CA Douai, 8e ch. sect. 3, 31 janvier 2019, n° 17/02540
DOUAI
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pelissero
Conseillers :
Mme Royer, Mme Pecqueur
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 novembre 2018
Par requête enregistrée au greffe le 19 septembre 2016, M. Jean Bernard B. a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer d'une demande de rétractation de la saisie conservatoire sur l'intégralité du prix de vente de l'immeuble sis à [...] autorisée selon ordonnance rendue le 8 septembre 2016 à la requête de Mme Marie-Annick B. épouse B..
Le jugement frappé d'appel
Par un jugement rendu le 31 mars 2017, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer s'est déclaré compétent et a:
- débouté M. Jean-Bernard B. de l'ensemble de ses demandes,
- confirmé la saisie conservatoire autorisée par ordonnance du 8 septembre 2016';
- condamné M. Jean-Bernard B. à payer une somme de 990 euros à Mme Marie-Annick B. au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamné M. Jean-Bernard B. aux dépens.
Sur la procédure d'appel
Par déclaration au greffe du 14 avril 2017, M. B. a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 octobre 2017, M. B. demande à la cour de réformer le jugement entrepris et de':
- constater que la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 entre les mains de Me B., notaire, était vaine en raison du défaut de fonds et de créance disponible à charge de Me B. et au profit de M. B.';
- constater que Mme Marie-Annick B. n'a pas, dans le délai d'un mois, fixé à l'article R. 511-7 du code des procédures civiles d'exécution, introduit d'action au fond aux fins d'obtenir un titre exécutoire à l'encontre de M. Jean-Bernard'B.;
- dire et juger que la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 entre les mains de Me B. est frappée de caducité, en ordonner en conséquence la mainlevée';
- dire et juger que Mme Marie-Annick B. n'apporte pas la démonstration de l'existence d'une créance fondée en son principe, ni de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement en l'absence d'insolvabilité flagrante du concluant';
- dire et juger que Mme Marie-Annick B. ne démontre pas agir dans la recherche de l'intérêt des légataires, non concernés par la modification de la masse successorale';
en conséquence,
- dire et juger que l'ordonnance autorisant Mme Marie-Annick B. a été délivrée sur une base erronée, la rapporter et prononcer la mainlevée de la saisie conservatoire délivrée à Me Monique B., notaire à Hardelot';
- ordonner en conséquence à Me B. la restitution immédiate à M. Jean-Bernard B. des sommes conservées';
- dire et juger que les frais, dépens et honoraires de la présente action ne seront pas portés à charge de la succession, ni de M. Jean-Bernard B. mais resteront à charge personnelle de Mme Marie-Annick B. épouse B.';
- condamner Mme Marie-Annick B. aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement, au profit de M. Jean-Bernard B., des intérêts au taux légal sur les sommes indûment saisies à compter du 27 septembre 2016 jusqu'à la date de libération effective des fonds, outre une indemnité de 1'500 euros, au titre des frais irrépétibles visés à l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétentions, il met en avant l'absence d'efficacité de la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 puisqu'à cette date, la vente de l'immeuble n'était pas encore conclue et qu'aucun fond n'avait été déposé à l'office notarial. Il fait valoir que Mme B. épouse B. ne justifie aucunement d'une créance fondée en son principe et ce d'autant que la reconnaissance de dette produite par cette dernière au soutien de sa mesure conservatoire ne saurait valoir comme élément de preuve, faute d'avoir été signée par l'ensemble des parties. Il affirme qu'elle ne justifie pas davantage de circonstances menaçant le recouvrement de son éventuelle créance eu égard à ses ressources et qu'elle n'a pas introduit dans les trente jours de la saisie une action au fond afin d'obtenir un titre exécutoire. Il soutient que Mme B. épouse B. ne peut agir en tant qu'exécuteur testamentaire mais tout au plus comme mandataire chargée d'exécuter le testament, raison pour laquelle elle ne peut être désintéressée que de l'accomplissement des missions visées aux articles 1028 et 1029 du code civil et devra ainsi assumer les frais de son action sur ses deniers personnels.
Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 07 août 2017, Mme B. épouse B. demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de' condamner M. Jean-Bernard B. à lui verser la somme de 2'000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de statuer ce que de droit quant aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que M. B. est de mauvaise foi en ce qu'il a volontairement fait bloquer les fonds issus de la vente de son immeuble à la caisse des dépôts et consignations aux fins de faire échec à la saisie conservatoire mais qu'en tout état de cause, l'absence de succès de cette mesure n'est pas sanctionnée par sa caducité comme excipé par l'appelant. Elle explique avoir introduit une procédure en partage judiciaire le 14 octobre 2016 soit dans le délai d'un mois de la mesure conservatoire et ce en vue d'obtenir un titre exécutoire. Elle soutient enfin disposer d'une créance paraissant fondée en son principe en ce que plusieurs donations indirectes ont été consenties à M. B. et que le recouvrement en est menacé au regard du contentieux successoral qui oppose l'ensemble des héritiers.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 novembre 2018 et l'affaire plaidée le 6 décembre 2018 a été mise en délibéré au 17 janvier 2019 prorogée au 31 janvier 2019 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les 'dire et juger' et les 'constater' ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert-hormis les cas prévus par la loi-. En conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.
Sur la caducité de la mesure de saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2018
En vertu de l'article R. 511-6 du code des procédures civiles d'exécution, l'autorisation du juge est caduque si la mesure de saisie conservatoire n'a pas été exécutée dabs un délai de trois mois à compter de l'ordonnance.
L'article R.511-7 de ce même code prévoit que si ce n'est pas dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l'exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l'obtention d'un titre exécutoire.
En l'espèce, par ordonnance en date du 8 septembre 2016, le juge de l'exécution a fait droit à la demande de saisie conservatoire formée par Mme B. épouse B. et portant sur les fonds provenant de la vente d'un immeuble sis [...] appartenant à M. B.. Cette mesure de saisie conservatoire a été pratiquée le 15 septembre 2016 auprès de Maître B., notaire en charge de la vente de l'immeuble et dénoncée le 19 septembre 2016 à M. B.. Dès lors et malgré ce qu'excipe l'appelant, il appert que la mesure de saisie conservatoire a bien été pratiquée dans le délai de trois mois imparti par l'article R. 511-16 sus-mentionné et ce peu importe que cette mesure conservatoire soit restée vaine, étant observé que la prétendue absence de succès de la mesure querellée serait pour partie due à l'action de M. B. lui-même qui aurait fait en sorte de faire bloquer les fonds.
Par ailleurs, Mme B. épouse B. justifie avoir assigné en partage judiciaire M. B. par acte extra-judiciaire en date du 14 octobre 2016 soit le délai d'un mois suivant l'exécution de la saisie conservatoire, étant observé que cette procédure a bien vocation à obtenir un titre exécutoire contre M. B. dans le cas où celui-ci serait reconnu débiteur de la succession de leur mère.
Dès lors, c'est à bon droit que le magistrat de première instance a rejeté la demande de caducité sollicitée par M. B.. Le jugement entrepris sera donc confirmé de ce chef.
Sur la demande de mainlevée de la mesure de saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2018
Aux termes de l'article L.511-1 du code de procédure civile d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer à une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats qu'il est incontestable qu'il existe un contentieux né de la succession de feu Mme Lucie S. veuve B. entre les sept enfants de cette dernière et ayant pour origine des donations dites indirectes qui auraient été concédées à certains d'entre eux par le passé, et en particulier à l'appelant, comme en atteste la reconnaissance de dette produite aux débats qui, à défaut d'avoir été signée par les parents B., a bien été revêtue de la signature de M. B. lui-même, étant observé au surplus comme l'a souligné le juge de l'exécution, que l'analyse historique et donc du fond de l'affaire de succession ne relève pas de cette instance.
Par ailleurs, Mme B. épouse B. justifie par les enjeux financiers en cause et la mésentente manifeste des héritiers de la menace du recouvrement d'une éventuelle créance successorale qui serait mise à la charge de M. B. et ce d'autant que celui-ci, informé dès août 2016 de la volonté de Mme B. épouse B. de faire procéder à une mesure de saisie conservatoire sur les fonds provenant de la vente de son immeuble, les a fait bloquer aux fins de faire échec à ladite mesure.
Enfin, il convient d'observer que le moyen tiré de l'absence de démonstration par Mme B. épouse B. de son intérêt à agir dans l'intérêt des légataires, non concernés par la modification de la masse successorale'est inopérant en l'espèce.
En conséquence, il ne sera pas fait droit à la demande de mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 15 septembre 2016 formée par M. B., ni à sa demande de restitution des sommes conservées par Maître B. et la cour confirmera le jugement querellé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
Partie perdante, M. B. sera condamné aux dépens d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a mis à sa charge les dépens de première instance.
L'équité commande également de le condamner à verser à Mme B. épouse B. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de rejeter la demande de M. B. formée sur ce même fondement et de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à Mme B. épouse B. la somme de 990 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Boulogne sur mer en date du 31 mars 2017,
Y ajoutant
Condamne M. Jean-Bernard B. à verser à Mme Marie-Annick B. épouse B. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande de M. Jean-Bernard B. formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Jean-Bernard B. aux dépens d'appel.