CA Douai, 8e ch. sect. 3, 24 mai 2018, n° 17/01110
DOUAI
Arrêt
Infirmation partielle
PARTIES
Demandeur :
Zenia (SARL)
Défendeur :
Louvre Hôtels Group (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Tapsoba-Château
Conseillers :
Mme Royer, Mme Pecqueur
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 15 mars 2018
Par acte sous-seing privé en date du 18 février 2009, la société Louvre Hôtels Group et la société Rapid'Resto représentée par Monsieur Franck M., ont conclu un contrat de franchise Kyriad en vue de l'exploitation par la seconde d'un hôtel situé [...].
Par jugement en date du 10 janvier 2013, le tribunal de commerce de Nanterre a débouté la société Rapid Resto de sa demande de résiliation du contrat de franchise aux torts de la société Louvre Hôtels et l'a condamnée à payer à cette dernière les sommes de :
- 64 034,23 € avec intérêt égal à une fois et demi le taux légal à compter du 9 novembre 2010,
- 73 446,57 € d'indemnité de résiliation,
- 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 2 décembre 2014, la cour d'appel de Versailles a confirmé ledit jugement en toutes ses dispositions et condamné la société Rapid'Resto au paiement de la somme de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Cet arrêt a été signifié le 6 janvier 2015.
Le 10 mars 2015, la société Louvre Hôtels Group a fait dresser procès-verbal aux fins de saisie vente sur les lieux d'exploitation de l'hôtel [...] au préjudice de la société Rapid'Resto. Cet acte a été transformé en procès-verbal de difficultés dans la mesure où il est apparu que l'établissement était désormais exploité par la société ZENIA, dont Monsieur Franck M. était le gérant.
Par ordonnance sur requête en date du 21 janvier 2016, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai a autorisé la société Louvre Hôtels Group à prendre une inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société Zenia, situé [...] pour sûreté et conservation de la créance de 170.000 euros dont elle se prévaut en vertu de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 2 décembre 2014.
L'inscription provisoire de nantissement a été réalisée le 18 mars 2016 et dénoncée à la société Zenia le 24 mars 2016.
Par acte du 24 mai 2016, la société Zenia a fait assigner la société Louvre Hôtels Group devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai en vue d'obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée.
Par acte en date du 16 décembre 2016, la société Louvre Hôtels Group a fait assigner devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai Maître M.-L., notaire, en dénonciation de procédure et intervention forcée, au motif que suivant acte du 20 juin 2016, la société Zénia a cédé le fonds de commerce de l'hôtel exploité [...] à une société Legh moyennant le prix de 800 000 euros et que la somme de 170 000 € correspondant au montant de l'inscription de nantissement provisoire, a été séquestrée par Maître M.-L. à titre conservatoire. Elle demandait donc la jonction des procédures et qu'il soit dit et jugé que toute décision sera opposable à ce notaire.
Par jugement rendu le 1er février 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai a :
- débouté la société Zenia de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 mars 2016, suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai du 21 janvier 2016, sur le fonds de commerce situé à [...] pour sûreté et conservation de la somme de 170.000 euros ;
- validé ladite saisie conservatoire';
- débouté les parties de leurs demandes de dommages et intérêts ;
- condamné la société Zenia à payer à la société Louvre hôtels Group la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné la société Louvre hôtels Group à payer à maître M.-L. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit la décision opposable à maître M.-L. ;
- condamné la société Zenia aux dépens';
- rappelé que les décisions du juge de l'exécution sont exécutoires par provision.
Le jugement a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception le 3 février 2017, à la société Zenia, à la société Louvre Hôtels Group et à Maître M.-L..
Par déclaration au greffe en date du 14 février 2017, la société Zenia a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 17 novembre 2017, la société Zenia demande à la cour de réformer en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai du 1er février 2017 et, statuant à nouveau de':
- dire et juger qu'aucune mesure de sûreté judiciaire provisoire ne pouvait être pratiquée sur les biens de la société Zenia qui n'est pas débitrice de la société Louvre Hôtels Group et qui n'est pas détentrice de biens appartenant à la société Rapid'resto seule débitrice de la société Louvre Hôtels Group,
En conséquence,
- ordonner la mainlevée de l'inscription de nantissement judiciaire provisoire prise sur le fonds de commerce de la société Zenia par suite de l'ordonnance du 21 janvier 2016.
En tout état de cause,
- constater et dire qu'aucune procédure de nature à faire trancher le principe et le montant d'une créance dont la société Zenia serait redevable n'a été entreprise dans le mois suivant la notification de la prise de nantissement judiciaire et en conséquence,
- constater la caducité de la mesure prise'et en ordonner la mainlevée.
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que la société Louvre Hôtels Group ne prouve pas l'existence à charge de la société Zenia d'une créance paraissant fondée en son principe.
- déclarer illicite la mesure conservatoire résultant de l'ordonnance du 21 janvier 2016.
En conséquence,
- ordonner la mainlevée de l'inscription de nantissement judiciaire provisoire du fonds de commerce ordonné par le juge de l'exécution le 21 janvier 2016.
En tout état de cause,
- condamner la société Louvre Hôtels Group à payer à la société Zenia la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.
- condamner Louvre Hôtels Group à payer à la société Zenia la somme de 5.000 euros pour frais irrépétibles et aux dépens en ce compris le coût des actes nécessaires à la mainlevée à intervenir.
Elle énonce que la société Zenia n'a pas acquis le fond de commerce qu'exploitait la société Rapid'resto et que, par conséquent, la société Louvre Hôtels Group ne peut intenter une action paulienne à défaut d'acte de cession, rappelant que la société Zenia, exploite cet hôtel depuis septembre 2010 date à laquelle la société Louvre Hôtels Group n'avait pas encore de titre exécutoire à l'encontre de la société Rapid Resto. Elle ajoute que cette action est atteinte en tout état de cause de prescription. Enfin elle estime que la mesure de nantissement a été mise en place de manière abusive.
En réplique, dans ses conclusions récapitulatives signifiées par voie électronique le 27 février 2018, la société Louvre Hôtels Group sollicite de la cour de
- confirmer le jugement en ce qu'il a':
. débouté la société Zenia de sa demande de mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée le 18 mars 2016, suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai du 21 janvier 2016, sur le fonds de commerce situé à [...] pour sûreté et conservation de la somme de 170.000 euros,
. validé ladite saisie-conservatoire,
. Condamné la société Zenia à payer à la société Louvre Hôtels Group la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'
Recevant la société Louvre Hôtels en son appel incident':
- infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la société Louvre Hôtels Group à payer à maître M.-L. la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
En tout état de cause,
- condamner la société Zenia à payer à la société Louvre Hôtels Group la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner la société Zenia à payer à la société Louvre Hôtels Group, en plus de la somme déjà allouée, celle de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.
A l'appui de ses prétentions, la société Louvre Hôtels Group fait valoir qu'elle justifie d'une créance fondée en son principe et certaine suite à l'arrêt définitif de la cour d'appel de Versailles du 2 décembre 2014. Elle ajoute qu'il existe des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement à raison notamment de la complicité des sociétés Rapid'resto, Marti la Madeleine et Zenia pour assurer l'insolvabilité de la société Rapid'Resto.
En outre, elle fait valoir l'existence d'un transfert du fonds de commerce en fraude de ses droits justifiant l'action paulienne intentée et la saisie-conservatoire réalisée.
Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 23 juin 2017, Maître M.-L. demande à la cour de':
- constater qu'elle a séquestré, à titre conservatoire, la somme de 170.000 euros en son étude';
- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à justice sur l'opportunité du maintien du séquestre en son étude,
- condamner la société Zenia à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sa mise en cause n'étant pas utile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1° Sur la caducité de l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société Zenia, situé [...]
Vu les articles R 511-6 et R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution,
La société Louvre Hôtels Group justifie qu'après avoir obtenu du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai l'autorisation de prendre une inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société Zenia sis [...], suivant ordonnance du 21 janvier 2016, elle a :
- dans le délai de trois mois exécuté cette mesure conservatoire, ce nantissement ayant été inscrit au greffe du tribunal de commerce de Lille-Métropole le 18 mars 2016,
- dans le délai d'un mois à compter de cette inscription, elle a assigné par actes des 6 et 12 avril 2016, les sociétés Rapid'Resto et Marti devant le tribunal de commerce de Nanterre ;
Il est exact que dans le cadre de cette assignation, la société Louvre Hôtels Group ne sollicite pas la condamnation de la société Zenia au paiement d'une créance ; cette procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre a néanmoins pour objet de permettre à la société Louvre Hôtels Group qui dispose d'une créance sur la société Rapid Resto reconnue par un titre exécutoire de pouvoir recouvrer cette créance sur le fonds de commerce d'hôtel que la société Rapid Resto exploitait [...] et dont elle indique qu'il a ensuite été exploité par la société Zenia avant d'être vendu par cette dernière suivant acte reçu par Maître M.-L. notaire en date du 20 juin 2016.
Ont donc été respectées les dispositions de l'article R 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, dès lors que la société Louvre Hôtels Group a bien engagé dans le délai d'un mois à compter du 18 mars 2016 la procédure au fond nécessaire lui permettant d'obtenir un titre exécutoire lui permettant de valider son inscription de nantissement provisoire.
Le fait que cette procédure n'ait pour l'instant pas abouti, puisque le tribunal de commerce de Nanterre a par décision du 13 novembre 2017 déclaré irrecevable la demande de la SAS Louvre Hôtels Group, ne rend pas pour autant caduque cette inscription, le jugement du 13 novembre 2017 ayant été frappé d'appel.
2° Sur la demande de mainlevée l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce de la société Zenia, situé [...]
Vu l'article 511-1 du code des procédures civiles d'exécution,
Certes, la société Louvre Hôtels Group dispose d'une créance reconnue par un titre exécutoire, mais uniquement à l'encontre de la société Rapid'Resto dont elle est créancière à hauteur de plus de 150 000 € ;
Certes, cette société ne dispose plus à ce jour du fonds de commerce d'hôtel qu'elle exploitait [...] et même la société Zenia n'exploite plus l'hôtel qu'elle exploitait en ses lieux, pour voir vendu son fonds de commerce le 20 juin 2016.
Toutefois, il résulte de l'extrait K bis de cette société délivré le 3 juillet 2015 par le greffe du tribunal de commerce de Douai que cette société Zenia immatriculée le 8 juillet 2010 a fait mention dès le 4 novembre 2010 de l'exploitation d'un fonds de commerce dépendant du registre du commerce de Lille dont il n'est pas discuté qu'il s'agit du fonds de commerce d'hôtel sis [...] ; qu'elle disposait d'un bail commercial lui permettant cette exploitation suivant acte sous seing privé du 30 août 2010. Or, la société Louvre Hôtels Group ne disposait en 2010 d'aucun titre à l'encontre de la société Rapid Resto, n'avait même pas entrepris d'action en paiement à l'encontre de cette société Rapid Resto, cette demande n'ayant été formée qu'à titre reconventionnel par voie de conclusions en date du 24 mai 2011 dans le cadre de l'action en résiliation du contrat de franchise qu'avait engagée la société Rapid Resto devant le tribunal de commerce de Nanterre par assignation du 7 décembre 2010.
La société Louvre Hôtels Group n'apparaît pas en conséquence pouvoir être suivie quand elle invoque la complicité entre les sociétés Rapid Resto et Zenia pour organiser l'insolvabilité de la société Rapid Resto et la société Zenia apparaît en conséquence fondée en sa demande de mainlevée de l'inscription de nantissement provisoire sur le fonds de commerce qu'elle exploitait [...].
Le jugement du juge de l'exécution de Cambrai en date du 1° février 2017 sera en conséquence infirmé en ses dispositions par lesquelles il a débouté la société Zenia de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 18 mars 2016, suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai du 21 janvier 2016, sur le fonds de commerce situé à [...] pour sûreté et conservation de la somme de 170.000 euros et validé ladite saisie conservatoire, mainlevée de cette saisie conservatoire étant ordonnée.
3° Sur les dépens et demandes accessoires
La société Louvre Hôtels Group partie perdante sera condamnée aux dépens tant de première instance, le jugement de première instance étant infirmé en ce qu'il a condamné la société Zenia aux dépens, que de la procédure d'appel.
Elle sera par ailleurs condamnée à payer à Maître Elodie M.-L. une indemnité d'article 700 du code de procédure civile de 1000 euros, qui viendra s'ajouter à l'indemnité de 800 euros allouée par le premier juge, cette disposition du jugement étant confirmée.
Les sociétés Zenia et Louvre Hôtels Group seront déboutées de leurs demandes respectives d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile, chacune d'entre elles conservant à leur charge les frais non compris dans les dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, le jugement du juge de l'exécution de Cambrai étant infirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. Zenia à payer à la société Louvre Hôtels Group la somme de 3000 € d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile.
La demande de dommages et intérêts formée par la société Zenia sera rejetée, la saisie conservatoire pratiquée le 18 mars 2016 ne pouvant être qualifiée d'abusive alors qu'elle avait été régulièrement autorisée par le juge de l'exécution, validée par celui-ci dans le cadre du recours exercé par la société Zenia ; la mainlevée obtenue devant la cour qui a eu une analyse juridique autre que celle du premier juge ne permet pas davantage de qualifier d'abusive cette saisie.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai en date du 1er février 2017 dans l'instance enrôlée sous le numéro de répertoire général 16/00908 en ce qu'il a condamné la société Louvre Hôtels à payer à Maître M.-L. la somme de 800 € d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et a dit sa décision opposable à Maître M.-L. ;
L'infirme en toutes ses autres dispositions,
Statuant à nouveau,
Ordonne la mainlevée de l'inscription de nantissement provisoire de fonds de commerce en date du 18 mars 2016, sous le n°2016NP7 greffe du tribunal de commerce de Lille-Métropole, suivant ordonnance du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cambrai du 21 janvier 2016, sur le fonds de commerce de la S.A.R.L. Zenia situé à [...] pour sûreté et conservation de la somme de 170.000 euros,
Condamne la société Louvre Hôtels Group aux dépens de première instance et d'appel,
Rejette les demandes réciproques des sociétés Louvre Hôtels Group et Zenia sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de la société Zenia de dommages et intérêts pour saisie abusive,
Y ajoutant,
Condamne la société Louvre Hôtels à payer à Maître M.-L. la somme de 1000 € d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.