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Décisions

CA Versailles, 12e ch., 25 novembre 2021, n° 19/07233

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

FICOMMERCE (Sté)

Défendeur :

PHARMACIE H. ET T. (S.N.C)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur François THOMAS

Conseillers :

Mme Véronique MULLER, Monsieur Bruno NUT

Avocats :

Me Christophe D., SELARL RACINE, SELARL JRF & ASSOCIES, SCP SCP G.P.

Nanterre, du 23 sept. 2019

23 septembre 2019

Par acte sous-seing privé du 14 septembre 2004, la société CCPC aux droits de laquelle est venue la société Cifocoma 3 puis la société Ficommerce, a donné à bail commercial à la société Pharmacie H. et T. un local situé dans le centre commercial 'Super M Porte de Châtillon' situé [...] (Hauts de Seine) pour une durée de 10 ans à compter du 31 décembre 2004 moyennant un loyer annuel de 76.000 euros.

 

Au 1er janvier 2012, le loyer par le jeu de la clause mobile s'élevait à 98.831,02 euros.

 

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 avril 2012, la société Pharmacie H. et T. a demandé à la société Cifocoma 3 venant aux droits de la société CCPC la révision du montant du loyer en application de l'article L.145-39 du code de commerce.

 

Faisant suite à son mémoire préalable notifié par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 25 juillet 2012, la société Pharmacie H. et T. a, par acte du 12 octobre 2012, fait assigner la société Cifocoma 3 en fixation du montant du loyer révisé.

 

Dans son mémoire du 2 septembre 2013, la société Pharmacie H. et T. a demandé au juge de :

 

- fixer le loyer révisé à compter du 26 avril 2012 à la somme annuelle de 44.600 €,

 

- dire que les intérêts de droit sur les trop versés seront dus à compter du 26 avril 2012 et qu'il seront capitalisés par application de l'article 1154 du code civil,

 

- dans l'hypothèse où une mesure d'instruction serait ordonnée fixer à titre provisionnel le montant du loyer à la somme annuelle en principal de 44.600 €,

 

- ordonner l'exécution provisoire de la décision,

 

- condamner la société Ficommerce à lui verser la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

Dans son mémoire du 19 septembre 2013 notifié à la société Pharmacie H. et T. par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 20 septembre 2013, la société Ficommerce, anciennement dénommée Cifocoma 3, a demandé au juge de :

 

- constater que la valeur locative des locaux loués s'élève à la date du 26 avril 2012 à la somme annuelle de 90.000 € hors taxes et hors charges,

 

- fixer le loyer du bail commercial en date du 14 septembre 2004 à la somme annuelle de 90.000 € hors charges et hors taxes à compter du 26 avril 2012.

 

Par jugement du 18 novembre 2013, le juge des loyers commerciaux a déclaré recevable l'action en révision du loyer introduite par la société Pharmacie H. et T. à compter du 26 avril 2012, a ordonné avant dire droit une expertise, désigné M. S. et a fixé le loyer annuel provisionnel à 90.000 euros.

 

Par ordonnance d'incident du 6 novembre 2014, le juge du contrôle des expertises remplacé M. S. par M. Le B. aux motifs que l'impartialité objective de M. S. ne pouvait être considérée comme garantie.

 

M. Le B. a déposé son rapport le 16 décembre 2016.

 

Par jugement du 23 septembre 2019, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

 

- Fixé à 44.317 € hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail révisé entre la société Ficommerce et la société Pharmacie H. et T. au 26 avril 2012,

 

portant sur des locaux situés dans le centre commercial 'Super M Porte de Châtillon' sis [...] les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées,

 

- Dit que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal à compter de chaque échéance depuis le 12 octobre 2012,

 

- Ordonné la capitalisation des intérêts,

 

- Condamné la société Ficommerce à verser à la société Pharmacie H. et T. la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- Condamné la société Ficommerce aux dépens qui comprendront les frais d'expertise.

 

- Ordonné l'exécution provisoire,

 

Par déclaration du 15 octobre 2019, la société Ficommerce a interjeté appel du jugement.

 

PRÉTENTIONS DES PARTIES

 

Par dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2020, la société Ficommerce demande à la cour de :

 

- Recevoir la société Ficommerce en son appel, ses demandes, fins et conclusions et la dire bien fondée ;

 

- Infirmer le jugement rendu par le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Nanterre le 23 septembre 2019 (RG n°18/11840) en toutes ses dispositions,

 

Et statuant à nouveau :

 

- Déclarer que le montant du loyer révisé à compter du 26 avril 2012 doit être fixé à la valeur locative des locaux,

 

- Déclarer que la surface des locaux loués doit être fixée à 180 m 2 P GLA,

 

- Déclarer que la valeur locative des locaux loués du bail s'élève à la date du 26 avril 2012, à la somme annuelle de 97.920 € (quatre-vingt-dix-sept mille neuf cent vingt euros) hors charges et hors taxes,

 

En conséquence :

 

- Fixer le montant du loyer révisé à la somme de 97.920 € (quatre-vingt-dix-sept mille neuf cent vingt euros) hors charges, hors taxes par an à compter du 26 avril 2012, conformément aux articles L.145-33 et L.145-39 du code de commerce,

 

En tout état de cause :

 

- Déclarer mal fondé l'appel incident de la société Pharmacie H. et T. visant à voir fixer le loyer révisé à la somme de 23.249,48 € hors charges, hors taxes par an,

 

- Débouter la société Pharmacie H. et T. de son appel incident visant à voir fixer le loyer révisé à la somme de 23.249,48 € hors charges, hors taxes par an à compter du 26 avril 2012,

 

- Dire et juger que le juge des loyers commerciaux n'est pas compétent pour faire droit à la demande de la société Pharmacie H. et T. d'assortir la restitution d'un éventuel trop-perçu d'un intérêt,

 

- Débouter la société Pharmacie H. et T. de l'intégralité de ses demandes notamment celles au titre des intérêts de droit à compter du 26 avril 2012 et de l'article 700 et subsidiairement dire et juger que les éventuels intérêts de droit dont bénéficierait la société Pharmacie T. et H. ne pourraient courir qu'à compter du 19 septembre 2013,

 

- Condamner la société Pharmacie T. et H. à payer à la société Ficommerce la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- Condamner la société Pharmacie T. et H. aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise, dont distraction pour ceux la concernant, au profit de M. Christophe D. et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Par dernières conclusions notifiées le 24 mars 2020, la société Pharmacie H. et T. demande à la cour de :

 

-Débouter la société Ficommerce de l'intégralité de ses demandes,

 

-Juger l'appel incident de la société Pharmacie H. et T. recevable et bien fondé,

 

Y faisant droit,

 

- Infirmer le jugement du 23 septembre 2019 en ce qu'il a fixé le loyer révisé à compter du 26 avril 2012 à la somme de 44.317 € HT/HC,

 

Et statuant à nouveau :

 

- Fixer le loyer révisé à compter du 26 avril 2012 à la somme annuelle de 23.249,48 €, après déduction du montant de l'impôt foncier de 3.278,02 €,

 

- Confirmer le jugement déféré pour le surplus,

 

En toute hypothèse,

 

- Condamner la société Ficommerce à payer à la société Pharmacie H. et T., la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

 

- La condamner aux dépens de première instance, en ce compris les frais d'expertise, et aux dépens d'appel, lesquels pour ces derniers, seront recouvrés par Mme Oriane D., conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

 

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 2020

 

Sur ce, la cour,

 

Sur la procédure

 

La recevabilité de l'appel n'est pas contestée et l'examen des pièces de la procédure ne révèle l'existence d'aucune fin de non-recevoir susceptible d'être relevée d'office.

 

L'article 901 du code de procédure civile dispose que la déclaration d'appel est faite par acte contenant notamment les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

 

Il ressort de l'article 562 alinéa 1er du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

 

Il est rappelé qu'en application de l'article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile la cour ne statue, dans la limite de l'effet dévolutif de l'appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu'en application de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

 

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

Sur le fond

 

- Sur la fixation du loyer révisé

 

La société Ficommerce demande à la cour de fixer le montant du loyer révisé à la somme de 97.920 € (quatre-vingt-dix-sept mille neuf cent vingt euros) hors charges, hors taxes par an à compter du 26 avril 2012, conformément aux articles L. 145-33 et L.145-39 du code de commerce.

 

La société Pharmacie H. et T. souhaite que le loyer révisé soit fixé à compter du 26 avril 2012 à la somme annuelle de 26.527,50 euros, outre la déduction du montant de l'impôt foncier de 3.278,02 euros, soit une valeur locative de 23.249,48 euros HT et HC.

 

Il n'est pas contesté par les parties que la condition de la révision du loyer résultant de l'article L.145-39 du code de commerce est remplie et que le loyer doit être fixé à la valeur locative au 26 avril 2012 telle que déterminée par l'article L.145-33 du code de commerce.

 

. Sur les caractéristiques du local

 

La société Pharmacie H. et T. forme appel incident et soutient que les locaux ne se situent pas à l'intérieur du centre commercial, l'accès à la pharmacie se faisant uniquement depuis le trottoir de l'avenue Pierre Brossolette et que les locaux ne peuvent donc pas être traités de la même manière que ceux situés à l'intérieur du centre commercial, précisant qu'elle ne profite pas des avantages de ce centre dont la gratuité du parking réservé exclusivement aux clients de la société Monoprix. Elle fait état ensuite de l'absence d'enseignes nationales dans le centre commercial, affecté d'un manque de dynamisme, et déclare faire face à une forte concurrence des autres pharmacies situées à proximité.

 

La société Ficommerce répond que la pharmacie bénéficie d'une très bonne visibilité avec un double accès en angle, l'un sur l'avenue Pierre Brossolette et l'autre sous le passage couvert donnant sur l'entrée du Monoprix. Elle estime que le local loué fait partie intégrante du centre commercial de la porte de Chatillon comme ayant été construit dans le cadre de l'extension du centre commercial 'Monoprix-Porte de Chatillon' ainsi qu'il ressort de l'article 1 de l'exposé du bail. Elle considère, en se fondant sur l'article L.752-3 du code de commerce qui définit l'ensemble commercial, que les stipulations du bail, l'emplacement des locaux ainsi que les services collectifs dont profite la pharmacie démontrent que les locaux font partie du centre commercial, précisant qu'un centre commercial n'est pas forcément constitué d'un seul bâtiment fermé mais peut être constitué de bâtiments distincts. Elle estime que la gratuité du parking offerte aux clients du Monoprix ne démontre nullement que la pharmacie ne fait pas partie du centre commercial.

 

Sur ce,

 

L'expert a relevé que les locaux sont situés dans un quartier d'habitat collectif au [...] au sein d'un ensemble immobilier qui s'étend le long de cette avenue jusqu'à la [...]en surplomb du boulevard périphérique parisien. L'avenue Pierre Brossolette sépare la commune de Malakoff de celle de Montrouge.

 

Il est exposé en préambule du bail signé entre les parties le 14 septembre 2004, que le centre commercial a le projet de réaliser une extension-rénovation de l'ensemble immobilier 'Monoprix-Porte de Chatillon' pour aboutir à la réalisation d'un centre commercial dont le statut juridique est détaillé aux points 2 à 8.

 

L'article 1.1 du bail signé le 14 septembre 2004 stipule que 'Le Bailleur donne, par les présentes, à bail au Preneur qui accepte, un local commercial situé dans le Centre Commercial SUPER M PORTE DE CHATILLON dont les caractéristiques sont décrites au TITRE II 'STIPULATIONS PARTICULIERES' du présent bail.' Au titre II du même bail, il est précisé que le bail porte sur un local n° 20 d'une surface de 118 m² environ avec une mezzanine de 40 m² environ.

 

Par ailleurs et comme l'a relevé le premier juge, l'intégralité du bail fait référence à l'appartenance des locaux au centre commercial, qu'il s'agisse du paiement des charges communes du centre (article 7), de l'utilisation des parties communes (article 15), du respect par le preneur du règlement intérieur (article 16) ou de l'obligation pour le preneur d'adhérer à l'association des commerçants du centre 'SUPER M' en charge de la promotion du centre même s'il est dispensé de participer aux actions publicitaires conduites par l'association. Il est également spécifié dans l'annexe s'agissant des vitrines extérieures que 'le preneur doit impérativement mettre en place les vitrines identiques en format, matériaux, couleurs et verre que le reste du Centre.'

 

Dès lors, les parties ont ainsi contractuellement considéré que les locaux exploités par la société pharmacie H. et T. appartenaient bien au centre commercial. Le premier juge a également relevé que le preneur s'est par ailleurs immatriculé au registre du commerce et des sociétés en mentionnant son adresse '[...] M.'

 

En outre, l'expert a relevé que sur les panneaux d'information du centre commercial, notamment dans le parking du centre, la pharmacie était répertoriée parmi les commerçants de la galerie extérieure au même titre que d'autres commerces dont notamment la Halle aux Chaussures. Les panneaux publicitaires du centre commercial mentionnent également la pharmacie, ainsi qu'il ressort des photographies.

 

Un centre commercial réunit plusieurs commerçants en un même lieu concentrant les chalands et n'a pas vocation à accueillir uniquement des 'enseignes nationales'. C'est le cas en l'espèce, le Monoprix, enseigne nationale, demeurant la 'locomotive' du centre commercial.

 

L'accès à la pharmacie par l'auvent qui la relie au centre commercial et à un immeuble formant ainsi un passage couvert et non par une galerie intérieure fermée ne permet nullement de remettre en cause l'appartenance des locaux au centre commercial, pas plus que l'absence de gratuité du parking pour les clients du preneur, seuls les clients du Monoprix et de Conforama (à l'époque de la photographie) bénéficiant de cet avantage.

 

Dès lors le moyen invoqué par la société Pharmacie H. et T. selon lequel les locaux loués ne peuvent pas être traités de la même manière que ceux se trouvant à l'intérieur du centre commercial sera rejeté.

 

. Sur la superficie des locaux

 

S'agissant de la surface des locaux, la société Ficommerce s'appuie sur une note d'un géomètre expert du 7 janvier 2004 selon lequel la surface est de 205,80 m² et considère que la surface à retenir doit être la surface réelle, la surface contractuelle ne correspondant pas à la réalité. Elle rappelle que les parties ont contractuellement choisi de se référer à la surface horsoeuvre dite 'GLA' selon l'article 1.2 du bail et qu'il est d'usage dans les centres commerciaux de ne pas pondérer les surfaces GLA à l'exception des mezzanines, conformément à la dernière grille de pondération des surfaces commerciales applicable depuis le 1er juillet 2015. Elle demande à la cour de retenir une surface pour déterminer la valeur locative de 180 m²P GLA. Si la surface devait être pondérée selon la méthode des boutiques, elle estime que la zone d'angle devrait être pondérée d'un coefficient de 1,20, les locaux annexes d'un coefficient de 0,5 et la mezzanine d'un coefficient de 0,30, soit une surface totale de 149,40 m²B.

 

La société Pharmacie H. et T. considère pour sa part qu'il convient de retenir les superficies mentionnées dans le bail, soit 151 m² au rez-de-chaussée et 40 m² pour la mezzanine et que la surface pondérée s'élève à 131 m² au regard du coefficient de 0,20 pour la mezzanine, considérant que le coefficient de 0,40 retenu par le premier juge ne tient pas suffisamment compte de la configuration spécifique du local situé en mezzanine notamment de son accès par un escalier en colimaçon étroit, de sa très faible hauteur sous plafond et de son caractère 'aveugle'. Elle estime que la pondération des locaux situés en rez-de-chaussée s'impose du fait que les locaux ne sont pas situés dans un centre commercial et que la surface pondérée est de 131 m²b.

 

Sur ce,

 

Le premier juge a à juste titre relevé que les locaux bénéficient d'une part d'une devanture vitrée d'environ 20 mètres donnant sur l'avenue Pierre Brossolette avec une enseigne en caisson et trois croix lumineuses et d'autre part, d'une devanture également vitrée d'environ 4,50 mètres donnant dans le passage couvert donnant notamment accès au Monoprix.

 

Il ressort de l'article 1 du titre II relatif aux 'stipulations particulières' du bail que le local n°20 a une surface de 151 m², outre une mezzanine de 40 m² environ. La société Ficommerce qui fait état d'un relevé établi par un géomètre des locaux loués le 7 janvier 2004 selon lequel la surface réelle des locaux est plus importante que celle indiquée au bail, sera déboutée de sa demande, étant relevé que ce relevé qui a été établi avant la réunion des lots constituant le lot n°20 et avant la signature du bail n'était pas annexé au bail. C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que rien ne justifie de ne pas prendre en compte la superficie retenue dans le contrat alors que le bail mentionne explicitement la surface des locaux.

 

S'agissant ensuite de la pondération, l'article 1.2 des 'stipulations générales' du bail se réfère expressément, 'd'accord entre les parties' aux surfaces GLA (Gross Leasable Aréa, unité de mesure américaine régulièrement utilisée dans les baux des centres commerciaux, correspondant sensiblement à la surface commerciale utile intégrant la surface de vente et celle de stockage) de sorte qu'il doit être considéré que la surface de 151 m² est une surface correspondant à la surface d'emprise qui ne fait pas l'objet d'une pondération. La mezzanine, conformément à la méthode retenue pour les centres commerciaux et galeries marchandes développée dans la charte de l'expertise en évaluation immobilière (octobre 2012), sera affectée quant à elle d'un coefficient de 0,40. Ainsi, la surface du rez-de-chaussée étant de 151 m² et celle de la mezzanine de 40 m² pondérée d'un coefficient de 0,40 (40 m² x 0,40 = 16 m²), la surface s'établit bien à 167 m² (151 + 16 m²) GLA. Les parties seront donc déboutées de leurs demandes présentées de ce chef.

 

. Sur les facteurs locaux de commercialité

 

La société Ficommerce considère que l'emplacement bénéficie d'une bonne commercialité pour l'activité de pharmacie dans la mesure ou il jouit d'une clientèle générée par le centre commercial mais également de la clientèle piétonne du secteur au sein d'un quartier essentiellement résidentiel mais également de bureaux.

 

La société Pharmacie H. et T. évoque le départ des enseignes commerciales nationales (A., Mim, boulangerie Paul, Conforama, ...) avant l'échéance de leur bail.

 

Sur ce,

 

L'article R145-6 du code de commerce dispose que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

 

L'expert retient que les locaux sont situés au numéro [...] qui sépare la commune de Malakoff et celle de Montrouge dans un quartier d'habitat collectif avec la présence d'un ensemble commercial Monoprix, d'une galerie commerciale avec plusieurs enseignes nationales connues, de station-services, etc..., avec un accès aux parkings souterrains payants sauf pour les clients Monoprix. Il estime que l'emplacement et la situation locale apparaissent très favorables pour une officine de pharmacie et activités connexes qui profite directement du chaland local et de l'attractivité du centre commercial.

 

Ainsi quand bien même plusieurs preneurs ayant une enseigne nationale (Mim, A., Boulangerie Paul, Conforama) ont quitté les lieux avant l'expiration de leur bail, et n'étaient pas remplacés à la date de la révision du bail, le Monoprix, locomotive du centre commercial et l'activité de ce centre commercial, permettent à la pharmacie de bénéficier d'un afflux de chaland.

 

. Sur les prix couramment constatés

 

S'agissant des prix couramment pratiqués dans le voisinage, la société Ficommerce rappelle que la pharmacie H. et T. fait partie du centre commercial et estime que seules les références des boutiques appartenant au centre doivent être prises en compte. Elle souligne que les prix unitaires s'échelonnent entre 176,85 euros/m² et 905,92 euros/m² et que la majorité des baux prévoit l'application d'un loyer variable additionnel ce qui justifie de corriger à la hausse le prix unitaire pour les locaux de la société Pharmacie H. et T. dont le bail ne prévoit pas de loyer variable additionnel. Elle estime qu'il convient également de prendre en compte la bonne commercialité pour l'activité exercée, les caractéristiques des locaux qui sont favorables et l'excellente visibilité pour fixer le prix unitaire à 544 euros/m² GLA.

 

La société intimée conteste la valeur locative de 425 euros/m²b retenue par l'expert et celle de 300 euros/m²b retenue par le juge des loyers, valeur qu'elle estime pour sa part à une somme qui ne peut excéder 225 euros/m²b. Elle souligne que les éléments de comparaison cités par l'expert hors du centre commercial ne sont pas situés à proximité des locaux, concernent des locaux plus petits et ont des valeurs locatives inférieures. S'agissant des éléments de référence du centre commercial, s'appuyant sur les nouveaux baux conclus en 2012 et 2013, elle considère que le prix unitaire des locaux a baissé de près de 50 % depuis 2006 (sociétés Paul, Douze moutons, Mim et Yatel). Elle mentionne également que le loyer du bail renouvelé pour la société la Halle aux chaussures est inférieur au loyer fixé par application des indices. Enfin, elle précise que les sociétés Mim, Conforama et boulangerie Paul ont quitté les lieux avant l'échéance de leur bail.

 

Sur ce,

 

L'article R.145-7 du code de commerce, dispose que 'les prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surface, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R.145-6' et qu'à 'défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.'.

 

Les centres commerciaux constituant une unité propre de marché, il doit être tenu compte des seules références trouvées dans le centre commercial. L'expert a relevé qu'il était pratiqué un prix de loyer hors taxes et hors charges par mètre carré de 490 euros pour la société Body Enjoy, 783 euros pour la société Boulangeries Paul, 345 euros pour la société compagnie européenne de la chaussure (La halle), 215,92 euros pour la société Conforama, 496,43 euros pour la société Mim, 176,85 euros pour la société Yatel (Saga des Marques) ayant succédé à la société Mim à compter du 12 novembre 2012, 767,63 euros pour la société Minit France (Mister Minit), 720 euros pour la société Magic Magic (Alain A.) et 369,64 euros pour la société Douze Moutons ayant succédé à la société Boulangeries Paul à compter du 1er mai 2012.

 

Comme l'a relevé l'expert, les loyers fixés à une date proche de la date de révision du loyer des locaux de la société Pharmacie H. et T. sont significativement plus faibles que ceux fixés jusqu'en 2009. Le loyer de la Compagnie de la Chaussure dont le bail a été renouvelé en 2013 a subi pour sa part une baisse de 10%. Le loyer réglé par la société Douze Moutons, en lieu et place de la boulangerie Paul a également nettement diminué alors que celui de la boutique Yatel a diminué de plus de 50% par rapport à celui réglé par le locataire précédent, la société Mim.

 

C'est par une juste application de l'article R.145-7 du code de commerce que le premier juge a exclu les références concernant tant la société Conforama que la société Mister Mint dont les surfaces très grandes ou très petites ne constituent pas des locaux équivalents auxquels il convient de se reporter. Comme la pharmacie, les locaux des sociétés la Halle aux Chaussures et Mim devenue Yatel sont accessibles par l'avenue Brossolette, bénéficient d'une grande vitrine et constituent effectivement des références particulièrement pertinentes (345 euros/m² et 176,85 euros/m²).

 

Enfin et contrairement à ce que soutient le bailleur, tous les baux des boutiques ne prévoient pas de loyer variable additionnel, ce qui est le cas pour les sociétés Yatel, la Halle aux Chaussures, Douze Moutons. C'est donc par une juste application de la règle de droit que le premier juge n'a pas retenu une correction à la hausse du prix unitaire.

 

Dès lors, au regard de la destination des locaux, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fixé un prix unitaire de 300 euros/m².

 

. Sur les abattements et déductions

 

La société Ficommerce soutient qu'il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement sur la valeur locative. Elle estime que les clauses exorbitantes du droit commun contenues dans le bail sont usuelles dans les centres commerciaux et ne justifient aucun abattement qui conduirait à introduire des différences contraires au principe d'équivalence et serait génératrice de distorsion économique entre les locaux.

 

La société Pharmacie H. et T. fait valoir que l'intégralité des charges est supportée par le locataire et que celles-ci sont ainsi exorbitantes du droit commun, peu important l'usage dans les centres commerciaux et justifient un abattement de 10% outre la déduction de l'impôt foncier.

 

Sur ce,

 

Il ressort des termes de l'article 7 du bail que le preneur conserve à sa charge :

 

- les charges et taxes afférentes aux lieux loués,

 

- l'impôt foncier (3.278 euros),

 

- les primes d'assurance de l'immeuble souscrite par le bailleur,

 

- les réparations prévues à l'article 606 du code civil.

 

L'usage dans les centres commerciaux étant de faire supporter par le preneur tous les impôts et charges, aucun abattement ne sera appliqué sur la valeur locative brute pour charges exorbitantes.

 

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a dit qu'il convenait de prévoir un abattement de 5% et de déduire l'impôt foncier.

 

. Sur le montant du loyer

 

Il ressort de ce qui précède que le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé le loyer à la somme de 44.317 euros. Le loyer révisé s'établit ainsi à la somme 50.100 euros (167 m² GLA x 300 = 50.100 euros).

 

- Sur la restitution d'un trop perçu d'intérêts

 

La société Ficommerce soutient que le juge des loyers ne peut pas assortir d'un intérêt la restitution d'éventuels trop perçus. Subsidiairement, elle estime que les éventuels intérêts de droit dont bénéficierait la société intimée ne pourraient courir qu'à compter du 19 septembre 2013, date de son premier mémoire.

 

La société Pharmacie H. et T. considère que le juge des loyers est bien compétent pour décider que les arriérés de loyer ou les trop versés porteront intérêts au taux légal et produiront eux-même le cas échéant intérêts.

 

Sur ce,

 

L'article 1352-6 du code civil permet au locataire de demander le règlement des intérêts au taux légal sur le trop-perçu. Le juge des loyers ayant compétence pour statuer sur les intérêts des sommes dues et le preneur ayant saisi le juge aux termes de son assignation délivrée le 12 octobre 2012, les intérêts courront à compter du 19 septembre 2013, date du premier mémoire en défense du bailleur. Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a dit que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal à compter de chaque échéance depuis le 12 octobre 2012, lesquels commenceront à courir le 19 septembre 2013, et confirmé en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année.

 

Sur les frais irrépétibles et les dépens

 

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

 

Il ne parait pas inéquitable de laisser à chaque partie les frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civiles seront rejetées.

 

La société Pharmacie H. et T. succombant partiellement en cause d'appel, elle sera condamnée aux dépens de cette procédure selon les modalités de recouvrement fixées au dispositif.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

 

INFIRME le jugement dont appel uniquement quant au montant du loyer du bail révisé et quant à la date des intérêts des loyers trop perçus,

 

Statuant à nouveau de ces chefs,

 

FIXE à 50.100 euros hors taxes et hors charges le montant du loyer du bail révisé entre la société Ficommerce et la société Pharmacie H. et T. au 26 avril 2012, portant sur des locaux situés dans le centre commercial 'SUPER M PORTE DE CHÂTILLON' situés [...] (Hauts de Seine) les autres clauses et conditions du bail expiré restant inchangées,

 

DIT que les loyers trop perçus porteront intérêts au taux légal à compter de chaque échéance depuis le 19 septembre 2013,

 

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions,

 

REJETTE toute autre demande,

 

CONDAMNE la société Pharmacie H. et T. aux dépens d'appel qui pourront être directement recouvrés par Me Christophe D., avocat inscrit au barreau de Versailles, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile.

 

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

 

signé par Monsieur François THOMAS, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.