CA Aix-en-Provence, 15e ch. a, 28 octobre 2016, n° 2016/782
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Sainte-Anne (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Boussaroque
Conseillers :
Mme Bel, Mme Moulet
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte notarié du 7 septembre 1995 la SCI Sainte ANNE a acquis de Monsieur T. une propriété dénommée « le Castellet Sainte Anne » située [...] qu'elle a donné à bail le 9 juin 2007 à Monsieur T. tout en maintenant son siège social.
Par acte du 1er septembre 1998 la SCI Sainte ANNE a acquis la propriété contiguë à la précédente dénommée « la maison de Françoise » situé e [...].
Afin de garantir le recouvrement de droits évalués à 3'727'468 € lors d'une vérification fiscale portant sur le revenu imposable de Monsieur T. pour la période du 1er janvier 2007 au 2 février 2009, le pôle de recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest a obtenu l'autorisation du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, conférée par ordonnance du 2 mai 2012, de pratiquer des saisies conservatoires mobilières 'à ses différents domiciles' du [...], et des [...].
Les saisies conservatoires des meubles se trouvant dans les deux immeubles situés à Antibes ont été pratiquées le 2 juillet 2012.
Le 30 octobre 2012 la SCI Sainte ANNE a assigné le comptable public du recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest ainsi que Monsieur T. pour voir ordonner la distraction à son profit et la restitution de l'ensemble des biens saisis dans les 2 villas numéros 41 et 43.
La SCI Sainte ANNE se prévalait, d'une part, de la présomption de l'article 2276 du Code civil , s'agissant des biens appréhendés dans la villa 41« la maison de Françoise » dont elle est propriétaire et, d'autre part du caractère équivoque de ceux appréhendés dans la villa 43 du Castellet Sainte-Anne »où elle cohabitait avec Monsieur T. , estimant que dans ce cas la présomption de l'article 2555 du Code civil jouait en défaveur de l'administration fiscale tenue d'établir la propriété du débiteur en présence d'une occupation qui n'était pas son fait exclusif.
Le comptable public en charge du recouvrement spécialisé de Paris Sud-Ouest estimait que Monsieur T. occupait en réalité les deux propriétés contiguës et faisait valoir que le bail qui lui avait été consenti au numéro 43 n'était pas un bail meublé.
Pour sa part, Monsieur T. entendait qu'il lui soit donné acte de ce qu'il n'était pas propriétaire des biens meubles saisis à titre conservatoire dans les deux villas.
Par jugement déféré du 8 février 2013, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse a :
- ordonné la parmi la distraction et la restitution à la SCI Sainte ANNE d'un Home Vidéo vidéo qu'elle justifiait avoir acquis le 14 octobre 2002
- débouté la SCI Sainte ANNE de sa demande en distraction des autres meubles
- dire n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la SCI Sainte ANNE , Monsieur T. et le comptable public du recouvrement spécialisé aux dépens.
Le juge de l'exécution a statué en retenant :
- le caractère équivoque de la possession des meubles saisis dans la villa numéro 43 revendiquée par la SCI Sainte ANNE laquelle ne rapportait pas la charge qui lui incombait d'établir sa propriété, en dehors d'un équipement vidéo pour lequel elle produisait facture probante.
-l'absence de preuve de la propriété de la SCI Sainte ANNE des meubles saisis dans la villa numéro 41 et par Monsieur T. .
Statuant avant dire droit sur l'appel de ce jugement interjeté par la SCI Sainte ANNE le 14 février 2013, la cour d'appel de ce siège, après avoir autorisé une note en délibéré à constaté par arrêt du 8 février 2013 que les parties étaient fondées à soutenir que la procédure n'était pas en état et devait être régularisée par l'appel en cause de Maître T. administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la SCI Sainte ANNE .
Cette régularisation étant faite , la cour d'appel a rendu le 26 février 2016 un nouvel arrêt avant-dire droit constatant le placement de la SCI Sainte ANNE en liquidation judiciaire et ordonnant la mise en cause de son liquidateur, Maître G. et a délivré au comptable public du pôle du recouvrement spécialisé une injonction de lui signifier ses conclusions du 3 novembre 2015 ainsi que l'arrêt.
Vu les dernières écritures déposées le 2 octobre 2015 par la SCI Sainte ANNE qui concluait à un sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt rendu par la cour d'appel de ce siège saisie du recours engagé contre un jugement du 19 mai 2015 par lequel le tribunal de grande instance de Grasse avait ordonné la conversion en liquidation judiciaire de la procédure de redressement judiciaire la concernant ouverte par jugement du 15 juin 2015, avait mis fin à la mission de l'administrateur judiciaire, Me Nathalie T. et désigné Me Pierre G., mandataire judiciaire en qualité de liquidateur.
Vu les dernières conclusions de Me Nathalie T. déposées le 23 juillet 2015 tendant à sa mise hors de cause du fait du prononcé de la liquidation judiciaire de la SCI Sainte ANNE
Vu les écritures déposées par Me G. le 19 septembre 2006, qui conclut comme suit:
PRONONCER la mise hors de cause de Maître T. es qualité.
STATUER ce que de droit sur la recevabilité et/ou le bien ou le mal-fondé de la contestation par M. T. de la réunion des conditions de l'article L 511-1 du CPCE,
DONNER ACTE à Maître G. es qualité de ce qu'il s'en remet à la sagesse de la Cour sur les mérites de l'appel de M. T. en ce qu'il sollicite la mainlevée de la saisie au motif que le mobilier saisi ne lui appartient pas mais appartient à la SCI Sainte ANNE.
STATUER ce que de droit sur les dépens.
Il observe s'agissant du moyen portant sur l'absence de location d'un bien meublé à M T. qu'il n'a pas reçu de déclaration de créance du Trésor au titre de l'impôt sur les sociétés auquel la SCI Sainte ANNE aurait été assujettie si elle avait loué les biens en meublé et observe que les factures produites par la SCI Ste ANNE n'ont qu'un rapport lointain avec les biens saisis.
Il rappelle que la SCI n'a produit aucune comptabilité au cours de la procédure collective, et conclut à l'incapacité dans laquelle il se trouve de soutenir ses 'prétentions passées'.
Vu les conclusions du comptable public du pôle du recouvrement spécialisé notifiées aux autres parties le 3 novembre 2015 et à Me G. le 7 mars 2016, qui demande à la cour de :
Constater que la SCI SAJNTE ANNE n'est qu'une émanation de Monsieur Ziad T. et que celui-ci est Ie véritable propriétaire des lieux.
Constater en outre, que Monsieur Ziad T. occupe ct habite habituellement les deux propriétés situées au [...]
d'Antibes.
Constater que 1e bail profitant à Monsieur Ziad T. n'est pas un bail meublé et qu'en conséquence, les meubles situés dans 1es locaux sont présumés lui appartenir.
Constater an surplus, que la présomption dc la propriété dc ces meubles est en faveur de Monsieur T. sur la totalité des meubles saisis.
En conséquence, débouter purement et sirnplement la SCI SainteE ANNE de1'ensemb1e de ses demandes.
Constater que l' argumentaire développé par Monsieur T. devant la Cour est irrecevable pour tardiveté et pour autorité de la chose jugée,
la Cour étant au surplus incompétente pour en connaître
En conséquence, débouter purement et simplement Monsieur T. de l' ensemble de son argumentaire
A titre subsidiaire, ordonner la réouverture des débats pour permettre au comptable public de produire toutes pièces de nature à justifier du principe de sa créance et des circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
Condamner la SCI Saintee ANNE à lui payer une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il soulève à cet effet l'irrecevabilité des moyens nouveaux soulevés en appel par Monsieur T. tenant au caractère infondé de la créance et de la menace pesant sur son recouvrement ainsi que de l'absence de désignation d'un séquestre qu'il qualifie de demande irrecevable en vertu du principe de la concentration des moyens , pour ne pas avoir été présentée en première instance
il soutient :
- que la SCI Sainte ANNE n'est qu'une société de complaisance pour Monsieur T. via la société RIVERA PROPERTY dont il se désigne comme le bénéficiaire économique
- que Monsieur T. apparaît comme le véritable propriétaire des 2 villas situées sur le même terrain et où ont été retrouvés de nombreux effets personnels et dans lesquelles il organise des réceptions
- que la SCI Sainte ANNE produit certaines factures qui n'ont pas de caractère probant en raison de l'absence de contrat de prêt qui justifierait leur mise à disposition au profit de M T.
- que s'agissant de la remise en cause du bien-fondé de la créance, il n'appartient pas au juge de l'exécution de connaître des procédures engagées par l'administration de sorte qu'il appartient à Monsieur T. de présenter ses observations à cet égard devant les juridictions de l'ordre administratif
- que les moyens tendant à la mainlevée de la saisie relèvent de la compétence du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui a autorisé la saisie conservatoire
- que ces moyens se heurtent à l'autorité de la chose jugée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris qui a rejeté par un jugement du 9 janvier 2013 la demande en rétractation formée par Monsieur T. à l'encontre de la décision autorisant la saisie conservatoire
- en réponse aux moyens soulevés par Monsieur T. , que la désignation d'un séquestre n'est qu' une simple faculté pour le juge
Vu les dernières écritures de M Ziad T. notifiées le 12 juillet 2013 et le 15 juin 2015 , par lesquelles il demande à la cour :
Vu les articles L. 5J I-I et L. 51 1-2 du Code des procédures civiles d 'exécution
Vu l'article L. 512 -] du Code des procédures civiles d'exécution
Vu l'article L. 512 -2 du Code des procédures civiles d 'exécution,
Constater 1e caractère injustifié des saisies conservatoires de créances pratiquées par le Pole recouvrement Spécialisé de Paris Sud-Ouest au regard des dispositions de 1'artic1e L. 511-1 du Code des procédures civiles d'exécution,
Constater 1e caractère abusif des mesures ainsi pratiquées par 1e Pole recouvrement Spécialisé de Paris Sud-Ouest,
Constater 1e préjudice subi par M. Ziad T. ,
En conséquence,
Ordonner la mainlevée des saisies conservatoires en cause au visa de l'article L. 512 -1 du Code des procédures civiles d'exécution,
Condamner 1e Pole du recouvrement Spécialisé de Paris Sud-Ouest à verser à M. Ziad T. la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intéréts sur le fondement de 1'artic1e L. 512 -2 du Code des procédures civiles d'exécution,
Condamner 1e Pole recouvrement Spécialisé de Paris Sud~Ouest à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Et condamner le Pole recouvrement Spécialisé de Paris Sud-Ouest et tous succombant aux entiers dépens.
M T. conteste que les conditions de l'article 511-1 du code des procédures civiles d'exécution soient réunies
Il soutient:
- que la saisie conservatoire n'est pas fondée en son principe en ce qu'il conteste être redevable envers les services fiscaux de la somme de 3 727 468 € réclamée au titre de son redressement
- que le pôle du recouvrement Spécialisé de Paris Sud-Ouest ne caractérise pas les risques susceptibles de menacer le recouvrement des la créance dont il se prévaut,estimant insuffisantes ses affirmations selon lesquelles « le comportement fiscal habituel du redevable laisse augurait recouvrement difficile » sous prétexte qu'il n'a pas déposé de déclarations spontanées d'impôt de solidarité sur la fortune, et qu'il est « sous le coup d'investigation judiciaire pour abus de biens sociaux, complicité, recel et subornation de témoins », d'autant que son placement en détention provisoire rendait illusoire sa faculté de quitter le territoire Français.
- que les biens saisis à titre conservatoire ne sont pas sa propriété
- que le juge de l'exécution n'a pas procédé à la désignation d'un séquestre.
SUR CE :
Attendu que saisie d'une demande de 'constatation' la cour n'a pas à se prononcer sur le point de savoir si la SCI SAINTE ANNE n'est qu'une émanation de Monsieur Ziad T. et si celui-ci est Ie véritable propriétaire des lieux ou se comporte comme tel.
Sur la mise hors de cause de Me Nathalie T.:
Attendu que Me T. a été désignée en qualité d'administrateur judiciaire de la SCI Ste ANNE par jugement rendu le 18 décembre 2014 par le tribunal de grande instance de Grasse , que du fait de la conversion de la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire suivant jugement du 19 mai 2015 qui a mis fin à ses fonctions, elle a perdu le pouvoir de représenter cette société civile, et sa mise hors de cause s'impose .
Sur la recevabilité des demandes présentées par M Ziad T. :
Attendu que les réclamations présentées pour la première fois en appel par M Ziad T. qui contestait la validité de la conservatoire qui tendent aux mêmes fin que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent, sont recevables en vertu de l'article 565 du code de procédure civile.
Que ces demandes ne sauraient être rejetées comme ' tardives' , pour n'être frappées ni de caducité ni de péremption, étant observé que le retard pris par la procédure est en grande partie lié à la carence du comptable public du recouvrement spécialisé à mette en cause l'administrateur judiciaire puis le liquidateur judiciaire de la SCI Ste ANNE , ce qui a donné lieu à deux arrêts avant dire droit.
Attendu que le fait que la saisie conservatoire ait été pratiquée en vertu de l'autorisation conférée par ordonnance du 2 mai 2012, émanant du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris, ne confère pas une compétence exclusive à cette juridiction alors que la situation à Antibes d'un immeuble donné à bail au débiteur, constituant son domicile commande de retenir la compétence territoriale de la Cour d'appel de ce siège; que le comptable public du pole de recouvrement spécialisé ne peut prospérer, sous prétexte d'un refus de rétractation, sur le moyen portant sur l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance rappelée dès lors qu'il ne s'agit pas d'une décision au fond mais d'une autorisation de procéder à une mesure conservatoire en l'absence de titre exécutoire,
Sur la distraction des biens saisis et la demande de mainlevée de la saisie
Attendu que la demande de sursis à statuer qui avait été présentée par la SCI Ste ANNE est devenue sans objet depuis le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel d'Aix en Provence qui a confirmé son placement en liquidateur judiciaire.
Attendu que sa demande de distraction des meubles saisis n'est pas reprise par son liquidateur, d'autant que ni Me G., ni la SCI Ste ANNE ne versent la moindre pièce en cause d'appel qui conduirait à reconnaître à cette société civile la propriété de biens autre que celle du 'home vidéo' dont le juge de l'exécution a ordonné la distraction, ce qui vient en conformité d'une part avec le fait que la villa N° 43 a été donnée à bail non meublé à son précédent propriétaire M T., suivant contrat conclu le 8 juin 2007 et renouvelé par tacite reconduction, lui conférant ainsi la présomption de possession posée par l'article 2276 du code civil, et d'autre part avec l'absence de déclaration à l'actif de la procédure collective de cette société de la valeur des biens meubles garnissant la villa située au N° 41,
Qu'il s'ensuit que M M Ziad T. n'est pas fondé à soutenir que les meubles saisis ne lui appartiennent pas.
Attendu que la désignation d'un séquestre dans les conditions prévues par l'article R 221-19 du code des procédures civiles d'exécution est une simple faculté pour le juge qui autorise la saisie, et le moyen présenté par M Ziad T. est recevable mais non fondé.
Attendu que l'article L 511-1 du code des procédure civiles d'exécution conditionne le recours à une mesure conservatoire à l'apparence d'une créance fondée en son principe. Or, la contestation par le contribuable des impositions mises à sa charge dans le cadre de la procédure de rectification vient en contradiction avec les éléments apportés par le comptable public du recouvrement spécialisé à savoir la notification de redressement signifiée le 26 décembre 2011 au domicile élu de M Ziad T. au titre notamment de l'ISF dont il lui appartenait d'effectuer une déclaration spontanée, et l'absence de déclaration de compte bancaire à l'étranger.
Qu'ainsi il n'y a pas lieu de procéder à une réouverture des débats pour permettre au comptable public de produire toutes pièces de nature à justifier du principe de sa créance .
Attendu que la délivrance du mandat d'arrêt international à l'encontre de M Ziad T. et l'absence de toute manifestation de sa part dans le cadre de cette procédure civile depuis plus d'un an confortent le moyen tenant à l'existence de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de droits évalués initialement à 3 727'468 €.
Qu'il sera également débouté de sa réclamation portant sur l'indemnisation du préjudice causé par la mise en oeuvre d'une saisie conservatoire qui n'est ni abusive ni injustifiée.
Sur les demandes annexes
Attendu qu'il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile et chaque partie conservera la charge de ses propres dépens
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après avoir délibéré conformément à la loi,
Prononce la mise hors de cause de Me Nathalie T. es qualités d'administrateur judiciaire de la SCI Sainte ANNE.
Dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer ni à réouverture des débats
Déclare recevables mais non fondées les demandes présentées par M Ziad T.
l'en déboute
confirme le jugement en toutes ses dispositions
rejette toutes autres demandes des parties
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens.