Livv
Décisions

Cass. 2e civ., 21 décembre 2006, n° 04-20.020

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

Poitiers, du 21 sept. 2004

21 septembre 2004

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 21 septembre 2004), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ. 3 avril 2002, pourvoi n° 99-20503), que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de Haute-Vienne, aux droits de laquelle se trouve la caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Centre Ouest, a consenti un prêt à M. X..., agriculteur ; que Mme X..., également agricultrice, qui exploite avec son mari les terres qui sont leur propriété indivise, s'est portée caution des engagements de celui-ci ; que n'ayant pas honoré leurs engagements, la banque a engagé des poursuites à leur encontre ; que M. X... a bénéficié de la suspension des poursuites en raison de sa qualité de rapatrié ; que contestant en revanche à Mme X..., le droit à cette suspension des poursuites, la CRCAM a engagé à l'encontre de celle-ci une action tendant à l'ouverture d'une procédure collective ; que par un jugement du 17 novembre 1998, le tribunal de grande Instance de Limoges a fait droit à sa demande et ouvert une procédure de redressement judiciaire, sous forme simplifiée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant ouvert une procédure de redressement judiciaire à son encontre, alors, selon le moyen :

1 / qu'aux termes de l'article 783 du nouveau code de procédure civile auquel renvoie l'article 910, aucune conclusion ne peut être déposée postérieurement à l'ordonnance de clôture ; que formulée en termes généraux la règle s'applique aux conclusions déposées par le ministère public ; qu'en l'espèce le ministère public a déposé des conclusions le 16 juin 2004 bien que l'instruction ait été close le 5 mai 2004, aux termes d'une ordonnance du 5 mai 2004 ; que l'arrêt attaqué était rendu en violation des articles 783 et 910 du nouveau code de procédure civile ;

2 / que le principe de l'égalité des armes, en même temps que le droit au procès équitable que garantit l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, interdisent que le ministère public soit traité différemment des parties quant à la production de conclusions écrites ; qu'il était dès lors exclu que les conclusions du ministère public, produites le 16 juin 2004, puissent être prises en compte dès lors que la clôture de l'instruction était intervenue le 5 mai 2004 ; qu'en toute hypothèse, l'arrêt attaqué doit être censuré pour violation du principe de l'égalité des armes, au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que le ministère public est intervenu à l'instance d'appel en qualité de partie jointe et avait la faculté, en application de l'article 431 du nouveau code de procédure civile, de faire connaître ses conclusions soit par écrit, soit oralement à l'audience ; qu'il ne résulte d'aucune disposition que lorsqu'il choisit de déposer des conclusions écrites, celles-ci doivent être communiquées aux parties avant l'audience ; qu'il suffit qu'elles soient mises à leur disposition le jour de l'audience ;

Et attendu qu'en application de l'article 445 du nouveau code de procédure civile, les parties avaient la possibilité de répondre, même après la clôture des débats, aux arguments développés par le ministère public ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens réunis, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du nouveau code de procédure civile :

Attendu que Mme X... fait encore grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen :

1 / qu'en statuant comme ils l'ont fait tout en constatant qu'une demande avait été déposée, les juges du fond ont violé la règle suivant laquelle le bénéfice de la législation des rapatriés est reconnue au rapatrié dès lors qu'il justifie avoir déposé une demande ; qu'ainsi l'arrêt a été rendu en violation de l'article 100 de la loi de finances n° 97-1269 du 30 décembre 1997, modifié par l'article 25 de la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998 ;

2 / qu'à supposer qu'une telle circonstance puisse tenir en échec les effets de la législation sur les rapatriés, de toute façon, la seule circonstance que le préfet n'ait as été informé des démarches accomplies par M. et Mme X... n'était pas de nature, à défaut d'autre élément, notamment à défaut de manoeuvre, à caractériser à la charge de Mme Y..., épouse X... une attitude dilatoire ; qu'à cet égard également l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 100 de la loi de finances n° 97-1269 du 30 décembre 1997, modifié par l'article 25 de la loi de finances rectificative n° 98-1267 du 30 décembre 1998 ;

3 / que s'il appartient au rapatrié qui entend obtenir le bénéfice des dispositions propres aux rapatriés d'établir qu'une demande a été formée dans les délais, il incombe en revanche à la partie poursuivante d'établir, le cas échéant au besoin en mettant en oeuvre les règles concernant la communication des documents administratifs qu'une décision de rejet est intervenue, qu'elle est définitive et qu'elle fait obstacle à l'application des règles propres aux rapatriés ; qu'en statuant comme ils l'ont fait les juges du fond ont violé les règles de la charge de la preuve ;

4 / que dans ses conclusions d'appel, Mme X... faisait état d'une demande d'aide au désendettement qu'elle a elle-même formée à titre personnel le 19 juillet 1999 ; qu'en se bornant à faire état qu'elle avait toujours vécu en France métropolitaine, sans rechercher si elle pouvait ou non prétendre à la qualité de rapatrié, et s'il convenait de pouvoir considérer sa demande à titre personnel, les juges du fond ont rendu leur décision au mépris des articles 100 de la loi du 30 décembre 1997 et 25 de la loi du 30 décembre 1998 ;

Mais attendu que si l'article 6, paragraphe 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales permet à l'Etat de limiter le droit d'accès à un tribunal dans un but légitime, c'est à la condition que la substance même de ce droit n'en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens employés soient proportionnés à ce but ;

Et attendu que les dispositions invoquées par Mme X... relatives au désendettement des rapatriés réinstallés dans une profession non salariée, résultant des articles 100 de la loi du 30 décembre 1997, 76 de la loi du 2 juillet 1998, 25 de la loi du 30 décembre 1998, 2 du décret du 4 juin 1999 et 77 de la loi du 17 janvier 2002, organisent, sans l'intervention d'un juge, une suspension automatique des poursuites, d'une durée indéterminée, portant atteinte, dans leur substance même, aux droits des créanciers, privés de tout recours alors que le débiteur dispose de recours suspensifs devant les juridictions administratives ;

qu'elles méconnaissent ainsi les exigences de l'article 6, paragraphe 1, précité ;

Que par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le moyen, la décision attaquée se trouve légalement justifiée ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-et-un décembre deux mille six.