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Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 4, 17 mai 2023, n° 22/13861

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Claas France (Sasu)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Brun-Lallemand

Conseillers :

Mme Depelley, M. Richaud

Avocats :

Me Fromantin, Me Gauclère, Me Boccon Gibod, Me Joubert

T. com. Lyon, du 26 sept. 2017, n° 2016J…

26 septembre 2017

FAITS ET PROCEDURE

La société Claas France a pour activité l'importation et le commerce de tout matériel industriel et notamment de matériel agricole. En 2003, le groupe allemand Claas a pris le contrôle de la société Renault Agriculture, dont il a racheté la totalité des parts en 2008, puis renommée Claas Tractor. Dans ce cadre, la société Claas France a pris en location-gérance le fonds de commerce de commercialisation par la société Renault Agriculture

La société Etablissements [H][X] et fils (ci-après « la société [X] » ) a pour activité la vente et la réparation de véhicules agricoles, industriels et de voitures particulières. Cette société a été fondée en 1977 par M. [X] qui, avant d'apporter son fonds de commerce à la société [H] [X] et Fils, était concessionnaire de véhicules agricoles de marque 'Renault' puis 'Renault agriculture' depuis 1955.

La relation commerciale s'est poursuivie entre la société [X] et la société Claas Tractor, et a été formalisée, dans son dernier état, par un contrat de distribution sélective conclu le 9 septembre 2013 avec la société Claas France, en qualité de locataire-gérant du fonds de commerce de la société Claas Tractor, et ce pour une durée d'une année du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2014.

Par lettre du 26 septembre 2014, la société Claas France a notifié à la société [X] sa décision de ne pas lui proposer un nouveau contrat de distribution à compter du 1er octobre 2014, et lui accordant un préavis de 18 mois soit jusqu'au 31 mars 2016.

Par lettre du 30 septembre 2014, la société [X] a notamment fait part à la société Claas France du caractère injustifié de cette fin de relation au regard de son engagement avec la marque Claas depuis 13 ans et la marque Renault depuis 60 ans.

Par lettre du 30 juillet 2015, réitérée le 3 septembre 2015, la société [X] par l'intermédiaire de son conseil a demandé à la société Claas France de se positionner sur un projet de reprise d'un autre secteur évoqué dès 2014, et que dans l'éventualité du maintien de sa décision de rompre la relation commerciale, elle a fait valoir que le préavis de 18 mois qui lui avait été consenti était trop court au regard de l'exceptionnelle durée de leurs relations commerciales et de l'état de dépendance économique dans lequel elle se trouvait à son égard.

Par lettre du 14 septembre 2015, la société Claas France a notamment relevé que la notification de la rupture assortie d'un préavis de 18 mois était loyale et de nature à permettre à la société [X] de se redéployer, et qu'elle n'entendait pas revenir sur sa position en maintenant au 31 mars 2016 la date d'achèvement de la relation commerciale.

Puis par lettre du 27 octobre 2015, la société Claas France a informé la société [X] que pour tenir compte de l'ancienneté de la relation commerciale et faciliter le redéploiement de ses activités, elle entendait prolonger le délai de préavis de 12 mois complémentaires soit jusqu'au 31 mars 2017.

Par lettre du 29 octobre 2015, la société [X] a informé la société Claas France que compte tenu des termes de son courrier du 14 septembre 2015 maintenant le délai de préavis au 31 mars 2016, elle avait été contrainte d'accepter, dans l'intervalle, d'autres solutions incompatibles avec la poursuite de la relation commerciale postérieurement au 31 mars 2016.

C'est dans ce contexte que la société [X] a assigné la société Claas France devant le tribunal de commerce de Lyon afin d'obtenir une indemnisation fondée sur la rupture brutale de la relation commerciale établie.

Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal de commerce de Lyon a :

Condamné la société Claas France à payer à la société Etablissements [H][X] et Fils la somme de 250 000 euros au titre de dommages et intérêts ;

Condamné la société Claas France à payer à la société Etablissements [H][X] et Fils la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;

La société Claas France a interjeté appel de ce jugement et par arrêt du 17 juin 2020 la cour d'appel de Paris a :

Infirmé le jugement entrepris;

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Rejeté les demandes de la société Etablissement [H][X] et Fils ;

Condamné la société Etablissement [H][X] et Fils aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la société Etablissement [H][X] et Fils à payer à la société Claas France une indemnité de procédure de 7 000 euros et rejeté toute autre demande ;

Condamné la société Claas France aux entiers dépens de l'instance.

A la suite du pourvoi formé par la société [X], par arrêt du 1er juin 2022 pourvoi n°20-18.960, la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 17 juin 2020 en toutes ses dispositions, aux motifs suivants :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 :

Il résulte de ce texte que le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances au moment de la notification de la rupture.

Pour rejeter la demande, la cour d'appel a retenu que la société [X] ne pouvait prétendre à réparation pour 18 mois de préavis manquants dès lors qu'elle a unilatéralement décidé de mettre fin à ce préavis, rendant impossible la prolongation à 30 mois que la société Claas lui avait accordée dès le 27 octobre 2015.

En statuant ainsi, en se fondant sur une circonstance postérieure à la notification de la rupture et sans fixer, hors cette circonstance, la durée de préavis à laquelle la société [X] pouvait prétendre, notamment, au regard de l'ancienneté de la relation commerciale, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Par déclaration reçue au greffe le 18 juillet 2022, la société Claas France a saisi la Cour de renvoi.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 2 mars 2023, la société Class France demande à la Cour de :

Vu l'article L442-6, I, 5° ancien du code de commerce

Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 26 septembre 2017, et, statuant à nouveau :

Dire et juger que le préavis de rupture accordé par la société Claas France à la société Etablissements [H] [X] Et Fils est suffisant en regard de l'ancienneté de la relation et des autres circonstances de la rupture et débouter en conséquence la société Etablissements [H] [X] Et Fils en toutes ses demandes, fins et conclusions

A titre subsidiaire,

Dire et juger que la société Etablissements [H] [X] Et Fils n'a subi aucun préjudice compte tenu notamment de sa reconversion réussie avant même le terme du préavis initialement consenti et débouter de surcroît la société Etablissements [H] [X] Et Fils de l'ensemble de ses demandes

A titre très subsidiaire,

Fixer toute indemnisation dans des proportions beaucoup plus justes

Condamner la société Etablissements [H] [X] Et Fils au paiement d'une somme de 20 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 10 novembre 2022, la société [X] demande à la Cour de :

Vu l'article L.442-6 I 5° ancien du Code de commerce,

Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 26 septembre 2017 en ce qu'il a dit que la société Claas France avait rompu brutalement les relations commerciales,

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a alloué à la société [H] [X] Et Fils une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Claas France aurait dû consentir un préavis de 30 mois et a limité l'indemnisation de la société [H] [X] Et Fils à la somme de 250 000 euros,

Statuant à nouveau,

Juger que la société Claas France aurait dû consentir à la société [H] [X] Et Fils un préavis d'une durée de 36 mois,

En conséquence,

Condamner la société Claas France à verser à la société [H] [X] Et Fils une indemnité d'un montant de 618 300 euros en réparation du préjudice subi,

Condamner la société Claas France à verser à la société [H] [X] Et Fils une indemnité d'un montant de 30 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société Claas France aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 5 avril 2023.

La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

Sur la rupture de la relation commerciale

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 applicable au litige, dispose qu'engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

Les parties s'entendent sur le caractère établi de la relation commerciale et de son ancienneté remontant au moins à 1958. La société Claas France ne remet pas en cause le fait qu'elle est à l'origine de la rupture de cette relation commerciale par lettre notifiée à la société [X] le 26 septembre 2014. En revanche les parties s'opposent sur la durée de préavis estimée nécessaire au regard de l'ancienneté et la spécificité de la relation commerciale nouée entre elles, ainsi que du préavis effectif dont a bénéficié la société [X].

* sur la durée du préavis

La société Claas France fait valoir en substance que si elle ne conteste pas l'ancienneté de la relation commerciale depuis 1958, elle a de bonne foi accordé initialement un préavis de 18 mois au regard des premiers contrats conclus en 2004 après la reprise des contrats de distribution liant la société Renault agriculture aux concessionnaires de la marque, de la réelle capacité de la société [X] à se redéployer de manière satisfaisante dans ce délai et de l'absence de situation de dépendance économique du fait du système de distribution sélective. Elle fait observer que informée par son conseil de l'ancienneté plus importante de la relation, elle a dans un deuxième temps accordé une prolongation du préavis jusqu'à 30 mois, alors même qu'elle n'était pas au courant de la reconversion réussie de la société [X] à cette date. Elle soutient que si de fait, le préavis s'est arrêté le 31 mars 2016 et n'a été effectivement que de 18 mois, c'est uniquement à l'initiative de la société [X] alors qu'elle avait proposé de prolonger de 12 mois ce préavis. En considération de la solution de redéploiement trouvée par la société [X] dès le mois d'août 2015 et la prise de panneau auprès de la marque CASE IH, qui est une réelle opportunité et non un projet 'contraint', la société Claas France relève qu'en toute hypothèse, le délai de préavis initial de 18 mois était en lui-même suffisant et que ce redéploiement réussi ne peut priver d'effet la prolongation de préavis proposée dans le même temps. La société Class France soutient encore que la société [X] lui a en réalité dissimulé son projet d'engagement avec la marque CASE IH, dès lors que M. [X] a constitué une nouvelle société dès le 19 août 2015, soit trois semaines après le courrier de demande de prolongation et un mois avant que ne parvienne la réponse de la société Claas France. Elle ajoute qu'elle a toujours été claire dans sa volonté de rupture et n'a pas entretenu la société [X] dans une croyance de poursuite de la relation commerciale. Elle en déduit que la relation commerciale n'a pas été brutalement rompue et que sa responsabilité ne peut être engagée sur le fondement de l'article L.442-6, I, 5° ancien du code de commerce.

La société [X] réplique pour l'essentiel que compte tenu de la durée exceptionnellement longue de la relation commerciale, des difficultés à retrouver un partenaire équivalent à la société Claas, de sa croyance légitime dans la poursuite de la relation commerciale et de sa dépendance économique à l'égard de cette dernière, elle devait pourvoir bénéficier d'un préavis de 36 mois, alors que le préavis effectif n'a été que de 18 mois. Elle insiste sur le fait que la durée de préavis nécessaire doit s'apprécier au moment de la notification de la rupture, en sorte que ni la solution de redéploiement mise en oeuvre courant 2015 ni la prolongation du préavis accordée par lettre du 27 octobre 2015 cinq mois avant la fin du préavis initial, ne peuvent être pris en compte en tant que faits postérieurs à la notification de la rupture. Elle fait en outre observer que son redéploiement est une solution non-satisfaisante mais trouvée dans le délai initialement imparti confirmé par lettre du 14 septembre 2015 et dans l'urgence afin de sauvegarder son activité, en sorte qu'elle était légitime de refuser la proposition de prolongation du préavis qui était purement opportuniste et n'avait que pour but de se ménager une preuve dans un contentieux judiciaire inéluctable.

Sur ce,

Il ressort de l'article précité que la brutalité de la rupture résulte de l'absence de préavis écrit ou d'un préavis suffisant. Le délai de préavis suffisant, qui s'apprécie au moment de la notification de la rupture, doit s'entendre du temps nécessaire à l'entreprise délaissée pour se réorganiser, c'est-à-dire pour préparer le redéploiement de son activité, trouver un autre partenaire ou une solution de remplacement. Les principaux critères à prendre en compte sont l'ancienneté des relations, le degré de dépendance économique, le volume d'affaires réalisé, la progression du chiffre d'affaires, les investissements effectués, les relations d'exclusivité et la spécificité des produits et services en cause.

La société [X] au moment de la notification de la rupture réalisait un chiffre d'affaires global d'environ 5,3 millions d'euros sur deux activités distinctes :

- la ventre d'entretien de véhicules particuliers de marque 'Renault'

- la vente et l'entretien de matériels agricoles dont du matériel de marque Claas.

Il n'est pas contesté que l'activité matériels agricoles représentait 68% du chiffre d'affaires global de la société [X] dont 47 % réalisé avec la marque Claas. Autrement dit, 32% du chiffre d'affaires global de la société [X] était réalisé avec le partenaire Claas France. Il est par ailleurs constant que la relation commerciale nouée entre la société [X] et la société Claas France venant aux droits de la société Renault Agriculture était établie au sens des dispositions précitées depuis au moins 1958.

La société [X] expose en outre, sans être utilement contredite par la société Claas France, qu'au moment de la notification de la rupture de la relation commerciale en septembre 2014, il était difficile de retrouver un fournisseur équivalent à Claas dans la mesure où les autres principaux acteurs du marché des tracteurs agricoles (John Deere, New Holland, Fendt et Massey Fergusson) étaient déjà bien représentés dans le département de la Haute-Savoie par des entreprises d'une taille supérieure à celle de la société [X].

En considération de l'ancienneté de la relation commerciale, du volume d'affaires réalisé avec la société Claas France et de la spécificité du marché du matériel agricole, la Cour estime qu'un préavis de 30 mois était nécessaire mais suffisant pour permettre à la société [X] de réorganiser son activité.

Dans sa lettre de notification de la rupture du 26 septembre 2014, la société Claas France n'a octroyé qu'un délai de 18 mois confirmé par lettre du 14 septembre 2015. Aussi, c'est dans la perspective d'un délai de préavis de 18 mois que la société [X] a été dans l'obligation de prendre des décisions pour réorganiser son activité et que la prolongation du préavis finalement annoncée par la société Claas France dans un courrier du 27 octobre 2015, soit 11 mois après la notification du préavis initial et cinq mois avant son terme, ne peut être pris en compte au regard de sa tardiveté et que la société [X] était légitime de refuser.

Autrement dit, la société [X] n'a bénéficié que d'un préavis effectif de 18 mois, en sorte que la relation commerciale a été brutalement rompue à l'initiative de la société Claas France qui engage sa responsabilité sur le fondement de l'article L.442-6, I, 5° précité.

* sur le préjudice

La société [X] fait valoir que l'insuffisance de préavis l'a empêchée de redéployer convenablement son activité. Elle explique avoir été contrainte de s'associer au sein de la société Savoie Motoculture avec le groupe Bosson qui exploitait une concession à [Localité 5] en Savoie afin d'atteindre une taille critique suffisante pour obtenir le panneau CASE IH. Elle insiste sur le fait que cette solution trouvée dans l'urgence n'est pas satisfaisante pour M. [X] qui doit désormais composer avec un actionnaire qui détient 50% du capital et ne perçoit que 50% des bénéfices. La société réclame en réparation de son préjudice né de la rupture brutale de la relation commerciale établie, la somme de 618 000 euros correspondant à une perte de marge sur coûts variables calculée sur une insuffisance de préavis de 18 mois.

La société Claas France soutient pour l'essentiel que la société [X] n'a pas subi de préjudice dès lors que M. [X] a obtenu la représentation exclusive de la marque de matériel agricole CASE IH, concurrent direct de Claas avec des volumes et parts de marché comparables, 13 mois après la notification de la rupture, et que la société Savoie Motoculture est en réalité une extension de la société [X] qui en définitive a bien réussi sa reconversion avec une nette amélioration de son chiffre d'affaires sur l'activité matériel agricole. Elle ajoute que le chiffrage du préjudice qui est passé de 1 046 479 euros en première instance à 618 000 euros en instance d'appel est fantaisiste et qu'il importe de tenir compte de la marge sur coûts variables et non de la marge brute pour ramener le préjudice à de plus justes proportions.

Sur ce,

Il est rappelé que le préjudice né de l'insuffisance du préavis est évalué en fonction de la durée du préavis jugée nécessaire à la date de la notification de la rupture, sans qu'il y ait lieu de tenir compte de circonstances postérieures à la rupture, à savoir en l'espèce de la réorganisation de l'activité de la société [X] en cours de préavis initial. Aussi, le préjudice résultant du caractère brutal de la rupture est constitué par la perte de la marge dont la victime pouvait escompter bénéficier pendant la durée du préavis qui aurait dû lui être accordé. La référence à retenir est la marge sur coûts variables, définie comme la différence entre le chiffre d'affaires dont la victime a été privée sous déduction des charges qui n'ont pas été supportées du fait de la baisse d'activité résultant de la rupture.

Il ressort des explications de la société [X], du rapport d'expert-comptable versé aux débats ( pièce n°17 notamment tableau n° 7) non utilement critiqué par la société Claas France et des comptes annuels de la société [X] sur les exercices 2012 à 2015 (pièces n°13 à 16) que :

- la marge sur coûts variables de l'activité achat-revente des matériels Claas se chiffre en retenant la différence entre le coût des achats et le prix de leur revente, en tenant compte des frais de transports et des rabais, remises et autres ristrournes, les autres frais (personnel, loyers....) restant des frais fixes de l'activité non entièrement consacrée à la vente de matériel Claas, soit une marge moyenne annuelle sur les exercices 2012 à 2014 précédant la rupture de 251 612 euros,

- la marge sur coûts variables de l'activité de services accessoires relatifs aux produits Claas, activité essentiellement de main d'oeuvre, se calcule au niveau du chiffre d'affaires, le personnel étant permanent, soit une marge moyenne annuelle sur les exercices 2012 à 2014 de 162 851 euros,

Le préjudice subi par la société [X] sur la durée d'insuffisance de préavis de 12 mois est dès lors estimé à la somme de 414 463 euros.

En conséquence, la société Claas France sera condamnée à verser à la société [X] la somme de 414 463 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture brutale de la relation commerciale établie. Le jugement sera infirmé sur le montant du préjudice.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Claas France aux dépens de première instance et à payer à la société [X] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Claas France, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Claas France sera déboutée de sa demande et condamnée à payer à la société [X] une somme supplémentaire de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt du 1er juin 2022 pourvoi n° 20-18.960 de la chambre commerciale, économique et financière de la Cour de cassation,

La Cour statuant dans les limites de sa saisine,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a limité le montant des dommages-intérêts à la somme de 250 000 euros,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Claas France à payer à la société Etablissements [H] [X] et Fils la somme de 414 463 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de la rupture brutale de la relation commerciale établie,

CONDAMNE la société Claas France aux dépens d'appel,

CONDAMNE la société Claas France à payer à la société Etablissements [H] [X] et Fils la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE toute autre demande.