la présente décision.

Article 6. – La présente décision sera notifiée à la société JuWi E.N.R. et à la société Electricité de France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.

NOTES : 

[1] Lorsque la somme des puissances injectées par les installations de production éoliennes et photovoltaïques dépassera 30 % de la puissance active transitant sur le réseau.