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Décisions

CA Angers, ch. com. A, 14 mars 2023, n° 22/00980

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

La Mouteillere (EARL)

Défendeur :

Agco Finance (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Corbel

Conseillers :

Mme Robveille, M. Benmimoune

Avocats :

Me Chouquer, Me Dufourgburg, Me Chuquet

JEX Laval, du 4 avr. 2022, n° 21/00676

4 avril 2022

FAITS ET PROCÉDURE

E vue de garantir le paiement par l'EARL la Mouteillere de deux créances dues au titre de deux contrats de crédit-bail, le premier, du 28 juin 2019, portant sur une moissonneuse batteuse MF9380 d'une valeur de 360 000 euros, le second, du 1er août 2018, portant sur un tracteur Massey Ferguson d'une valeur TTC de 230 400 euros, la société AGCO finance a obtenu, le 16 juin 2021, une ordonnance du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval l'autorisant à pratiquer une saisie conservatoire de ses créances à hauteur de 614.000 euros entre les mains de l'agent de service et de paiement (ASP) aux fins de saisie de primes PAC.

En vertu de cette autorisation, le 7 juillet 2021, la société AGCO finance a fait pratiquer une saisie conservatoire de créance entre les mains de l'ASP.

Sur l'interpellation de l'huissier de justice prévue à l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'agent de service et de paiement a déclaré qu'il répondrait sous 48 heures.

Le 9 juillet 202, l'huissier de justice a reçu une réponse de l'agent de service et de paiement indiquant que l'opposition était bien enregistrée, que le débiteur saisi faisait déjà l'objet de deux oppositions et que la saisie conservatoire sera prise en compte sur la campagne 2021 dans la mesure où un dossier d'aide avait été déposé par l'intéressée et que le droit à l'aide lui était reconnu.

Le 13 juillet 2021, la société AGCO finance a dénoncé à l'agent de service et de paiement l'assignation au fond attestant de l'introduction d'une procédure en vue de l'obtention d'un titre exécutoire.

Le même jour, la saisie conservatoire a été dénoncée à l'EARL la Mouteillere.

Le 1er décembre 2021, l'EARL la Mouteillere a assigné la société AGCO finance devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval en contestation de cette saisie conservatoire.

Par jugement du 4 avril 2022, le juge de l'exécution a :

- rejeté toutes les demandes de l'EARL la Mouteillere ;

- condamné l'EARL la Mouteillere à verser une indemnité de 1 000 euros à la société AGCO finance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'EARL la Mouteillere aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 4 juin 2022, l'EARL la Mouteillere a interjeté appel du jugement du 4 avril 2022 en attaquant chacune de ses dispositions.

Les parties ont conclu.

Une ordonnance du 2 janvier 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions remises le 24 juin 2022, l'EARL la Mouteillere demande à la cour, de :

- dire et juger l'appel formé par l'EARL La Mouteillère du jugement recevable et bien fondé ;

et y faisant droit :

- réformer en toutes ses dispositions ce jugement ;

- déclarer caduque l'ordonnance rendue à la requête de la société AGCO finance au préjudice de l'Earl la Mouteillère, par le juge de l'exécution de Laval du 16 juin 2021 ;

en conséquence :

- ordonner la main levée de la saisie conservatoire pratiquée le 7 juillet 2021 entre les mains du comptable de l'agence de service et de paiement de [Localité 6] ;

- dire et juger que la société AGCO finance devra dans un délai de quinze jours de la signification de l'arrêt à intervenir notifier à ses frais à l'Agence de Service et de Paiement, demeurant [Adresse 1], et spécialement à son Agent Comptable ;

- condamner la société AGCO finances aux dépens et à payer à l'EARL la Mouteillère une indemnité de 2 400 euros pour la couvrir de ses frais irrépétibles.

L'appelante fait valoir qu'à défaut de déclaration sur le champ du tiers saisi, la saisie conservatoire n'est pas exécutée au sens de l'article L.511 du code des procédures civiles d'exécution.

Considérant que la saisie n'a pas été exécutée dans les trois mois de l'ordonnance du 16 juin 2021, elle en déduit que l'ordonnance ayant autorisé la saisie conservatoire est caduque.

Par conclusions d'intimé du 13 juillet 2022, la société AGCO demande à la cour de :

- prononcer la caducité de la déclaration d'appel ;

- prononcer l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;

en conséquence :

- se déclarer non saisie de l'appel ;

en conséquence :

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval en date du 4 avril 2022 ;

à titre subsidiaire :

vu les articles R.511-6 et R.511-7 et suivants du code de procédures civiles d'exécution :

- dire l'appel mal fondé ;

- confirmer le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval en date du 4 avril 2022 en ce qu'il a :

* rejeté toutes les demandes de l'EARL la Mouteillère ;

* condamné l'EARL la Mouteillère à verser une indemnité de 1 000 euros à la société AGCO finance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné l'EARL la Mouteillère aux dépens ;

* rappelle que la présente décision est immédiatement exécutoire de plein droit ;

y ajoutant :

- condamner l'EARL la Mouteillère à payer à la société AGCO finance la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens.

L'intimée observe que les conclusions de l'appelant ne comportent pas, ni dans le corps ni dans le dispositif, la reprise des chefs de jugement critiqués, et qu'elles ne sont que la reproduction des conclusions de première instance sans comporter de critiques des motifs du jugement, ce qui fait encourir, selon elle, la caducité de la déclaration d'appel et l'absence d'effet dévolutif de l'appel, à défaut de remise dans le délai de l'article 908 du code de procédure civile de conclusions conformes aux exigences de l'article 954 du même code.

Elle fait valoir que la saisie a été régulièrement exécutée, le 7 juillet 2021, entre les mains de l'ASP.

Elle soutient que l'absence de réponse du tiers saisi sur l'interpellation de l'huissier de justice n'entraîne pas la caducité de la saisie et que le retard de réponse n'est pas sanctionné en dehors de dommages et intérêts au profit du créancier prévus par l'article R. 211-5 du code des procédures civiles d'exécution.

MOTIFS DE LA DÉCISION

S'il est constaté que les conclusions de l'appelant, remises dans le délai de l'article 905-2, ne reprennent pas expressément la liste de tous les chefs critiqués du jugement, ce qui n'est pas exigé sous peine de caducité, elles comportent dans le dispositif la demande de réformation du jugement en toutes ses dispositions suivie des prétentions de l'appelant. Elles comportent dans la discussion, des moyens au soutien des prétentions émises.

Il en résulte que l'appelant a dans le délai qui lui était imparti par l'article 905-2 saisi la cour de prétentions en vue de la réformation du jugement, de sorte que la caducité de la déclaration d'appel, dont la régularité n'est pas mie en cause, n'est pas encourue

Les prétentions de l'intimée relatives à la caducité de la déclaration d'appel et à l'absence d'effet dévolutif de l'appel sont rejetées.

Sur le fond, les parties sont en désaccord sur les conséquences à tirer de l'absence de réponse sur le champ du tiers saisi à l'interpellation de l'huissier de justice.

Il convient de rappeler qu'aux termes :

- de l'article L. 523-1, lorsque la saisie porte sur une créance ayant pour objet une somme d'argent, l'acte de saisie la rend indisponible à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque cette autorisation n'est pas nécessaire, à concurrence du montant pour lequel la saisie est pratiquée. La saisie produit les effets d'une consignation prévus à l'article 2350 du code civil.

- de l'article L. 211-3, le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations, nantissements ou saisies antérieures.

- du 1er alinéa de l'article R. 523-4, le tiers saisi est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L. 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives. Il en est fait mention dans l'acte de saisie.

- de l'article R 523-5, le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier.

Il peut être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère.

Dans le cas présent, il est constant que le tiers saisi n'a pas répondu sur le champ à l'interpellation de l'huissier. Il a répondu dans les 48 heures, comme il s'y était engagé, sans qu'il ne soit prétendu que cette réponse, certes tardive, serait incomplète ou inexacte.

Quoiqu'il en soit, il résulte de l'article L. 523-1 du code des procédures civiles d'exécution que l'obligation déclarative du tiers saisi naît de la saisie concomitamment à l'effet d'indisponibilité et que l'effet d'indisponibilité de la créance saisie à concurrence du montant autorisé par le juge n'est pas subordonné à la déclaration du tiers saisi, telle que prévue par l'article L. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.

Ainsi, l'indisponibilité immédiate, au profit de la société AGCO finance, de la créance saisie entre les mains d'un tiers s'opère nonobstant l'absence de déclaration de ce tiers saisi.

Il s'ensuit qu'une réponse tardive du tiers saisi et même une absence de réponse n'a pas pour conséquence de rendre la saisie conservatoire 'inexécutée' comme le soutient l'EARL la Mouteillère.

Le premier juge doit donc être approuvé en ce qu'il a rejeté sa contestation.

Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.

L'EARL la Mouteillère qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et à payer à la société AGCO finance la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe,

Rejette les demandes tendant à la caducité de la déclaration d'appel et à la constatation de l'absence d'effet dévolutif de l'appel ;

Confirme le jugement entrepris.

Y ajoutant,

Condamne L'EARL la Mouteillère aux dépens d'appel.

Condamne L'EARL la Mouteillère à payer à la société AGCO finance la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.