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Décisions

CA Dijon, 1re ch. civ., 9 avril 2018, n° 17/01089

DIJON

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Société du Domaine du Château de Caraguilhes (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Petit

Conseillers :

M. Wachter, Mme Dumurgier

TGI Dijon, du 13 juill. 2017, n° 17/1897

13 juillet 2017

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société Domaine du château de Caraguilhes, exploitant un domaine viticole dans l'Aude, a conclu avec la société Louis M. un contrat de distribution et d'assistance administrative et comptable, le 1er février 1999, à une époque où les sociétés appartenaient au même groupe.

A la suite de la démission de Monsieur Laurent M. de ses fonctions de gérant de la société Domaine du château de Caraguilhes, les nouveaux dirigeants ont estimé que la convention d'assistance avait été exécutée dans des conditions préjudiciables et ont fait assigner la société Louis M. devant le Tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 8 février 2013, a notamment condamné cette société à payer au Domaine du château de Caraguilhes une somme de 354 617,72 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive de la convention.

Par arrêt du 13 novembre 2014, la cour d'appel de Paris, saisie d'un recours contre ce jugement a :

- condamné Monsieur Laurent S. à payer la somme de 555 288 € à la SA Louis M. en réparation du préjudice subi du fait de sa gestion fautive,

- condamné Madame K. épouse D. Nathalie à payer la somme de 495 786,26 € à la SA Louis M. en réparation du préjudice subi du fait de sa gestion fautive,

- dit que Monsieur Laurent S. et Madame K. épouse D. Nathalie seront tenus solidairement au paiement de cette dernière somme de 495 786,26 €,

- condamné la société France Audit Comptable à verser à la société Louis M. la somme de 122 848,80 €,

- condamné la société SA Louis M. à payer à la SAS Château de Caraguilhes la somme de 1 330 000 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive de la convention de distribution et d'assistance administrative et comptable,

- débouté la société Louis M. de sa demande dirigée contre Monsieur Laurent S. et Madame K. en garantie des condamnations prononcées à son encontre pour inexécution fautive de la convention de distribution et d'assistance administrative et comptable,

- condamné la SA Louis M. à payer à la société Château de Caraguilhes la somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

.

Cet arrêt a fait l'objet d'un arrêt interprétatif rendu le 9 avril 2015 par la Cour d'appel de Paris, sans emport sur la présente procédure.

Suite à la contestation d'une procédure de saisie-vente du stock de vins de la société Louis M. initiée le 19 mars 2015 par la société Domaine du château de Caraguilhes, agissant en vertu de l'arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la cour d'appel de Paris, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon a, par jugement rendu le 29 juin 2015 :

- ordonné la mainlevée du procès-verbal de saisie-vente dressé par Me A., huissier de justice associé à Beaune, le 29 mai 2015,

- accordé à la société Louis M. des délais de paiement pour se libérer des sommes dues en vertu de l'arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la cour d'appel de Paris,

- autorisé la société Louis M. à se libérer en 6 mensualités de 41 700 €, puis en 18 mensualités de 60 000 €, la dernière étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,

- condamné la société Domaine du château de Caraguilhes à payer à la société Louis M. la somme de 25 000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère abusif de la saisie-vente,

- condamné la société Domaine du château de Caraguilhes à payer à la société Louis M. la somme de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par arrêt rendu le 21 juin 2016, la Cour d'appel de Dijon, saisie d'un recours contre ce jugement l'a confirmé en ce qu'il a :

- annulé le procès-verbal de saisie-vente du 29 mai 2015,

- accordé à la société Louis M. des délais de paiement pour se libérer des sommes dues en application de l'arrêt du 13 novembre 2014,

- infirmé le jugement pour le surplus, et, statuant à nouveau,

- constaté que, compte tenu de l'échéancier autorisé par le juge de l'exécution, la créance s'élevait à 726 776,85 € à la date du 22 janvier 2015,

- autorisé en conséquence la société Louis M. à se libérer de la dette arrêtée à ce montant, à compter du 5 février 2016, en 17 mensualités de 43 000 € et une mensualité à intervenir au 5 juin 2017 soldant l'intégralité de la dette en principal, intérêts et frais,

- débouté la société Louis M. de sa demande de dommages-intérêts,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

et, réparant l'omission du dispositif,

- condamné la société Domaine du château de Caraguilhes aux entiers dépens de première instance et d'appel.

En exécution de ces décisions, la société Louis M. a réglé à la société Domaine du château de Caraguilhes la somme totale de 1 315 446,53 €.

Par arrêt du 15 mars 2017, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 13 novembre 2014 par la Cour d'appel de Paris, mais seulement en ce qu'il a condamné Madame K. épouse D. Nathalie solidairement avec Monsieur S. à payer la somme de 495 786,26 € à la SA Louis M. en réparation du préjudice subi du fait de sa gestion fautive et condamné la société Louis M. à payer à la société Domaine du château de Caraguilhes la somme de 1 330 000 € à titre de dommages-intérêts pour inexécution fautive de la convention de distribution et d'assistance administrative et comptable, et renvoyé la cause et les parties devant la Cour d'appel autrement composée.

Par requête déposée le 4 avril 2017, la société du Domaine du château de Caraguilhes a sollicité du juge de l'exécution de Dijon l'autorisation de procéder à une saisie conservatoire de toutes créances de sommes d'argent de la société Louis M. sur la société du Domaine du château de Caraguilhes.

Par ordonnance du 7 avril 2017, le juge de l'exécution a rejeté la requête motif pris du défaut de démonstration par la requérante du caractère exécutoire de l'arrêt de la Cour de cassation.

Par requête du 11 avril 2017, la société Domaine du château de Caraguilhes a saisi le juge de l'exécution d'une demande de rétractation de l'ordonnance du 7 avril 2017, à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 12 avril 2017, le juge de l'exécution autorisant la saisie conservatoire de toutes créances de sommes d'argent de la société Louis M. sur la société Domaine du château de Caraguilhes afin de garantir le paiement de la somme en principal de 1 314 882,67 €.

Par acte du 15 mai 2017, la société Louis M. a fait assigner la société Domaine du château de Caraguilhes devant le juge de l'exécution de Dijon afin d'obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée en exécution de l'autorisation du 12 avril 2017, qui lui a été dénoncée le 20 avril 2017.

Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 2017, le juge de l'exécution, constatant une violation des dispositions de l'article 495 du code de procédure civile, a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire réalisée le 18 avril 2017 et débouté la société Louis M. de ses demandes indemnitaires.

Déclarant agir en vertu de l'ordonnance du 12 avril 2017, la société Domaine du château de Caraguilhes a fait procéder, suivant procès-verbal du 7 juin 2017, à une nouvelle saisie conservatoire des sommes par elle détenues pour le compte de la société Louis M. pour un montant de 1 314 882,67 € en principal.

La saisie conservatoire a été dénoncée le 9 juin 2017 à la société Louis M., qui a fait assigner le créancier poursuivant devant le juge de l'exécution de Dijon, par acte d'huissier du 16 juin 2017, afin d'obtenir l'annulation de la saisie conservatoire et la rétractation de l'ordonnance du 12 avril 2017, la mainlevée de la saisie et la condamnation du Domaine du château de Caraguilhes à lui payer la somme de 50 000 € à titre de dommages-intérêts en raison de sa résistance abusive à l'exécution de l'arrêt de la Cour de cassation du 15 mars 2017, outre une indemnité de procédure de 10 000 €.

Elle faisait valoir que l'ordonnance du juge de l'exécution rendue le 12 avril 2017 n'a autorisé la réalisation que d'une saisie conservatoire, laquelle a été pratiquée le 18 avril 2017 et a épuisé les effets de l'ordonnance, en dépit de l'annulation de cette saisie par le jugement du 6 juin 2017.

La débitrice a, en second lieu, soutenu que les conditions de mise en oeuvre de la saisie conservatoire prévues par l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution ne sont pas remplies, la créance du Domaine du château de Caraguilhes n'étant pas fondée en son principe, en raison de la cassation prononcée le 15 mars 2017, et le poursuivant ne démontrant pas les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement des sommes éventuellement dues.

La société Domaine du château de Caraguilhes a conclu en premier lieu à l'irrecevabilité de la demande de rétractation de l'ordonnance du 12 avril 2017 au motif que cette demande est identique à celle qui a été rejetée par jugement du 6 juin 2017.

En second lieu, elle a conclu au rejet des contestations et de la demande de dommages-intérêts, faisant valoir, d'une part, que la saisie conservatoire contestée a été réalisée en exécution de l'ordonnance du 12 avril 2017, l'anéantissement de la saisie conservatoire du 18 avril 2017 par le jugement du 6 juin 2017 n'ayant eu aucun effet sur l'ordonnance du 12 avril 2017 qui restait valable jusqu'au 12 juillet 2017, et, d'autre part, que les conditions de l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution sont parfaitement réunies puisque le principe de sa créance résulte de l'arrêt de la Cour de cassation qui n'a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Paris que sur un seul des onze moyens soulevés, les chefs de condamnation non visés par ce moyen étant acquis et fondant sa créance évaluée à 1 314 882,67 €, et que les bilans de la société Louis M. caractérisent à l'évidence la menace dans son recouvrement.

Par jugement rendu le 13 juillet 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon a :

- prononcé la nullité de la saisie conservatoire réalisée le 7 juin 2017 et dénoncée le 9 juin 2017,

- ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créance régularisée le 7 juin 2017,

- déclaré recevable mais mal fondée la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par la société Louis M. et l'en a déboutée,

- condamné la société Domaine du château de Caraguilhes à payer à la société Louis M. la somme de 6 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Domaine du château de Caraguilhes aux dépens.

Le premier juge, considérant que l'autorisation donnée en application des dispositions de l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution est une autorisation spéciale, l'article R511-4 du même code lui imposant de déterminer le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et les biens sur lesquels elle porte, et faisant prévaloir une interprétation stricte de l'article R511-6 qui prévoit que l'autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n'a pas été exécutée dans le délai de trois mois à compter de l'ordonnance, a jugé qu'après annulation par le jugement du 6 juin 2017 de la saisie conservatoire pratiquée le 18 avril 2017, une nouvelle exécution était impossible sur la base de l'autorisation donnée par l'ordonnance du 12 avril 2017 qui avait épuisé ses effets avec la première exécution, le régime des mesures conservatoires reposant sur un juste équilibre entre la possibilité offerte au créancier potentiel de préserver la consistance du patrimoine du débiteur en vue d'une exécution forcée et la protection des droits du débiteur contre une ingérence du créancier dans la gestion de son patrimoine et la réalisation des mesures conservatoires supposant une certaine célérité, en l'absence de titre exécutoire.

Il en a déduit que, même si le jugement du 6 juin 2017 ne s'était prononcé que sur une question de procédure, sans se prononcer sur la réunion des conditions de l'article L511-1 ni sur la rétractation de l'ordonnance du 12 avril 2017, l'annulation et la mainlevée de la mesure conservatoire conduisaient nécessairement à la caducité de l'ordonnance qui l'avait autorisée.

Il a rejeté la demande de dommages-intérêts formée par la société Louis M., faute par cette dernière de faire la démonstration de la mauvaise foi du Domaine du château de Caraguilhes et de sa résistance à l'exécution de l'arrêt de la Cour de cassation.

La SAS Domaine du château de Caraguilhes a régulièrement relevé appel de ce jugement par déclaration reçue au greffe le 13 juillet 2017.

Par ordonnance du 26 septembre 2017, le Premier président de la Cour d'appel a ordonné le sursis à exécution du jugement frappé d'appel, retenant qu'il existait des moyens sérieux pouvant justifier la réformation de la décision entreprise :

- le premier tenant à l'interprétation de l'article R511-6 du code des procédures civiles d'exécution, la caducité de l'ordonnance ayant autorisé la mesure conservatoire prévue par ce texte s'attachant principalement au défaut d'exécution de la mesure dans le délai prescrit, et la société appelante soutenant, non sans une certaine pertinence, qu'aucune disposition légale ni à ce jour aucune jurisprudence fixée, ne vient préciser que la non exécution d'une mesure de saisie conservatoire à raison d'un vice de forme entraînerait de plein droit la caducité de l'autorisation de saisie avant même l'expiration du délai prescrit,

- le second tenant à la décision rendue le 6 juin 2017 par le juge de l'exécution de Dijon qui a précisé, après avoir annulé la première saisie conservatoire à raison d'une omission affectant la dénonciation, qu'il convenait d'annuler non pas l'ordonnance du 12 avril 2017 mais l'acte de dénonciation de la saisie conservatoire, disposition qui peut être analysée, au moins en apparence, comme en contradiction avec le jugement du 13 juillet 2017.

Par ses dernières conclusions notifiées le 9 janvier 2018, la SAS Domaine du château de Caraguilhes demande à la cour, au visa des articles L511-1 et suivants et R 511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :

- dire et juger recevable et bien fondé l'appel qu'elle a interjeté à l'encontre du jugement rendu le 13 juillet 2017 par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Dijon,

- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité de la saisie conservatoire réalisée le 7 juin 2017 et dénoncée le 9 juin 2017,

- infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créance régularisée le 7 juin 2017,

Statuant à nouveau,

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Louis M.,

- condamner la société Louis M. à lui régler la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 10 000 € au titre des frais irrépétibles d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Louis M. aux entiers dépens.

Par ses dernières écritures notifiées le 25 janvier 2018, la SA Louis M. demande à la cour, au visa des articles L511-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et des articles R511-1 et suivants du même code, de :

A titre principal,

- dire et juger que l'ordonnance du 12 avril 2017 rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon ne pouvait être exécutée qu'une fois,

- dire et juger en conséquence que l'ordonnance du 12 avril 2017 a rempli son objet lors de la saisie-conservatoire du 18 avril 2017 dénoncée le 20 avril suivant,

- confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a annulé la saisie conservatoire régularisée par acte du 7 juin 2017 et dénoncée à la société Louis M. le 9 juin 2017 et ordonné la mainlevée de cette saisie conservatoire,

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Domaine du château de Caraguilhes ne justifie ni d'une créance paraissant fondée en son principe, ni de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement,

En conséquence,

- ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire régularisée le 7 juin 2017 et dénoncée à la société Louis M. le 9 juin 2017,

A titre plus subsidiaire,

- cantonner le montant de la saisie conservatoire au montant auquel la Cour jugera la créance fondée en son principe,

- ordonner le séquestre par la société Domaine du château de Caraguilhes entre les mains du Bâtonnier de l'Ordre des Avocats au Barreau de Dijon de la somme de 1 314 882 € ou de la somme résultant du montant cantonné de la saisie conservatoire par la Cour, en application des dispositions de l'article L.512-1 du code des procédures civiles d'exécution, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours après la signification de l'arrêt à intervenir,

- ordonner en conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire régularisée le 7 juin 2017 et dénoncée à la société Louis M. le 9 juin 2017,

En tout état de cause,

- dire et juger la mesure conservatoire et la procédure diligentée par la société Domaine du château de Caraguilhes abusive et la condamner à lui verser une somme de 25 000 € à titre de dommages-intérêts,

- condamner la société Domaine du château de Caraguilhes à lui verser une somme de 10 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens tant d'instance que d'appel.

La procédure a été clôturée le 1er février 2018.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est référé pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

SUR QUOI

- Sur l'autorisation de pratiquer la mesure conservatoire

Attendu que la société Domaine du château de Caraguilhes soutient en premier lieu qu'aucun texte n'autorisait le juge de l'exécution à réduire le délai de l'article R311-6 du code des procédures civiles d'exécution pendant lequel le créancier peut diligenter la saisie conservatoire, qui courrait en l'espèce jusqu'au 12 juillet 2017, et il en déduit que la saisie a été pratiquée le 7 juin 2017 en exécution d'une ordonnance toujours valable ;

Qu'en second lieu, le créancier poursuivant la mesure conservatoire fait valoir que la caducité de la première saisie conservatoire prononcée par jugement du 6 juin 2017 par le juge de l'exécution emporte anéantissement de la mesure, de sorte que rien ne s'opposait à ce qu'une nouvelle mesure conservatoire soit pratiquée sur le fondement de l'ordonnance du 12 avril 2017, laquelle n'a pas été rétractée ;

Qu'il considère que le raisonnement du premier juge consistant à retenir que l'ordonnance a déjà rempli son objet dans le cadre de la première saisie conservatoire est erroné car il conduit à faire produire des effets à une mesure qui en est privée à raison de sa caducité ;

Qu'en troisième lieu, l'appelante reproche au juge de l'exécution de s'être contredit par rapport au jugement qu'il avait rendu le 6 juin 2017, dans les motifs duquel il avait considéré qu'il y avait lieu d'annuler non pas l'ordonnance du 12 avril 2017 mais l'acte de dénonciation de la saisie, la demande de rétractation de cette ordonnance formée par la société Louis M. étant implicitement rejetée, ce qui l'empêchait de considérer dans le jugement frappé d'appel que l'ordonnance était caduque ;

Qu'enfin, la société Domaine du château de Caraguilhes prétend qu'aucune disposition légale ne prévoit que la nullité d'une saisie conservatoire pour dénonciation irrégulière emporte caducité de l'ordonnance autorisant cette saisie ;

Attendu que, selon l'intimée, l'ordonnance du 12 avril 2017 par laquelle le juge de l'exécution a autorisé le Domaine du château de Caraguilhes à saisir, en garantie des sommes que pourrait lui devoir la société Louis M., toute créance que cette dernière détient sur elle, pour sûreté du paiement de la somme de 1 314 882,67 €, a rempli son objet puisque le créancier a pratiqué une saisie conservatoire le 18 avril 2017, peu important qu'il ait été donné mainlevée de cette mesure ;

Que la société Louis M. considère que cette ordonnance ne peut pas être exécutée une seconde fois, ayant épuisé ses effets lors de la première saisie conservatoire dont il a été donné mainlevée, la décision du premier juge étant, à cet égard, conforme à la jurisprudence ;

Que, d'autre part, elle prétend que la mainlevée de la saisie conservatoire ordonnée par jugement du 6 juin 2017 affecte l'ensemble de la chaîne procédurale et que, sans se contredire, le juge de l'exécution a, dans la décision dont il est relevé appel, tiré toutes les conséquences de sa décision constatant la caducité de la première mesure conservatoire, laquelle affectait également l'ordonnance l'ayant autorisée, n'ayant pas rejeté implicitement la demande de rétractation de l'ordonnance comme le soutient l'appelante, dès lors que cette ordonnance était caduque ;

Attendu que les dispositions de l'article R511-6 du code des procédures civiles d'exécution, en vertu desquelles l'autorisation du juge est caduque si la mesure conservatoire n'a pas été exécutée dans un délai de trois mois, ne permettaient pas au juge de l'exécution de considérer que l'annulation et la mainlevée de la mesure conservatoire pratiquée le 18 avril 2017, par jugement du 6 juin 2017, emportait nécessairement caducité de l'autorisation donnée par l'ordonnance du 12 avril 2017, alors que la caducité prévue par l'article R 511-6 s'attache principalement au défaut d'exécution de la saisie dans le délai prescrit, et, qu'au 7 juin 2017, date de la saisie contestée, le délai de trois mois prévu par le texte n'était pas expiré ;

Attendu que, comme le soutient justement l'appelante, aucun texte ne prévoit que l'annulation d'une mesure conservatoire pour vice de forme entraîne de plein droit la caducité de l'ordonnance qui l'a autorisée ;

Qu'à cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que le juge de l'exécution, dans sa décision du 6 juin 2017, a jugé qu'il convenait d'annuler, non pas l'ordonnance du 12 avril 2017, mais l'acte de dénonciation de la saisie conservatoire ;

Que cet acte étant jugé nul, la saisie conservatoire dont il a été donné mainlevée par ce même jugement est réputée n'avoir jamais existé, de sorte que l'ordonnance qui l'a autorisée ne peut être considérée, comme le prétend l'intimée, comme ayant rempli son objet et épuisé ses effets ;

Que la saisie conservatoire contestée a donc été pratiquée en exécution d'une ordonnance qui demeurait valable et le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la mesure ;

- Sur le bien fondé de la mesure conservatoire

Attendu que, selon l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, 'toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement' ;

Attendu que l'appelante prétend justifier d'une créance fondée en son principe en exposant que, devant la Cour d'appel de Paris, elle avait formé de nombreuses demandes qui étaient précisément chiffrées et fondées chacune sur une obligation spécifique de la convention d'assistance et que la cour d'appel, dans les motifs de sa décision, lui a alloué des dommages-intérêts au titre de chacun des manquements caractérisés, mais que, dans le dispositif de l'arrêt, elle a condamné la société Louis M. au paiement d'une indemnité globale, ce qui a conduit la Cour de cassation à casser l'arrêt en ce qu'il condamnait l'intimée au paiement de cette indemnité globale alors que la portée de la cassation est en réalité limitée au septième moyen du pourvoi relatif aux dépenses non conformes à l'intérêt social justifiées par des factures, indemnisées à hauteur de 15 117,35 €, sanctionnant le manquement de la société Louis M. à son obligation d'assistance dans la tenue des comptes ;

Qu'elle considère ainsi disposer d'une créance justifiée en son principe à hauteur de la différence existant entre l'indemnité globale allouée et l'indemnisation accordée au titre de ce manquement que la Cour de cassation n'a pas retenu, estimant que la cour de renvoi ne pourra examiner de nouveau l'affaire que sous le prisme de la motivation de l'arrêt de cassation ;

Attendu que la société Louis M. objecte que les conditions définies par l'article L511-1 du code des procédures civiles d'exécution pour pratiquer une mesure conservatoire ne sont pas réunies, contrairement à ce qu'a retenu le juge de l'exécution dans son ordonnance du 12 avril 2017 ;

Qu'elle estime que la créance de la société Domaine du château de Caraguilhes n'est pas fondée en son principe, faisant valoir que peu importe le moyen qui a déterminé la cassation de l'arrêt du 13 novembre 2014, dès lors que la cassation est intervenue pour la totalité de la condamnation prononcée par la Cour d'appel et qu'il sera en conséquence rediscuté du tout devant la Cour d'appel de Paris et pas seulement de l'indemnité de 15 117,35 € ;

Qu'elle ajoute qu'on ne saurait préjuger de la décision à intervenir de la cour de renvoi et que le jugement du Tribunal de commerce de Paris, réformé par l'arrêt cassé, l'avait condamnée au paiement d'une somme de 354 617,72 € ;

Attendu que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation ;

Que la cour de cassation ayant censuré la condamnation de la société Louis M. au paiement d'une indemnité de 1 330 000 € au profit de l'appelante, la cour de renvoi est investie de la connaissance de l'entier litige portant sur la responsabilité de la société Louis M. dans tous ses éléments de fait et de droit, n'étant pas liée par les motifs de l'arrêt cassé qui n'ont pas été critiqués ;

Que, dès lors, la créance de la société Domaine du château de Caraguilhes est fondée en son principe en ce qu'elle résulte de la condamnation prononcée contre la société Louis M. par le jugement du Tribunal de commerce de Paris à hauteur de 354 617,72 €, pour inexécution fautive de la convention de distribution et d'assistance administrative et comptable signée par les parties le 1er février 1999 ;

Attendu enfin que l'appelante soutient que le recouvrement de sa créance est menacé, compte tenu de son montant et de l'analyse des bilans comptables de la société Louis M. qui font apparaître un bénéfice de 10 198 € au 31 décembre 2015, une trésorerie s'élevant à 86 313 € et un résultat d'exploitation négatif ( - 180 583 € ), ces chiffres ayant évolué à la baisse en 2016 ;

Qu'elle rappelle par ailleurs que, devant la Cour d'appel de Dijon, dans le cadre de la contestation des mesures d'exécution de l'arrêt du 13 novembre 2014, l'intimée avait fait valoir ses difficultés financières au soutien de sa demande de délais de paiement ;

Attendu que la société Louis M. prétend que les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement des sommes qui pourraient être dues ne sont pas caractérisées, faisant valoir que son bilan de l'exercice clos au 31 décembre 2015 était très largement impacté par les conséquences du litige l'opposant au Domaine du château de Caraguilhes et notamment par les sommes qu'elle avait été contrainte de lui verser, représentant 466 800 €, et qu'il n'a pas été tenu compte du montant de ses capitaux propres s'élevant à 11 672 000 € qui établissent qu'elle n'est pas en difficulté ;

Qu'elle ajoute qu'elle vient d'augmenter son capital social à 8 259 144 €, qu'elle est à la tête d'un patrimoine viticole important et qu'elle a été en mesure de régler en moins de deux ans la somme de 1 330 000 € ;

Qu'elle fait enfin valoir qu'elle dispose d'une créance certaine, liquide et exigible de 1 315 446 € envers le Domaine du château de Caraguilhes et qu'il convient de s'interroger sur la capacité de ce dernier à représenter les sommes qu'il doit, les saisies attribution pratiquées sur ses comptes bancaires établissant que seuls 10 % de sa créance ont pu être recouvrés, ce qui justifie qu'il soit, en application des dispositions de l'article L512-1 du code des procédures civiles d'exécution, ordonné à l'appelante de séquestrer la somme qu'elle lui doit ;

Attendu qu'au regard du quantum de 354 617,72 € de la créance fondée en son principe de la société Domaine du château de Caraguilhes, comparé à la situation financière de la société Louis M., qui, si elle a connu une baisse significative de son résultat bénéficiaire entre l'année 2014 et l'année 2016, en rapport avec un fort taux d'endettement, ainsi qu'une trésorerie négative, dispose néanmoins de capitaux propres d'une valeur supérieure à 11 millions d'euros et s'est acquittée en moins de deux années de la condamnation mise à sa charge par l'arrêt du 13 novembre 2014, les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de la créance de l'appelante ne sont pas caractérisées ;

Que, confirmant sur ce point le jugement entrepris, il sera dès lors ordonné mainlevée de la mesure de saisie conservatoire pratiquée le 7 juin 2017 par la société Domaine du château de Caraguilhes ;

- Sur la demande de dommages-intérêts pour saisie abusive

Attendu que le premier juge a rejeté la demande de dommages-intérêts de la société Louis M. aux motifs que celle-ci ne faisait la démonstration ni de la mauvaise foi de la société Domaine du château de Caraguilhes ni de sa résistance à l'exécution de l'arrêt de la Cour de cassation, la seule circonstance que la saisie attribution pratiquée sur les comptes de cette dernière par la société Louis M. n'ait permis de recouvrer qu'une somme de 15 085,18 €, très inférieure au montant de la créance, n'étant pas de nature à caractériser la résistance de la débitrice à l'exécution de l'arrêt ;

Attendu que, pas plus en cause d'appel qu'en première instance, l'intimée n'apporte la preuve du comportement abusif de la société Domaine du château de Caraguilhes ;

Qu'en outre, elle ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui résultant de la nécessité de défendre ses intérêts en justice, lequel sera réparé dans le cadre de l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que le jugement déféré mérite ainsi confirmation en ce qu'il a débouté la société Louis M. de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

- Sur les demandes accessoires

Attendu que la société Domaine du château de Caraguilhes, qui succombe pour l'essentiel en son appel du jugement puisque la Cour confirme la mainlevée de la saisie conservatoire, supportera les dépens d'appel ;

Qu'il n'est par ailleurs pas inéquitable de mettre à sa charge une partie des frais de procédure exposés en cause d'appel par l'intimée et non compris dans les dépens ;

Qu'elle sera ainsi condamnée à lui verser la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de l'indemnité allouée en première instance au titre des frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La Cour

Déclare la société Domaine du château de Caraguilhes recevable en son appel principal,

Déclare la société Louis M. recevable en son appel incident,

Infirme le jugement rendu le 13 juillet 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Dijon en ce qu'il a prononcé la nullité de la saisie conservatoire des sommes détenues pour le compte de la société Louis M. pour un montant de 1 314 882,67 € en principal, pratiquée le 7 juin 2017 par la société Domaine du château de Caraguilhes,

Statuant à nouveau,

Déboute la société Louis M. de sa demande en nullité de la saisie conservatoire pratiquée le 7 juin 2017 par la société Domaine du château de Caraguilhes,

Confirme le jugement pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne la société Domaine du château de Caraguilhes à payer à la société Louis M. la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Domaine du château de Caraguilhes aux dépens d'appel.