CRE, cordis, 12 décembre 2011, n° 241-38-11
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la société Centrale Solaire de Colombiers à la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Racine
Rapporteur :
M. Astier
Avocats :
Me Versini, Me Guénaire
Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 9 septembre 2011, sous le n° 241-38-11 présentée par la société Centrale Solaire de Colombiers, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Montpellier sous le numéro B 503 453 797, dont le siège social est situé, 31, rue des Bouissettes, 34070 Montpellier, représentée par son gérant, Monsieur Erick GAY, ayant pour avocat, Maître Paul ELFASSI, CGR LEGAL, 35, boulevard des Capucines, 75002 Paris.
La société Centrale Solaire de Colombiers a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Électricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque.
Il ressort des pièces du dossier que la société Centrale Solaire de Colombiers développe, sur le territoire de la commune de Colombiers (Hérault), un projet de centrale photovoltaïque en toiture d’une puissance d’environ 1,5 MWc composé de deux sites de production dits « Colombiers 1 » et « Colombiers 2 ».
Le 18 janvier 2010, la société Centrale Solaire de Colombiers a déposé auprès de la société ERDF une demande de raccordement portant sur une puissance totale de 1.624 kW.
Le 26 février 2010, la société ERDF a accusé réception de la demande complète de raccordement.
Le 20 mai 2010, la société ERDF a communiqué à la société Centrale Solaire de Colombiers une étude détaillée de raccordement.
Le 12 juillet 2010, la société Centrale Solaire de Colombiers a déposé une demande de raccordement mutualisé portant sur ses deux sites de production, « Colombiers 1 » et « Colombiers 2 », d’une puissance respective de 635,80 kWc et 818,20 kWc.
Le 29 juillet 2010, la société ERDF a accusé réception de cette demande et a attribué pour chacun des deux sites de productions un numéro d’enregistrement ainsi qu’un numéro de contrat d’accès au réseau de distribution (CARD-I). La société ERDF a indiqué, également, à la société Centrale Solaire de Colombiers que ces projets sont entrés en file d’attente le 27 juillet 2010.
Le 23 novembre 2010 la société ERDF a communiqué à la société Centrale Solaire de Colombiers une proposition technique et financière commune aux deux sites de production. La société ERDF a demandé à la société Centrale Solaire de Colombiers le versement d’un acompte de 10.575,13 euros.
Le 1er décembre 2010, la société Centrale Solaire de Colombiers a indiqué à la société ERDF avoir accepté la proposition technique et financière et avoir envoyé le chèque d’acompte.
La société Centrale Solaire de Colombiers a, également, transmis ces informations et pièce par lettre recommandée le 2 décembre 2010.
Le 7 décembre 2010, la société ERDF a accusé réception de l’acceptation de la proposition technique et financière par la société Centrale Solaire de Colombiers en date du 3 décembre 2010.
Le 9 décembre 2010, la société Centrale Solaire de Colombiers a contesté auprès de la société ERDF la date d’acceptation de la proposition technique et financière et a demandé que cette date d’acceptation soit rectifiée et fixée au 1er décembre 2010, date d’envoi de son acceptation par courriel.
Le 14 décembre 2010, le chèque d’acompte de la société Centrale Solaire de Colombiers a été encaissé par la société ERDF.
Le 15 décembre 2010, la société ERDF a indiqué à la société Centrale Solaire de Colombiers que son projet était entré dans sa phase d’étude et de réalisation.
Le 7 février 2011, la société ERDF a indiqué à la société Centrale Solaire de Colombiers que son accord sur la proposition technique et financière ayant été envoyé le 2 décembre 2010, son projet entrait dans le champ d’application des dispositions du décret du 9 décembre 2010.
Le 23 mai 2011, la société Centrale Solaire de Colombiers a adressé à la société ERDF une mise en demeure de faire droit à sa demande relative à la prise en compte de la date d’envoi de l’acceptation de la proposition technique et financière au 1er décembre 2010.
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Dans ses observations, la société Centrale Solaire de Colombiers soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour connaitre d’un tel litige dès lors qu’il concerne un gestionnaire et un utilisateur du réseau, et qu’il porte sur la conclusion d’une offre de raccordement.
Elle précise que le comité de règlement des différends et des sanctions par une décision du 22 juin 2010 portant sur des faits similaires, a confirmé sa compétence.
La société Centrale Solaire de Colombiers estime qu’il ressort de l’article 1.4.2 de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie en date du 11 juin 2009, relative à l’élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement par les gestionnaires de réseaux de distribution, et de l’article 8.2.1 de la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF applicable en l’espèce (ERDF-PRO-RAC_14E), que la société ERDF était tenue de lui adresser une proposition technique et financière dans un délai de trois mois à compter de la réception par cette dernière de la demande complète de raccordement.
Elle en conclut que la société ERDF a méconnu cette obligation en ne lui délivrant pas de proposition technique et financière au 27 octobre 2010, mais le 25 novembre 2010.
La société Centrale Solaire de Colombiers précise qu’un tel retard dans l’envoi de sa proposition technique et financière ne saurait être justifié par des considérations techniques liées au projet, la société ERDF ayant réalisé une étude détaillée le 20 mai 2010 pour un projet proche techniquement de celui sur lequel porte le présent litige.
La société Centrale Solaire de Colombiers ajoute que le retard de la société ERDF est fautif et inexcusable dès lors que la première page de la proposition technique et financière fait apparaitre comme date d’édition le 22 octobre 2010 et qu’ainsi la société ERDF a attendu plus d’un mois pour lui transmettre.
Elle expose que les dispositions de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 n’exigeaient aucune forme particulière de notification de l’accord sur la proposition technique et financière par le producteur et que la société ERDF a méconnu ces dispositions en ne prenant pas en compte la notification, intervenue le 1er décembre 2010, par courriel d’un tel accord.
La société Centrale Solaire de Colombiers demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions de a Commission de régulation de l’énergie :
- de constater que la société ERDF a fait une application irrégulière de la procédure de traitement des demandes de raccordement en ne respectant pas le délai de transmission de la proposition technique et financière ;
- de constater que la société ERDF a fait une application irrégulière des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 en refusant de retenir que l’acceptation de la proposition technique et financière a été envoyée par l’exposante au 1er décembre 2010 ;
Par conséquent,
- d’ordonner à la société ERDF de retenir la date d’acceptation de la proposition technique et financière au 1er décembre 2010 ;
- d’ordonner à la société ERDF de réintégrer le projet de la société Centrale Solaire de Colombiers au sein de la file d’attente dans une position identique à celle qu’il avait au 1er décembre 2010 ;
- d’ordonner à la société ERDF de communiquer, sous un mois, la convention de raccordement concernant le projet.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 10 octobre 2011, présentées par la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé, 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par son secrétaire général, Monsieur François ABKIN, et ayant pour avocat, Maître Michel GUÉNAIRE, cabinet Gide Loyrette Nouel, 26, cours Albert 1er, 75008 Paris.
La société ERDF estime que la demande de la société Centrale Solaire de Colombiers doit être déclarée irrecevable au motif qu’aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n’est produit à l’appui de sa demande, ainsi que le prévoit pourtant l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions annexé à la décision du 20 février 2009.
Elle soutient que le courriel de la Centrale Solaire de Colombiers en date du 1er décembre 2010 ne peut être considéré comme valant notification de son acceptation de la proposition technique et financière dès lors que celui-ci ne respectait pas les conditions d’acceptation des propositions techniques et financières définies à l’article 8.3.4 de la procédure de traitement des demandes de raccordement alors applicable.
La société ERDF précise sur ce point que ce courriel ne contenait que la première page de ladite proposition signé et ne comportait pas de chèque d’acompte.
Elle ajoute que la société Centrale Solaire de Colombiers ne lui ayant adressé que le 2 décembre 2010 un courrier contenant la proposition technique et financière signée ainsi que le chèque d’acompte, cette dernière n’a fait qu’appliquer les dispositions du décret du 9 décembre 2010 en s’abstenant de lui transmettre une proposition technique et financière.
Elle expose, concernant le délai de délivrance des propositions techniques et financières, que le comité de règlement des différends et des sanctions considère, comme il l’a précisé dans une décision Société Vol-V Solar en date du 22 juin 2011, qu’aucune obligation de résultat quant au respect de ce délai n’est mise à la charge de la société ERDF.
La société ERDF précise que la ministre de l’Écologie, du Développement Durable, de Transports et du Logement a retenu la même interprétation, dans une réponse ministérielle en date du 28 juillet 2011, en indiquant qu’« il ne s’agit que d’un délai indicatif dont le non-respect ne suffit pas à fonder un contentieux ».
Elle en conclut qu’elle n’a pas méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement dans la mesure où le délai de trois mois pour la délivrance des propositions techniques et financières ne constitue pas une obligation de résultat et n’a qu’une valeur indicative.
La société ERDF estime que le fait qu’elle ait établi une étude détaillée est indifférent quant au délai d’établissement d’une proposition technique et financière à la société Centrale Solaire de Colombiers dans la mesure où cette étude concernait un projet différent de celui qui a donné lieu à la délivrance d’une proposition technique et financière.
Elle souligne sur ce point que l’étude détaillée a été réalisée sur la base d’un projet d’installation unique avec la création d’un seul poste de livraison alors que le projet sur la base duquel a été effectuée la proposition technique et financière comporte deux installations de production mutualisées et nécessite deux postes de livraison.
La société ERDF expose que, contrairement à ce qu’indique la société Centrale Solaire de Colombiers, elle n’a pas attendu plus d’un mois à compter de la date du 22 octobre 2010 pour lui adresser sa proposition technique et financière dans la mesure où à cette date elle ne disposait pas de l’ensemble des informations de son bureau d’étude.
Elle ajoute en avoir averti la société Centrale Solaire de Colombiers par courriel en date du 4 novembre 2010 et qu’ainsi force est de constater qu’elle a tenu la société Centrale Solaire de Colombiers informée de l’état d’avancement de son dossier et qu’elle n’est, donc, responsable d’aucun retard inexplicable ou fautif.
La société ERDF conclut qu’il plaise au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :
À titre principal,
- de déclarer irrecevable la saisine présentée par la Centrale Solaire de Colombiers ;
À titre subsidiaire,
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à faire constater que la société ERDF a fait une application irrégulière de la procédure de traitement des demandes de raccordement en (i) ne respectant pas le délai de transmission de la proposition technique et financière et (ii) refusant de retenir que l’acceptation de la proposition technique et financière a été envoyée par le producteur au 1er décembre 2010 ;
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à ordonner à la société ERDF de retenir la date d’acceptation de la proposition technique et financière au 1er décembre 2010 ;
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à ordonner à la société ERDF de réintégrer le projet de la Centrale Solaire de Colombiers au sein de la file d’attente dans une position identique à celle qu’il avait au 1er décembre 2010 ;
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à ordonner à la société ERDF de communiquer sous un mois, la convention de raccordement concernant le projet.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 31 octobre 2011, présentées par la société Centrale Solaire de Colombiers.
La société Centrale Solaire de Colombiers considère que la société ERDF ne saurait lui opposer en tant que cause d’irrecevabilité au titre de l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions, la non-production d’un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés en ce que le règlement intérieur n’a pu ajouter une condition supplémentaire concernant la recevabilité des saisines dès lors, notamment, que l’ensemble des exigences posées par l’article 1-1 du décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 sont respectées.
Elle précise que l’article 1-2 du décret du 11 septembre 2000 ainsi que l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions prévoient la possibilité de régularisation des demandes ne répondant pas à toutes les conditions mentionnées à l’article 1-1 du décret du 11 septembre 2000.
La société Centrale Solaire de Colombiers estime que la société ERDF, en interprétant les conditions d’application de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 à la lumière de sa procédure de traitement des demandes de raccordement, a méconnu les dispositions du décret du 9 décembre 2010. Elle considère que le décret du 9 décembre 2010 instaure un mécanisme distinct de la procédure de traitement des demandes de raccordement.
La société Centrale Solaire de Colombiers précise qu’en ne visant pas dans le décret du 9 décembre 2010, les « conditions définies dans la documentation technique de référence » le pouvoir réglementaire n’a pas entendu déterminer la date de notification de l’accord sur la proposition technique et financière prévue par l’article 3 du décret, au regard des règles mises en place par les gestionnaires de réseau.
Elle estime enfin qu’ayant signé la proposition technique et financière le 1er décembre 2010 et transmis par courriel le même jour, son acceptation, elle a respecté les conditions posées par l’article 3 du décret du 9 décembre 2010.
La société Centrale Solaire de Colombiers considère que si la modification du projet impliquait une mise à jour de l’étude détaillée du 20 mai 2010, cette modification n’a pas nécessité la réalisation d’une nouvelle étude complète, et que le retard dans la transmission de la proposition technique et financière du bureau d’études de la société ERDF ne relève pas le gestionnaire de réseau de son obligation de respecter les délais prévus par sa procédure.
La société Centrale Solaire de Colombiers persiste, en conséquence, dans ses précédentes demandes.
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Vu les observations complémentaires, enregistrée le 7 novembre 2011, présentées par la société Centrale Solaire de Colombiers.
La société Centrale Solaire de Colombiers précise que la société VALECO, mandataire de la société Centrale Solaire de Colombiers dans le cadre du développement de son projet de centrale photovoltaïque, a conclu avec la société La Poste un contrat de traitement de courrier, par lequel le courrier est affranchi le lendemain du jour de son dépôt.
Elle ajoute que les deux courriers, l’un contenant l’exemplaire signé et paraphé de la proposition technique et financière, l’autre le chèque d’acompte correspondant, ayant été affranchis le 2 décembre 2010, ils ont nécessairement été déposés auprès des services postaux le 1er décembre 2010.
La société estime, donc, qu’il convient de retenir la date du 1er décembre 2010 comme étant celle de la notification de la proposition technique et financière acceptée au sens du décret du 9 décembre 2010.
La société Centrale Solaire de Colombiers persiste, en conséquence, dans ses précédentes demandes.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 21 novembre 2011, présentées par la société ERDF
La société ERDF considère, tout d’abord, que conformément à l’article 8.3.4 de la procédure de traitement des demandes de raccordement, l’acceptation de la proposition technique et financière ne peut être matérialisée que par la réception de l’ensemble des documents permettant d’établir cet accord. Elle ajoute que l’envoi d’un courriel n’est pas de nature à établir avec certitude l’accord du pétitionnaire sur l’offre de raccordement. La société ERDF précise qu’elle n’a reçu l’original de la proposition technique et financière et le chèque d’acompte correspondant que le 3 décembre 2010.
La société ERDF fait valoir que le fait que la société VALECO ait conclu un contrat avec la société La Poste quant à l’affranchissement ne suffit pas à établir qu’elle ait eu recours à ce service au début du mois de décembre 2010 pour adresser les dits documents.
Elle souligne qu’il n’appartient pas au comité de règlement des différends et des sanctions de se prononcer, en dehors de tout règlement d’un différend, sur les demandes relatives à l’engagement de la responsabilité de la société ERDF. Elle ajoute ainsi que la société Centrale Solaire de Colombiers ne saurait se prévaloir de décisions de règlement de différends par lesquelles le comité de règlement des différends et des sanctions a considéré que le producteur était « fondé à invoquer la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations et de sa documentation technique de référence ».
La société ERDF considère enfin que, si le comité de règlement des différends et des sanctions devait constater qu’elle avait méconnu le délai de trois mois prévu pour la délivrance d’une proposition technique et financière par le gestionnaire de réseau, il conviendrait de rappeler que ce délai n’a qu’un caractère indicatif, et que ce retard n’est ni anormal ni excessif et considère qu’en tout état de cause, elle a été confrontée durant cette période à un afflux considérable de demandes de raccordement constitutif d’un cas de force majeure.
La société ERDF conclut qu’il plaise au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie de :
À titre principal,
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à faire constater que la société ERDF a fait une application irrégulière de la procédure de traitement des demandes de raccordement en (i) ne respectant pas le délai de transmission de la proposition technique et financière et (ii) refusant de retenir que l’acceptation de la proposition technique et financière a été envoyée par le producteur au 1er décembre 2010 ;
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à ordonner à la société ERDF de retenir la date d’acceptation de la proposition technique et financière au 1er décembre 2010 ;
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à ordonner à la société ERDF de réintégrer le projet de la Centrale Solaire de Colombiers au sein de la file d’attente dans une position identique à celle qu’il avait au 1er décembre 2010 ;
- de rejeter la demande de la Centrale Solaire de Colombiers tendant à ordonner à ERDF de communiquer sous un mois, la convention de raccordement concernant le projet.
À titre subsidiaire,
- de rappeler que le délai de trois mois prévu par la délivrance d’une proposition technique et financière ne constitue qu’un délai indicatif ;
- de constater que le retard de la société ERDF pour délivrer une proposition technique et financière à la Centrale Solaire de Colombiers n’était ni anormal ni excessif ;
- de constater que la société ERDF a été confrontée à une situation de force majeure constituée par un afflux considérable de demande de raccordement au cours de l’été 2010.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 9 septembre 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 241-38-11 ;
Vu la décision du 19 octobre 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société Centrale Solaire de Colombiers.
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue 12 décembre 2011, en présence de :
Monsieur Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Madame Dominique GUIRIMAND, Madame Sylvie MANDEL et Monsieur Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,
Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché,
Monsieur Jérémie ASTIER, rapporteur et Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint,
Les représentants de la société Centrale Solaire de Colombiers, assistés de Maître François VERSINI,
Les représentants de la société ERDF, assistés de Maître Michel GUÉNAIRE.
Après avoir entendu :
- le rapport de Monsieur Jérémie ASTIER, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
- les observations de Maître François VERSINI pour la société Centrale Solaire de Colombiers ; la société Centrale Solaire de Colombiers persiste dans ses moyens et conclusions et présente deux pièces nouvelles ;
- les observations de Maître Michel GUÉNAIRE pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions et accepte la production de ces pièces ;
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 12 décembre 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
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Sur la recevabilité de la demande de la société Centrale Solaire de Colombiers
La société ERDF estime que la demande de la société Centrale Solaire de Colombiers doit être déclarée irrecevable au motif qu’aucun extrait de registre du commerce et des sociétés n’est produit à l’appui de sa demande, ainsi que le prévoit pourtant l’article 7 du règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions annexé à la décision du 20 février 2009.
La société Centrale Solaire de Colombiers ayant produit un extrait de moins de trois mois du registre du commerce et des sociétés, la société ERDF ne peut valablement soutenir que le comité de règlement des différends et des sanctions aurait été irrégulièrement saisi.
Sur le délai de transmission de la proposition technique et financière
La société Centrale Solaire de Colombiers demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF a fait une application irrégulière de sa procédure de traitement des demandes de raccordement en ne lui transmettant pas de proposition technique et financière dans un délai de trois mois.
La procédure de traitement des demandes de raccordement susvisée de la société ERDF, prévoit en son article 8.2.1 qu’à « compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l’offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d’installation concernée. Ce délai n’excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement ».
Il ressort des pièces du dossier que la proposition technique et financière n’a pas été notifiée, dans le délai de trois mois, par la société ERDF à la société Centrale Solaire de Colombiers, ce qui constitue une méconnaissance par la société ERDF de sa documentation technique de référence qui prévoit sa transmission dans un délai qui « n’excédera pas trois mois ».
Ainsi, la société Centrale Solaire de Colombiers est fondée à invoquer la méconnaissance par la société ERDF de ses obligations issue de sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Sur l’application faite par la société ERDF des dispositions du décret du 9 décembre 2010
La société Centrale Solaire de Colombiers demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF a fait une application irrégulière des dispositions du décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 en refusant de retenir que l’acceptation de la proposition technique et financière a été envoyée par l’exposante au 1er décembre 2010.
Elle soutient que les dispositions de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 n’exigeaient aucune forme particulière de notification de l’accord sur la proposition technique et financière par le producteur et que la société ERDF a méconnu ces dispositions en ne prenant pas en compte la notification par courriel d’un tel accord.
La société ERDF soutient que le courriel de la Centrale Solaire de Colombiers en date du 1er décembre 2010 ne peut être considéré comme valant notification de son acceptation de la proposition technique et financière dès lors que celui-ci ne respectait pas les conditions d’acceptation des propositions techniques et financières définies à l’article 8.3.4 de la procédure de traitement des demandes de raccordement alors applicable.
La procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA au réseau public de distribution géré par ERDF, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit en son article 8.3.4 que l’« accord sur l’offre de raccordement est matérialisé par la réception d’un original, daté et signé, de l’offre de raccordement, sans modification ni réserve, accompagné du règlement de l’acompte ou de l’ordre de service signé correspondant ».
La proposition technique et financière pour le raccordement de l’installation de production photovoltaïque, en date du 22 octobre 2010 et signée le 1er décembre 2010 prévoit, d’une part, en son article 4.2 que le « demandeur reconnaît avoir été informé préalablement à la conclusion de la présente Proposition Technique et Financière de l’existence de la documentation technique de référence et du barème publiés par ERDF » et, d’autre part, en son article 4.3.2 que l’« accord du Demandeur sur la Proposition Technique et Financière est matérialisé par :
- sa signature de la mention « Bon pour accord » sur le 2ème original de la présente Proposition Technique et Financière,
- sa signature sur l’exemplaire « A nous retourner » du devis, sans modification ni réserve joint en annexe 1,
- le versement de l’acompte ».
Il en résulte nécessairement que la matérialisation de l’accord, en matière de raccordement, intervient à la date de réception de ces documents par la société ERDF. Tel n’a pas été le cas du courriel du 1er décembre2010, qui ne comportait que la copie de la première page de la proposition technique et financière et n’était accompagné ni du chèque d’acompte, ni du devis.
Le décret du 9 décembre 2010 précité en prévoyant que ses dispositions ne s'appliquent pas aux installations de production d'électricité dont le producteur a notifié au gestionnaire de réseau, avant le 2 décembre 2010, son acceptation de la proposition technique et financière, ne peut être interprété comme édictant des conditions d’acceptation des propositions techniques et financières différentes de celles résultant de la procédure de traitement des demandes de raccordement de la société ERDF applicable en l’espèce.
Or, c’est le 3 décembre 2010 que la société ERDF a reçu la proposition technique et financière signée avec un chèque d’acompte qui lui a été adressée le 2 décembre 2010.
Dans ces conditions la demande de la société Centrale Solaire de Colombiers tendant à ce que son acceptation soit réputée acquise le 1er décembre 2010, ne peut qu’être rejetée.
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DÉCIDE :
Article 1er. – La société Électricité Réseau Distribution France a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Article 2. – Le surplus des demandes de la société Centrale Solaire de Colombiers sont rejetées.
Article 3. – La présente décision sera notifiée à la société Centrale Solaire de Colombiers et à la société Électricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.