Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5-7, 30 mai 2013, n° 2011/20135

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Électricité Réseau Distribution France (SA)

Défendeur :

Mme Caroline Aliotti, Commission de Régulation de l’Énergie

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Remenieras

Conseillers :

Mme Beaudonnet, Mme Leroy

Avocats :

Me Teytaud, Me Cognet, Me Gandet, Me Fornacciari

CoRDiS, du 30 sept. 2011

30 septembre 2011

Mme Caroline ALIOTTI développe un projet de centrale photovoltaïque intégrée au bâti, pour une puissance de production installée de 248,948 kWc, sur le territoire de la commune de Cavaillon (Vaucluse).

La société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité sur le territoire de cette commune.

Le 3 1 août 2010, Mme Caroline ALIOTTI a déposé une demande d'offre de raccordement auprès de la société ERDF.

Le Ier septembre 2010, lasociété ERDF a indiqué à Mme Caroline ALIOTTI qu'il avait été constaté, en présence d'un huissier de justice, que son dossier était incomplet, car la tension de sortie assignée des onduleurs, qui était mentionnée dans les fiches de collecte de renseignelnents pour une offre de raccordement, était incompatible avec celle du réseau.

Le même jour, Mme Caroline ALIOTTI a indiqué à la société ERDF que son dossier, remis en main propre le 3 1 août 2010, était complet, puisque la fiche technique des onduleurs, jointe au dossier, mentionnait que la tension de sortie assignée des onduleurs était compatible avec celle du réseau, à savoir 400/230 V, et que la tension de 180 V indiquée dans le fiche de collecte de renseignements correspondait à la tension de sortie minimale des onduleurs.

Le 14 octobre 2010, la société ERDF a accusé réception de la demande de proposition technique et financière de Mme Caroline ALIOTTI en date du I er septembre 2010.

Le 29 octobre 2010, Mme Caroline ALIOTTI a demandé à la société ERDF de regrouper sa demande de raccordement pour son projet d'installation de production photovoltaïque avec les demandes de raccordement d'installations de production photovoltaïque de M. Francis DURAND et de la société DURAND AM.

Le 25 novembre 2010, la société ERDF a accusé réception de la demande de regroupement des trois projets de centrale photovoltaïque.

Le 1er décembre 2010, Mme Caroline ALIOTTI a rappelé à la société ERDF qu'elle avait déposé une demande de raccordement en date du 1er septembre 2010, qu'elle n'avait pas reçu de proposition technique et financière et que le délai de trois mois était dépassé. Un chèque pour un premier acompte de 1 000 euros était joint à ce courrier.

Le même jour, Mme Caroline ALIOTTI a déposé à l'agence de la société ERDF à Avignon Grand Delta un second acompte de 5 000 euros.

La société ERDF a établi deux attestations, datées du Ier décembre 2010, pour le règlement des sommes de 1 000 euros et 5 000 euros représentant les acomptes correspondant au devis numéro D325/070765.

Mme Caroline ALIOTTI a signé, avec la mention manuscrite Fait à Cavaillon, le Ier décembre 2010 », le devis de travaux no D325/070765/001002 sur lequel figure, à côté de la signature de la société ERDF, un tampon portant la mention payé le Ier décembre 2010 ».

Le 13 décembre 2010, puis le 18 janvier 2011, la société ERDF a indiqué à Mme Caroline ALIOTTI que son projet de raccordement était « bloqué ».

C'est dans ces conditions que, estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n'étaient pas satisfaisantes, Mme Caroline ALIOTTI a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions (CoRDIS) de la Commission de régulation de l'énergie d'une demande de règlement du différend qui l'oppose à la société ERDF, enregistrée le 10 mai 2011 sous le numéro 193-38-11

Mme Caroline ALIOTTI soutenait qu'elle avait accepté l'offre de raccordement faite par la société ERDF le 1 er décembre 2010 et que le refus d'instruction de la demande raccordement avait conduit à un refus de raccordement.

Elle considérait que la société ERDF n'avait pas respecté sa documentation technique de référence en ne transmettant pas, dans un délai de trois mois, l'offre de raccordement demandée le 30 août 2010.

Mme Caroline ALIOTTI ajoutait qu'elle avait notifié son acceptation de l'offre de raccordement le 1er décembre 2010, en se déplaçant ce jour-là, dans les locaux de la société ERDF et qu'elle avait versé deux chèques d'acompte correspondant à 33 % du coût des travaux de raccordement.

Elle indiquait, enfin, que la société ERDF n'était pas fondée à considérer sa demande de raccordement comme étant bloquée », et qu'elle ne pouvait lui refuser de rédiger la convention de raccordement.

Mme Caroline ALIOTTI demandait, en conséquence, au CoRDIS :

- de constater que la société ERDF a méconnu ses obligations contractuelles et réglementaires, tout comme sa propre documentation technique de référence en lui refusant l'accès au réseau ,

- de constater, avec toutes conséquences de droit, que Mme Caroline ALIOTTI a accepté l'offre de raccordement au réseau le Ier décembre 2010 ;

- d'ordonner à la société ERDF de lui confirmer officiellement l'acceptation de l'offre de raccordement no 2010005544 à la date du Ier décembre 2010.

C'est dans ces conditions que, par décision du 30 septembre 201 1 (la Décision), le CoRDIS a décidé :

« Article I

L'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir soulevées par la société Electricité Réseau Distribution France sont rejetées.

Article 2

La société Electricité Réseau Distribution France a méconnu sa documentation technique de référence.

Article 3

Le surplus des demandes de Mme Caroline ALIOTTI est rejeté. »

LA COUR

Vu le recours en annulation déposé le 10 novembre 2011 par ERDF ;

Vu le mémoire déposé le 9 décembre 2011 par ERDF contenant l'exposé des moyens au soutien du recours ;

vu le mémoire de ERDF, déposé le 28 juin 2012 ;

Vu le recours en annulation incident déposé le 18 novembre 2011 par Mme Aliotti ;

Vu le mémoire déposé le 12 décembre 2011 par Mme Aliotti contenant l'exposé des moyens au soutien du recours ;

Vu le mémoire de Mme Aliotti, déposé le 27 juin 2012 ;

Vu les observations écrites de la Commission de régulation de I 'énergie, déposées le 12 avril 2012 ;

Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;

Après avoir entendu à l’audience publique du 5 février 2013, en leurs observations orales, les conseils des requérantes, qui ont été mis en mesure de répliquer et qui ont eu la parole en dernier, ainsi que le conseil de la Commission de régulation de l'énergie et le ministère public ;

SUR CE :

Sur la recevabilité du recours incident de Mme Aliotti

Considérant qu'aux termes de l'article 38 de la loi no 2000-108 du 1 0 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, « Les décisions prises par la Commission de régulation de l'énergie en application du présent article sont susceptibles de recours en annulation ou en réformation dans un délai d'un mois à compter de leur notification » ;

Considérant que ERDF demande à la cour, en application de ces dispositions, de déclarer le recours de Mme Aliotti irrecevable comme tardif et également de déclarer irrecevables ses conclusions incidentes

Considérant que, dans son recours en annulation incident déposé le 18 novembre 2011, Mme Aliotti demande à la cour d'annuler l'article 3 de la Décision en ce qu'elle a rejeté le surplus de ses demandes, en précisant que n'ayant eu connaissance que le 14 novembre 2011 du recours formé par ERDF, elle a alors, dans le délai d'un mois, aussitôt déposé ce recours incident ; qu'elle précise que si elle ne souhaitait pas initialement remettre en cause la décision du CoRDIS, elle a toutefois été conduite à envisager cette possibilité en constatant que le recours de ERDF n'était que partiel et affirme, par surcroît, que la recevabilité de son recours ne peut être critiquée, dès lors qu'il est de principe, et d'ailleurs consacré par l'article R. 464-16 du code de commerce, qu'un recours incident peut être formé alors même que son auteur serait forclos pour exercer un recours à titre principal

Mais considérant que Mme Aliotti se réfère vainement aux dispositions de l’article R 464-16 du code de commerce pour affirmer qu'elle serait recevable à former un recours, qualifié d'incident, dans le délai d'un mois suivant la date à laquelle elle a eu connaissance du recours de ERDF, dès lors que ces dispositions ne trouvent spécialement à s'appliquer qu'aux recours formés contre les décisions de l'Autorité de concurrence ;

Considérant, dès lors, qu'en application des dispositions précitées de l’article 38 de la loi no 2000-108 du 10 février 2000, le recours de Mme Aliotti, déposé après l'expiration du délai d'un mois à compter de la notification, intervenue le 13 octobre 2011, de la décision du CoRDIS, apparaît tardif ;

Que le recours de Mme Aliotti et, par voie de conséquence, ses conclusions incidentes, seront déclarées irrecevables ;

Sur la recevabilité du recours de ERDF

Considérant que Mme ALIOTTI demande à titre principal à la cour de déclarer irrecevable le recours de ERDF en ce que cette société sollicite l'annulation des articles 1 et 2 de la Décision et non de son article 3, alors qu'aucun texte ne permet de réclamer l'annulation partielle d'une décision du CoRDIS, dont les dispositions ne sont pas divisibles ;

Mais considérant qu'une telle demande est inopérante, dès lors que l'article 3 de la Décision rejetait le surplus des demandes de Mme ALIOTTI, qui avait saisi le CoRDIS d'une demande de règlement de différend, et non des demandes formulées par ERDF ;

Que le recours de ERDF sera déclaré recevable

Sur la qualité à agir de Mme Aliotti

«Considérant que l'article LI 34-19 du code de l'énergie dispose que le CoRDIS « peut être saisi en cas de différend (...) entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité » ;

Que, par ailleurs, le dernier paragraphe de l'article 4-7 de la procédure ERDF applicable au projet en cause énonce que « le terme demandeur [de raccordement] désigne, sauf mention contraire, soit le demandeur du raccordement lui-même (utilisateur final de l'installation), soit le tiers qu'il a habilité » ;

Que la documentation technique d'ERDF énonce que, dans les formulaires de demande de raccordement, le demandeur du raccordement doit préciser.

- son nom et son prénom s'il s'agit d'une personne physique et, s'il s'agit d'une société, sa dénomination sociale et son numéro de SIRET ;

- qu'il s'agit du bénéficiaire ou du futur bénéficiaire du raccordement, qu'il est destinataire de la proposition de raccordement, sauf s'il a désigné un tiers ;

Considérant que ERDF soutient que la décision du CoRDIS encourt l'annulation en ce qu'elle a commis une erreur de droit en écartant la fin de non-recevoir qu'elle lui avait soumise en raison du défaut de qualité à agir de Mme ALIOTTI ; qu'en effet, alors que la demande de raccordement au réseau doit être présentée par une personne ayant la qualité d'exploitant de la centrale photovoltaïque ou justifiant d'un mandat à cet effet, au cas d'espèce, Mme Aliotti n'a pas justifié d'un titre l'habilitant à exploiter une centrale, ni d'un mandat et qu'elle n'a ni la qualité d'exploitante de la centrale, ni la qualité de tiers habilité ; que, n'ayant pas ainsi la qualité d'utilisatrice du réseau exigée par l’article 134-19 du code de l'énergie, elle était dépourvue de qualité à agir devant le CoRDIS ;

Mais considérant qu'il suffit de constater que Mme ALIOTTI a soumis à ERDF une demande de raccordement en son nom propre et que, dans le cadre de l'examen de cette demande, ERDF n'a jamais soulevé d'objections sur sa qualité d'utilisateur final de l'installation qui est spécifié par sa documentation technique ;

Qu'en outre, pas plus que devant le CoRDIS, ERDF n'a produit devant la cour d'élément établissant que Mme Caroline ALIOTTI, quand bien même elle n'avait pas la qualité d'exploitant agricole, n'aurait pas la qualité d’utilisateur du réseau public de transport et de distribution d'électricité ;

Que ce n'est qu'au surplus que la cour relève que, au regard de la puissance de l'installation en cause 248,948 kWc - Mme ALIOTTI est fondée à opposer à ERDF qu'elle n'est pas tenue de produire une autorisation administrative préalable d'exploiter une installation photovoltaïque ;

Que, dès lors, c'est à bon droit que le CoRDIS a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par ERDF au titre d'un prétendu défaut de qualité à agir de Mme ALIOTTI ;

Sur le fond

Considérant que le code de l'énergie dispose :

- en son article LI 34-19 :

« Le comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend :

Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d'électricité : ( ... )

Ces différends portent sur l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d'accès ou de désaccord sur la conclusion, l'interprétation ou l'exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L 321-12, ou des contrats relatifs aux opérations de transport et de stockage géologique de dioxyde de carbone mentionnés à l'article L. 229-49 du code de l'environnement.

La saisine du comité est à l'initiative de l'une ou l'autre des parties.

Le comité peut également être saisi en cas de différend, portant sur le respect des règles d'indépendance fixées à la section 1 du titre 1er du présent livre, intervenant entre les gestionnaires de réseaux d'électricité ou de gaz naturel et une des sociétés appartenant à l'entreprise verticalement intégrée, telle que définie à l'article L. 111-10, à laquelle les gestionnaires de réseaux appartiennent."

- en son article L 134-20 :

"Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, le comité se prononce dans un délai de deux mois, après avoir diligenté, si nécessaire, une enquête dans les conditions fixées aux articles L. 135-3 et L. 135-4 et mis les parties à même de présenter leurs observations. Le délai peut être porté à quatre mois si la production de documents est demandée à l'une ou l'autre des parties. Ce délai de quatre mois peut être prorogé sous réserve de l'accord de la partie plaignante.

La décision du comité, qui peut être assortie d'astreintes, est motivée et précise les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend dans lesquelles l'accès aux réseaux, ouvrages et installations mentionnés à l'article L. 134-19 ou leur utilisation sont, le cas échéant, assurés.

Lorsque cela est nécessaire pour le règlement du différend, le comité peut fixer, de manière objective, transparente, non discriminatoire et proportionnée, les modalités de l'accès auxdits réseaux, ouvrages et installations ou les conditions de leur utilisation.

Sa décision est notifiée aux parties et publiée au Journal officiel de la République française, sous réserve des secrets protégés par la loi. "

Considérant qu'il est rappelé que Mme ALIOTTI demandait au CoRDIS :

- de constater que la société ERDF a méconnu ses obligations contractuelles et réglementaires, tout comme sa propre documentation technique de référence en refusant l'accès au réseau à Mme ALIOTTI ;

- de constater, avec toutes conséquences de droit, qu'elle a accepté l'offre de raccordement de son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution, le 1er décembre 2010 ;

- d'ordonner à ERDF de lui confirmer l'acceptation de l'offre de raccordement no 2010005544 à la date du Ier décembre 2010 ;

Considérant, sur les demandes de Mme ALIOTTI tendant à la constatation de l'acceptation par ERDF, le 1er décembre 2010, de l'offre de raccordement, qu'il est rappelé que le CoRDIS dont la décision est, sur ce point, définitive en raison de I 'irrecevabilité du recours de Mme ALIOTTI, a rejeté la demande qui lui était présentée en relevant :

« Il ressort des pièces du dossier que Mme Caroline ALIOTTI a signé, avec la mention manuscrite « Fait à Cavaillon, le 1er décembre 2010 », un devis de travaux n° D325/070765/001002 sur lequel figure, à côté de la signature de la société ERDF, un tampon portant la mention « payé le 1er décembre 2010 » et a versé deux chèques d'acompte pour un montant total de 6 000 euros faisant l'objet de deux attestations signées par la société ERDF le 1er décembre 2010

La procédure de traitement des demandes de raccordement individuel en BT de puissance supérieure à 36 kVA et en HTA, au réseau public de distribution géré par ERDF, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit en son article 8.3.4 que l'« accord sur l'offre de raccordement est matérialisé par la réception d'un exemplaire original, daté et signé, de l'offre de raccordement, sans modification ni réserve, accompagné du règlement de l'acompte ou de l'ordre de service signé correspondant ». Cette procédure prévoit, également, en son article 4.5 que l'offre de raccordement correspond à la « Proposition Technique et Financière (PTF) relative au raccordement d'une installation de production ».

Il en résulte nécessairement que la matérialisation de l'accord intervient à la date de réception de l'ensemble de ces documents par la société ERDF.

Or, à la date du 1er décembre 2010 aucune proposition technique et financière n'avait été notifiée par la société ERDF à Mme Caroline ALIOTTI, qui ne pouvait, donc, pas la retourner, le même jour, signée à la société ERDF.

Dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de se fonder sur l'article 3 du décret du 9 décembre 2010 susvisé, la demande de Mme Caroline ALIOTTI tendant à ce que le comité de règlement des différends et des sanctions constate qu'elle a accepté l'offre de raccordement de son installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution, le 1er décembre 2010, et ordonne à la société ERDF de lui confirmer officiellement l'acceptation de l'offre de raccordement, à la date du 1er décembre 2010, ne peut être que rejetée."

Considérant, en revanche, que pour décider que ERDF a méconnu sa documentation technique de référence, la Décision relève qu'il ressort des pièces du dossier que la proposition technique et financière n'a pas été notifiée par ERDF à Mme ALIOTTI dans le délai de trois mois, ce qui constitue une méconnaissance par le gestionnaire du réseau public de distribution d'électricité de sa documentation technique de référence, qui prévoit sa transmission dans un délai qui " n'excédera pas trois mois " ;

Considérant qu'au soutien de son recours tendant à l'annulation de l'article 2 de la Décision qui constate que ERDF a méconnu sa documentation technique de référence, la requérante fait grief au CoRDIS d'avoir méconnu les attributions qui lui sont reconnues par l'article L. 134-19 du code de l'énergie, dès lors que, dans la même décision, le Comité a, par ailleurs, rejeté les demandes de Mme ALIOTTI ; que la requérante ajoute que le CoRDIS s'immisce ainsi dans le contentieux de la responsabilité qui relève exclusivement de la compétence des juridictions de droit commun, en portant atteinte au pouvoir d'appréciation de ces juridictions ; que ERDF affirme qu'il n'appartenait pas plus au CoRDIS de se prononcer sur le grief tiré d'une éventuelle méconnaissance d'une procédure de traitement de demande de raccordement, dès lors qu'il n'a pas pris une décision fixant des mesures à son encontre mais, à l'opposé, a rejeté les prétentions de Mme ALIOTTI ; qu'en outre, la requérante affirme :

- que le dossier de Mme ALIOTTI déposé le 1er septembre 2010 était incomplet et ne pouvait en conséquence faire courir aucun délai à son encontre ;

- qu'en établissant, le 7 décembre 2010, une proposition technique et financière, elle n'a pas méconnu sa procédure de traitement dans la mesure où que Mme ALIOTTI a modifié le 25 novembre 2010 sa demande de raccordement en demandant le regroupement de trois projets de centrale photovoltaïque ce qui, en application du point 10 de la procédure de traitement, constituait une nouvelle demande de raccordement faisant courir un nouveau délai de traitement de trois mois ;

Considérant qu'il est rappelé que la procédure de traitement des demandes de raccordement, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit, en son article 8.2.1, qu'à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d'installation concernée. Ce délai n'excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement » ;

Considérant que, contrairement à ce qui est désormais soutenu sur le caractère incomplet du dossier de Mme ALIOTTI, il ressort des pièces du dossier et de l'exposé des faits constants ci-dessus, non seulement qu'à la suite du courriel de Mme ALIOTTI adressé le 1er septembre 2010 à ERDF, les services de cette entreprise n'ont plus sollicité la demanderesse afin de compléter son dossier, mais encore que ERDF a adressé à Mme ALIOTTI un courrier du 14 octobre 2010 aux termes duquel elle accuse réception de la demande de PTF de Mme ALIOTTI du 1er septembre 2010 et lui fournit des renseignements concernant, notamment, le nom de son interlocuteur ainsi que le numéros de CARD 1, en lui confirmant que son dossier est complet ;

Considérant que ce n'est qu'au surplus que la cour observe :

- que ERDF est d'autant moins fondée à contester désormais le caractère complet du dossier de Mme ALIOTTI, dans la mesure où elle ne faisait qu'appliquer l'article 7.2.3 de sa propre documentation technique établissant la procédure de traitement des demandes de raccordement qui énonce, notamment que la « confirmation du caractère complet du dossier se matérialise par l'envoi d'un courrier [ ... ] au demandeur lui indiquant que son dossier est complet, la date de qualification de la demande de raccordement ( ... ) le nom de l'interlocuteur chargé du dossier et le délai de l'offre de raccordement » ;

- que la requérante ne produit de toute façon aucun élément nouveau de nature à démontrer que, quelle que soit sa position antérieure, le dossier de Mme ALIOTTI n'était, en réalité, pas complet ;

Considérant que c'est également à tort que la requérante affirme que la demande de regroupement faite par Mme ALIOTTI constituerait une nouvelle demande de raccordement, dès lors que celle-ci justifie :

- que la demande de regroupement de trois projets en un même point de livraison n'avait pour seul objet et effet que de mutualiser les travaux de raccordement pour lesdits projets, dont celui de Mme ALIOTTI et que le point de livraison restait le même, avec une incidence sur la division du coût des travaux entre les trois utilisateurs du réseau (pièce no 2 de Mme ALIOTTI) ;

- que le point de livraison (PDL) est demeuré identique tout au long de l'instruction, nonobstant la demande de mutualisation des travaux (pièces jointes de Mme ALIOTTI n°1 et n°3) et qu'ainsi, aucune modification n'est intervenue entre les caractéristiques du PDL découlant de la demande de raccordement et celles découlant de la demande de regroupement ;

- que, malgré la demande de regroupement, ERDF n'a pas jugé nécessaire d'en définir de nouvelles coordonnées et que le document - PDF - du 7 décembre 2010 n'a pas du être modifié pour tenir compte du regroupement dans le même point de livraison ;

Considérant, surtout, que, selon l'article 10 de la documentation technique de ERDF établissant la procédure de traitement des demandes de raccordement, une modification de la demande de raccordement après qualification implique, d'une part, la recevabilité de l'examen de la complétude de la demande et sa qualification et, d'autre part, l'accord du demandeur sur le devis de reprise d'étude ; que, dans ces conditions, la qualification initiale est supprimée et que la nouvelle date de qualification correspond à la date de qualification de la modification ;

Considérant, cependant, que, dans son courrier du 25 novembre 2010 accusant réception de la demande de regroupement de Mme ALIOTTI, ERDF lui précisait que « le groupement n'aura aucun impact sur le tarif de rachat » (pièce ERDF no 3), réponse qui signifie assurément que ERDF considérait alors elle-même que la qualification initiale, dont la date est déterminante pour apprécier le tarif applicable à une installation photovoltaïque, était bien maintenue et que les énonciations de l'article 10 précité n'ont pas été appliquées à la demande de regroupement de Mme ALIOTTI qui, aux yeux de ERDF, n 'emportait aucune modification sur sa demande initiale de raccordement ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qu'elle soutient, ERDF a méconnu sa procédure de traitement des demandes de raccordement susvisée dont l'article 8.2.1 lui imposait, à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, un délai de transmission au demandeur de l'offre de raccordement ne devant pas excéder trois mois ;

Considérant que, même s'il rejetait les demandes de Mme ALIOTTI concernant la confirmation de l'acceptation de l'offre de raccordement à la date du décembre 2010, le CoRDIS n'en restait pas moins formellement saisi de sa demande, distincte, portant sur la méconnaissance par ERDF de ses obligations contractuelles et réglementaires au titre de la notification de la PTF dans le délai fixé, qui constituait un aspect du différend ;

Qu'en application des dispositions des articles L. 314-19 et L. 3 14-20 du code de l'énergie définissant ses compétences en matière de règlement de différend portant sur l'accès au réseau, il appartenait bien au CoRDIS de statuer sur la totalité des demandes dont il était saisi et que, contrairement à ce qui est soutenu, le simple constat formulé par le CoRDIS sur la méconnaissance par ERDF de sa documentation technique de référence ne l'a pas conduit pour autant à porter atteinte au pouvoir d'appréciation des juridictions appelées, le cas échéant, à statuer sur des actions en responsabilité au titre du non-respect du délai de notification de la PTF ;

Considérant que le recours de ERDF sera rejeté ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevable le recours de Mme ALIOTTI contre la décision du CoRDIS du 30 septembre 2011,

Déclare irrecevables les conclusions incidentes de Mme ALIOTTI,

Déclare recevable le recours de la société ERDF contre la décision du CoRDIS du 30 septembre 2011,

Rejette le recours de la société ERDF,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société ERDF aux dépens.