CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 3 novembre 2011, n° 2011/00900
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Électricité De France (Sté)
Défendeur :
Léonard Valentini (Sté), Commission de Régulation de l’Énergie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Conseillers :
Mme Beaudonnet, Mme Meslin
Avoué :
SCP Taze Bernard & Belfayol Broquet
Avocats :
Me Teytaud, Me Guillaume, Me Gossemont, Me Ravetto
La société Léonard Valentini (LV) développe un projet de centrale photovoltaïque au sol "Suai Vecchio" sur le territoire de la commune de Corte (Haute-Corse).
La société EDF, par l'entremise de sa direction des systèmes énergétiques insulaires (SEI), est gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité en Corse.
L'article 18 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 prévoyait que le gestionnaire de réseau public de distribution d'électricité est responsable de l’exploitation, de l’entretien et, le cas échéant, du développement du réseau public de distribution d'électricité, notamment afin de permettre le raccordement des installations des consommateurs et des producteurs ainsi que l'interconnexion avec d'autres réseaux dans leur zone de desserte exclusive.
L'article 2 de la même loi précisait que la mission de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité consiste, notamment, à assurer le raccordement et l'accès à ces réseaux dans des conditions non-discriminatoires.
Afin d'assurer sa mission, EDF a mis en place "une procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution".
Afin de développer son projet de centrale photovoltaïque au sol pour une puissance de production installée de 1,8 MW, la société Léonard Valentini a, le 3 octobre 2008, demandé à la direction SEI d'EDF une proposition technique et financière.
En application du décret n° 2000-877 du 7 septembre 2000, un récépissé de déclaration d'exploitation a été adressé à la société LV le 7 octobre 2008.
Le 23 janvier 2009, la société EDF a indiqué à la société LV que son projet photovoltaïque était enregistré dans la file d'attente de raccordement à la date du 3 novembre 2008 et que la proposition technique et financière lui serait communiquée le 23 avril 2009.
Après demandes en mars 2009 d'informations complémentaires pour un raccordement au réseau en 15 kV au lieu de 20 kV, EDF a le 7 avril 2009 précisé à LV que les informations communiquées avaient été validées par le bureau d'études.
Le 4 septembre 2009, EDF a adressé au mandataire de LV une proposition technique et financière pour le raccordement du projet "Sual Vecchio" (puissance 1,8 MW) sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine de 61 mètres.
Le 30 octobre 2009, LV a signé cette proposition et versé l'acompte demandé.
Le 1er décembre 2009, est entré en vigueur le décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d'électricité.
Ce décret, qui modifie le code de l'urbanisme, soumet la réalisation de certaines installations de production photovoltaïques au sol à de nouvelles prescriptions et notamment à une autorisation d'urbanisme.
Afin d'organiser la mise en oeuvre dudit décret, EDF a établi un avenant modificatif (référencé SEI REF 07) du 1 décembre 2009 à la "procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution en Corse et dans les départements et collectivités d'outre-mer". Ce document a notamment pour objet de définir des dispositions transitoires suite à l'évolution de la réglementation résultant du décret. En outre, il clarifie certains points de la procédure, prend en compte les évolutions récentes du code de I'urbanisme et de la réglementation technique relative aux raccordements et acte les simplifications de procédure mises en place pour les installations de petite puissance.
Le 2 décembre 2009, LV a demandé à EDF une nouvelle proposition technique et financière pour le même projet avec une puissance ramenée à 0,89 MW.
Le 29 décembre 2009, EDF a adressé à LV un devis pour la réalisation d'études complémentaires, devis accepté par LV le 15 février 2010.
Par courrier du 26 janvier 2010, EDF a indiqué à LV que, conformément aux dispositions transitoires prévues par l'avenant SEI REF 07 du 1er décembre 2009, il lui appartenait, pour conserver sa place dans la file d'attente, de lui adresser la copie de l'autorisation d’urbanisme du projet "Sual Vecchio" dans les neuf mois de l'entrée en vigueur du décret 19 novembre 2009, soit au plus tard le septembre 2010.
Le 9 mars 2010. EDF a précisé au mandataire de LV que les données techniques du projet modifié étaient validées et qu'une nouvelle proposition technique et financière lui serait communiquée le 17 mai 2010.
Le 12 juillet 2010, LV a indiqué à EDF qu'elle ne serait pas en mesure de lui adresser avant le 1er septembre 2010 1'autorisation d'urbanisme requise et a demandé le maintien de son projet en file d'attente afin de lui permettre d'accomplir l'ensemble des formalités administratives et en particulier l’étude d’impact sur l’environnement nécessaire à la demande d'avis consultatif de l'Assemblée territoriale de Corse.
Le 20 juillet 2010, EDF a rappelé à LV les termes de son courrier du 26 janvier relatif à sa place dans la file d'attente.
Le 26 juillet 2010, EDF a adressé au mandataire de LV une nouvelle proposition technique et financière pour le raccordement du projet "Sual Vecchio" (puissance 0,89 MW) sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine de 60 mètres.
Le 17 septembre 2010, EDF a informé LV de ce que son projet "Sual Vecchio" était sorti de la file d'attente.
La société Léonard Valentini a alors saisi le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDiS) de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande, enregistrée le 31 août 2010, de règlement du différend qui l'oppose à la société Electricité de France sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de son installation de production photovoltaïque situé sur la commune de Corte en Haute-Corse (2B).
Par décision du 19 novembre 2010 (la Décision), le CoRDiS a décidé que "La société Electricité de France traitera le projet d'installation de production photovoltaïque de la société Léonard Valentini comme étant entré et resté en file d'attente de raccordement depuis le 3 novembre 2008."
LA COUR
Vu la déclaration de recours en annulation ou réformation déposée le 14 janvier 2011 par la société EDF, comportant exposé de moyens et demande de condamnation de la société LV à lui payer 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu le mémoire en défense de la société LV déposé le 11 mars 2011, priant la cour de rejeter le recours de la société EDF, de confirmer la Décision, de dire que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 ne sont pas opposables à son projet et de condamner la société EDF à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les observations de la CRE déposées le 31 mai 2011 et tendant au rejet du recours ;
Vu les conclusions en réplique déposées par la société EDF le 5 septembre 2011 afin d'obtenir l'annulation de la Décision, le rejet des demandes de la société LV tendant à ce que le CoRDiS ordonne le maintien du projet dans la file d'attente, le rejet de la demande présentée à la cour par la société LV relativement à la non-opposabilité du décret du 9 décembre 2010 et la condamnation de la société LV à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les observations écrites du ministère public tendant au rejet du recours ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 22 septembre 2011 les conseils de la requérante, de la société LV, qui ont été mises en mesure de répliquer, le conseil de la CRE et le ministère public ;
Considérant que la société EDF prie la cour d'écarter des débats le mémoire responsif et récapitulatif signifié et déposé par la société LV le 20 septembre 2011, soit deux jours avant l'audience prévue pour les plaidoiries ; qu'il convient, par respect du principe du contradictoire, de dire irrecevable ce mémoire, étant en outre observé qu'il n'a pas été rendu nécessaire par le contenu du mémoire en réplique déposé par la société EDF le 5 septembre ;
Considérant qu'à l'appui de son recours, la société EDF soutient que la Décision est entachée d'erreurs de droit :
- en ce qu'elle retient, sans en justifier, que le délai de 9 mois fixé pour transmettre une copie du permis de construire d'un projet d'installation photovoltaïque au sol est manifestement inadapté à la Corse,
- en ce qu'elle ne prend pas en compte la situation de la société LV qui n'avait, le 19 novembre 2010, pas déposé sa demande de permis de construire ;
- en ce qu'en imposant la réintégration du projet de LV dans la file d'attente sans remise en cause des droits des tiers, elle revient à imposer à EDF la réparation d'un préjudice ;
- et qu'en outre, la Décision ouvre à la société LV sans limite de temps un droit au maintien de son projet dans la file d'attente ;
Considérant que, pour conclure au rejet du recours, la société LV soutient que l'avenant SEI REF 07, en prévoyant que les dispositions du décret n° 2009-1414 sont applicables aux projets photovoltaïques au sol entrés en file d'attente avant le 1er décembre 2009 et pour lesquels la convention de raccordement n'a pas été envoyée par EDF au demandeur à cette date, méconnaît le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; que les dispositions transitoires prévues par ledit avenant, en visant des situations établies avant l'entrée en vigueur du décret no 2009-1414, soit les projets entrés en file d'attente avant le 1er décembre 2009 conformément à la législation alors applicable, violent le principe de sécurité juridique ,
Que cette société fait, en outre, valoir qu'en accordant un délai de 9 mois, impossible à respecter, pour réaliser l'ensemble des démarches imposées par le décret n° 2009-1414, l'avenant litigieux constitue une mesure disproportionnée et inadaptée en violation des articles 13 et 16 de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 et de l'article 2 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 rappelé par la délibération de la CRE du 11 juin 2009 ; que la société LV conteste toute défaillance dans la conduite de son projet et réfute l’argumentation de la requérante selon laquelle la Décision imposerait la réparation d'un préjudice ;
Sur la conformité de l’avenant SEI REF 07 aux principes de non-rétroactivité et de sécurité juridique
Considérant que le décret no 2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d'électricité modifie le code de l'urbanisme et clarifie notamment les autorisations d'urbanisme applicables aux installations de production photovoltaïques que, désormais, les installations, telles celles prévues par le projet de la société LV, ne peuvent pas être raccordées au réseau d'électricité si leur construction n'a pas fait l'objet d'un permis de construire
Considérant que ce décret précise en son article 9 que les dispositions qu'il prévoit entrent en vigueur le premier jour du mois suivant sa publication ; que, publié au journal officiel du 20 novembre, il est entré en vigueur le 1er décembre 2009 ;
Que l'article 9 prévoit toutefois que :
« 1° Les articles 1er à 3 ne sont pas applicables aux ouvrages de production d'électricité à partir de l'énergie solaire installés sur le sol :
a) Lorsque ces ouvrages comportent des installations ou constructions ayant fait l'objet d'une décision de non-opposition à déclaration préalable ou d'un permis de construire avant l'entrée en vigueur du présent décret ;
b) Lorsque ces ouvrages sont dispensés de toute formalité au titre du code de l'urbanisme et que les travaux ont été entrepris ou achevés à la date de l'entrée en vigueur du présent décret ;
2° Les articles 5 et 6 ne sont pas applicables aux projets dont la demande de permis de construire a été déposée avant la date de publication du présent décret. »
Considérant que le projet de la société LV, ne relevant pas des mesures dérogatoires ainsi édictées par l'article 9, est soumis aux nouvelles prescriptions d'urbanisme applicables à compter du 1er décembre 2009 et donc à l'obligation d'obtenir un permis de construire préalablement au raccordement des installations prévues au réseau d'électricité ;
Considérant que la délibération de la CRE du 11 juin 2009 (publiée au journal officiel du 3 juillet 2009) portant sur les règles d'élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d'électricité et leur mise en oeuvre, précise que des dispositions transitoires peuvent être prévues par le gestionnaire de réseau en cas d'évolution de la réglementation ;
Considérant que, pour tenir compte de l'évolution de la réglementation résultant du décret du 19 novembre 2009, EDF SEI a, par avenant modificatif SEI REF 07 - relatif à la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d'électricité aux réseaux publics de distribution d'électricité en Corse et dans les départements et collectivités d'outre-mer - mis en place des dispositions transitoires applicables au décembre 2009 qui annulent et remplacent certaines dispositions de la procédure antérieure de traitement des demandes de raccordement ;
Que cet avenant prévoit notamment que :
"Pour conserver sa place dans la file d'attente, le demandeur de tout projet photovoltaïque dont la proposition de convention de raccordement n'a pas été envoyée par EDF SEI au Ier décembre 2009 et dont le projet est soumis à autorisation d'urbanisme selon les dispositions du décret n° 2009-1414, devra transmettre au gestionnaire de réseaux, l'autorisation d'urbanisme applicable au projet dans les 9 mois qui suivent la date d'entrée en vigueur du décret pré-cité fixée au 1er décembre 2009, soit au plus tard le 1er septembre 2010.
A défaut, le projet sort de plein droit de la file d'attente. Le cas échéant, les acomptes versés seront remboursés au demandeur après défalcation des dépenses déjà engagées par EDF SEL
Le cas échéant, la Proposition Technique et Financière déjà reçue par le demandeur reste valable à l'exception des délais d'établissement de la convention de raccordement.
La convention de raccordement ne sera adressée au demandeur, qu'après la fourniture de l'autorisation d'urbanisme de l'installation photovoltaïque telle que prévue par le décret pré-cité, et ce dans le délai prévu dans la PTF, mais seulement à compter de la date de réception par EDF SEI de cette autorisation d'urbanisme..."
Considérant que c'est en raison de l'entrée en vigueur du décret du 1 9 novembre 2009 avec effet immédiat au 1er décembre 2009 - et non de l'avenant SEI REF 07 - que les projets entrés en file d'attente de raccordement, tel le projet de la société LV dont la demande de raccordement a été enregistrée le 3 novembre 2008, sont soumis à de nouvelles règles d'urbanisme ; que la société LV n'est pas fondée à soutenir que ledit avenant viole le principe de non-rétroactivité des actes administratifs ; qu'en outre, en édictant des mesures transitoires permettant le maintien dans la file d'attente des projets entrés avant le 1er décembre 2009, évitant ainsi l’interruption du processus de raccordement qu'aurait pu entraîner l'entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009, l'avenant SEI REF 07 est, en son principe, conforme à l'exigence de sécurité juridique ;
Sur le délai prévu par l'avenant SEI REF 07 :
Considérant que la société EDF fait valoir que, contrairement à ce que retient la Décision, le délai de 9 mois prévu par l'avenant SEI REF 07 est parfaitement adapté aux règles en matière d'urbanisme propres à la Corse ; qu'aucune disposition n'impose de réaliser au printemps l'étude d'impact et que le délai prévu est compatible avec une consultation de l’Assemblée de Corse dont l’avis doit intervenir dans des délais compatibles avec l'instruction du permis de construire, soit avant la fin du délai de 6 mois d'instruction de la demande d'autorisation d'urbanisme, le silence gardé par l'administration valant décision implicite de rejet lorsqu'il y a lieu de consulter l'Assemblée de Corse ;
Considérant qu'ainsi que le rappelle la société LV, les gestionnaires de réseaux doivent, par application tant de la directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables que de l'article 2 de la loi du 10 février 2000, assurer dans des conditions objectives, non discriminatoires et transparentes le raccordement et l’accès aux réseaux publics de transport et de distribution ;
Considérant que le porteur d'un projet d'implantation d'une installation photovoltaïque au sol doit notamment, afin d'obtenir l'autorisation d'urbanisme conformément au décret du 19 novembre 2009, faire réaliser avant le dépôt d'une demande de permis de construire une étude d'impact ;
Que si les parties s'opposent sur la durée nécessaire à cette étude, la société EDF reconnaît cependant que cette étude peut nécessiter jusqu'à 5 mois ; qu'au surplus, il résulte du guide méthodologique élaboré par le ministère de l'énergie ("installations photovoltaïques au sol - Guide de l'étude d'impact") que la durée d'une telle étude dépend du niveau des enjeux environnementaux et peut atteindre 15 mois ; qu'en outre, "la Charte de développement du photovoltaïque et le dispositif d'évaluation des projets" approuvés par l'Assemblée de Corse le 29 juin 2009 tient compte dans la liste d 'évaluation des projets du fait que l'étude d'impact est réalisée au printemps, saison permettant une observation optimale de la faune et de la flore ;
Considérant, par ailleurs, que le délai d'instruction d'une demande de permis de construire est, par application de l’article R.423-23 du code de l'urbanisme porté à six mois lorsqu'il y a lieu de consulter l'assemblée de Corse en application de l'article L.4424-39 du code des collectivités territoriales ; que tel est le cas s'agissant d'un projet d'implantation d'un ouvrage de production utilisant les ressources locales énergétiques,
Qu'il en résulte que c'est à juste titre que la Décision, après avoir rappelé qu'il appartenait à la société EDF d'assurer dans des conditions transparentes et non discriminatoires le raccordement et l’accès au réseau public de distribution, a retenu "qu'en fixant au 1er septembre 2010, soit neuf mois après l'entrée en vigueur du décret du 19 novembre 2009 la date à laquelle les projets ne satisfaisant pas encore aux nouvelles prescriptions résultant de ce décret seraient exclus « de plein droit » de la file d'attente...la société EDF a fixé une condition manifestement inadaptée aux contraintes d'obtention des autorisations requises"
Considérant que c'est sans en justifier que la société EDF soutient avoir reçu dans le délai imparti par l'avenant du 1er décembre 2009 les permis de construire d'autres projets d'installations photovoltaïques ; qu'il n'est a fortiori pas établi que les porteurs de ces projets aient été dans une situation équivalente à celle de la société LV ;
Que la société EDF n'est pas fondée à soutenir que le CoRDiS a entaché sa décision d'une erreur de droit en retenant que le délai de 9 mois fixé par l'avenant SEI REF 07 pour transmettre une copie du permis de construire d'un projet d'installation photovoltaïque au sol est manifestement inadapté à la Corse ;
Sur la prise en compte de la situation individuelle de la société LV :
Considérant que, selon la requérante, le CoRDiS a entaché sa décision d'une erreur de droit en ordonnant la réintégration du projet de la société LV dans la file d'attente sans prendre en compte la situation individuelle de cette société qui, défaillante, n'aurait pas été en mesure de respecter un délai plus long puisque sa demande de permis de construire n'avait même pas été déposée à la date de la Décision ;
Considérant que la société LV conteste toute défaillance en faisant valoir qu'elle a lancé une étude d' impact au printemps 2010 et que cette étude achevée en septembre 2010 ne lui permettant pas de déposer un permis de construire à délivrer avant le Ier septembre 2010, elle a attendu la Décision ; qu'elle ajoute que seuls les retards successifs d'EDF pour délivrer ses propositions techniques et financières ont conduit à ce que son projet soit soumis aux nouvelles contraintes résultant du décret du 19 novembre 2009 ;
Considérant, cependant, que dès lors qu'elle retenait que l'avenant SEI REF 07, modifiant la procédure de traitement des demandes de raccordement, avait prévu l'exclusion de la file d'attente de projets, tel celui de la société LV, en raison de la non obtention des autorisations requises dans un délai qui était, en lui-même, manifestement inadapté aux contraintes d'obtention desdites autorisations, la Décision n'avait pas à examiner si la société LV aurait été à même de respecter un délai adapté, pas plus qu'elle ne devait vérifier si la situation de la société LV était ou non imputable à des retards imputables à la société EDF ;
Que le moyen n'est pas fondé ;
Sur l'obligation indemnitaire alléguée :
Considérant que la société EDF conteste la Décision en ce qu'elle lui impose, au titre de la réintégration du projet de la société LV en file d'attente, de veiller à ne pas remettre en cause les engagements pris auprès des producteurs qui pourraient être entrés en file d'attente depuis le 1er septembre 2010 et à ne pas mettre à la charge de la société LV les coûts de renforcement du réseau public de distribution ainsi que les effacements qui pourraient résulter de ce que son projet a été exclu de la file d' attente le 1er septembre 2010 ; qu'elle soutient que le CoRDiS lui a, ce faisant, imposé la réparation d'un préjudice en méconnaissance de sa compétence d'autorité de règlement des différends ;
Considérant, cependant, qu'en précisant les conditions d'ordre technique et financier de la réintégration en file d'attente du projet de la société LV qu'elle ordonnait, la Décision a, sans méconnaître les limites de sa compétence, exercé sa mission de règlement du différend qui lui était soumis relativement au maintien de la société LV dans la file d'attente pour le raccordement de son installation de production ;
Que ce n'est donc qu'au surplus qu'il est observé qu'il n'est pas établi que la réintégration de la société LV dans la file d'attente aurait pour effet d'imposer à EDF la réparation d'un préjudice ;
Que le moyen n'est pas fondé ; Sur l'absence de limite dans le temps :
Considérant que la société EDF soutient qu'en ne fixant aucun délai à la société LV pour produire le permis de construire relatif à son projet, la Décision ouvre à cette société, sans limite de temps, un droit au maintien de son projet dans la file d'attente, en contradiction avec les modalités de traitement des demandes de raccordement prévues dans la procédure EDF-SEI adoptée conformément à l'article 18 de la loi du 10 février 2000 ;
Mais considérant que la Décision se borne, après avoir constaté que le délai fixé par l'avenant SEI REF 07 du 1er décembre 2009 pour produire une autorisation d'urbanisme n'était pas adapté et devait donc être écarté, à en tirer les conséquences en ordonnant la réintégration du projet litigieux dans la file d'attente ;
Que, contrairement à ce qui est soutenu, il n'appartenait pas au CoRDiS, dans le cadre du règlement de différend dont il était saisi, de prendre position sur le délai que la société EDF aurait dû prévoir pour la Corse, et donc, en particulier, pour la société LV ;
Qu'il appartient, en revanche, ainsi que le relève la Décision, à la société EDF de prévoir des mesures transitoires appropriées aux délais nécessaires à l'obtention des autorisations désormais requises en matière d'urbanisme et d'environnement ;
Qu'il en résulte que la société EDF n'est pas fondée à soutenir que la Décision ouvre à la société LV un droit au maintien de son projet dans la file d'attente sans limite de temps ;
Sur la demande de la société LV :
Considérant que la société LV forme une demande tendant à ce que les dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010, ayant pour effet d'exclure automatiquement le 11 septembre 2011 son projet de la file d'attente, lui soient déclarées non opposables ; qu'elle rappelle que si ce décret suspend l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil et précise qu'à l'issue de la période de suspension de trois mois, le producteur devra déposer une nouvelle demande de raccordement, il prévoit une dérogation à la suspension d'achat pour certaines installations à certaines conditions ; qu'elle indique que tel pourrait être le cas pour son projet à condition que son installation soit mise en service au plus tard le 10 septembre 2011 ; qu'elle invoque la jurisprudence du Tribunal des conflits (TC, 13 décembre 2010) - selon laquelle, en vertu du droit au procès équitable, l'ingérence des autorités publiques dans l'administration de la justice ne saurait influer sur le dénouement judiciaire des litiges pour soutenir qu'il appartient à la cour d'écarter l’application du décret du 9 décembre 2010 en ce qu'il fait échec à la décision du CoRDiS dès lors que le recours introduit par EDF contre cette décision l'empêche de mettre en service son installation avant le 10 septembre 2011 ;
Considérant que la société EDF s'oppose à cette demande en ce qu'elle est distincte de celles débattues devant le CoRDiS ; qu'elle ajoute que cette demande montre que la réintégration en file d'attente du projet LV est devenue sans objet, l'installation de la société LV ne pouvant être mise en service avant le 10 septembre 2011 faute d'avoir obtenu le permis de construire nécessaire au démarrage des travaux de construction de l'installation ; qu'il revient dès lors à la cour, substituant son appréciation à celle du CoRDiS, d'annuler la Décision ;
Considérant que le recours contre la décision du CoRDiS n'étant pas suspensif, la société LV, qui au surplus ne justifie pas de l'obtention d'un permis de construire, n'est pas fondée à soutenir que le recours introduit par EDF contre cette décision l'a empêchée de mettre en service son installation avant le 10 septembre 2011 ;
Considérant que la cour est saisie par la société EDF d'un recours tendant à l'annulation ou la réformation de la décision du CoRDiS du 19 novembre 2010 statuant sur un différend ayant trait aux mesures transitoires prévues par EDF dans l'avenant du
2011 page 1er décembre 2009 à la suite de l'entrée en vigueur du décret n° 2009-1414 du 19 novembre 2009 relatif aux procédures administratives applicables à certains ouvrages de production d'électricité, mesures écartées par la Décision qui a par conséquent ordonné la réintégration du projet de la société LV dans la file d'attente de raccordement ;
Que la société LV, défenderesse au recours, présente à la cour une demande, qui ne tend ni à l'annulation, ni à la réformation de la décision du CoRDiS, mais qui tend à faire écarter à son profit l’application de la réglementation issue du décret n o 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l'obligation d'achat de l'électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil en ce qu'elle aurait pour effet l’exclusion de son projet de la file d'attente ;
Considérant que la juridiction de la cour, saisie contre une décision du CoRDiS, ne peut s'exercer que dans la limite des compétences de ce comité et des questions qui lui ont été soumises, pour une éventuelle annulation ou réformation ; que la cour n'a pas compétence pour statuer sur les demandes qui lui sont présentées par la société LV tendant à ce que les dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 lui soient déclarées inopposables et par la société EDF tendant à l'annulation de la Décision en raison de ces nouvelles dispositions, demandes qui ne relèvent pas d'une nouvelle appréciation des éléments de fait et de droit soumis au CoRDiS ;
Considérant que l'équité conduit à allouer à la société LV la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Dit irrecevable le mémoire signifié et déposé par la société Léonard Valentini le 20 septembre 2011 ;
Rejette le recours de la société EDF contre la décision du CoRI)iS du 19 novembre 2010 ;
Dit que la demande de la société Léonard Valentini tendant à ce que les dispositions du décret du 9 décembre 2010 soient déclarées inopposables à son projet ne relève pas de la compétence de cette cour saisie d'un recours contre la décision du 19 novembre 2010 ;
Condamne la société EDF à payer à la société Léonard Valentini la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société EDF aux dépens.