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Décisions

Cass. soc., 7 mars 2012, n° 10-21.231

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

Paris, du 25 mai 2010

25 mai 2010

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé par la société Peugeot Citroën automobiles (la société PCA) le 4 décembre 1996 en qualité de cadre position II, a été affecté à Marseille au mois de décembre 2005 pour une durée de six mois en qualité de responsable satisfaction clients ; que cette mission, prorogée du fait de l'absence de l'ancienne responsable, ayant pris fin au mois de juin 2007 en raison d'une réorganisation de la société PCA, le salarié a été nommé à Paris en qualité de chef de projet Peugeot perspectives ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;

 

Sur le premier moyen, pris en ses troisième et quatrième branches :

 

Vu les articles 1134 et 1184 du code civil, L. 1221-1 du code du travail ;

 

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, l'arrêt énonce que M. X... se plaint régulièrement du caractère "basique" des tâches confiées, récrimination constamment contestée par sa hiérarchie qui lui oppose son manque de bonne volonté et d'adaptabilité à son nouveau poste ; que, par ailleurs, les reproches fondés sur la disparition, avec la nouvelle affectation, d'une prime de mobilité et d'un véhicule de service ne sauraient en soi suffire pour caractériser un manquement de l'employeur alors que ces avantages sont consentis aux salariés, non en fonction de leur positionnement hiérarchique mais selon les modalités particulières d'exercice de leurs fonctions ;

 

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le changement de fonctions imposé au salarié n'entraînait pas une diminution de ses responsabilités et l'accomplissement de tâches inférieures à sa qualification ni s'expliquer sur le retrait du téléphone et de l'ordinateur portables ainsi que de la carte de crédit "affaire", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

 

Sur le second moyen, pris en sa première branche :

 

Vu les articles 114 et 202 du code de procédure civile ;

 

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour harcèlement moral, l'arrêt énonce que les attestations produites par M. X..., à les supposer pertinentes, ne respectent pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'elles ne pourront donc pas être retenues ;

 

Qu'en se déterminant ainsi, alors que les dispositions de l'article 202 susvisé ne sont pas sanctionnées par la nullité et sans préciser en quoi l'irrégularité constatée constituait l'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public faisant grief à la partie qui l'invoque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

 

Et, sur le second moyen pris en ses trois dernières branches :

 

Vu les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

 

Attendu qu'en application de ces textes, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

 

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une indemnité pour harcèlement moral, l'arrêt énonce que les innombrables échanges de mails produits aux débats témoignent en premier lieu de la vie de l'entreprise sur la période qu'ils couvrent ; qu'ils ne recèlent aucun propos constitutifs de harcèlement ; qu'ils montrent que les relations se tendent entre le salarié et l'employeur sans toutefois que l'origine de cette tension puisse être imputée à un comportement fautif de la part de l'employeur ; que le salarié n'apporte pas d'éléments sur le caractère prétendument irréalisable des objectifs fixés par son employeur si ce n'est des mails, insuffisants au plan probatoire ; qu'il résulte des débats qu'en réalité le reclassement de M. X... a été réalisé, sans modifier son contrat de travail, dans le contexte difficile d'une réduction des moyens décidée par la société PCA en lien avec la crise traversée par le secteur de l'automobile et qu'il s'est doublé d'une autre difficulté liée à la personnalité de M. X... ;

 

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de se prononcer sur l'ensemble des éléments retenus afin de dire s'ils laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, d'apprécier les éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause étaient étrangères à tout harcèlement moral, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

 

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

 

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

 

Condamne la société Peugeot Citroën automobiles aux dépens ;

 

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Peugeot Citroën automobiles et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

 

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille douze.