Cass. crim., 23 février 2005, n° 04-82.933
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. COTTE
Rapporteur :
M. ROGER
Avocat général :
M. DAVENAS
Avocats :
Me De NERVO, Me COSSA
Sur la recevabilité du mémoire complémentaire déposé le 28 décembre 2004 :
Attendu que ce mémoire a été produit après le dépôt du rapport le 3 décembre 2004 ; qu'il y a lieu de le déclarer irrecevable par application de l'article 590 du Code de procédure pénale ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 441-1 et suivants du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, contradiction et insuffisance de motifs ;
"en ce que l'arrêt infirmatif de la cour d'appel de Colmar a déclaré le prévenu coupable d'usage de faux et, en répression, l'a condamné à une peine d'amende de 5 000 euros ainsi qu'à payer à la partie civile la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 1.000 euros en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
"aux motifs que cette procédure porte sur l'évaluation totalement fausse dans un document comptable, des actifs de la société Top Mail, à l'occasion de l'acquisition de 50 % de ses parts par la société Alsacap ; que, crée en 1993 à l'initiative de Georges X... la société Top Mail, dont l'activité était le routage, a envisagé en début d'année 1997 d'étendre ses activités à celle d'opérateur sur Internet ; que c'est dans ce contexte que le gérant, Alexandre Y..., a acquis du matériel et embauché en mai 1997 un technicien en informatique, Laurent Z..., tandis que Georges X... directeur commercial et gérant de fait, a démarché la clientèle ; que Georges X... est ainsi entré en contact avec Martin A..., gérant de la société Alsacap, qui rapidement s'est intéressé à l'entrée dans le capital social de la société Top Mail ; que c'est ainsi que Patrick B..., consultant et conseil de Georges X... a mis en forme le montage juridique, l'augmentation de capital, la cession d'une partie des parts d'Alexandre Y... et Georges X... à la société Alsacap, qui est ainsi devenue propriétaire de 750 actions sur les 1 500 composant le capital social ; qu'au cours des négociations sur la valeurs des parts, Alexandre Y... et Georges X... ont présenté à Martin A... une évaluation des immobilisations, faisant ressortir une valeur de 1 395 350 francs, intégrée par Alexandre Y... dans la balance provisoire au 21 juillet 1997, à laquelle était jointe une liste tout à fait flatteuse de ces immobilisations ; que ce document signé par eux a été annexé à l'acte de cession de parts comme partie intégrante du contrat liant les parties ; que l'enquête qui a suivi le dépôt de plainte de la société Alsacap a révélé que ces actifs, d'une valeur de 123 000 francs selon l'ingénieur informatique M. C..., avaient été valorisés de manière exorbitante et fantaisiste, ce qu'Alexandre Y... et Georges X... savaient pertinemment ; que cette liste estimative des agréments ne se résume pas à une simple évaluation frauduleuse de postes immatériels dont la valeur objective serait par nature difficile à chiffrer ; qu'en réalité la société Top Mail n'avait encore aucune connexion à Internet, et n'avait réalisé aucun chiffre d'affaires dans cette activité, qui en était à ses balbutiements ; que les fausses informations contenues dans ce document, de surcroît intégré par leurs soins dans un document contractuel est constitutif du "faux" ;
qu'Alexandre Y... convaincu que ces postes "ne valaient pas grand-chose", alors qu'il avait eu connaissance de la valorisation réaliste établie à hauteur de 60 000 francs par Laurent Z..., a néanmoins fait confiance à Georges X... et Patrick Feibelmann ; que Georges X... lui aussi convaincu du caractère "faux" de cette liste estimative des agréments, a affirmé que cette valorisation à hauteur de près de 1 400 000 francs, était l'oeuvre de Laurent Z..., et lui a fait confiance ; que cependant cette version est contredite par les déclarations de Laurent Z... qui n'avait aucun intérêt personnel à l'opération, et ne coïncide pas avec l'implication des différents protagonistes dans le déroulement de la négociation, mettant en avant le rôle prépondérant de Georges X... assisté de son conseil, Patrick B... ; qu'au-delà de la détermination de l'auteur de ce faux matériel, il n'en demeure pas moins qu'Alexandre Y... et Georges X... ont au cours de la négociation visant au rachat de leurs parts sociales, fait usage sciemment de ce document qu'ils savaient contenir des informations fausses, l'ont signé et annexé au document contractuel, dans le but évident de mieux valoriser leurs parts au risque de porter préjudice à leur cocontractant ; que le caractère délibéré de cet usage de fausses informations n'est nullement contredit par la " note explicative " accompagnant cette liste, qui, loin d'indiquer que ces valeurs ne seraient qu'indicatives, explique que les parties devront ultérieurement définir la méthode de comptabilisation de ce poste ; que les prévenus qui ont eu conscience d'altérer la vérité en produisant une liste d'immobilisations totalement fantaisiste, laquelle a été intégrée à un document contractuel ont commis le délit d'usage de faux au sens de l'article 441-1 du Code pénal ;
"et aux motifs que le préjudice résulte en fait de la tromperie organisée dans le but d'obtenir un meilleur prix, et son étendue est fonction des compétences de la victime de ces agissements à procéder à sa propre estimation, ainsi que de l'évolution ultérieure de l'activité considérée par rapport à celle qui pouvait être espérée compte tenu des " faux documents " produits ;
que si le préjudice est certain, il ne peut être qu'évalué de manière forfaitaire et symbolique, en l'absence de tout élément de preuve du préjudice actuel ;
"alors, d'une part, que l'altération frauduleuse de la vérité, préjudiciable à autrui, ne constitue un faux pénalement punissable que lorsqu'elle est commise dans un document faisant titre ; que, dès lors, une telle altération ne constitue pas un faux, lorsqu'elle est commise dans des écrits, qui sont, par leur nature soumis à discussion et vérification ; qu'en déclarant le prévenu coupable d'usage de faux pour avoir signé un contrat de cession de parts sociales auquel était annexé une balance provisoire des immobilisations contenant des informations fausses, alors que de tels documents ne pouvaient avoir pour effet, à eux seuls, d'établir la valeur des parts sociales au moment de ladite cession, et était, par sa nature, soumis à la libre discussion et vérification du cessionnaire, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 441-1 du Code pénal ;
"alors, d'autre part, qu'il n'y a point de crime ou délit sans intention de le commettre ; qu'en déclarant cependant le prévenu coupable d'usage de faux bilans, sans rechercher, ainsi que les conclusions régulièrement déposées le faisaient valoir, si le prévenu avait eu conscience de ce que la balance provisoire qui était annexée à l'acte de cession constituait un faux susceptible de porter préjudice à autrui, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 441-1 du Code pénal ;
"alors enfin, que la cour d'appel ne pouvait énoncer, d'une part, que " le préjudice résulte en fait de la tromperie organisée dans le but d'obtenir un meilleur prix, et son étendue est fonction des compétences de la victime de ces agissements à procéder à sa propre estimation, ainsi que de l'évolution ultérieure de l'activité considérée par rapport à celle qui pouvait être espérée compte tenu des " faux documents" produits puis relever que " si le préjudice est certain, il ne peut être qu'évalué de manière forfaitaire et symbolique, en l'absence de tout élément de preuve du préjudice actuel", sans entacher sa décision d'une contradiction flagrante dans la mesure où un préjudice dont il n'est pas rapporté la preuve ne saurait être certain et violer ainsi les dispositions de l'article 593 du Code de procédure pénale" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu'intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 1 500 euros la somme que Georges X... devra verser à la société Alsacap au titre de l'article 618-1 du Code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;