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Décisions

Cass. crim., 8 mars 2006, n° 04-86.648

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Thin

Versailles, du 21 oct. 2004

21 octobre 2004

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, 4 et L. 241-9 du Code de commerce, 321-1 du Code pénal, 1741, alinéas 1 et 2 du Code général des impôts, 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen tiré de la prescription des délits de fraude fiscale et d'abus de biens sociaux ;

"aux motifs que : "I) sur le moyen tiré de la prescription ;

A) des délits de fraude fiscale :

l'infraction la plus ancienne reprochée concerne une minoration des déclarations de résultats de l'exercice 1992, ladite déclaration devant être souscrite en 1993 ; le point de départ de la prescription était donc le 1er janvier 1994 à 0 heure qui expirait, en principe le 31 décembre 1996 à 24 heures ; or elle a été suspendue à compter du jour de la saisine de la CIF le 27 décembre 1996 à 24 heures ; il restait alors à courir 5 jours pour que la prescription soit acquise (le jour de la saisine étant à décompter dans le temps de "suspension " comme le jour de l'émission" de l'avis) ; la CIF a rendu son avis le 25 avril 1997 ; à compter du 26 le décompte de la prescription reprenait son cours jusqu'au 30 avril 1997 à 24 heures ; or le 28 avril 1997, à la réception du dossier de plainte, le parquet de Nanterre a ordonné une enquête par un soit-transmis, d'ailleurs détaillé, ci-dessus rappelé ; la prescription de l'action publique n'était pas acquise pour 1992 à fortiori pour l'année 1993 ; les mêmes règles appliquées pour la deuxième période (1995/1996) excluent que la prescription soit acquise pour la fraude reprochée au titre de l'exercice 1995 ;

B) des délits d'abus de biens sociaux :

les délits reprochés portent, tant sur les salaires nets sans cause, déclarés par Argentine X... et figurant comme tels dans la comptabilité que sur une partie des avantages en nature non causés pour le logement et l'usage du véhicule, forfaitairement calculé, pris en charge par la société ; cette part de ces avantages non causés tels que le vérificateur les avait relevés et chiffrés, n'étaient pas intégrés dans les bulletins de paye d'Argentine X... ni visés dans la discussion sur les comptes, n'étaient pas mentionnés dans les rapports spéciaux du commissaire aux comptes ; quant à la soumission aux actionnaires, lors de l'assemblée générale, il y a lieu de rappeler que le capital à compter du 31 décembre 1991 était réparti entre Mme Z... (50 %), M. Y... (42,5 %) et Argentine X... (6,5 %), le 1 % restant étant détenu par M. A..., administrateur et directeur général, qu'à son départ à la retraite, la pension de M. Y... était de 23 000 F et que l'augmentation de salaire d'Argentine X... devait combler cette diminution de revenus, les avantages en nature occultes ayant le rôle de maintien du train de vie grâce à la trésorerie de cette société considérée, de tous temps, comme une entreprise familiale ;

le total des sommes recelées est énoncé à 9 569 782 F de 1992 à 1996 ;

l'administration fiscale a détaillé pour les deux périodes les postes et montants des ensembles :

- rémunérations indirectes avec sous total (a)

- les avantages en nature réintégrés avec sous total (b) et donc les montants fraudés parce que restés occultes ;

exercices 1992 1993

résultats déclarés.......... 5 658 639 3 897 185

redressements visés pénalement :

- salaires bruts 1 271 600 1 256 040

- cotisations sociales 537 188 593 556

- remboursement de frais professionnels 143 649 227 273

- loyers du logement 195 139 359 140

- taxe d'habitation 11 840

- amortissement des travaux 70 172

- crédit-bail automobile 309 305 189 050

- assurance automobile 33 158 35 644

- entretien, réparations automobiles 22 107 6 269

- taxes automobiles 7 296 11 066

- avantages en nature réintégrés - 141 543 - 846 191

total 2 398 460 2 689 780

exercices 1994 1995 1996

rémunérations directes : salaire brut 1 195 909 996 004 996 004 charges sociales patronales 414 069 400 760 451 800 cotisation pour congés payés 266 219 219 660 219 660

total 1 676 217 1 616 444 1 669 464

rémunérations indirectes : loyer de l'appartement 311 738 345 932 331 842 amortissement des agencements 120 106 120 106 120 106 remboursement de frais de réception 167 316 108 427 123 378 frais de voiture :

- loyer du garage 27 714 256 870 25 200

- essence 23 060 20 398 21 012

- réparations 6 667 27 656 32 556

- crédit bail un véhicule Mercédès 266 260 60 326 62 591

- amortissement d'un véhicule Lancia 13 262 9 840 9 694 (propriété de la société)

- assurance 40 000 40 000 25 000

sous total (a) 996 343 756 555 1 751 279

avantages en nature réintégrés :

- automobile - 12 600 - 12 600 - 12 600

- logement - 127 400 - 145 500 - 145 500

sous total (b) - 140 000 - 158 100 - 158 100

montant net des rémunérations indirectes déduites (a) - (b) 656 343 600 455 1 593 179

total des dépenses déduites du résultat fiscal 2 736 560 2 218 899 2 262 643

* le soit-transmis du 26 avril 1997 visait une enquête sur les faits de fraude fiscale et d'abus de biens sociaux ; le point de départ de la prescription de l'action publique pour les délits d'abus de biens sociaux serait le 28 avril 1994, excluant de la prescription les comptes soumis à l'assemblée générale du 30 juin 1994, c'est à dire commis en cours de l'exercice 1993, sauf dissimulations quand aux dits biens ; les comptes de chaque exercice sont soumis à l'assemblée générale des actionnaires au 30 juin de chaque année suivant l'exercice en cause ; or tous les actionnaires étaient en l'espèce ceux qui avaient intérêt à dissimuler à tous les ayants droits, créanciers de la société publics ou privés, des fonds pour servir personnellement une oisive actionnaire (mère et épouse) ;

parmi les créanciers de la société se trouve nécessairement le trésor public, à défaut de tous autres qui ne se manifesteraient pas, ou n'auraient pas l'occasion de le faire ; il n'importe pas que les résultats soient non déficitaires ; une minoration des résultats, même en cas d'accord implicite des actionnaires, constitue nécessairement, pour le temps où la prescription fiscale n'est pas acquise, une dissimulation que le fisc ne peut détecter et établir dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ou au moins la dénonciation au ministère public, que grâce à une vérification de comptabilité éventuellement complétée par un ESFP du bénéficiaire de la trésorerie détournée ; la technique particulière consistant à dissimuler, y compris aux yeux du commissaire aux comptes une partie importante des avantages en nature, ainsi que l'absence d'activité réelle détruit la pertinence du point de départ de la prescription à la date d'approbation des comptes ; la dissimulation est caractérisée en l'espèce par les prélèvements des rémunérations sans travail effectif, fait inconnu du commissaire aux comptes, et avantages en nature, sans cause, octroyés à Argentine X... au titre de l'exercice 1992 ; pour 1995, les comptes ont été approuvés le 30 juin 1996, mais les détournements par rémunérations et avantages en nature sans cause, même connus des actionnaires intéressés auxdits détournements, ont été dissimulés au moins au créancier public, la prescription n'était pas acquise lorsque le ministère public, à Paris puis à Pontoise, a reçu la révélation des faits et qu'une enquête a été diligentée à compter du soit transmis du 29 septembre 1999, d'abord puis à compter d'octobre 1999 ensuite ; le soit-transmis du 1er mars 2000 complétait celui du 29 septembre 1999, ces deux séries de procédures portant le même numéro de parquet ; le traitement unique était justifié puisqu'une minoration de résultats par détournement de trésorerie alimentant des salaires d'une employée fictive sont des délits étroitement connexes au sens de l'article 203 du Code de procédure pénale ; toutes les procédures, ont été jointes et ont fait l'objet de l'information judiciaire ouverte le 07 août 2000 ; aucune des personnes, sachant "les dissimulations" ainsi établies par l'administration fiscale, telles qu'elles sont ci-dessous caractérisées, n'avaient intérêt à en faire la révélation à l'autorité judiciaire ou policière, dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; en outre, tous les sachant jusqu'au niveau de cadre (M. A...) étaient porteurs des parts, à 100 % du capital ; seul un intervenant extérieur pouvait procéder à l'information utile et nécessaire du parquet ; ce tiers extérieur n'a pas pu être le commissaire aux comptes qui n'a eu accès qu'à une faible part de l'information, au demeurant mensongère puisqu'il croyait (le démenti étant établi ci-dessous) à la réalité du travail ; le seul autre intervenant extérieur ayant accès à toute l'information sur le travail non effectif d'Argentine X... n'était, en l'espèce, au plus tôt dans la chronologie, que le vérificateur, lors de l'établissement de notification de redressement, définitive, après commentaires du contribuable (notification du 18 mars 1998, contestations du 14 mai 1998, maintien des rappels notifié le 22 mai 1998) ; auparavant les faits, à les supposer caractérisés, avaient été volontairement dissimulés ; pour les abus de biens sociaux, apparus au 18 mars 1998 (cette date étant antérieure même aux contestations du contribuable), aucune prescription n'est admissible, les instructions d'enquête au parquet et autres actes de procédure, de poursuites ayant régulièrement interrompu le cours de la prescription ; pour les années 1992 et 1993 les rappels ont fait l'objet d'une première notification le 11 juillet 1995 ; ils ont été pour la partie visée à la prévention du chef d'abus de biens sociaux contestés par courrier du 9 août 1995, maintenus par l'Administration le 19 septembre 1995 ; le parquet sur ces faits de fraude fiscale et abus de biens sociaux a ordonné une enquête par réquisitions du 28 avril 1998, soit moins de 3 ans après qu'une autorité, un sachant, en l'espèce le contrôleur, a été en mesure de dénoncer les faits, au plus tôt le 11 juillet 1995 ; la prescription de l'action publique n'était pas davantage acquise pour cette période " ;

"alors que la prescription de l'action publique, en matière d'abus de biens sociaux, ne peut commencer à courir, sauf dissimulation, qu'à compter de la présentation des comptes annuels ; que lorsque les charges indues figurent dans les comptes annuels à la rubrique où elles doivent trouver leur place, il ne peut, même si le délit n'a pu, au jour de leur présentation, être constaté par les actionnaires ou par des tiers dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, y avoir dissimulation ; qu'en l'espèce, faute de dissimulation, la prescription du délit d'abus de biens sociaux, comme celle de la fraude fiscale qui en procède, était, au jour du premier acte de poursuite, acquise" ;

Attendu que, pour écarter le moyen tiré de la prescription des abus de biens sociaux commis par Argentine Z..., présidente de la société Arsol, au cours des années 1992 et 1993, résultant du versement à sa mère, Argentine Y..., de salaires rémunérant un emploi fictif et de l'attribution à celle-ci d'avantages en nature non causés, l'arrêt, après avoir constaté qu'à partir du 31 décembre 1991, le capital de la société était détenu par les membres de la famille Y..., énonce qu'aucun des actionnaires connaissant l'usage abusif des biens sociaux n'avaient intérêt à en faire la révélation à l'autorité judiciaire ou policière ;

que les juges ajoutent que seul le contrôleur des impôts qui a procédé à la vérification de la comptabilité de la société, au titre des exercices 1992 et 1993, a été en mesure de connaître les faits d'abus de biens sociaux et de les dénoncer au ministère public, au plus tôt le 11 juillet 1995, soit moins de trois ans avant le premier acte interruptif de la prescription du 28 avril 1998 ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, relevant de son appréciation souveraine, la cour d'appel a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 321-1 du Code pénal, L. 241-3, 4 , et L. 241-9 du Code de commerce, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement entrepris relativement à la déclaration de culpabilité de l'ensemble des chefs de prévention à l'encontre d'Argentine Z... et Argentine X... ;

"aux motifs que sur les abus de biens sociaux et recels :

A) les rémunérations d'Argentine X... sans contrepartie de travail

1 - pour les exercices 1992 et 1993

- ni la PDG ni sa mère n'ont apporté de précisions et de justification, réclamées par le vérificateur, quant à l'identité, la qualité des personnes qu'Argentine X... aurait rencontrées dans les négociations des marchés, quant aux documents (correspondance commerciale, note de travail, agendas ... ) susceptibles de concrétiser les interventions d'Argentine X... pas même pour les interventions alléguées auprès des sociétés l'Oréal et Air France d'ailleurs marginales au regard de l'ensemble des opérations réalisées par la SA Arsol (0,79 ou 0,81 % du chiffre d'affaires en 1992, 0,03 et 0, 02 % du chiffre d'affaires en 1993) ; - Argentine Z... invitée le 20 mars 1995 à justifier par écrit les allégations sur les prestations d'Argentine X... pour permettre de les vérifier n'a pas répondu, puis, le 06 juillet 1995, a refusé de répondre audit courrier ; - parmi des documents comptables présentés, seuls des tickets de règlement par cartes-bleus de "frais de mission- réceptions" d'Argentine X... ont été signés par elle : il s'agissait de notes de table venant d'un restaurant proche de son domicile ;

- l'examen de dossiers de chantiers réalisés par la société a mis en évidence le rôle prépondérant du directeur général, M. A... qui : * était le signataire des documents retraçant les relations de la société avec ses donneurs d'ouvrages : offres et ordres de services bons de commandes, situations et décomptes généraux des travaux, * visait lesfactures émanant des fournisseurs, * rédigeait les contentieux relatifs à l'exécution des chantiers, * était le seul responsable, désigné par Argentine Z... pour l'exécution du plan d'hygiène et de sécurité de la société,

- trois clients interrogés dans le cadre du droit de communication ont indiqué que M. A... était leur seul interlocuteur et qu'ils n'avaient noué aucun contact avec Argentine X... ;

- Argentine Z... était l'unique responsable de la gestion administrative et financière de la société : * elle était la responsable des relations de la société avec les banques et l'Administration, assurait le suivi des règlements opérés par les clients et signait les déclarations fiscales de la société ;

l'Administration a donc réintégré justement dans les résultats de la SA Arsol, les charges afférentes à la rémunération indue d'Argentine X..., s'agissant des dépenses engagées en 1992 et 1993, hors intérêt de l'entreprise pour les montants de 2 396 460 F et 2 689 780 F ;

2 - pour la période 1994 à 1996 :

l'enquête, sur commission rogatoire du 13 novembre 2000 a été diligentée à compter de janvier 2001. MM. A... et B... n'ont pas modifié leurs dires par rapport à leurs auditions de 1998 ;

A) des perquisitions ont été faites :

au siège de la société Arrosa à Ezanville au cours de laquelle il était saisi les copies du listing clients et des registres des entrées et sorties du personnel ainsi que des relevés bancaires de la société qui faisaient l'objet de scellés ;

au domicile d'Argentine X... à Neuilly-sur-Seine (92) ;

ses perquisitions n'ont pas permis de découvrir les agendas d'Argentine X..., que celle-ci avait refusé de remettre au vérificateur interdisant la recherche de ses allégations sur un travail effectif de relations avec clients, banques etc...

B) iI a été procédé aux auditions d'une trentaine de salariés :

la plupart d'entre eux (personnel du bureau et personnel de chantier) déclaraient qu'Argentine X... ne venait à la société que deux ou trois fois par semaine mais ne savaient pas quelle était son activité réelle au sein de la société Arsol ; certains déclaraient même qu'ils ne voyaient Argentine X..., mère, que le jour du repas de Noël, d'autres ne l'avoir jamais vue (cf. Mme C...) ;

ce fut le cas des personnels de bureau suffisamment anciens pour connaître Argentine X... : - M. D..., chef comptable, embauché en 1984, pour qui Argentine X... venait une fois par semaine ; ses seuls interlocuteurs étaient sa fille et M. A... ; elle voyait "passer" les loyers pour 28 000 F par mois ; les notes de restaurant remis par les deux dames Y... ne restaient pas archivées ; - Mme C... comptable retraitée, embauchée en 1973, tenait les comptes (fournisseurs-artisans-personnel ouvrier) sous les ordres de M. D..., savait qu'Argentine X... se "faisait payer" son appartement par la société ainsi que ses notes de restaurant, que seule la présidente directrice générale dirigeait la société avec l'aide de M. A... qui s'occupait des négociations d'appels d'offres, la sélection des clients sefaisant par voies d'annonces notamment dans Le Monteur et non par prospection commerciale qui n'existait pas ; elle ajoutait qu'Argentine X... ne venait que pour les contrôles fiscaux où à la demande du commissaire aux comptes pour signer le bilan comme membre du conseil d'administration ; M. B..., enfin, l'expert comptable, était décrit comme l'ami de la famille ; Mme E..., secrétaire facturation, embauchée en 1984, ayant démissionné en 1996, déclarait que depuis que Mme Y... (fille) avait pris les fonctions de président directeur général de la société Arsol (en 1989), la mère ne travaillait plus dans la société et ne faisait que des apparitions à Noël notamment ; elle recevait ses directives de la présidente directrice générale et de M. A..., la première s'occupant des relations avec les banques et clients ; lors de ces visites, Argentine X... allait dans l'ancien bureau de son mari et s'enfermait ;

Argentine X... n'avait pas de bureau personnel ; elle occupait, lorsqu'elle venait, l'ancien bureau de son mari : - Mme F..., secrétaire embauchée par la présidente directrice générale en janvier 1996, tapait les devis, soumissions etc, travail demandé par MM. A... ou G..., chef métreur ou H... (métreur). la présidente directrice générale gérait les rentrées d'argent, les relancesclients, s'occupait des commandes en l'absence de la préposée, tapait elle-même ses courriers sur son ordinateur ;

lorsqu'Argentine X... venait, le plus souvent avec son mari, elle ne signait que des courriers et en l'absence de sa fille ; elle confirmait l'absence de démarchage de la clientèle ; - Mme I..., standardiste de 1991 à 1996 notamment, avait été embauchée par la présidente directrice générale, dont la mère qui pouvait venir environ deux fois par semaine, s'enfermait dans le bureau et passait des appels personnels ; elle tapait du courrier administratif qui n'émanait pas des dames Y... ; Mme J..., comptable, embauchée en 1982 par M. A... et par M. Y..., s'occupait de la comptabilité clients et banque ; il n'a jamais eu à faire à Argentine X..., uniquement à la présidente directrice générale (fille) pour des courriers aux clients ;

- Mme Le K..., comptable, embauchée en 1982 par M. A..., était proposée aux commandes de chantiers (apportées sur appels d'offres), activité étrangère à Argentine X..., qu'elle voyait peut- être une fois par semaine et qui s'enfermait dans le bureau ; - M. A..., embauché en 1964, en bas d'échelle de tous les emplois, est devenu directeur général en 1989/90, a décrit ses propres activités (suivi des relations avec les clients sur l'avancement et la qualité des travaux, finalisation des négociations des marchés) et aprétendu, ce quipar ailleurs a été établi comme étant faux, qu'Argentine X... se serait occupée de relations avec les banques (BPCI Banque Fortis, BNP), de relances clients avec sa fille, de démarches commerciales des clients, ce qui pour quelques-uns aurait impliqué un repas d'affaires, ignorait si Argentine X... avait des carnets de rendez-vous ;sa complaisance, pour le moins à l'égard des prétendues activités d'Argentine X..., déniées par les autres interlocuteurs, s'explique par l'étroitesse des relations avec la famille grâce à laquelle il a pu conduire une carrière matériellement satisfaisante ; - M. L..., poseur, qui a travaillé pendant 3 mois dans les bureaux, n'y a vu Argentine X... qu'une seule fois ; - M. H..., métreur embauché en 1989, recevait son travail, rendait des comptes au seul A... ; pour la plupart, les clients étaient trouvés grace au moniteur où se trouvaient les annonces d'appels d'offres que M. A... sélectionnait et pour lesquels les commandes de dossiers (aux clients) étaient effectuées par les secrétaires ; lui-même faisait ensuite les métrés puis le dossier repartait chez le client pour acceptation ; quelques gros clients (Bouygues-Sicra) traitaient en direct avec ARSOL : leur dossier était étudié et le prix proposé ; il n'a jamais connu une pratique de démarchage de clients ; M. A... s'occupait des négociations avec ces derniers sur le prix des travaux ; il a conclu en indiquant qu' "il n'a jamais su en quoi consistait le travail de la mère " ; il résulte bien de cet ensemble de témoignages, précis et concordants, que les employés, les plus à même de constater la moindre activité d'Argentine X... au sein de l'entreprise n'ont jamais rien constaté de tel ; il est donc déduit qu'Argentine X... n'avait pas dactivités pour la société digne d'être qualifié de travail salarié ;

M. M... dit ami de la famille Y..., s'est notamment référé à la présence d'Argentine X... pour accréditer l'existence de celle-ci au travail ait profit de la société, à une participation aux réunions de la "commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires" de Paris, réunion tenue fin 1999, - Cergy réunion tenue le 27 juin 2000, il y a lieu dobserver que "l'activité" d'Argentine X..., pour la société étant à l'étude, à sa connaissance, elle avait tout intérêt à montrer une assiduité toute particulière à chacune des réunions concernant la société pour pouvoirfaire valoir que son "travail" perdurait et méritait salaire ; c'est ainsi qu'elle avait déposé auprès de la première commission le contrat de travail régularisé et communiqué dans la présente procédure pénale, le procès-verbal de sa désignation en qualité de directeur général, une vingtaine d'attestations prétendument établies par des clients, des fournisseurs, des banquiers, des commissaires aux comptes et d'anciens salariés, tous certifiant, selon M. B..., qu'ils avaient eu des relations professionnelles avec Argentine X..., comme il avait communiqué des agendas des années 1995 et 1996 que lui- même avait récupérés enfin de séance ; mais il s'infère des faits analysés supra et ci-après, que toutes les certifications dont il est fait état dont le contenu est à apprécier par un juge indépendant, et non par un ami, ne résistent pas à une série d'auditions complètes, avec garanties procédurales, effectuées par des officiers de police judiciaire - il s'infère aussi (que si les agendas 95/96 avaient existé, Argentine X... n'aurait eu aucune raison de refuser de les produire, puisque toute production en temps utile aurait évité le doute sur des compléments de prétendues preuves très tardives ;

ces "preuves" du travail d'Argentine X... sont inopérantes comme la certification par cet ami qui, au demeurant, ne se rendait dans la société que pour l'arrêté des comptes ou occasionnellement sur des sujets ponctuels ou lors des contrôles fiscaux, c'est-à-dire pour un nombre restreint d'unité de visites par année ; enfin, le fait que son collaborateur se rende une fois par mois dans la société est sans intérêt dès lors que l'ami, M. B..., ne peut pas témoigner pour son collaborateur qui, au demeurant, n'aurait pas pu attester de la permanence de la présence au travail d'Argentine X... en ne la voyant qu'une fois par mois ;

C) il était procédé aux auditions des banquiers :

* Crédit Coopératif, compte clôturé en 1998 sur décision de Manuel Y... : les deux gestionnaires du compte de la société Arsol déclaraient n'avoir affaire qu'à Manuel Y... et à Mme Y... (fille) et ne pas connaître la mère ; il voyait les deux premiers environ deux fois par an ; lorsqu'il venait environ une fois par an à la société, il ne discutait qu'avec le président directeur général et M. A... ;

* Banque Fortis (ex BPC) : le gestionnaire du compte de la société Arsol a déclaré avoir rencontré une fois par an Argentine X... accompagnée de son mari, et pour le quotidien avoir eu régulièrement à faire à Mme Y... (fille), qui faisait les remises de chèques ;

* BNP : la BNP refusait de communiquer tous renseignements sur Ic, compte de la société Arsol ainsi que le nom du gestionnaire du compte, et le directeur de l'agence sise à Saint-Denis, ne déférait pas à la convocation ;

D) il était pris contact avec une trentaine de clients de la société ARSOL, dont une vingtaine a répondu, les autres ayant déménagé ou ayant changé de personnel depuis lafin des relations avec la SA Arsol : ces clients déclaraient avoir eu à faire à la société Arsol, sélectionnée par appels d'offres parus dans le Moniteur, La Gazette du Val-d'Oise, l'Echo régional ; Arsol était employée soit en qualité d'entreprise générale, soit en qualité de sous-traitante ; ils avaient pour interlocuteur M. A..., connu soit comme patron D'Arsol, soit comme directeur technique ou commercial, et parfois à des commis de chantiers ou des métreurs ; ils n'avalent pas eu affaire avec Argentine X..., inconnue et plus rarement à M. N..., commis de chantiers, ou M. O..., conducteur de travaux ; M. A... était le signataire des chantiers pour la société Arsol ;

E) il était pris contact avec les restaurateurs :

l'Administration fiscale a communiqué une liste de noms de restaurants, relevés lors de ses contrôles dans les comptes de la société Arsol, et pour lesquels des notes avaient été enregistrées en charges pour la société (cinq à Paris 17ème, deux à Paris 8éme, et un à Perpignan) ; il était pris contact avec ces restaurants qui ne pouvaient donner aucun renseignement relatif à une Argentine X..., hormis : * Le Ballon des ternes à Paris 17ème : M. P..., directeur de l'établissement, entendu, déclarait qu'il connaissait Argentine X..., une femme de 60/65 ans, qui venait une quinzaine de fois par an au restaurant, le plus souvent avec des messieurs, étant visiblement des relations d'affaires pour les avoir entendus parler chantiers ; * Le Petrus à Paris 17ème qui indiquait qu'Argentine X... venait avec son mari trois fois par an environ ; * La Villa Duflot à Dragignan dont la directrice indiquait que M. et Mme Y... venait une fois par semaine dans son établissement entre 1992 et 1997, cette fréquentation relevant donc de la vie privée ; deux établissements avaient soit changé de propriétaire et gérant, soit été reconverti en un restaurant Buffalo Grill ; Argentine Z..., qui conteste, sans pertinence, que les employés administratifs, même de longue date, puissent avoir constaté l'absence effective au travail de sa mère (pourtant rémunérée de manière excessive et plus encore par ses avantages en nature occultes supportés par la société, savait qu'elle ne travaillait ni au siège où elle faisait quelques rares visites, ni par relations clientèles et bancaires, était avertie de ses obligations légales puisqu'au cours de l'année 1991, il avait été procédé à une vérification de comptabilité sur la période allant au 31 décembre 1989 ayant entraîné des redressements, puisque ensuite, comme présidente directrice générale, elle n'a pas manqué de constater les discordances entre chiffres d'affaires portés sur les déclarations de TVA et de résultats et qu'enfin, sa détermination dans les mêmes errements a perduré après le contrôle de 1995196 au titre des exercices 1992 et 1993, et ce sans discontinuité, même si les faits de l'exercice 1994 ne peuvent pas être pénalement appréhendés ; Argentine X... ne saurait invoquer une quelconque méconnaissance de la réalité des dissimulations de revenus imposables puisqu'elle savait qu'elle en dissimulait une grande partie dès lors qu'elle prenait en compte une faible partie des avantages dans ses déclarations, depuis des années et qu'en outre, elle s'était refusée à tirer les leçons des faits de même nature sanctionnés par des rappels d'impôts sur le revenu assortis de pénalités exclusives de bonne foi au titre des années 1992 et 1993 alors que la première vérification se déroulait en 1995196, en temps opportun pour en tirer les conséquences sur la déclaration de fin février (ou mars) 1996 ; s'agissant des abus de biens sociaux, Argentine X..., sachant son inactivité, depuis 1992, au détriment de la société a tiré tous éléments de rémunérations et avantages cumulés, pour un total de 9 569 782 F (ne comprenant pas les 2 736 560 F de 1994) ; pour ces deux périodes, ne comprenant pas 1994 (les précisions des sommes allouées sans cause figurant dans les décomptes reproduits de la vérification de comptabilité), il est établi qu'Argentine X... a obtenu de la société par la voie de la présidente directrice générale, sa fille, des sommes en numéraires et en nature par des avantages ci-dessus détaillés, sans avoir, au cours des années 1992 à 1996 concernées, produit en contrepartie un travail ou des prestations, qui n'ont été prétendues existantes que par ceux qui étaient poursuivis ou en cours de poursuites (Argentine Z...) ou susceptibles de l'être, comme complice, et très complaisant comptable, ou titulaire d'une autre qualité ou fonction et qui, par conséquent, n'avaient pas intérêt à témoigner contre eux-mêmes, en faisant état de la réalité de l'absence de travail d'Argentine X... ; le fait de remettre des fonds ou des avantages ayant une valeur financière constitue le premier élément matériel caractérisé en l'espèce à l'encontre d'Argentine Z... ; ces remises étaient nécessairement préjudiciables à la société dans la mesure où, déclarées partiellement ou non déclarées, elles n'étaient nullement causées et étaient donc susceptibles d'entraîner des poursuites pénales fiscales ou pour le moins des redressements sur les résultats assortis d'intérêts de retards (non négligeables puisque, en principe, de 0, 75 % par mois) et des majorations de 40 % (prévues en cas de mauvaise foi) du montant fraudé ; le préjudice était donc au moins financier-fiscal, et plus vraisemblablement pénal-fiscal ; ce deuxième élément matériel est donc caractérisé ; Argentine X..., qui savait ne fournir aucune prestation de travail en contrepartie des 9,5 MF perçus en quatre ans a sciemment recélé ces fonds qu'elle savait provenir de la société " ;

"alors que, d'une part, il ne saurait être déduit du fait qu'Argentine X... ne se rendait dans les locaux de la société que deux ou trois fois par semaine qu'elle n'exerçait pas une activité effective de direction au sein de la société, cette activité, par nature différente des activités exercées par les salariés auditionnés et en tant que telle difficilement appréciable par eux, ne nécessitant pas une présence quotidienne dans l'entreprise ;

"alors que, d'autre part, pour considérer qu'Argentine X... avait été rémunérée pour un travail fictif, la cour d'appel ne pouvait pas plus se fonder sur les seules déclarations de quelques clients de la société ARSOL n'ayant pas traité avec elle, celle-ci ayant spécifié s'être occupée principalement de deux clients non entendus, et sur celle d'un banquier qui, n'ayant affaire avec les dirigeants de la société que quelque fois par an, pouvait ne pas la connaître ;

"alors qu'en outre il ne saurait être déduit du fait qu'Argentine X... allait avec son mari une fois par semaine dans un restaurant et une fois par mois dans un autre qu'elle ne travaillait pas au sein de la société ARSOL ; que le fait, relevé par la cour d'appel, que le directeur d'un établissement ait déclaré qu'Argentine X... était venue plusieurs fois par an avec des relations d'affaires avec lesquelles elle parlait de chantiers établit à l'inverse qu'elle travaillait bien, notamment à l'occasion de ces déjeuners, pour la société ARSOL dont l'objet était la pose de revêtements de sol ;

"alors qu'au surplus la cour d'appel ne pouvait considérer que parce qu'il ne se rendait que rarement dans les locaux de l'entreprise, M. B... n'était pas apte à juger de l'effectivité du travail d'Argentine X... ; qu'elle ne pouvait refuser de prendre en compte sa déclaration et celle de M. A..., qui travaillaient tous deux au sein de l'entreprise depuis plusieurs dizaines années, au prétexte qu'ils étaient amis des dirigeants de cette entreprise familiale ; qu'elle ne pouvait, sans porter atteinte à leur présomption d'innocence, refuser de prendre en compte l'ensemble des déclarations opposées par les prévenues au motif que leur auteurs seraient " susceptibles d'être poursuivis " ;

"alors que par ailleurs faute d'avoir constaté l'élément intentionnel de l'infraction d'abus de biens sociaux, la cour d'appel a privé sa décision d'une motivation suffisante ;

"alors qu'enfin la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les éléments constitutifs de l'infraction d'abus de biens sociaux, ne pouvait déclarer Argentine X... coupable de recel de biens provenant d'un abus des biens ou du crédit de la société" ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenues coupables ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 2, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable la constitution de partie civile de la Direction des Services fiscaux du Val-d'Oise ;

"aux motifs qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions civiles :

- quant à la recevabilité de la constitution de partie civile ;

- quant à la déclaration de solidarité d'Argentine Z... avec la SA ARSOL pour le paiement des impôts fraudés et à celui des pénalités y afférentes ;

il n'y a pas lieu à contrainte par corps ;

"alors que la cour d'appel ne pouvait déclarer recevable la constitution de partie civile de la Direction des Services fiscaux du Val-d'Oise sans établir en quoi consistait le préjudice résultant pour la partie civile de la fraude fiscale dont Argentine Z... a été déclarée coupable et sans répondre au moyen par lequel elle faisait valoir que si elle n'avait pas concédé à Argentine X... des salaires et avantages en nature, la société Arsol aurait versé les sommes correspondantes sous forme de dividendes et que les impôts payés à ce titre auraient été de même niveau que ceux mis à la charge de la société au titre des salaires" ;

Attendu qu'en recevant la constitution de partie civile de l'administration des Impôts, sur le fondement de l'article L. 232 du Livre des procédures fiscales, et en déclarant Argentine Z... solidairement tenue avec la société Arsol au paiement des impôts fraudés ainsi qu'à celui des pénalités y afférentes, la cour d'appel, qui a répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a fait l'exacte application de l'article 1745 du Code général des impôts ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;