CRE, cordis, 19 octobre 2011, n° 24-38-11
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la société KEZAKO Production à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Racine
Rapporteur :
M. Cacciali
Avocats :
Me Coussy, Me Granjon
Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 22 février 2011, sous le numéro 24-38-11, présentée par la société KEZAKO Production, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saint-Malo sous le numéro 514 031 723, dont le siège social est situé, 9, rue de la Roche-Blanche, 22350 Guenroc, représentée par son représentant légal, M. Didier GOHEL, président, ayant pour avocat, Me Benoît COUSSY, 4, rue de la tour des Dames, 75009 Paris.
La société KEZAKO Production a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’une installation de production photovoltaïque située sur la commune de Guenroc dans les Côtesd’Armor (22).
Elle indique avoir demandé le 23 mars 2009 à la société ERDF la réalisation d’une étude de faisabilité afin de raccorder au réseau électrique son projet d’installation de production photovoltaïque.
La société KEZAKO Production indique que la société ERDF lui a adressé l’étude de faisabilité le 6 mai 2009. Le même jour, la société KEZAKO Production affirme avoir adressé une demande de proposition technique et financière à ERDF.
Elle indique avoir reçu une proposition technique et financière datée du 1er septembre 2009.
La société KEZAKO Production indique, en outre, que la société ERDF l’a informée le 26 janvier 2010 que n’ayant pas donné suite à sa proposition technique et financière, son projet était sorti de la file d’attente à la date du 3 décembre 2009. La société KEZAKO Production ajoute que la date de sortie de la file d’attente lui a été confirmée le 27 décembre 2010.
Elle reproche à la société ERDF de ne pas l’avoir informée de la date d’entrée de son projet en file d’attente. Elle considère donc qu’il est impossible de purger le délai de validité de la proposition technique et financière au sein de la file d’attente, si celui-ci n’a jamais commencé à courir.
La société KEZAKO Production indique avoir adressé à la société ERDF une seconde demande de proposition technique et financière le 11 octobre 2010, validée par la société ERDF le 18 octobre 2010, date d’entrée dans la file d’attente du projet de la société KEZAKO Production.
Elle considère que la société ERDF, en application de l’article 4.7 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution, ne disposait alors que d’un délai d’un mois à compter de la seconde demande de proposition technique et financière, soit jusqu’au 18 novembre 2010, pour délivrer la proposition technique et financière dans la mesure où une étude détaillée avait déjà été réalisée lors de l’établissement de la première proposition technique et financière.
La société KEZAKO Production estime que les dispositions de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010, prévoyant que la suspension des demandes de contrat d’achat ne s’applique pas aux producteurs ayant notifié leur acceptation de la proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010, sont inapplicables en ce qu’elles sont rétroactives et contreviennent ainsi au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, érigé au rang de principe général du droit, de valeur supra décrétale, par le Conseil d’Etat.
Elle soutient qu’en conséquence les projets ayant fait l’objet d’une demande de raccordement avant le 10 décembre 2010 ne sont pas concernés par la suspension de l’obligation d’achat instaurée par le décret du 9 décembre 2010.
La société KEZAKO Production demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :
– de constater l’absence d’informations en temps utile des dates d’entrée et de sortie de la file d’attente relativement à la première proposition technique et financière, et partant, que le délai de trois mois n’a jamais commencé à courir ;
– de constater l’information tardive relative à la procédure de réintégration en file d’attente par le biais d’une nouvelle demande ;
– de constater que la société ERDF n’a pas réintégré la demande de la société KEZAKO Production dans la file d’attente à l’occasion de la seconde proposition technique et financière au vu du courriel du 27 décembre 2010 ;
– de constater le retard pris par la société ERDF dans l’instruction de la seconde demande de proposition technique et financière ayant empêché la société KEZAKO Production d’accepter une proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010 ;
– de dire que l’article 3 du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil que la société ERDF oppose indûment à la société KEZAKO Production, est inapplicable en l’espèce ;
– d’enjoindre à la société ERDF de réintégrer la société KEZAKO Production dans la file d’attente à la date à laquelle la société ERDF avait enregistré sa première demande de proposition technique et financière, après avoir arrêté la date exacte de cette entrée en file d’attente ; et, à défaut, d’enjoindre à la société ERDF de statuer sur la seconde demande de proposition technique et financière comme si elle avait eu à statuer sur ladite demande dans le délai accéléré d’un mois à compter du 18 octobre 2010 ;
– d’ordonner sans délai, à la société KEZAKO Production, la consignation de la somme de 12 628,46 euros correspondant au montant de la première proposition technique et financière à titre de provision à valoir sur le paiement de la future proposition technique et financière sur le compte CARPA du conseil de la société ERDF, ou à tel séquestre qu’il plaira, et d’en conditionner la libération à la délivrance de la proposition technique et financière ;
– d’ordonner à la société ERDF la transmission de la nouvelle PTF acceptée à la société EDF AOA en charge du contrat d’achat afin que l’absence d’accord de rattachement au périmètre d’équilibre ne soit plus un obstacle à la procédure d’achat de l’électricité produite ;
– d’ordonner que cette réintégration ne préjudicie nullement aux porteurs de projet susceptibles d’être maintenus dans cette file d’attente ;
– d’ordonner que la société ERDF s’exécute de son obligation d’instruire à nouveau la demande de proposition technique et financière sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la date de notification à la société ERDF de la décision à intervenir ;
– de condamner, le cas échéant, la société ERDF à prendre en charge les frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit 3 000 euros.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 11 mars 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par son secrétaire général, M. François ABKIN, et ayant pour avocat, Me Romain GRANJON, cabinet ADAMAS, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon.
La société ERDF estime qu’il n’entre pas dans les compétences du comité de règlement de différends et des sanctions d’apprécier l’existence d’une faute de la société ERDF qui ne figure pas au nombre des litiges qui relèvent de sa compétence et de se prononcer sur l’applicabilité du décret du 9 décembre 2010.
Elle soutient avoir fait application de sa procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution qui prévoit qu’un projet est sorti de la file d’attente si à la date limite de validité de la proposition technique et financière le demandeur ne donne pas son accord sur cette proposition.
La société ERDF ajoute que la proposition technique et financière qu’elle a adressée à la société KEZAKO Production le 1er septembre 2009 mentionnait sa limite de validité et exposait les conséquences du non-respect du délai indiqué.
Elle soutient que la société KEZAKO Production n’a pas donné son accord sur cette proposition technique et financière dans le délai indiqué.
La société ERDF estime que la société KEZAKO Production savait parfaitement que la première proposition technique et financière était caduque puisqu’elle en a été informée le 26 janvier 2010.
Elle ajoute que la société KEZAKO Production a par la suite reconnu la caducité de sa première proposition technique et financière et a d’ailleurs fait une nouvelle demande de proposition technique et financière le 11 octobre 2010.
La société ERDF considère, en conséquence, avoir parfaitement respecté sa procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution et que c’est donc à bon droit que le projet de la société KEZAKO Production a été radié de la file d’attente. Elle estime, par ailleurs, que la société KEZAKO Production n’a jamais été destinataire d’une pré-étude approfondie puisqu’elle n’en a jamais demandé.
La société ERDF considère donc que la seconde proposition technique et financière de la société KEZAKO Production ne pouvait être traitée dans un délai d’un mois en application de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution.
Elle rappelle, enfin, qu’en application de l’article 5 du décret du 9 décembre 2010 toutes les demandes de raccordement déposées avant le moratoire sont devenues caduques et que la société KEZAKO Production doit faire une nouvelle demande de proposition technique et financière pour bénéficier d’un contrat d’achat.
La société ERDF conclut, en conséquence, au rejet des demandes de la société KEZAKO Production.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 25 mars 2011, présentées par la société KEZAKO Production.
La société KEZAKO Production affirme que les retards répétés ayant affecté l’instruction de sa demande de raccordement ont entraîné une méconnaissance de la procédure de raccordement telle que régie par le référentiel technique de la société ERDF.
Elle ajoute que la suspension des demandes de raccordement par le décret du 9 décembre 2010 lui porte préjudice et demande au comité de règlement de différends et des sanctions d’en écarter l’application.
La société KEZAKO Production soutient donc que le comité de règlement de différends et des sanctions est bien compétent pour apprécier le différend qui l’oppose à la société KEZAKO Production quant au raccordement de son installation de production photovoltaïque.
Elle rappelle que conformément à l’article 23 de la loi du 10 février 2000 (devenu article L. 111-93 du code de l’énergie), la société ERDF aurait dû saisir la Commission de régulation de l’énergie de l’éventualité d’une sortie de file d’attente de son projet, une telle sortie s’assimilant à un refus d’accès au réseau de distribution d’électricité.
La société KEZAKO Production considère que le comité de règlement des différends et des sanctions doit, constatant cette absence de déclaration de sortie de file d’attente auprès de la Commission de régulation de l’énergie, en tirer la conclusion que sa demande de raccordement n’a jamais été refusée.
Elle ajoute que l’obligation de bonne foi dans les relations contractuelles résultant de l’article 1134 du code civil implique, selon la jurisprudence judiciaire, une obligation d’information entre les parties tant dans leur rapports précontractuels que contractuels.
La société KEZAKO Production estime, en outre, que cette obligation existerait d’autant plus dans le cadre de la procédure de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution et que les dispositions de l’article 5 du décret no 2003-229 du 13 mars 2003 relatif aux prescriptions techniques générales de conception et de fonctionnement auxquelles doivent satisfaire les installations en vue de leur raccordement aux réseaux publics de distribution, selon lesquelles l’« étude de raccordement est menée dans un cadre transparent et non discriminatoire », mettent à la charge de la société ERDF une telle obligation.
Elle ajoute qu’en application de l’article 8.2.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution selon lequel le « délai de validité de l’offre de raccordement est de trois mois. Un courrier de relance est adressé au demandeur dix jours ouvrés avant la date d’expiration de ce délai », la société ERDF aurait dû l’informer de l’arrivée du terme de la validité de sa proposition technique et financière, dans un délai de dix jours.
La société KEZAKO Production indique n’avoir jamais été informée par la société ERDF de l’arrivée exacte du terme, dans un délai de dix jours, de la validité de sa première proposition technique et financière.
Elle soutient qu’ainsi cette insuffisance d’information de la part de la société ERDF n’a pu purger le délai de validité de la proposition technique et financière qui est dès lors toujours valable.
La société KEZAKO Production rappelle enfin qu’en raison de la réalisation d’une étude détaillée lors de l’élaboration de la première proposition technique et financière la société ERDF disposait de toutes les informations requises pour l’élaboration d’une nouvelle proposition technique et financière, lui imposant d’élaborer la nouvelle proposition technique et financière dans un délai accéléré d’un mois. La société KEZAKO Production persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en duplique, enregistrées le 15 avril 2011, présentées par la société ERDF.
La société ERDF estime que la première demande de raccordement de la société KEZAKO Production est devenue caduque puisque l’offre de raccordement n’a pas été acceptée dans le délai de trois mois prévu par la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution.
Elle ajoute que le projet a été abandonné pour manque de financement ainsi que l’atteste le courriel adressé par la société KEZAKO Production à la société ERDF le 2 septembre 2010.
La société ERDF considère, donc, qu’elle n’a opposé à la société KEZAKO Production aucun refus de raccordement et l’envoi d’une quelconque notification à la Commission de régulation de l’énergie aurait été inapproprié et inutile.
Elle rappelle que l’article 23 de la loi du 10 février 2000 s’applique seulement lorsque l’accès au réseau électrique est refusé en fonction d’impératifs liés au bon accomplissement de missions de service public et sur des motifs techniques particuliers, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La société ERDF indique, en outre, qu’il n’y a pas de refus de raccordement pour la seconde demande et qu’elle n’a fait qu’appliquer les dispositions légales et réglementaires qui concernent son activité, en l’occurrence le décret du 9 décembre 2010.
Elle considère, que la société KEZAKO Production dispose toujours d’un droit au raccordement, qu’elle peut exercer à ce jour, dans le respect des textes en vigueur et qu’aucune notification de cette information à la Commission de régulation de l’énergie n’était donc nécessaire.
La société ERDF estime par ailleurs que le paragraphe 8.2 de sa procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution qui prévoit, dans sa version du 3 juillet 2010, qu’un courrier de relance doit être adressé au demandeur de raccordement dix jours avant la date d’expiration du délai de trois mois de validité de la proposition technique et financière n’est pas applicable à la première demande de raccordement de la société KEZAKO Production en raison de son antériorité de près d’un an par rapport à la procédure qu’elle invoque aujourd’hui.
Elle considère donc que la seconde proposition technique et financière de la société KEZAKO Production ne pouvait être traitée dans un délai d’un mois en application de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution.
La société ERDF soutient, enfin, que la seconde demande de proposition technique et financière, faite plus d’un an après la clôture de la première demande devenue caduque, constituait une nouvelle demande et ne pouvait donc pas bénéficier du délai réduit d’un mois qui ne concerne que le cas où, pour une même affaire, la demande de proposition technique et financière fait suite à la fourniture d’une pré-étude détaillée. La société ERDF persiste dans ses précédentes conclusions.
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Par décision du 29 avril 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l’instruction de la présente demande de règlement de différend jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’Etat relative à la légalité du décret du 9 décembre 2010, au motif que la solution du litige dépendait de l’appréciation dudit décret.
Par courrier du 27 mai 2011, la société KEZAKO Production a indiqué au comité de règlement des différends et des sanctions qu’elle lui demandait non pas d’écarter l’application du décret du 9 décembre 2010 mais de constater que la première proposition technique et financière a été acceptée en 2009 et n’est pas devenue caduque.
Par décision du 22 juin 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a rouvert l’instruction de la présente demande de règlement de différend en vue de permettre aux parties de clarifier ce dernier point.
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Vu les observations en triplique, enregistrées le 13 juillet 2011, présentées par la société KEZAKO Production.
La société KEZAKO Production soutient que la société ERDF a violé l’article 23 de la loi du 10 février 2000 en ne motivant pas son refus de conclure un contrat d’accès aux réseaux publics et en ne notifiant pas ce refus à la Commission de régulation de l’énergie.
La société KEZAKO Production considère donc que la première proposition technique et financière est toujours valable et demande que son projet soit réintégré sans délai dans la file d’attente, après consignation d’une somme de 12 628,46 euros.
La société KEZAKO Production persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.
Vu la pièce relative à la déclaration d’ouverture de chantier produite par la société KEZAKO Production le 17 octobre 2011 (laquelle a été communiquée à ERDF).
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 23 février 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 24-38-11 ;
Vu la décision du 29 avril 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie relative aux demandes de règlement de différends mettant en cause l’application du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;
Vu la décision du 22 juin 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie relative à la poursuite de l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 24-38-11 ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 19 octobre 2011, en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Mathieu CACCIALI, rapporteur, représentant le directeur général empêché et le directeur juridique empêché et M. Didier LAFFAILLE, rapporteur adjoint ;
Me Benoît COUSSY, représentant la société KEZAKO Production ; Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Romain GRANJON.
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Mathieu CACCIALI, présentant les moyens et les conclusions des parties ;
– les observations de Me Benoît COUSSY pour la société KEZAKO Production ; la société KEZAKO Production persiste dans ses moyens et conclusions ;
– les observations de Me Romain GRANJON, pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions.
Aucun report de séance n’ayant été sollicité.
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 19 octobre 2011, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.
Les faits :
Il ressort des pièces du dossier que la société KEZAKO Production développe un projet d’installation de production photovoltaïque d’une puissance de 100 kVA, sur le territoire de la commune de Guenroc (Côtes d’Armor). Electricité Réseau Distribution France (ERDF) est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur le territoire de cette commune.
Le 23 mars 2009, la société KEZAKO Production a demandé à la société ERDF la réalisation d’une étude de faisabilité afin de raccorder au réseau électrique son projet d’installation de production photovoltaïque.
Le 6 mai 2009, la société ERDF a adressé une étude de faisabilité à la société KEZAKO Production. Le 31 juillet 2009, la société ERDF a accusé réception d’une demande de proposition technique et financière pour le raccordement du projet d’installation de production photovoltaïque de la société KEZAKO Production, considérée comme complète le 28 juillet 2009.
Le 1er septembre 2009, la société ERDF a émis une proposition technique et financière qu’elle a adressée à la société KEZAKO Production.
Le 26 janvier 2010, la société ERDF a annoncé à la société KEZAKO Production que son projet était sorti de la file d’attente à la date du 3 décembre 2009.
Le 11 octobre 2010, la société KEZAKO Production a adressé à la société ERDF une seconde demande de proposition technique et financière.
Le 25 octobre 2010, la société ERDF a indiqué à la société KEZAKO Production que son dossier de demande de proposition technique et financière avait été validé le 18 octobre 2010 et qu’elle lui adresserait la proposition technique et financière dans les trois mois à compter de cette date.
Le 18 janvier 2011, puis le 1er février 2011, la société ERDF a indiqué à la société KEZAKO Production que compte tenu de l’entrée en vigueur du décret du 9 décembre 2010, sa demande de contrat d’achat de l’électricité produite par son projet d’installation était suspendue et qu’elle devrait procéder à une nouvelle demande complète de raccordement à l’issue de la période de suspension.
Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n’étaient pas satisfaisantes, la société KEZAKO Production a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société ERDF.
Le 29 avril 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a suspendu l’instruction de la présente demande de règlement de différend jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’Etat relative à la légalité du décret du 9 décembre 2010, au motif que la solution du litige dépendait de l’appréciation dudit décret.
Le 27 mai 2011, la société KEZAKO Production a demandé au comité de règlement des différends et des sanctions de reprendre l’instruction de sa demande au motif que le « décret du 9 décembre 2010 ne saurait concerner une première PTF délivrée en 2009 et dont nous démontrons qu’elle n’est pas caduque ».
Le 22 juin 2011, le comité de règlement des différends et des sanctions a rouvert l’instruction de la présente demande de règlement de différend en vue de permettre aux parties de clarifier ce dernier point. Le 13 juillet 2011, la société KEZAKO Production a présenté de nouvelles observations.
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Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :
La société ERDF estime qu’il n’entre pas dans les compétences du comité de règlement de différends et des sanctions d’apprécier l’existence d’une faute de la société ERDF qui ne figure pas au nombre des litiges qui relèvent de sa compétence. Elle soutient que la demande de la société KEZAKO Production vise exclusivement à échapper à l’application de la suspension de l’obligation d’achat prévue par le décret du 9 décembre 2010.
La société KEZAKO Production considère que sa demande de règlement de différend a pour objet, non pas d’obtenir réparation d’une éventuelle faute de la société ERDF ni d’échapper à l’application de la suspension de l’obligation d’achat prévue par le décret du 9 décembre 2010, mais de faire reconnaître la carence de la société ERDF dans l’exécution de sa mission d’instruction des demandes de raccordement. Elle estime que son différend avec la société ERDF entre ainsi dans les compétences du comité de règlement des différends et des sanctions.
Aux termes de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité [...] sur l’accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d’accès ou de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des contrats mentionnés aux article L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l’initiative de l’une ou l’autre des parties [...] ».
Aux termes de l’article L. 134-20 du même code, la « décision du comité, qui peut être assortie d’astreintes, est motivée et précise les conditions d’ordre technique et financier de règlement du différend [...] ».
Il ressort des pièces du dossier que la saisine de la société KEZAKO Production concerne les modalités de raccordement d’une installation de production au réseau public de distribution.
Dans ces conditions, le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent pour en connaître en vertu des dispositions des articles L. 134-19 et L. 134-20 du code de l’énergie.
Sur la réintégration du projet de la société KEZAKO Production dans la file d’attente :
La société KEZAKO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater l’absence d’informations en temps utile des dates d’entrée et de sortie de la file d’attente relativement à la première proposition technique et financière, et partant, que le délai de trois mois n’a jamais commencé à courir.
Elle lui demande en conséquence d’enjoindre à la société ERDF de réintégrer la société KEZAKO Production dans la file d’attente à la date à laquelle la société ERDF avait enregistré sa première demande de proposition technique et financière, après avoir arrêté la date exacte de cette entrée en file d’attente.
La société ERDF soutient avoir fait application de sa procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution qui prévoit qu’un projet est sorti de la file d’attente si à la date limite de validité de la proposition technique et financière le demandeur ne donne pas son accord sur cette proposition.
La société ERDF ajoute que la proposition technique et financière qu’elle a adressée à la société KEZAKO Production le 1er septembre 2009 mentionnait la limite de sa validité et exposait les conséquences du non respect du délai indiqué.
La procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution de 2008 (ERDF-PRO-RES_21E V6), alors applicable, prévoit en son article 4.7 que le « demandeur dispose d’un délai de trois mois pour donner son accord à cette PTF » et que « pendant ce délai, il conserve son rang dans la file d’attente ». L’article 4.10.1 de ladite procédure prévoit en outre qu’« un projet est radié de la file d’attente et la capacité d’accueil est remise à disposition d’autres projets : [...] sur initiative d’ERDF, si, à la date limite de validité de la PTF pour un projet situé en file d’attente, le demandeur ne donne pas son accord sur cette proposition ».
La proposition technique et financière pour le raccordement de l’installation de production photovoltaïque de la société KEZAKO Production au réseau public de distribution d’électricité basse tension géré par ERDF, en date du 1er septembre 2009, prévoit en son article 4.3.1 que le « Demandeur dispose d’un délai de trois mois, à compter de la réception, pour donner son accord sur cette Proposition Technique et Financière [...] » et que « si à l’échéance des trois mois, le Demandeur n’a pas accepté la présente Proposition Technique et Financière [...] celle-ci devient caduque ».
Il est constant que la proposition technique et financière en date du 1er septembre 2009 a été reçue par la société KEZAKO Production, le 2 septembre 2009 ainsi qu’il résulte du mémoire enregistré le 22 février 2011, faisant ainsi courir le délai de trois mois mentionné dans la procédure de traitement et rappelé dans la proposition.
Il ressort des pièces du dossier que la société ERDF a annoncé à la société KEZAKO Production par courriel en date du 26 janvier 2010 que son projet était sorti de la file d’attente à la date du 3 décembre 2009.
Il ressort, également, des pièces du dossier, en particulier d’un courriel, en date du 2 septembre 2010, produit à l’appui de la saisine (pièce no 9), que la société KEZAKO Production « n’ayant pas réuni à l’époque le financement » reconnaît être sortie de la file d’attente. La société KEZAKO Production a, également, indiqué qu’elle souhaitait « relancer une nouvelle PTF » car elle disposait à nouveau du financement et a interrogé à cette fin la société ERDF.
La société ERDF a donc respecté les dispositions de sa procédure de traitement des demandes de raccordement en radiant le projet de la société KEZAKO Production de la file d’attente à la date du 3 décembre 2009.
La circonstance que la proposition technique et financière, en date du 1er septembre 2009, est devenue caduque ne saurait être regardée comme un refus d’accès au sens de l’article L. 111-93 du code de l’énergie. De même, la société KEZAKO Production ne saurait se prévaloir de la circonstance que la société ERDF ne lui a pas adressé, dix jours ouvrés avant la date d’expiration du délai de validité de la proposition technique et financière, un courrier de relance, dès lors que cette obligation résulte de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution du 3 juillet 2010 (ERDF-PRO-RAC_14E) qui n’était, à la date des faits, pas applicable.
Enfin, le délai imparti au producteur pour accepter une proposition technique et financière ne s’analyse pas comme une obligation, mais constitue la simple limite de validité d’une offre.
Dans ces conditions, les demandes tendant à enjoindre à la société ERDF de réintégrer la société KEZAKO Production dans la file d’attente à la date à laquelle la société ERDF avait enregistré sa première demande de proposition technique et financière ne peuvent être que rejetées, la proposition technique et financière en date du 1er septembre 2009 étant caduque.
Sur le délai de traitement de la seconde demande de raccordement :
La société KEZAKO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de constater que la société ERDF n’a pas réintégré son projet dans la file d’attente à l’occasion de la seconde demande de raccordement en date du 11 octobre 2010 et que le retard pris par la société ERDF dans le traitement de cette seconde demande l’a empêchée d’accepter une proposition technique et financière avant le 2 décembre 2010.
La société KEZAKO Production demande en conséquence d’enjoindre à la société ERDF de statuer sur la seconde demande de proposition technique et financière « comme si elle avait eu à statuer sur ladite demande dans le délai accéléré d’un mois à compter du 18 octobre 2010 ».
La procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution du 3 juillet 2010 (ERDF-PRO-RAC_14E) en vigueur lors de la seconde demande de raccordement prévoit en son article 8.2.1 qu’« à compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l’offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d’installation concernée. Ce délai n’excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement. Ce délai peut être ramené à un mois lorsque les conditions suivantes sont réunies :
– une pré-étude approfondie a été transmise ;
– les données techniques de l’installation sont inchangées depuis la pré-étude approfondie ;
– les données du réseau et les capacités réservées en puissance de raccordement impactant les résultats de la pré-étude approfondie n’ont pas été modifiées ».
Il en résulte que le délai de traitement de la seconde proposition technique et financière ne pouvait être ramené à un mois que si les trois conditions limitativement énumérées à l’article 8.2.1 de la procédure étaient remplies.
L’article 5.2 de la même procédure précise que le « demandeur peut souhaiter avoir une estimation du coût du raccordement de son installation et des délais associés à des degrés divers d’avancement de son projet.
Cette prestation de pré-étude, définie dans le catalogue des prestations publié par ERDF sur le site internet www.erdfdistribution.fr, est payante. Elle fait l’objet d’un devis préalable à toute réalisation, valable trois mois. Le prix de la prestation dépend du type de pré-étude demandée, du niveau de tension de raccordement de la future installation et de ses caractéristiques. La pré-étude n’est pas un préalable à la demande de raccordement, elle est facultative et ne constitue pas une offre de raccordement. Elle est menée après acceptation par le demandeur du devis de pré-étude ».
L’article 4.5 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution, applicable le 23 mars 2009 date à laquelle la société KEZAKO a demandé la réalisation d’une étude de faisabilité, prévoit que l’étude de faisabilité est « limitée à l’examen d’éventuelles contraintes de transit sur les réseaux du gestionnaire de réseau de transport et d’ERDF. Cette étude ne prend pas en compte, en particulier, d’éventuelles contraintes qui ne peuvent être déterminées que par la connaissance précise des caractéristiques de la machine » et cette étude « n’engage pas ERDF ».
La société ERDF observe, sans être démentie, que la société KEZAKO Production n’a jamais été destinataire d’une pré-étude approfondie puisqu’elle n’en a jamais demandé. Elle considère, donc, à juste titre, que la seconde proposition technique et financière de la société KEZAKO Production ne pouvait être traitée dans un délai d’un mois en application de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité aux réseaux publics de distribution.
À cet égard, l’étude de faisabilité réalisée par la société ERDF, adressée le 6 mai 2009 à la société KEZAKO Production préalablement à la première proposition technique et financière, ne peut être regardée comme une pré-étude de raccordement au sens de l’article 5.2 de la procédure de traitement des demandes de raccordement précitée, document permettant d’établir une proposition technique et financière à la différence de l’étude de faisabilité.
Au surplus, plus d’un an s’est écoulé entre la première demande de proposition technique et financière faite le 1er septembre 2009 et la seconde faite le 11 octobre 2010, ce qui pouvait justifier une reprise des études compte tenu des projets d’installation de production raccordés dans l’intervalle.
Les trois conditions pour que le délai de transmission de la proposition technique et financière puisse être réduit de trois à un mois n’ont donc pas été réunies en l’espèce. Dans ces conditions, la société KEZAKO Production ne peut pas reprocher à la société ERDF de ne pas l’avoir fait bénéficier du délai d’un mois pour la transmission de la proposition technique et financière.
La société ERDF a ainsi respecté les dispositions de sa procédure de traitement des demandes de raccordement.
Dès lors, les demandes de la société KEZAKO Production tendant à enjoindre à la société ERDF de statuer sur la seconde demande de proposition technique et financière comme si elle avait eu à statuer sur ladite demande dans le délai accéléré d’un mois à compter du 18 octobre 2010 ne peuvent être que rejetées.
Sur l’inopposabilité du décret du 9 décembre 2010 :
La société KEZAKO Production demande au comité de règlement des différends et des sanctions de dire que le décret du 9 décembre 2010, notamment, son article 3, lui est inopposable, d’ordonner à la société ERDF de s’exécuter de son obligation d’instruire à nouveau la demande de proposition technique et financière sous astreinte de 500 euros par jour de retard et d’ordonner sans délai, à la société KEZAKO Production, la consignation de la somme de 12 628,46 euros correspondant au montant de la première proposition technique et financière à titre de provision à valoir sur le paiement de la future proposition technique et financière sur le compte CARPA du conseil de la société ERDF, ou à tel séquestre qu’il plaira, et d’en conditionner la libération à la délivrance de la proposition technique et financière.
La solution de ces demandes dépendant de l’appréciation de la légalité du décret du 9 décembre 2010, il y a lieu, dans ces circonstances, de surseoir à statuer jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’Etat, saisi d’un recours en annulation de ce décret.
Sur la demande de prise en charge des frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit 3 000 euros :
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme au titre des dépens ou des frais irrépétibles, cette demande sera rejetée.
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Décide :
Art. 1er. − Les demandes de la société KEZAKO Production tendant à enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution France de réintégrer la société KEZAKO Production dans la file d’attente, celles tendant à enjoindre à la société Electricité Réseau Distribution France de statuer sur la seconde demande de proposition technique et financière et celles tendant à l’octroi de frais sont rejetées.
Art. 2. − Il est sursis à statuer sur le surplus des demandes de la société KEZAKO Production jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’Etat sur le décret du 9 décembre 2010.
Art. 3. − La présente décision sera notifiée à la société KEZAKO Production et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.