Cass. 2e civ., 15 novembre 2007, n° 07-10.921
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 novembre 2006) et les productions, qu'insatisfaite des résultats des forages qu'elle avait fait exécuter, la société Excelis a obtenu, en référé, sur le fondement de l'article 145 du nouveau code de procédure civile, l'instauration dune mesure d'expertise confiée à M. de X..., qui visait les sociétés Forasud et Périsud ; que cette mesure a été ensuite étendue aux sociétés Pompes Grundfos, H2EA, Aptapro et à la société Zurich, aux droits de laquelle vient la société Generali IARD ; que la société Excelis a ultérieurement formé une demande de récusation et, subsidiairement, de dessaisissement de M. de X... ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société Excelis fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de récusation de l'expert, alors, selon le moyen :
1°/ que l'existence d'un procès entre l'expert judiciaire et l'une des parties constitue une cause péremptoire de récusation, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que le procès a été engagé avant ou après le début des opérations d'expertise ou selon qu'il puise sa raison d'être dans des faits étrangers ou non au déroulement des opérations d'expertise ; qu'en décidant néanmoins que la société Excelis ne pouvait se prévaloir, comme cause de récusation de l'expert judiciaire, de ce qu'un procès l'opposait à celui-ci au motif inopérant tiré de ce qu'il s'agissait d'un procès lié au seul déroulement de l'expertise, la cour d'appel a violé les articles 234 et 341 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que constitue une cause péremptoire de récusation, le fait que l'expert soit créancier de l'une des parties, peu important que cette créance ait pour origine un procès relatif au déroulement des opérations d'expertise ; qu'en décidant néanmoins que la société Excelis ne pouvait se prévaloir, comme cause de récusation de l'expert judiciaire, de ce que celui-ci détenait une créance à son encontre, aux motifs inopérants tirés de ce que la créance invoquée était constituée par une condamnation au titre des frais irrépétibles dans le cadre du procès en dessaisissement intenté par cette société devant le juge des référés et que la société Excelisavait elle-même assigné l'expert devant celui-ci, puis l'avait intimé en appel et qu'elle n'était pas fondée à reprocher à l'expert une cause de récusation qu'elle avait elle-même créée, la cour d'appel a violé les articles 234 et 341 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que l'expert n'est pas une partie au litige à l'occasion duquel il est désigné en qualité de technicien ;
Et attendu qu'ayant relevé que les seuls litiges dont il est justifié sont ceux introduits devant le juge chargé du contrôle des expertises, le juge des référés et la cour d'appel, l'arrêt en a exactement déduit qu'il n'y avait pas eu de procès entre l'expert et les parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société Excelis fait encore grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de dessaisissement de l'expert, alors, selon le moyen :
1°/ que le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée, même s'il a la faculté de se faire assister par la personne de son choix, agissant sous son contrôle et sous sa responsabilité ; que le juge peut remplacer le technicien qui manquerait à ses devoirs, après avoir provoqué ses explications ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que l'expert n'avait pas manqué à ses devoirs en s'adjoignant à titre de sapiteur la société BET Straterre dont il est gérant, exerçant la même spécialité que lui, qu'aucune déloyauté ne pouvait lui être reprochée puisqu'il avait prévenu les parties, sans rechercher, comme elle y était invitée, si sous couvert de s'adjoindre ce sapiteur, l'expert ne lui avait pas, en réalité, délégué sa mission, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 233, 235 et 278-1 du nouveau code de procédure civile ;
2°/ que l'expert doit respecter le principe du contradictoire pendant le déroulement des opérations d'expertise, de sorte qu'il ne peut, en l'absence d'une des parties, inverser l'ordre d'une réunion d'expertise prévu par la convocation ; que le juge peut remplacer le technicien qui manquerait à ses devoirs, après avoir provoqué ses explications ; qu'en décidant néanmoins que le fait, pour l'expert, d'avoir inversé l'ordre de la réunion du 8 mars 2005, tel qu'il était prévu dans la convocation et ce, en l'absence de la société Excelis arrivée dix minutes plus tard, ne constituait pas un manquement à ses devoirs, motif pris de ce que cette inversion n'avait pas causé de grief à cette société, l'expert ayant rappelé à son arrivée ce qui venait d'être dit, la cour d'appel, qui a statué par des motifs inopérants, a violé les articles 16, 160 et 276 du nouveau code de procédure civile ;
3°/ que l'expert doit accomplir sa mission avec impartialité ; que ne peut être regardé comme impartial, l'expert qui est opposé à l'une des parties dans le cadre d'un procès, sans qu'il faille distinguer suivant que le procès a été engagé avant ou après le début des opérations d'expertise ou selon qu'il puise sa raison d'être dans des faits étrangers ou non au déroulement des opérations ; qu'en refusant dès lors de prononcer le dessaisissement de M. de X..., pourtant en procès avec la société Excelis, aux motifs inopérants tirés de ce que ce procès en dessaisissement de l'expert avait été intenté par la société Excelis et que l'expert n'y était pas partie, ne pouvant être entendu qu'en tant qu'auxiliaire de justice, la cour d'appel a violé les articles 235 et 237 du nouveau code de procédure civile ;
4°/ que l'expert doit accomplir sa mission avec impartialité ; qu'en se bornant, pour refuser de prononcer le dessaisissement de l'expert, à affirmer que la société Excelis ne saurait lui reprocher d'être partie au procès pour en déduire son manque de neutralité, alors qu'elle-même sollicite pour la troisième fois son dessaisissement, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'expert avait fait preuve d'un manque de neutralité dans le déroulement des opérations d'expertise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 235 et 237 du nouveau code de procédure civile ;
5°/ que le juge peut remplacer le technicien qui manquerait à ses devoirs, après avoir provoqué ses explications ; que la société Excelis soutenait, pour demander le dessaisissement de l'expert, qu'il avait trompé le juge en lui indiquant à tort, lors de l'audience du 16 décembre 2005, que les opérations expertales étaient avancées à 90 % et qu'il était proche de la fin de sa mission, celle-ci ne nécessitant plus qu'un ultime accedit pour être achevée ; qu'en se bornant, pour rejeter la demande de la société Excelis, à affirmer que celle-ci n'ayant transmis que le 18 août 2006 le rapport de son expert-comptable chiffrant le montant du préjudice réclamé à hauteur de 1 571 699 euros, elle ne pouvait faire ce reproche à l'expert, sans rechercher, comme elle y était invitée, si lors de son audience par le juge, l'expert avait menti en affirmant que sa mission était presque achevée à l'exception d'un ultime accedit, peu important les raisons pour lesquelles les opérations d'expertise étaient loin d'être achevées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 235 du nouveau code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'avait pas à se prononcer sur la régularité d'opérations d'expertise qui n'étaient pas achevées, a souverainement apprécié si les manquements reprochés au technicien justifiaient son remplacement ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que le pourvoi revêt un caractère abusif ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Excelis aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, condamne la société Excelis à payer aux sociétés Aptapro, Forasud, Generali IARD, H2EA, Périsud, Pompes Grundfos et à M. de X...la somme de 1 000 euros chacun ;
Condamne la société Excelis à une amende civile de 2 500 euros envers le Trésor public ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze novembre deux mille sept.