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Décisions

CA Toulouse, 3e ch., 13 octobre 2016, n° 16/03335

TOULOUSE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Agence Immobilier et Investissements A2 I (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Belieres

Conseillers :

M. Beauclair, M. Mazarin-Georgin

JEX Toulouse, du 15 juin 2016, n° 16/012…

15 juin 2016

EXPOSÉ DU LITIGE.

Vu l'appel interjeté le 5 juillet 2016 par la SASU AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A2 I à l'encontre d'un jugement du juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE en date du 15 juin 2016.

Vu les conclusions de la SASU AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A2 I en date du 6 septembre 2016.

Vu les conclusions de Monsieur Eric M. en date du 12 et du 22 septembre 2016.

Vu l'ordonnance de clôture du 19 septembre 2016 pour l'audience de plaidoiries fixée au 26 septembre 2016.

Vu l'accord des parties au rabat de l'ordonnance de clôture à la date de l'audience, auquel il a été procédé par mention au dossier avant l'ouverture des débats.

Monsieur Eric M. et l'agence A2I étaient liés par un contrat du 1er août 2007, à durée indéterminée, par lequel Monsieur Eric M. apportait des affaires à la seconde, qui jouait son rôle d'intermédiaire professionnel envers les tiers clients désireux d'acheter ou de vendre, contre reversement de 80 % de la rémunération portée dans les actes de vente.

L'agence A2 I a remis en question ce taux de rémunération à compter de l'année 2014 et le contrat du 1er août 2007 a été résilié à compter du 21 août 2014.

Monsieur Eric M. fait valoir que sa rémunération contractuelle lui est due pour les opérations conclues après la résiliation du contrat, pour les affaires qu'il a apportées avant cette résiliation et pour lesquelles l'agence s'est entremise utilement.

Par ordonnance du 30 avril 2015 , Monsieur Eric M. a obtenu l'autorisation de saisir à titre conservatoire une créance provisoirement évaluée à 26.000,00 euros entre les mains du notaire instrumentant une vente immobilière prévoyant une rémunération d'agence d'un montant de 50.000 euros HT. La saisie conservatoire a été pratiquée le 3 juin 2015.

Par acte d'huissier en date du 6 avril 2016 l'agence IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A2 I a saisi le juge de l'exécution d'une demande de mainlevée de ladite saisie conservatoire.

Par jugement en date du 15 juin 2016, le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE a :

- rejeté la demande de rétractation de la saisie conservatoire

- en a donné mainlevée mais uniquement contre consignation en CARPA de la somme de 30.000,00 euros détenue par le tiers détenteur.

- alloué à Monsieur Eric M. une somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- enjoint à la SASU AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A2 I de payer les dépens et frais de saisie.

Par ordonnance en date du 24 juillet 2015, le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de TOULOUSE , estimant que les demandes de Monsieur M. se heurteraient à une contestation sérieuse, et l'a donc débouté de sa demande de provision.

Par arrêt en date du 22 septembre 2016, cette cour a alloué à Monsieur M. une provision de 12.000 euros à valoir sur la commission qui lui est due sur une vente D. et condamné l'agence A.2.l. au paiement d'une indemnité de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La SASU AGENCE IMMOBILIER INVESTISSEMENTS A2 I demande à la cour, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de

- déclarer l'appel bien fondé et vu les dispositions des Art. L 511-1 R 511-1 et suivants R 512 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

- constater que la créance revendiquée par Monsieur M. n'est pas établie ni dans son principe, ni dans son montant.

- constater que si une contestation existe entre les parties concernant le principe et le montant de la créance litigieuse dont le Tribunal de Grande Instance est saisi, il n'est ni établi ni même supposé l'existence de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

- constater que la saisie conservatoire pratiquée par Monsieur M. est totalement injustifiée abusive et volontairement frustratoire.

- en conséquence réformer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 30 avril 2015 et le jugement appelé du 16 juin 2016 y faisant suite.

- ordonner la main levée de la saisie pratiquée à sa suite.

- dire que les frais de main levée resteront à la charge de Monsieur M.

- condamner Monsieur M. au paiement d'une somme de 2.000,00 euros à titre de dommages et intérêts outre une somme 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement des dispositions de l'article 700 code de procédure civile.

- condamner Monsieur M. aux entiers dépens.

Monsieur Eric M. demande à la cour, le dispositif de ses écritures reprenant ses moyens, de :

- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 19 septembre 2016,

- déclarer en conséquence recevables les présentes conclusions de l'intimé.

- sur le fond donner acte à la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. de son acquiescement partiel au jugement rendu par le juge de l'exécution en date du 15 juin 2016 en ce qu'il a rejeté sa demande de caducité de l'ordonnance du 30 avril 2015 ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur M. pour procédure abusive, en particulier en ce qu'il a :

* dit que la saisie-conservatoire de créance pratiquée le 3 juin 2015 repose bien sur l'apparence d'une créance fondée en son principe et est justifiée par des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement ;

* débouté la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. de sa demande de mainlevée de la saisie-conservatoire de créance du 3 juin 2015 ;

* débouté la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. de l'ensemble de ses prétentions pécuniaires ;

* ordonné la mainlevée de la saisie conservatoire de créance du 3 juin 2015 contre consignation de la somme saisie par le tiers saisi ;

* condamné la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. au paiement de la somme de 1.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. aux frais de la mesure conservatoire jusqu'à sa mainlevée et aux dépens de première instance ;

- y ajoutant, reconventionnellement, condamner la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. à payer Monsieur Éric M. la somme de 5.000,00 euros à titre de justes dommages et intérêts pour procédure abusive et téméraire sans préjudice à sa condamnation à une amende civile qui est particulièrement justifiée au cas d'espèce ;

- condamner la S.A.S.U. AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. à payer Monsieur Éric M. une indemnité complémentaire de 2.000,00 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

- la condamner aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de l'avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

Aux termes de l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

La mesure conservatoire prend la forme d'une saisie conservatoire ou d'une sûreté judiciaire.

Le principe de la créance de Monsieur M. fondant la mesure conservatoire litigieuse, est établi par les éléments suivants :

- un acte de vente 'D.' reçu par Maître P. le 4 juin 2015 faisant suite à un compromis de vente du 6 juin 2013, ayant fixé les honoraires de négociation à la somme de 50.000,00 euros HT à payer par l'acquéreur.

- une attestation du directeur du groupe CHT, second négociateur dans l'affaire D. qui déclare que Monsieur M. représentant de la société A2I lui a présenté le dossier sis [...] (hôtel avec terrain) appartenant à Monsieur D....à la suite de cette proposition, une opération a été montée avec la SCI BNB BLAGNAC en vue de la réalisation de deux restaurants.

- par un courrier en date du 6 juillet 2015 Monsieur M. gérant de l'agence A2I reconnaît le droit à commission de Monsieur M. dans les termes suivants : Monsieur M. a droit à 40 % de commission sur les 30.000,00 euros TTC soit 12.000,00 euros.

- la SASU A2I a reconnu devant le juge des référés d'une part que 'reste dû sur le dossier D. CHT seulement plausible, non sérieusement contestable et d'ailleurs non sérieusement contesté en l'état des usages et du travail justifié, la fixation d'un taux de commission de l'ordre de 40 %, soit une somme de 12.000,00 euros.' et d'autre part ' qu'elle n'est pas opposée à la fixation et au versement amiable immédiat à Monsieur M. de 12.000,00 euros.'

Il en résulte que le droit à rémunération de Monsieur M. pour la vente des immeubles D. est reconnu. Il n'est pas contesté que suite à la vente de ces terrains ont été conclus des baux commerciaux qui ont donné à lieu à commissions sur lesquelles Monsieur M. peut réclamer une rétrocession.

Est donc établi le principe d'une créance en faveur de Monsieur M..

Le fait que cette créance ne serait pas liquide ou pas exigible est indifférent, étant relevé que par sa décision en date du 22 septembre 2016 , la cour a fait droit à la demande de provision présentée par Monsieur M. pour un montant de 12.000,00 euros à valoir sur le dossier D. /CHT, et que le juge du fonds est saisi du surplus de la demande de ce chef.

À l'appui de sa demande aux fins de maintient de la saisie conservatoire, Monsieur M. verse en particulier le contrat d'agent commercial par lequel sa rémunération est fixée à 80 % des honoraires hors taxe encaissés par l'agence sur les affaires apportée par lui sur son secteur, et un tableau récapitulatif des opérations apportées par Monsieur M. et mettant en évidence que sa rémunération est principalement de 80 % mais peut être portée à 100 % ou à 40 ou 60 %. Au vu de ces éléments ne demeure donc en litige que le montant de la rémunération de Monsieur M. pour les opérations envisagées, et non le principe de cette rémunération, la somme de 12.000,00 euros allouée par la cour n'éteignant pas le principe de cette créance.

Sur les circonstances menaçant le recouvrement, il convient de relever la réticence du débiteur au paiement des sommes qu'il reconnaît pourtant devoir. En outre Monsieur M. rapporte la preuve de la situation financière de la société A2I est fragile : ses comptes pour 2014 et 2015 ne sont pas publiés et les honoraires de négociation dans l'affaire D. CHT représentent 60 % du chiffre d'affaire 2013. Enfin par décision de l'assemblée générale extraordinaire déposée au greffe du tribunal de commerce le 22 juillet 2015, la société a décidé de poursuivre son activité bien que ses capitaux propres soient inférieurs à la moitié du capital social de 7.622,00 euros.

Au vu de ces éléments, Monsieur M. est fondé à pratiquer une saisie conservatoire, et le jugement entrepris doit être confirmé en toutes ses dispositions.

Le droit de défendre en justice ses intérêts légitimes ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages intérêts que dans l'hypothèse d'une attitude fautive génératrice d'un dommage. La preuve d'une telle faute de la part de la SASU A2I n'est pas rapportée, la demande de dommages intérêts sera donc rejetée.

La SASU A2I succombe, elle supportera les dépens de l'instance augmentés d'une somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et y ajoutant,

Condamne la SASU AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. à payer à Monsieur Eric M. la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne SASU AGENCE IMMOBILIER ET INVESTISSEMENTS A.2.I. aux entiers dépens d'appel dont distraction au profit de Maître K.