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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 3, 9 juin 2021, n° 19/13435

PARIS

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

E C H (SCI)

Défendeur :

OPTIQUE PRONY (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Madame Agnès THAUNAT

Conseillers :

Madame Sandrine GIL, Madame Elisabeth GOURY

Avocats :

SELEURL TBA, AARPI CABINET B. ET ASSOCIES, SCP G.B., Me Katy B.

Paris, du 7 mai 2019

7 mai 2019

Par acte du 11 octobre 2007, la SCI ECH a donné à' bail à' la SARL OPTIQUE PRONY des locaux à' usage commercial dépendant d'un immeuble situé' [...] et [...] 17ème pour une durée de neuf années à' compter du 11 octobre 2007 moyennant un loyer annuel en principal de 62.400 euros hors charges et hors taxes à' destination de « lunetterie, optique audioprothèse, et toutes activités s'y rapportant ».

 

Par acte d'huissier de justice du 12 octobre 2016, la SARL OPTIQUE PRONY a sollicité le renouvellement du bail et la fixation du loyer en renouvellement a' la somme annuelle de 33.800 euros hors charges et hors taxes.

 

Par acte d'huissier de justice du 25 avril 2017 la SARL OPTIQUE PRONY a fait assigner la SCI ECH devant le juge des loyers commerciaux de Paris aux fins notamment de voir fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 11 octobre 2016 à la somme annuelle de 33.800 euros.

 

Par jugement avant dire droit au fond en date du 6 février 2018, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

 

- CONSTATÉ que le bail s'était renouvelé à compter du 1er janvier 2017,

 

- DÉSIGNÉ Madame Catherine B. en qualité d'expert aux fins de donner son avis sur la valeur locative au 1er janvier 2017 des locaux loués,

 

- FIXÉ le loyer provisionnel au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges,

 

- ORDONNÉ l'exécution provisoire et réservé les dépens.

 

Aux termes de son rapport le 30 juillet 2018, l'expert estime la valeur locative à la somme de 32.800 euros au 1er janvier 2017, impôt foncier déduit, sur la base d'une surface pondérée de 70,23 m²B et d'une valeur unitaire de 480 euros/m²B.

 

Par jugement en date du 7 mai 2019, le juge des loyers commerciaux du tribunal de grande instance de Paris a :

 

DIT que le prix du bail renouvelé pour neuf années à' compter du 1er janvier 2017 entre la SCI ECH, bailleresse, et la SARL OPTIQUE PRONY, preneuse, portant sur des locaux sis [...] et [...] 17ème doit être fixé' à' la valeur locative, valeur inférieure au loyer plafonné ;

 

FIXÉ à la somme de 32.800 euros (trente-deux mille huit cents euros), en principal, hors taxes et charges, par an à' compter du 1er janvier 2017, le prix du bail renouvelé ;

 

DIT que des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté' et le loyer dû doivent courir à' compter de l'assignation du 25 avril 2017 à' compter de chaque échéance contractuelle avec capitalisation pour les intérêts échus depuis plus d'un an ;

 

PARTAGÉ les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié' entre les parties ;

 

REJETÉ les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

ORDONNÉ l'exécution provisoire ;

 

REJETÉ toute autre demande plus ample ou contraire.

 

Par déclaration en date du 3 juillet 2019, la SCI ECH a interjeté appel de ce jugement.

 

Par ordonnance rendue le 23 janvier 2020 par le magistrat en charge de la mise en état, l'organisation d'une médiation a été ordonnée et Mme Martine B.-C. désignée à cet effet. Cette médiation a échoué.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 février 2021, la SCI ECH demande à la cour de :

 

Vu les dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce,

 

Vu les dispositions des articles R. 145-6 et R. 145-7 du code de commerce,

 

Vu le jugement du 7 mai 2019,

 

Vu le rapport d'expertise de Madame Catherine B.,

 

Vu les pièces versées aux débats, en ce compris le rapport d'expertise de Monsieur Michel C.,

 

Statuant sur le renouvellement du bail au 1er janvier 2017 portant sur les locaux exploités par la Société OPTIQUE PRONY et dépendant de l'immeuble sis a' [...],

 

Déclarer la SCI ECH recevable et bien fondée en son appel.

 

Y faisant droit,

 

Infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :

 

o fixé le prix du bail renouvelé à' la somme de 32.800 € (trente-deux mille huit cents euros) en principal, hors taxes et charges, à compter du 1er janvier 2017 ;

 

o partagé les dépens, en ce inclus les coûts d'expertise, par moitié entre les parties ;

 

o rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

 

o ordonné l'exécution provisoire ;

 

o rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

 

Et statuant à' nouveau sur le renouvellement du bail commercial au 1er janvier 2017 portant sur les locaux exploités par la SCI ECH et dépendant de l'immeuble sis a' [...] :

 

o Juger que la surface pondérée des locaux doit être déterminée en fonction de leur intérêt et de leur utilité pour l'activité qui y est exercée ;

 

o Écarter la demande de rejet de la pièce n°10 correspondant à' un relevé de géomètre avec « zonage » de la SCI ECH formulée par la société OPTIQUE PRONY ;

 

o Juger que les surfaces pondérées des locaux objets du bail doivent ressortir à' 77,56 m2B, compte tenu de leurs caractéristiques et des coefficients applicables ;

 

o Fixer le prix unitaire des locaux, au regard de leur valeur locative, à' la somme de 700 €/m2B ;

 

En conséquence,

 

o Fixer le montant du loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2017 à' la somme annuelle en principal de 53.398 € HT HC (CINQUANTE-TROIS MILLE TROIS CENT QUATRE- VINGT-DIX-HUIT EUROS), toutes autres clauses, charges et conditions demeurant inchangées sous réserve de celles qui s'avèrent contraires a' la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 et de son décret d'application, et du réajustement du dépôt de garantie.

 

En tant que de besoin,

 

o Condamner la Société OPTIQUE PRONY au paiement du différentiel de loyer s'il y a lieu.

 

Et pour le surplus,

 

o Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le point de départ du calcul des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté' et le loyer dû à' compter de l'assignation délivrée le 25 avril 2017 ;

 

o Débouter la Société OPTIQUE PRONY, de toutes ses demandes, fins et prétentions plus amples ou contraires, et de tout appel incident ;

 

o Condamner la Société OPTIQUE PRONY à' payer à' la SCI ECH la somme de 5.000 € (CINQ MILLE EUROS) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise judiciaire, de première instance et d'appel dont le recouvrement sera poursuivi par Maître Éric A., membre de la Selarl TAZE BERNARD A. conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 2 mars 2021, la SARL OPTIQUE PRONY demande à la cour de :

 

Vu les articles L.145-1 et suivants et R.145-1 et suivants du code de commerce,

 

Vu les articles 1231-6 et 1343-2 du code civil,

 

Déclarer la SARL OPTIQUE PRONY recevable et bien fondée dans ses demandes, fins et conclusions ;

 

Débouter la SCI ECH de son appel, la déclarer mal fondée ;

 

Rejeter le relevé de surface communique' par la SCI ECH en pièce 10 ;

 

Confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a partagé par moitié les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise ;

 

Et statuant de nouveau,

 

Condamner la SCI ECH à' payer a' la société OPTIQUE PRONY la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du C.P.C. ;

 

Condamner la SCI ECH aux entiers dépens, en ce compris l'intégralité des frais d'expertise dont distraction au profit de la SCP G.B. en application de l'article 699 du CPC.

 

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2021.

 

MOTIFS DE LA DECISION

 

Sur le prix du bail renouvelé :

 

La cour relève qu'il n'est pas discuté que la valeur locative des locaux donnés à bail est inférieure au montant du loyer plafonné, la SCI ECH revendiquant un loyer inférieur au montant du loyer plafond. Le loyer sera donc fixé à la valeur locative conformement aux dispositions des articles L. 145-33 et L. 145-34 du code de commerce, ladite valeur locative étant déterminée selon les critères énumérés par l'article L. 145-33, à savoir :

 

1° les caractéristiques du local considéré ;

 

2° la destination des lieux ;

 

3° les obligations respectives des parties ;

 

4° les facteurs locaux de commercialité ;

 

5° les prix couramment pratiqués dans le voisinage,

 

ces critères étant précisés par les articles R. 145-3 à R. 145-7 du code de commerce.

 

En l'espèce, les locaux en cause à usage de lunetterie, optique, audioprothèse et toutes activités s'y rapportant dépendent d'un immeuble de belle facture situé à l'angle des rues Prony et Médéric à Paris 17ème, deux voies secondaires ayant toutes deux au moins une voie de circulation avec possiblité de stationnement bilatéral, avec une commercialité caractérisée par la concentration, en pieds d'immeubles, de commerces de services, d'établissements de restauration et de quelques commerces de proximité en majorité exploités par des commerçants indépendants sans notoriété particulière, et desservis par les stations de métro Monceau et Wagram ainsi que les lignes de bus 30 et 31. Il s'agit selon l'expert d'un assez bon emplacement pour l'activité exercée en raison d'une situation au sein d'un secteur mixte qui profite à la fois de la population salariée du secteur et de la population résidentielle qui bénéficie d'un bon pouvoir d'achat.

 

Au rez-de-chaussée, la boutique en légère surélévation présente des développements de façade de 3,50 m environ sur la rue Prony, de 5 m environ dans le pan coupé et de 12,50 environ sur la rue Médéric. Elle comprend des surfaces accessibles à la clientèle, avec une hauteur sous-faux plafond de 3 mètres environ et la présence de 5 piliers dont 4 au niveau de la vitrine ainsi que des surfaces non accessibles à la clientèle comprenant un laboratoire de petite dimension situé à l'arrière du local et ouvert sur l'aire de vente, une arrière-boutique éclairée par une vitrine sur la rue Médéric située dans le prolongement de l'aire de vente et un sanitaire commandé depuis l'arrière-boutique. Le sous-sol est accessible depuis l'aire de vente par un escalier métallique sous trappe d'une largeur de 0,75 m et possède deux caves sous voutains avec une hauteur sous voûtains de 2,48 m environ.

 

* sur la pondération :

 

La SCI ECH fait valoir que la pondération appliquée par l'expert judiciaire ne reflète pas les critères retenus par la charte de l'Expertise en sa version de 2015 ; qu'elle minore la zone d'angle des locaux qui, ajoutée à un linéaire de façade exceptionnel bénéficiant d'un pan coupé, permet un attrait accru du local au regard de l'activité excercée ; qu'elle opère pour les surfaces donnant sur la rue Médéric différentes zones de pondération en fonction d'un critère d'utilité alors que selon la charte de l'expertise, il n'y a pas lieu de tenir compte des modalités d'exploitation du locataire mais des zones de surface ; qu'elle a fait établir un plan avec un relevé de surface par zone par le cabinet M.-D. permettant de disposer d'un état précis des différentes zones afin de proposer une pondération aussi précise que possible et en toute bonne foi ; que sur la base de ce relevé de surface faisant ressortir une surface de 103,3 m², il y a lieu procéder à la pondération suivante :

 

au rez-de-chaussée

 

zone d'angle 6,80 m² x 1,30 = 8,84 m²

 

zone 1 rue de Prony 15 m² x 1 = 15 m²

 

zone 1 rue Médéric 32 m² x 1 = 32 m²

 

zone 2 rue Médéric 13,10 m² x 0,90 = 11,79 m²

 

local technique et sanitaire 5,50 m² x 0,40 = 2,20 m²

 

et pour le sous-sol 30,90 m² x 0,25 = 7,73 m²

 

soit une surface pondérée torale de 77,56 m²

 

La société OPTIQUE PRONY se réfère à la pondération proposée par l'expert judiciaire précisant qu'elle a été établie sur la base des plans établis par un géomètre mandaté par le bailleur, considérant que l'expert s'est conformé à la charte de l'Expertise. Elle s'oppose à la prise en compte du nouveau relevé de surface qui n'a pas été soumis au contrôle de l'expert et qui est de nature à entraîner une confusion. Elle soutient que l'application d'un coefficient de 1,30 sur la zone d'angle ne tient pas compte du caractère secondaire des voies de circulation donnant sur cette zone et que l'application d'un coefficient de 0,25 pour le sous-sol ne prend pas en compte les caractéristiques de ce sous-sol et ses difficultés d'accès.

 

La cour rappelle que les dispositions de l'article R. 145-7 du code de commerce imposent que l'analyse des prix couramment pratiqués dans le voisinage par unité de surfaces concerne des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6 ; que ce besoin d'équivalence a rendu nécessaire la pondération des surfaces, laquelle doit permettre d'apprécier les locaux dans leur consistance et à partir d'elle dans leur utilité et non pas en fonction de la seule utilisation des locaux.

 

En l'espèce, l'expert, se référant au relevé de surface établi le 30 mai 2018 par la société EXPERT-METRIC, qui lui a été remis par le bailleur dans le cadre des opérations d'expertise, prenant en compte une surface utile de 106,49 m² et la charte de l'Expertise applicable depuis le 1er juillet 2015, tenant compte des linéaires de façades de 3,50 m environ sur la rue de Prony, de 5 m dans le pan coupé et de 12,50 m sur la rue Médéric, a opéré la pondération suivante :

 

- rez-de-chaussée

 

partie accessible à la clientèle :

 

* zone d'angle 11,50 m² x 1,10 = 12,65

 

* zone 1 sur la profondeur de 5 m sur la rue de Prony 8,50 m² x 1,00 = 8,50

 

* zone 1 sur la profondeur de 5 m environ sur la rue Médéric 34,70 m² x 0,90 = 31,23

 

partie non accessible à la clientèle :

 

* arrière-boutique 12,63 m² x 0,70 = 8,84

 

* laboratoire et sanitaires 5,90 m² x 0,40 = 2,36

 

- au sous-sol

 

* caves : 33,26 m² x 0,20 = 6,65

 

soit une surface pondérée de 70,23 m²B.

 

La cour relève cependant qu'il ne ressort pas des termes du certificat de superficie auquel se réfère l'expert que la superficie du sous-sol a été effectivement mesurée. Le technicien ayant procédé au mesurage du lot énonce en effet que la superficie du lot examiné correspondant au local commercial du rez-de-chaussée est de 73,23 m², la superficie des annexes ne résultant que d'un tableau mentionnant le détail des surfaces par local et faisant figurer au titre des surfaces annexes 3 caves d'une surface de 33,26 m² sans préciser expressément qu'elles ont fait l'objet d'un mesurage. La cour relève par ailleurs que la différence entre le certificat établi par la société EXPERT-METRIC et le relevé de surface du cabinet M.-D. correspond pour l'essentiel à la différence de superficie du sous-sol retenue pour 33,26 m² par l'expert judiciaire alors que le plan détaillé du cabinet M.-D. fait ressortir une superficie de 30,90 m². Il apparaît ainsi que le second métré critiqué par la société locataire vient en réalité préciser le premier métré s'agissant du sous-sol de sorte qu'il sera pris en compte mais uniquement concernant cette partie des locaux, la cour se référant au document établi par la société EXPERT-METRIC s'agissant du rez-de-chaussée.

 

S'agissant de la pondération des différentes zones retenues par l'expert, la SCI ECH ne peut utilement critiquer le coefficient appliqué à la zone d'angle dès lors que le coefficient qu'elle propose est excessif en ce qu'il correspond au coefficient maximal préconisé pour une zone d'angle, l'expert relevant à juste titre que le coefficient appliqué doit tenir compte non seulement de la visibilité de cette zone mais également de la commercialité des rues sur lesquelles se trouve la zone d'angle, précision étant donnée qu'il s'agit de voies secondaires et qu'il existe une disproportion du linéaire de façade qui se développe sur la rue Médéric sur une longueur de 12,50 m environ par rapport au linéaire qui se développe sur la rue de Prony laquelle bénéficie d'un flux tant de piétons que d'automobiles plus dense.

 

Elle est en revanche fondée à contester l'application d'un coefficient de 0,90 à la zone 1 rue Médéric s'agissant précisément d'une zone 1 dont le coefficient ne peut être inférieur à 1. Il s'ensuit que la zone 1 Médéric sera donc pondérée à 34,70 m²B et non à 31,23 m²B comme retenu par l'expert, la pondération de la zone 1 rue de Prony n'étant pas discutée.

 

C'est par ailleurs à tort que l'expert a pris en compte l'utilité de la dernière zone de la rue Médéric en lui appliquant un coefficient applicable à une arrière-boutique alors qu'elle se situe dans le prolongement du linéaire de façade et qu'au regard des caractéristiques des locaux elle relève d'une zone 2 auquel un coefficient de 0,80 sera appliqué, soit une surface pondérée de 10,10 m²B la concernant.

 

Le local technique et les sanitaires ont été justement pondérés à 0,40 et la cour relève que ce point ne fait pas débat. Une surface pondérée de 2,36 m²B sera donc retenue.

 

Enfin c'est à juste titre que l'expert a appliqué un coefficient de 0,20 au sous-sol qui s'il est relié à l'espace de vente ne l'est que par une trappe ouvrant sur un escalier métallique d'une largeur de 0,75 m, soit une surface pondérée de 6,18 m²B pour une surface utile de 30,90 m².

 

Au vu de ce qui précède, la surface pondérée des locaux sera arrêtée à 74,49 m²B.

 

* sur la valeur locative unitaire :

 

La SCI ECH fait valoir que l'expert judiciaire retient un prix unitaire de 480 euros/m²B et cite 16 loyers de comparaison dont 5 seulement se situent dans le voisinage proche des locaux donnés

 

à bail ; que la valeur moyenne de ces références est de 522 euros/m²B et est donc supérieure à la valeur retenue par l'expert. Elle se prévaut d'éléments de comparaison issus de décisions judiciaires et de locations nouvelles faisant ressortir une moyenne de 935,50 euros/m²B et reproche à l'expert d'avoir écarté une location nouvelle située à proximité des locaux en cause et faisant ressortir une valeur locative de 2.042 euros/m² B tout en retenant d'autres références plus éloignées des locaux loués. Elle considère dès lors que la valeur locative unitaire ne saurait être inférieure à 700 euros/m²B.

 

Pour solliciter la confirmation de la valeur unitaire retenue par l'expert et entérinée par le premier juge, la société OPTIQUE PRONY fait valoir que le prix unitaire proposé par le bailleur n'est pas justifié ; qu'il procède d'une sélection arbitraire de références locatives ; que parmi ces références, celle portant sur le 110 rue de Courcelles n'a pas été vérifiée ; que le bailleur procède par voie de calcul arithmétique.

 

La cour rappelle que la valeur locative ne résulte pas d'une moyenne arithmétique mais du rapprochement des éléments de comparaison analysés un à un ; que ces éléments de comparaison tiennent compte des locations nouvelles mais également des renouvellements amiables et des fixations judiciaires, outre les autres éléments visés par le code de commerce.

 

Les éléments de comparaison recueillis par l'expert font ressortir, s'agissant des locations nouvelles, des valeurs de 454 euros/m²B et de 591 euros/m²B pour des locaux situés respectivement 17 rue Médéric et 49 rue de Prony pour des baux conclus en janvier 2012 et septembre 2015, et, toujours s'agissant de locations nouvelles, de valeurs comprises entre 400 euros/m²B et 643 euros/m²B pour des locaux situés rue Rennequin, rue Gounod, avenue de Villiers et rue Jouffroy d'Abbans. Les références portant sur des renouvellements amiables font ressortir des valeurs comprises entre 363 euros/m² B et 732 euros/m²B pour des renouvellements intervenus entre mai 2013 et janvier 2017tandis que deux valeurs de fixation judiciaire sont citées pour des renouvellements au 1er janvier 2012 et 1er juin 2008 faisant état respectivement de valeurs de 360 euros/m²B et de 580 euros m²B.

 

Il n'est pas pertinent pour la SCI ECH de se prévaloir d'éléments de comparaison situés 110 rue de Courcelles et 91 rue de Courcelles mentionnant des valeurs unitaires de 2.042 euros/m²B pour l'une et de 2.032 euros/m²B pour l'autre pour des baux conclus en mai et juin 2014 au profit de la société SUNCOO et d'une référence sise au 12 boulevard de Courcelles comportant une valeur unitaire de 1.000 euros en novembre 2014 s'agissant de locaux situés sur des artères de très bonne commercialité sur lesquelles le commerce d'enseigne est très largement prépondérant ainsi que l'a relevé l'expert.

 

Au regard de l'ensemble de ces éléments et notamment des prix pratiqués dans le voisinage, des caractéristiques des locaux loués qui sont en bon état, de leur emplacement et particulièrement de l'avantage d'une situation en angle leur conférant une bonne visibilité, au sein d'un secteur à vocation mixte profitant à la fois d'une population salariée et d'une population résidentielle avec un bon pouvoir d'achat, la valeur locative unitaire sera fixée à la somme de 500 euros /m²B, soit une valeur locative de 37.245 euros inférieure au montant du loyer plafond.

 

Les parties s'accordent sur la déduction de la taxe foncière pour un montant de 894 euros. Le prixdu bail renouvelé sera en conséquence fixé à la somme de 36.351 euros arrondie à 36.350 euros, le jugement entrepris étant réformé sur ce quantum.

 

Le jugement entrepris sera confirmé sur le point de départ des intérêts sur le différentiel entre le loyer dû et le loyer effectivement acquitté.

 

Sur les demandes accessoires :

 

Compte tenu de la nature du litige, le jugement entrepris sera confirmé sur le sort des dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens d'appel seront partagés par moitié entre les parties, la distraction des dépens étant autorisée dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

 

PAR CES MOTIFS

 

La cour statuant publiquement, par mise à disposition, contradictoirement,

 

Confirme le jugement entrepris sauf sur la quantum du prix du bail renouvelé,

 

Infirmant de ce chef,

 

Statuant à nouveau et y ajoutant,

 

Fixe à 36.350 euros hors charges et hors taxes le prix du bail renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 2017 entre la SCI ECH et la société OPTIQUE PRONY portant sur les locaux situés à [...] et [...],

 

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

 

Fait masse des dépens d'appel et les partage par moitié entre les parties dont distraction au profit des avocats postulants en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.