CA Paris, 16e ch. A, 27 juin 2007, n° 06/15519
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
MARSEILLAISE DE GESTION D'INVESTISSEMENT ET DE PARTICIPATION (SARL)
Défendeur :
RIVOLI SOUVENIRS (SARL)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme GABORIAU
Conseillers :
Mme IMBAUD-CONTENT, M. ZAVARO
Avoués :
Me Luc COUTURIER, SCP VARIN - PETIT
Avocats :
SCP ROSENFELD, SCP JACQUIN MARUANI
Par acte du 30 juillet 1993, la société Marseillaise de gestion, d'investissement et de participation a donné à bail commercial à la société Rivoli souvenirs un local situé [...].
Le 30 janvier 2002, le bailleur signifiait un congé avec offre de renouvellement à effet du 1er août 2002. Après acception de celle-ci, les parties restant en désaccord sur le prix du nouveau loyer, le juge des loyers commerciaux était saisi. Après une première décision du 16 décembre 2003 ordonnant expertise confiée à M. Petit, le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 11 juillet 2006, a fixé le nouveau loyer à la somme annuelle principale de 29 200 €, montant de la valeur locative inférieure au loyer indexé d'un montant de
51 865,49 €, calculée sur la base de 37 m² pondérés, au prix unitaire de 950 € et un abattement de 17% pour charges exceptionnelles, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance sur la différence du trop perçu et capitalisation.
La société Marseillaise de gestion, d'investissement et de participation relève appel de cette décision. Invoquant un rapport amiable dressé par M. Marx, elle soutient que la valeur locative s'établit à 59 000 € sur la base de 37,05 m² et 1600 € unitaires et conclut à la fixation d'un loyer annuel principal déplafonné du fait de l'évolution notable des facteurs locaux de commercialité, d'un montant de 52 000 € après abattement. Elle sollicite au surplus 3000 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société Rivoli souvenirs conclut au contraire à la fixation d'un loyer annuel principal de 18.882,50 € après abattement de 17% pour charges exceptionnelles, sur la base d'une valeur locative de 22 750 € produit d'une surface pondérée de 35 m² et d'un prix unitaire de 650 €. Il sollicite subsidiairement la confirmation de la décision déférée. Il demande en outre 3000 € du chef de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
SUR CE,
Le prix du loyer du nouveau bail doit être fixé au montant de la valeur locative sans excéder celui de l'ancien loyer indexé sauf, notamment, évolution significative des facteurs locaux de commercialité ayant une influence sur le commerce considéré. Il convient donc en premier lieu d'arrêter la valeur locative.
Il s'agit d'un commerce de souvenirs exercé dans un bel immeuble, bénéficiant d'une très bonne commercialité compte tenu de sa situation et de sa destination.
Sur la valeur locative :
Surface pondérée,
Le local en cause est constitué d'une boutique de 38 m² réels et d'un débarras de 1,50 m². M. Petit propose de retenir une surface pondérée de 37,05 m², arrondie à 37 m², en pondérant le débarras suivant le coefficient de 0,30 et la boutique suivant le coefficient de 1 pour ce qui concerne une première zone de 5,65 m de profondeur et suivant le coefficient de 0,80 pour ce qui concerne la seconde zone d'une profondeur de 1,70 m.
Le preneur conteste ce calcul et soutient que la zone 1 doit être limitée à 5 mètres de profondeur et la zone 2 pondérée à 0,70.
Si la pratique retient habituellement une profondeur de 5 m pour déterminer la première zone de pondération, cette délimitation n'a pas à s'appliquer systématiquement et doit tenir compte de la configuration particulière du local considéré. L'expert indique qu'il retient une première zone d'une profondeur de 5,65 m correspondant à la dimension de la façade (5,60 m) et précise que ce mode de calcul rend mieux compte des caractéristiques du local au regard de son utilisation, ajoutant que s'il avait calculé la première zone suivant les critères habituels, il aurait proposé une pondération de 0,85 pour la seconde zone.
Le locataire ne contestant ce mode de calcul qu'au regard d'une position générale, sans apporter d'élément de contestation des remarques faites par l'expert au regard des caractéristiques propres du local qui, compte tenu de la dimension de la façade et de sa forme régulière offre un espace particulièrement favorable, il convient de retenir une surface pondérée de 37,05 m² arrondie à 37.
Valeur unitaire,
M. Petit retient une valeur unitaire de 950 € sur la base de 4 références de loyers fixés judiciairement et retenant des montants unitaires allant de 645 à 900 €, de 6 références de loyers amiablement renouvelés sur une base de 813 à 1382 € et de 5 loyers en première location sur une base de 1206 à 2582 € , deux valeurs étant reconstituées en tenant compte du montant de la cession de droit au bail. Il conclut à une valeur unitaire de 950 €.
M. Marx retient pour sa part 8 locations nouvelles de 1557 à 3750 € et 8 loyers reconstitués en tenant compte du montant du droit au bail de 1615 à 3211 €. Il conclut à une valeur unitaire de 1600 € en indiquant que la location ayant été consentie sans pas de porte, il s'agit là d'une circonstance particulière de fixation du prix du loyer à l'origine dont il convient de tenir compte pour l'appréciation de la valeur locative.
S'il n'est illégitime de décapitaliser la somme versée au titre de droit au bail ou de pas de porte pour apprécier la valeur locative réelle du local loué avec cette particularité, aucun impératif logique ne commande de ne retenir que les locations nouvelles ou avec pas de porte décapitalisé. En effet, suivant les dispositions de l'article L145-33 du code de commerce, la valeur locative est déterminée d'après les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations des parties, les facteurs locaux de commercialité et les prix couramment pratiqués dans le voisinage. L'article 23-3 du décret du 30 septembre 1953 mentionne les modalités suivant lesquelles le prix antérieur a été originairement fixé au titre de la détermination des obligations respectives des parties. Il ne conduit en rien à écarter certaines références de prix pratiqués couramment dans le voisinage. A cet égard le rapport Petit, qui inclut des références avec décapitalisation du prix de cession de droit au bail, rend mieux compte de la réalité des prix pratiqués dans le quartier qui comprennent 10% de loyers unitaires inférieurs à 700 €, 50% compris entre 700 et 900 € et 40% supérieurs à 900 €.
Compte tenu de l'ensemble des références produites, il convient de retenir une valeur unitaire de 950 €, conformément à la proposition faite dans le rapport Petit.
Abattement pour charges exorbitantes,
Le bail met à la charge du preneur les travaux éventuels de mise en conformité imposés par l'autorité administrative, les grosses réparations de l'article 606 du code civil, l'intégralité de l'imposition foncière, les honoraires du syndic de copropriété et impose un reversement de 25% du prix de cession du droit au bail ou du fonds de commerce. M. Petit évalue ces charges exorbitantes à 17% au minimum de la valeur locative théorique.
Le bailleur, s'appuyant sur les observations de M. Marx, conclut à un abattement limité à 7,5%. L'expert amiable indique en effet que les charges exorbitantes justifient un abattement de 5 à 10% en excluant celle découlant de la clause du bail imposant un versement de 25% du prix de cession du droit au bail ou du fonds de commerce qui serait nul car contrevenant aux dispositions de l'article L145-16 du code de commerce qui prohibe toute convention tendant à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur du fonds.
Il convient d'observer cependant que cette disposition est d'interprétation stricte et que l'obligation conventionnelle faite au preneur de reverser au bailleur un quart du prix de cession ne constitue pas une interdiction de cession du bail à l'acquéreur du fonds.
Il convient en conséquence de retenir un abattement pour charges exorbitantes à hauteur de 17%.
Valeur locative,
La valeur locative s'établit en définitive à 37 x 950 x 0,83 = 29 174 €, arrondie à 29 200.
Sur le prix du bail au 1er août 2002 :
Le prix du loyer plafonné atteignant 51 865,49 € est supérieur à la valeur locative qui détermine en conséquence le prix du loyer du nouveau bail. Il convient donc de confirmer le jugement déféré.
Sur les frais irrépétibles :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimé la totalité des frais non compris dans les dépens exposés en appel. Il convient de lui allouer de ce chef une somme de 1500 €.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré,
Condamne la société Marseillaise de gestion, d'investissement et de participation à payer à la société Rivoli souvenirs une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
La condamne aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile par la SCP Petit Lesénéchal.