CRE, cordis, 19 octobre 2011, n° 200-38-11
COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE
Arrêt
sur le différend qui oppose la société AGAT et Fils à la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Racine
Rapporteur :
M. Astier
Avocats :
Me Millet, Me Cartier-Marraud
Le comité de règlement des différends et des sanctions,
Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 25 mai 2011 sous le numéro 200-38-11 présentée par la société AGAT et Fils, société à responsabilité limitée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Saintes sous le numéro B 448 610 550, dont le siège social est situé Le Maine Neuf, 17150 Allas Bocage, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Me Sébastien MILLET, SELARL Ellipse Avocats, 1, rue Castillon, 33000 Bordeaux.
La société AGAT et Fils a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Electricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF ») sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque situé sur la commune de Allas-Bocage (17150).
La société AGAT et Fils considère que la société ERDF, qui ne lui a pas adressé une proposition technique et financière sous trois mois, n’a pas respecté pas le délai fixé par la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération du 11 juin 2009 portant décision sur les règles d’élaboration des procédures de traitement des demandes de raccordement aux réseaux publics de distribution d’électricité et le suivi de leur mise en œuvre.
Elle ajoute qu’à aucun moment la société ERDF n’a pris le soin de l’informer ni de l’avancement de son dossier, ni des difficultés éventuelles qui auraient été rencontrées, ni d’une éventuelle prolongation du délai nécessaire à la production d’une proposition technique et financière.
La société AGAT et Fils estime, en conséquence, que la société ERDF la place dans une situation produisant les mêmes effets qu’un refus injustifié d’accès au réseau public de distribution d’électricité, pour lequel le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent.
Elle ajoute que l’évolution de la réglementation ne saurait lui être opposée alors que la société ERDF s’était engagée à lui transmettre un proposition technique et financière pour le 18 septembre 2010 au plus tard, soit bien avant la publication du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010.
La société AGAT et Fils expose que l’absence de diligence et d’informations de la part de la société ERDF constitue une atteinte grave et immédiate aux règles d’accès au réseau, au sens des dispositions de l’article 38 de la loi du 10 février 2000 (aujourd’hui article L. 134-19 et suivants du code de l’énergie), justifiant qu’il soit mis fin à cette situation par la transmission d’une proposition technique et financière.
La société AGAT et Fils demande en conséquence au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :
Vu le retard et l’urgence :
– de déclarer recevable sa saisine ;
– de dire et juger que la demande de contrat et raccordement déposée le 6 janvier 2010 et qualifiée au 18 juin 2010 demeure pleinement valable et que le dépôt d’une nouvelle demande n’est pas nécessaire ;
– de dire et juger que la société AGAT et Fils est néanmoins placée par la société ERDF dans une situation de fait qui lui interdit l’accès au réseau public distribution de l’électricité ;
– de dire et juger qu’il s’agit d’une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l’accès au réseau ;
En conséquence,
– de faire injonction à la société ERDF de transmettre à la société AGAT et Fils la proposition correspondant à sa demande ;
– d’assortir cette obligation d’une astreinte d’un montant de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de sa décision par le comité de règlement des différends et des sanctions ;
– de condamner la société ERDF aux entiers dépens toutes taxes comprises et à verser à la société AGAT et Fils une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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Vu les observations en défense, enregistrées le 27 juin 2011, présentées par la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris-La Défense Cedex, représentée par son secrétaire général, M. François ABKIN, et ayant pour avocat Me Laurent MARTINET, cabinet Jones Day, 2, rue Saint-Florentin, 75001 Paris.
La société ERDF expose que la compétence d’attribution du comité de règlement des différends et des sanctions est strictement limitée, selon les dispositions de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, aux litiges relatifs à l’accès ou à l’utilisation des réseaux publics.
Elle ajoute qu’en application de ces mêmes dispositions, le comité de règlement des différends et des sanctions se déclare systématiquement incompétent pour connaitre de litiges relatifs à une question d’achat ou de vente d’électricité, ainsi qu’en attestent ses décisions INTI Energie du 26 novembre 2010 et Nicodis du 21 janvier 2011.
La société ERDF soutient qu’en l’espèce les demandes de la société AGAT et Fils tendent à échapper à l’application des dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 et s’inscrivent ainsi dans une démarche financière visant à conserver les conditions tarifaires qui lui auraient été proposées si le décret précité du 9 décembre 2010 n’était pas intervenu.
Elle en conclut que le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra que se déclarer incompétent pour connaître des demandes de la société AGAT et Fils, dès lors que celles-ci sont relatives aux conditions d’achat de l’électricité et non à l’accès au réseau.
La société ERDF estime que, même à supposer que les demandes de la société AGAT et Fils ne soient pas liées à une question d’achat d’électricité, cette société ne démontre pas qu’elle serait confrontée à un problème d’accès au réseau au sens du code de l’énergie, dans la mesure où la société ERDF ne lui a jamais opposé de refus ou de conditions particulières à l’accès de son réseau.
Elle ajoute qu’elle a, au contraire, préparé une proposition de raccordement ainsi qu’une convention de raccordement, d’accès et d’exploitation (CRAE) pour la société AGAT et Fils, comme le prouvent ses courriers des 16 juin, 25 juin et 5 juillet 2010.
La société ERDF considère que le présent litige n’entre en aucun cas dans le champ d’application de l’article L. 134-19 du code de l’énergie.
Elle estime que si, toutefois, le comité de règlement des différends et des sanctions retenait sa compétence, il conviendrait de surseoir à statuer jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil d’Etat sur les requêtes tendant à l’annulation du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010.
La société ERDF soutient que s’il décide de ne pas surseoir à statuer, le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra que constater qu’elle a apporté un traitement raisonnable à la demande de raccordement de la société AGAT et Fils dans le contexte particulier de l’application impérative du décret précité du 9 décembre 2010.
Elle rappelle que le Conseil d’Etat a rejeté une demande du référé suspension déposé à l’encontre du décret du 9 décembre 2010, rappelant à cette occasion la primauté du critère de l’intérêt public.
La société ERDF précise que si la demande de contrat d’achat a bien été effectuée le 6 janvier 2010, la demande de raccordement n’a été réceptionnée par elle que le 9 juin 2010.
Elle indique qu’au cours de l’été 2010, elle a dû faire face à une augmentation exponentielle du nombre de dépôt de demandes de raccordement provoquée par l’intervention de nouvelles conditions tarifaires moins avantageuses, qu’elle a augmenté ses effectifs de plus de 40 % pour pallier cette situation et, qu’en conséquence, le fait qu’elle n’ait pas été à même de traiter l’ensemble des demandes dans un délai de trois mois ne peut être considéré comme fautif.
Elle fait observer qu’afin d’encadrer le développement très rapide des demandes de raccordement d’installation photovoltaïque, l’Etat a pris en 2010 une série de mesures visant à réviser la structure des tarifs d’achat et à procéder à un nouvel ajustement à la baisse desdits tarifs, le 2 décembre 2010, lesquelles s’étant révélées insuffisantes pour réguler le nombre des demandes de raccordement, ont contraint l’Etat à prononcer un moratoire sur leur traitement par le décret susmentionné du 9 décembre 2010.
La société ERDF précise que, compte tenu de son caractère normatif et obligatoire, elle était tenue d’appliquer le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010 dès son entrée en vigueur le 10 décembre 2010 et de suspendre le traitement de l’ensemble des demandes de raccordement en cours pour les producteurs qui, comme la société AGAT et Fils, n’avaient pas transmis avant le 2 décembre 2010 leur acceptation de la proposition de raccordement.
Elle soutient que dans ses conditions le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra que lui donner acte de ce qu’elle ne pouvait, sous peine d’engager sa responsabilité, violer les dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 en adressant une proposition technique et financière à la société AGAT et Fils sans dépôt préalable d’une nouvelle demande de raccordement, comme le prévoit l’article 5 du décret susmentionné.
La société ERDF ajoute que le fait qu’elle n’ait pas informé expressément la société AGAT et Fils de cette impossibilité est sans conséquence.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
In limine litis :
– constater de la société ERDF n’a opposé aucun refus à la société AGAT et Fils d’accès au réseau de distribution d’électricité ;
– constater que le litige ne concerne pas l’accès au réseau public de distribution de l’électricité ou de son utilisation au sens de l’article L. 134-19 du code de l’énergie ;
– se déclarer, en conséquence, incompétent pour statuer sur le présent litige ;
In limine litis également, dans l’hypothèse où le comité de règlement des différends et des sanctions retiendrait sa compétence :
– suspendre l’instruction de la demande de la société AGAT et Fils jusqu’à l’intervention de la décision du Conseil d’Etat sur les requêtes tendant à l’annulation du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 ; Enfin, à titre principal :
– constater le traitement raisonnable apporté par la société ERDF à la demande de raccordement de la société AGAT et Fils ;
– constater le caractère normatif et obligatoire du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaine installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;
– constater l’obligation pour la société ERDF de l’appliquer ;
– débouter en conséquence la société AGAT et Fils de l’ensemble de ses demandes.
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Vu le mémoire en duplique, enregistré le 8 juillet 2011, présenté par la société AGAT et Fils.
La société AGAT et Fils maintient avoir déposé le 6 janvier 2010 une demande de contrat d’achat et de raccordement pour son installation de production d’électricité et que « l’agence obligation d’achat solaire » de la société Electricité de France (EDF) lui a indiqué, le 8 avril 2010, avoir enregistré cette demande.
Elle conteste qu’il y ait eu une augmentation exponentielle du nombre des dossiers entre juillet et août 2010 et soutient qu’en toute hypothèse une telle augmentation n’était ni imprévisible ni irrésistible.
Elle fait également valoir que la société ERDF omet de préciser dans ses écritures que si la demande de suspension du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 a été rejetée, c’est uniquement pour un motif de défaut d’urgence, le Conseil d’Etat ne s’étant pas prononcé sur l’existence d’un doute sérieux quant à la légalité de la mesure.
La société AGAT et Fils rappelle enfin que le litige dont elle a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions concerne bien l’accès au réseau et qu’elle se réserve le droit d’engager une action en responsabilité contre la société ERDF, dans l’hypothèse où la nouvelle réglementation relative aux conditions d’achat de l’électricité viendrait à lui être appliquée.
Elle ajoute qu’« il est incontestable en l’espèce :
a) Que la demande de la société AGAT et Fils était parfaitement valable ;
b) Que celle-ci n’a pas été traitée avec toutes les diligences nécessaires ;
c) Que la société ERDF a attendu un retournement de conjoncture qui lui soit favorable pour prétendre aujourd’hui à une pseudo-impossibilité de transmettre une proposition conforme à sa demande initiale ;
d) Que cette position, confirmée par le mémoire de la société ERDF, s’apparente à un rejet du dossier initial de la société AGAT et Fils ;
e) Que l’accès effectif au réseau public de distribution de l’électricité lui est ainsi refusé de fait au titre de sa demande ;
f) Qu’il en découle un différend à partir du moment où la société ERDF, qui prétexte aujourd’hui du moratoire, a manifestement manqué à ses obligations ».
La société AGAT et Fils estime que dans ces conditions, en l’absence de définition légale des notions d’accès au réseau et de refus d’accès au réseau, et dans la mesure où la liste des cas d’ouverture du recours devant le comité n’est pas limitative, la société ERDF ne saurait prétendre que le comité n’est pas compétent au seul motif qu’elle n’a pas notifié à la société AGAT et Fils un refus écrit ou des conditions restrictives.
Elle soutient que sa situation caractérise l’urgence et justifie de rejeter la demande de sursis à statuer formulée par la société ERDF, et ce d’autant plus que la demande de la société AGAT et Fils ne nécessite pas de porter une appréciation sur la légalité du décret no 2010-15010 du 9 décembre 2010.
La société AGAT et Fils indique qu’au regard de la balance des intérêts en présence et de la situation dans laquelle elle est placée, l’équité commande, également, de ne pas accorder de sursis à statuer. La société AGAT et Fils persiste, en conséquence, dans ses précédentes conclusions.
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Vu les observations en réplique, enregistrées le 1er aout 2011, présentées par la société ERDF.
La société ERDF soutient que le comité de règlement des différends et des sanctions ayant décidé, par une décision Vol-V-Solar en date du 22 juin 2011, qu’aucune obligation de résultat n’est mise à sa charge quant au respect du délai de transmission d’une proposition technique et financière, le délai de transmission de trois mois ne saurait être impératif.
Elle estime qu’en conséquence il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir adressé de proposition technique et financière à la société AGAT et Fils dans un délai de trois mois.
La société ERDF rappelle qu’elle a mis tous les moyens en œuvre pour traiter au plus vite la demande de la société AGAT et Fils dans un contexte exceptionnel de « bulle spéculative ».
Elle précise, également, que les données produites par la société AGAT et Fils ne sauraient être exploitées à l’occasion du présent litige, dès lors que la majorité des sorties indiquées correspondent à des sorties de file d’attente dues à l’application des dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010.
La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de :
In limine litis :
– constater de la société ERDF n’a opposé aucun refus à la société AGAT et Fils d’accès au réseau dedistribution d’électricité ;
– constater que le litige ne concerne pas l’accès au réseau public de distribution de l’électricité ou de sonutilisation au sens de l’article L. 134-19 du code de l’énergie ;
– se déclarer, en conséquence, incompétent pour statuer sur le présent litige ;
In limine litis également, dans l’hypothèse où le comité de règlement des différends et des sanctions retiendrait sa compétence :
– suspendre l’instruction de la demande de la société AGAT et Fils jusqu’à l’intervention de la décision duConseil d’Etat sur les requêtes tendant à l’annulation du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010.
Enfin, à titre principal :
– débouter en conséquence la société AGAT et Fils de l’ensemble de ses demandes.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;
Vu le décret no 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 20 février 2009 relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;
Vu la décision du 25 mai 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 200-38-11 ;
Vu la décision du 8 juillet 2011 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de règlement de différend introduite par la société AGAT et Fils ;
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Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 19 octobre 2011 en présence de :
M. Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Mme Dominique GUIRIMAND, Mme Sylvie MANDEL et M. Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions ;
M. Mathieu CACCIALI, représentant le directeur général empêché et le directeur juridique empêché ;
M. Jérémie ASTIER, rapporteur, et M. Didier LAFFAILLE rapporteur adjoint ; Me Sébastien MILLET, représentant la société AGAT et Fils ;
Les représentants de la société ERDF, assistés de Me Marie-Laure CARTIER-MARRAUD ;
Après avoir entendu :
– le rapport de M. Jérémie ASTIER, présentant les faits et les conclusions des parties ;
– les observations de Me Sébastien MILLET pour la société AGAT et Fils ; la société AGAT et Fils persiste dans ses moyens et conclusions ;
– les observations de Me Marie-Laure CARTIER-MARRAUD pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;
Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;
Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 19 octobre 2011, après que les parties, le rapporteur, les rapporteurs adjoints, le public et les agents des services se sont retirés et connaissance prise de la lettre de la société ERDF en date du 20 octobre 2011 et de celle la société AGAT et Fils en date du 27 octobre 2011.
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Les faits :
La société AGAT et Fils, par l’intermédiaire de son représentant (SAS ERABLE), a déposé une demande de raccordement pour un projet d’installation photovoltaïque intégrée au bâti d’une puissance de 37,962 kWc.
Par courrier en date du 25 juin 2010, la société ERDF a indiqué à la société que son dossier de demande de raccordement était complet au 18 juin 2010.
Par courrier en date du 15 avril 2011, le conseil de la société AGAT et Fils a mis en demeure la société ERDF de produire une proposition technique et financière sous huitaine.
Par courrier en date du 13 mai 2011, la société ERDF a informé la société AGAT et Fils que sa demande étant complète à la date du 18 juin 2010, une proposition technique et financière lui serait transmise sous trois mois, soit au plus tard le 18 septembre 2010.
Sur la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions :
La société AGAT et Fils demande au comité de règlement des différends et des sanctions « de dire et juger que la demande de contrat et de raccordement déposée le 6 janvier 2010 et qualifiée au 18 juin 2010 demeure pleinement valable ».
La société ERDF estime qu’en application des dispositions de l’article L. 134-19 du code de l’énergie la compétence d’attribution du comité de règlement des différends et des sanctions est strictement limitée aux litiges relatifs à un problème d’accès ou d’utilisation des réseaux publics.
La société ERDF soutient qu’en l’espèce les demandes de la société AGAT et Fils ont pour but d’échapper à l’application des dispositions du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010 et s’inscrivent ainsi dans une démarche financière visant à conserver les conditions tarifaires qui lui auraient été proposées si le décret précité du 9 décembre 2010 n’était pas intervenu. Elle en conclut que le comité de règlement des différends et des sanctions ne pourra que se déclarer incompétent pour connaître des demandes de la société AGAT et Fils, dès lors que celles-ci sont relatives aux conditions d’achat de l’électricité et non à l’accès au réseau.
Sur la compétence du comité s’agissant de la demande de contrat d’achat :
Aux termes de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité [...] sur l’accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d’accès ou de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l’initiative de l’une ou l’autre des parties [...] ».
Il ressort des termes mêmes de cet article qu’un différend n’entre dans la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions, laquelle est une compétence d’attribution, qu’à une double condition, tenant l’une à la qualité des personnes qu’un différend oppose et l’autre à l’objet du différend. Il ne suffit donc pas qu’un différend oppose un gestionnaire de réseau à un utilisateur pour que le comité soit compétent pour le trancher. Encore faut-il que l’objet du différend corresponde à l’une des catégories limitativement énoncées par la loi.
En l’espèce, tel n’est pas le cas de la demande de la société AGAT et Fils, qui, en ce qu’elle vise la reconnaissance de la validité d’une demande de contrat d’achat de l’électricité produite par son installation de production, n’est pas relative à l’accès ou à l’utilisation des réseaux publics ni à un désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution de l’un des contrats mentionnés aux articles L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 du code de l’énergie.
Le comité de règlement des différends et des sanctions n’est donc pas compétent pour en connaître.
Sur la compétence du comité s’agissant de la demande de raccordement :
La société AGAT et Fils considère que la société ERDF, en ne lui adressant pas une proposition technique et financière sous trois mois, n’a pas respecté le délai prévu par la délibération de la Commission de régulation de l’énergie en date du 11 juin 2009 et l’a placée dans une situation produisant les mêmes effets qu’un refus injustifié d’accès au réseau public de distribution d’électricité, pour lequel le comité de règlement des différends et des sanctions est compétent.
Aux termes de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, le « comité de règlement des différends et des sanctions peut être saisi en cas de différend : 1° Entre les gestionnaires et les utilisateurs des réseaux publics de transport ou de distribution d’électricité [...] sur l’accès auxdits réseaux [...] ou à leur utilisation, notamment en cas de refus d’accès ou de désaccord sur la conclusion, l’interprétation ou l’exécution des contrats mentionnés aux article L. 111-91 à L. 111-94, L. 321-11 et L. 321-12 [...], la saisine du comité est à l’initiative de l’une ou l’autre des parties [...] ».
La saisine de la société AGAT et Fils concernant les modalités de raccordement d’une installation de production au réseau public de distribution, le comité de règlement des différends et des sanctions est donc compétent pour en connaître en vertu des dispositions des articles L. 134-19 et L. 134-20 du code de l’énergie.
Sur la demande tendant à faire injonction à la société ERDF de transmettre à la société AGAT et Fils la proposition correspondant à sa demande :
La société AGAT et Fils demande au comité de règlement des différends et des sanctions de faire injonction à la société ERDF de lui transmettre la proposition correspondant à sa demande et, en outre :
– de dire et juger que la société AGAT et Fils est néanmoins placée par la société ERDF dans une situation de fait qui lui interdit l’accès au réseau public distribution de l’électricité ;
– de dire et juger qu’il s’agit d’une atteinte grave et immédiate aux règles régissant l’accès au réseau ;
– en conséquence, d’assortir cette obligation d’une astreinte d’un montant de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de sa décision par le comité.
La procédure de traitement des demandes de raccordement susvisée, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, prévoit en son article 8.2.1 qu’à « compter de la date de qualification de la demande de raccordement, le délai de transmission au demandeur de l’offre de raccordement ne dépassera pas le délai défini dans le barème de raccordement pour le type d’installation concernée. Ce délai n’excédera pas trois mois quel que soit le domaine de tension de raccordement ».
Il ressort des pièces du dossier que la proposition technique et financière n’a pas été notifiée, dans le délai de trois mois, courant à compter du 18 juin 2010, par la société ERDF à la société AGAT et Fils ; qu’en outre, ce n’est que par une lettre du 13 mai 2011 que la société ERDF a indiqué à la société AGAT et Fils que le délai maximal d’envoi de la proposition était prolongé de six semaines, « soit jusqu’à la date du 18/09/2010 ». Un tel comportement constitue une méconnaissance par la société ERDF de sa documentation technique de référence qui prévoit la transmission de la proposition technique et financière dans un délai qui « n’excédera pas trois mois ».
La société ERDF, il est vrai, invoque la force majeure. Mais elle n’établit pas, dans la présente espèce, qu’elle se serait trouvée confrontée à une situation telle qu’ elle aurait été empêchée de faire face à l’afflux de demandes nouvelles, en particulier celle de la société AGAT et Fils.
Toutefois, compte tenu de l’intervention du décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010, le comité de règlement des différends et des sanctions n’est pas, à ce jour, en mesure d’enjoindre à la société ERDF de délivrer à la société AGAT et Fils une proposition technique et financière aux conditions en vigueur le 2 décembre 2010. La solution des demandes précitées de la société AGAT et Fils dépendant de l’appréciation de la légalité du décret du 9 décembre 2010, il y a lieu, dans ces circonstances, de surseoir à statuer jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’Etat, saisi d’un recours en annulation de ce décret.
Sur la demande de prise en charge des frais inhérents à la présente procédure, en ce compris les dépens et les frais irrépétibles, soit 3 000 euros :
Aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant que le comité de règlement des différends et des sanctions puisse attribuer à une partie une somme au titre des dépens ou des frais irrépétibles, cette demande sera rejetée ;
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Décide :
Art. 1er. − Le comité se déclare incompétent pour connaître de la demande de la société AGAT et Fils relative à l’achat de l’électricité produite par son installation de production.
Art. 2. − Il est sursis à statuer sur la demande de la société AGAT et Fils tendant à l’envoi d’une proposition technique et financière aux conditions en vigueur le 2 décembre 2010 jusqu’à l’intervention de la décision au fond du Conseil d’Etat sur le décret no 2010-1510 du 9 décembre 2010.
Art. 3. − La demande de la société AGAT et Fils tendant à ce que lui soit attribuée une somme au titre des dépens et des frais irrépétibles est rejetée.
Art. 4. − La présente décision sera notifiée à la société AGAT et Fils et à la société Electricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française.