CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 28 mars 2013, n° 2012/01990
PARIS
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Foncière Solarvoltaic (SAS)
Défendeur :
Électricité Réseau Distribution France (Sté), Commission de Régulation de l’Énergie
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Remenieras
Conseillers :
Mme Leroy, M. Blanc
Avocats :
Me Belfayol Broquet, Me Drouineau, Me Teytaud, Me Granjon, Me Vital
La société Foncière Solarvoltaïc qui a pour objet l'exploitation de générateurs photovoltaïques, a développé, sur le territoire de la commune de Parthenay (Deux Sèvres) trois projets de centrales photovoltaïques en toiture de bâtiments publics, soit le bâtiment du marché aux bestiaux "Champs de foire de Bellevue", le bâtiment "Boulodrôme", et le bâtiment 'Ovins".
Le projet "Champs de foire de Bellevue" a donné lieu de la part de la société ERDF, gestionnaire du réseau public d'électricité Sur le territoire concerné, à une proposition technique et financière (ci-après PTF) adressée le I O novembre 2010 à la société Foncière Solarvoltaïc, pour le raccordement du projet sur le réseau public de distribution par une liaison souterraine en HTA de 470 mètres, le montant des travaux de raccordement étant évalué à 44 410,37€ TTC et leur durée de réalisation à quatre mois.
Il était rappelé à la société Foncière Solarvoltaïc qu'elle disposait d'un délai de trois mois pour donner son accord sur la PTF et verser un acompte d'un montant de 9 225,05€ TTC.
La société Foncière Solarvoltaïc acceptait la PTF, datée et signée le 26 novembre 2010, et la renvoyait accompagnée du chèque d'acompte demandé.
Le 20 décembre 2010, le chèque d'acompte était encaissé, puis les travaux de raccordement débutaient.
Le 10 mars 2011, la société ERDF indiquait à la société Foncière Solarvoltaïc qu'à la suite d'un contrôle interne effectué entre le 21 et le 25 février 2011, concernant la recevabilité des demandes ; le directeur des opérations en région avait décidé de l'arrêt des travaux de raccordement concernant l'installation Champs de foire de Bellevue au motif que le dossier ne satisfaisait pas aux critères du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010, qui suspend l’obligation d 'achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l'énergie radiative du soleil.
Le 1 5 mai 201 1, la société Foncière Solarvoltaïc saisissait le Comité de règlement des différends et des sanctions (ci-après le CoRDiS) de la Commission de régulation de l'énergie du différend qui l'oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d'électricité de son projet de centrale photovoltaïque.
Elle demandait au CORDIS :
- de faire droit à sa demande de raccordement qui avait été acceptée à la suite de la notification de l'acceptation de la PTF en date du 26 novembre 2010,
- de définir les conditions techniques et financières du raccordement dans lesquelles l'accès au réseau public d'électricité pourra être effectué,
- d'assortir sa décision d'une astreinte de 500 euros par jour de retard jusqu'à ce que soit effectué de manière définitive le raccordement dont les conditions techniques et financières ont été validées dans la PTF .
La société ERDF sollicitait le rejet des demandes, en exposant essentiellement avoir reçu en mains propres l'acceptation de la PTF le 6 décembre 2010.
Par une décision en date du 19 décembre 2011, le CORDIS rejetait les demandes de la société Foncière Solarvoltaïc.
La société Foncière Solarvoltaic formait un recours contre cette décision.
LA COUR
Vu la déclaration de recours comportant un exposé des moyens, déposée au greffe de la cour d'appel de Paris, le 2 février 2012 par la société FRDF, aux termes de laquelle elle demande à la cour d'annuler la décision du CoRDiS du 19 décembre 2011, d'ordonner à la société ERDF d'instruire utilement le dossier de demande de raccordement, et de la condamner à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions de la société ERDF déposées le 15 mai 2012 aux fins de rejet du recours et de condamnation de la société Foncière Solarvoltaïc à lui payer la somme de 5000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en réplique de la société Foncière Solarvoltaïc déposées le 14 novembre 2012 ;
Vu les observations de la Commission de régulation de l'énergie déposées le 25 septembre 2012 tendant au rejet du recours ;
Vu les Observations écrites du ministère public tendant aux mêmes fins ;
Après avoir entendu à l'audience publique du 14 février 2013, les conseils des parties, qui ont été mises en mesure de répliquer, le conseil de la Commission de régulation de l'énergie et le ministère public ;
Sur ce,
Considérant qu'il convient de rappeler qu' en application de l'article 10 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, désormais codifié sous l'article L 314-1 du code de l'énergie, Electricité de France - et les entreprises locales de distribution - sont tenues de conclure, si les producteurs intéressés en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite sur le territoire national notamment par les installations fonctionnant à partir de sources d'énergie renouvelables ;
qu'aux termes de l'article Ier du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010, l'obligation ainsi mise à la charge des distributeurs a été suspendue pour une durée de trois mois à compter de son entrée en vigueur [le 10.12.2010] ;
que cependant, l'article 3 de ce décret a prévu que la suspension ne s'appliquait pas aux installations « dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la PTF de raccordement au réseau » ;
Considérant que la société Foncière Solarvoltaïc critique la décision du CoRDiS en ce qu'elle a commis une erreur de droit sur les conditions d'application du décret du 9 décembre 2010 ; qu ' elle fait notamment valoir que la date à prendre en considération pour l'application de ce décret est la date d'envoi de l'acceptation de la PTF, qu'elle démontre avoir adressée à ERDF par lettre simple le 26 novembre 2010 ;
Considérant que seuls bénéficient de l'exclusion prévue à I 'article 3 du décret du 9 décembre 2010, les producteurs qui justifient avoir notifié l'acceptation de la PTF avant le 2 décembre 2010 ;
qu'il appartient en l'espèce à la société Foncière Solarvoltaïc qui entend échapper à l'application de l'article Ier du décret du 9 décembre 2010, de rapporter cette preuve ;
Mais considérant qu'elle produit exclusivement aux débats, pour établir la preuve de l'envoi dont elle se prévaut, la photocopie d'une lettre datée du 26 novembre 2010, à l'attention de ERDF, qui a pour objet la notification de la PTF pour le raccordement du projet du Marché aux bestiaux de Bellevue, accompagnée de la photocopie d'un chèque de 9225,03 euros daté du même jour ;
que s'agissant de pièces qui émanent de la société sur qui pèse la charge de la preuve, et qui ne sont corroborées par aucun élément objectif, la requérante ne peut utilement soutenir qu'il incombe à ERDF, '"confrontée à cette preuve", de démontrer la date à laquelle elle a reçu l'accord sur la PTF, pour justifier qu'elle serait postérieure au 2 décembre 2010 ;
que d'ailleurs, pour sa part, ERDF, qui prétend avoir reçu le 6 décembre 2010, des mains de M. Merceron, mandataire de la société Foncière Solarvoltaïc, l'acceptation de la PTF, verse aux débats un extrait du livre d'émergement du service d'accueil de l'agence ERDF de Poitiers, une attestation de M Bray, qui confirme avoir reçu le document en question du 6 décembre, ainsi que la copie d'un envoi Chronopost également daté du 6 décembre 2010, à l'attention de M Duval, de l'agence ERDF de Laval, pour la prise en charge du dossier ;
Considérant que certes, si cette attestation émane de l'employé d'ERDF et ne répond pas aux formes prescrites par l'article 202 du code civil, elle n'est pas pour autant entachée de nullité ;
qu'en outre, il est surprenant que constater que la société Foncière Solarvoltaïc, qui prétend avoir envoyé l'acceptation de la PTF par courrier, le 26 novembre 2010, a produit à l'instance une pièce complémentaire (pièce n°15) datée du Ier décembre 2010 ; qu'il s'agit de la photocopie d'une lettre de M Merceron qui déclare à ERDF agir sur instructions de la société Foncière Solarvoltaïc et avoir "'le plaisir de [lui] remettre en mains propres la notification de la PTF d’ERDF… du marché de Bellevue à Parthenay datée du 26 novembre 2010 suite à la demande complète de raccordement du 30 août 2010" ; qu'il ajoute " Vous trouverez également joint à ce courrier le chèque HSBC N° 036567 en date du 26 novembre 2010 pour le règlement de l'acompte d'un montant de 9 225,03 euros".
Considérant que la comparaison de ces documents permet notamment de constater que le chèque d'acompte que M Merceron déclare avoir remis en mains propres à ERDF le 1er décembre 2010 porte le même numéro que celui dont copie figurait avec le courrier prétendument adressé par la voie postale à ERDF par la société Foncière Solarvoltaïc le 26 novembre 2010 ;
Considérant que les contradictions ci-dessus relevées suffisent à considérer que la société Foncière Solarvoltaïc ne fait pas la preuve de l'envoi de la PTF avant le 2 décembre 2010 ; qu'il importe peu, dans ces conditions, de déterminer si la date à prendre en compte pour l'application de l'article 3 du décret est celle de l'envoi ou celle de là réception par ERDF de l'acceptation de ce document ;
qu'il sera ajouté que n'est pas pertinent l'argument de la société Foncière Solarvoltaïc tiré de ce que pour les deux autres projets de centrales photovoltaiques, ERDF lui a opposé un refus dès le 10 février 2011, faute d'avoir reçu l'acception de sa part, avant le 2 décembre 2010, alors que pour le projet de Bellevue, objet du présent litige, elle avait encaissé le chèque dès le 20 décembre 2010, ces circonstances faisant, selon la société Solarvoltaïc, la démonstration de l'attitude déloyale de ERDF , d'autant qu'elle avait dans un premier temps, soutenu que l'acceptation lui avait été remise en mains propres le 4 décembre, qui était un samedi ;
Considérant en effet que pour les deux autres projets, la société Foncière Solarvoltaïc a accepté la PTF par lettre recommandée avec accusé de réception, justifiant de manière objective de la date de sa notification ; que l'envoi postal de l'acceptation de la PTF du projet de Bellevue en lettre simple, selon les propres allégations de la société Solawoltaïc, modifie radicalement les données du litige ; qu'il s'ensuit qu'il ne peut être tiré aucune conséquence de la différence de traitement, par ERDF, des projets qui lui ont été soumis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CORDiS n'a commis aucune erreur de droit ou de fait dans l'appréciation du différend qui lui a été présenté ; que le recours sera rejeté ;
Considérant que l'équité conduit à allouer à la société ERDF la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours de la société Foncière Solarvoltaïc contre la décision du CoRDiS du 19 décembre 2011 ;
Condamne la société Foncière Solarvoltaïc à payer à la société ERDF la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Foncière Solarvoltaïc aux dépens.