CA Paris, Pôle 5 ch. 9, 13 janvier 2022, n° 21/12583
PARIS
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Eco Mobilier (SAS)
Défendeur :
BTSG (SCP), Orchestra Premaman (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Mollat
Conseillers :
Mme Rohart, Mme Coricon
Avocats :
Me Regnier, Me Contis, Me Dupuy, Me Labatut
Exposé des faits et de la procédure
Par actes d'huissier en date des 8 et 10.03.2021 la SAS ECO MOBILIER a fait assigner devant le juge des référés du tribunal de commerce de PARIS la SA ORCHESTRA PREMAMAN, Me AUSSEL et la SCP BTSG pris en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société ORCHESTRA PREMAMAN pour voir condamner la SCP BTSG et Me AUSSEL, es qualités, à lui payer la somme de 53.974,93 euros correspondant au paiement des factures du 6.04.2020 et du 7.07.2020 avec intérêts, outre une somme au titre de l'article 700.
Par ordonnance de référé en date du 24.06.2021 le juge des référés a débouté la SAS ECO MOBILIER de sa demande et l'a condamné à payer aux organes de la procédure collective la somme de 2000 euros, en relevant que les créances alléguées d'ECO MOBILIER étaient nées après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde mais avant le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire et qu'elles devaient donc être régulièrement produites auprès des organes de la liquidation.
La SAS ECO MOBILIER a formé appel de la décision le 5.07.2020.
Aux termes de ses conclusions signifiées par voie électronique le 29.10.2021 elle demande à la cour d’appel :
- d'infirmer l'ordonnance de référé rendue le 24.06.2021 par le président du tribunal de commerce de PARIS,
- statuant à nouveau
- de condamner la société BTSG prise en la personne de Me SENECHAL, et Me AUSSEL es qualités de liquidateurs judiciaires de la société ORCHESTRA PREMAMAN à lui payer à titre de provision la somme de 53.974,93 euros TTC correspondant au paiement des factures du 6.04.2020 et du 7.07.2020 avec intérêts au taux légal majoré de trois points à compter du lendemain de la date d'échéance de chacune des factures,
- de condamner la société BTSG et Me AUSSEL, es qualités, à lui payer la somme de 8000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance
- de dire et juger que l'arrêt à intervenir sera opposable à la société ORCHESTRA PREMAMAN.
Elle expose :
- que la société ORCHESTRA a conclu auprès d'elle un contrat d'adhésion le 21.03.2018 pour la collecte, l'enlèvement et le traitement des déchets d'éléments d'ameublement
- que le 24.09.2019 elle a été placée sous sauvegarde
- que le 14.01.2020 la société ORCHESTRA a conclu un nouveau contrat d'adhésion avec ECO MOBILIER
- que le 29.04.2020 le tribunal de commerce de MONTPELLIER a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire
- qu'elle a notifié aux administrateurs judiciaires désignés l'existence du contrat par lettre recommandée en date du 27.10.2020
- qu'en l'absence de réponse des administrateurs elle a mis en demeure ceux ci de payer les factures émises postérieurement au jugement d'ouverture,
- que les factures n'ont pas été réglées
- que le 2.02.2021 le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire
- que ses factures n'ayant toujours pas été payées elle a assigné les parties devant le juge des référés du tribunal de commerce de PARIS qui a rendu l'ordonnance critiquée.
Elle expose qu'elle intervient dans le cadre du décret du 6.01.2012 relatif à la gestion des déchets d'éléments d'ameublements imposant aux fabricants, importateurs et distributeurs d'élements d'ameublement de prendre en charge la collecte sélective puis le recyclage ou le traitement des déchets issus des éléments d'ameublement qu'ils fabriquent ou commercialisent et que le principe de la REP (responsabilité élargie des producteurs) est désormais codifié aux articles L 541-10 et suivants du code de l'environnement, que c'est dans ce cadre qu'ORCHESTRA a souscrit un contrat d'adhésion auprès d'elle.
Elle fait valoir que les éco participations sont déterminées à partir des déclarations effectuées par chaque adhérent retraçant le nombre d'unités d'élément d'ameublement mis en marché au titre d'une période, que ces éco participations sont mis à la charge du consommateur final mais récoltées par le metteur en marché sur un principe identique à la collecte de la TVA.
Elle expose qu'ORCHESTRA a contracté un premier contrat le 21.03.2018 puis un second contrat le 14.01.2020, qu'elle a ainsi déclaré les quantités d'éléments d'ameublement qu'elle a mises sur le marché au cours des 1er et 2nd trimestres 2020 et qu'ECO MOBILIER a adressé les factures correspondantes du 6.04.2020 pour 23.112,77 euros et 7.07.2020 pour 30.862,16 euros, qu'il s'agit de créances postérieures au jugement d'ouverture et que tant les dispositions du code de commerce article L 641-13 I que la jurisprudence garantissent aux créanciers postérieurs un paiement prioritaire de leur créance même après l'ouverture d'une liquidation judiciaire de telle sorte que sa créance n'est pas sérieusement contestable, et n'est d'ailleurs pas contestée par les liquidateurs, et qu'il y a lieu de faire droit à sa demande de condamnation dans la mesure où ses factures n'ont pas été payées à leur échéance.
Elle expose que les articles L 622-17, L 641-3 II et L 643-8 du code de commerce dans leur version à jour de l'ordonnance n°2021-1193 du 15.09.2021 entrée en vigueur le 1.10.2021 sont inapplicables au présent litige puisqu'en vertu de l'article 73 I de la même ordonnance les dispositions de celle ci entrent en vigueur le 1.10.2021 et ne sont pas applicables aux procédures en cours au jour de son entrée en vigueur.
Elle fait valoir que contrairement à ce que soutiennent les organes de la procédure elle dispose d'une créance privilégiée et qu'elle n'a pas à attendre l'établissement de la liste de l'ensemble des créances de la société et un paiement en fonction de son rang.
Aux termes de ses conclusions la société ORCHESTRA PREMAMAN représentée par Me AUSSEL et la SCP BTSG en leurs qualités de mandataires liquidateurs demande à la cour de rejeter l'appel, de confirmer l'ordonnance rendue en ce qu'elle a débouté la société ECO MOBILIER de l'ensemble de ses prétentions et de la condamner à lui payer la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Ils font valoir les dispositions de l'article L 622-17 du code de commerce et exposent que s'agissant d'une créance antérieure de la procédure de liquidation judiciaire elle obéit aux règles de paiement des créanciers fixées par le code de commerce au III de l'article L 622-17, qu'en conséquence le paiement interviendra après qu'ait été établie la liste de l'ensemble des créances soumises aus dispositions de l'article L 622-27 du code de commerce et en fonction du rang de la créance de la société ECO MOBILIER.
Ils indiquent qu'ils se basent sur les dispositions antérieures à l'ordonnance du 15.09.2021.
Ils précisent que les travaux sont en cours et que la liste n'a pas encore été déposée mais qu'il ressort desdits travaux que la créance de la société ECO MOBLIER sera admise pour la somme de 53.974,93 euros.
MOTIFS DE LA DECISION
La société ORCHESTRA a conclu auprès d'ECO MOBILIER un contrat d'adhésion le 21.03.2018 pour la collecte, l'enlèvement et le traitement des déchets d'éléments d'ameublement.
Le 24.09.2019 elle a été placée sous sauvegarde
Le 14.01.2020 la société ORCHESTRA a conclu un nouveau contrat d'adhésion avec ECO MOBILIER.
Le 29.04.2020 le tribunal de commerce de MONTPELLIER a converti la procédure de sauvegarde en redressement judiciaire.
ECO MOBILIER a émis deux factures en date des 6.04.2020 pour 23.112,77 euros et en date du 7.97.2020 pour 30.812,16 euros.
Le 2.02.2021 le tribunal de commerce a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire.
Les deux créances dont le paiement était réclamé devant le juge des référés ont été émises pendant la période de redressement judiciaire de telle sorte que ce sont les dispositions de l'article L 622-17 du code de commerce qui doivent recevoir application.
L'article L 622-17 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à la date de l'ouverture de la procédure collective, dispose que
I.- Les créances nées régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, sont payées à leur échéance.
II.- Lorsqu'elles ne sont pas payées à l'échéance, ces créances sont payées par privilège avant toutes les autres créances, assorties ou non de privilèges ou sûretés, à l'exception de celles garanties par le privilège établi aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8 du code du travail, des frais de justice nés régulièrement après le jugement d'ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure et de celles garanties par le privilège établi par l'article L. 611-11 du présent code.
III.- Leur paiement se fait dans l'ordre suivant :
1° Les créances de salaires dont le montant n'a pas été avancé en application des articles L. 3253-6, L. 3253-8 à L. 3253-12 du code du travail ;
2° Les prêts consentis ainsi que les créances résultant de l'exécution des contrats poursuivis conformément aux dispositions de l'article L. 622-13 et dont le cocontractant accepte de recevoir un paiement différé ; ces prêts et délais de paiement sont autorisés par le juge commissaire dans la limite nécessaire à la poursuite de l'activité pendant la période d'observation et font l'objet d'une publicité. En cas de résiliation d'un contrat régulièrement poursuivi, les indemnités et pénalités sont exclues du bénéfice du présent article ;
3° Les autres créances, selon leur rang.
IV.- Les créances impayées perdent le privilège que leur confère le II du présent article si elles n'ont pas été portées à la connaissance de l'administrateur et, à défaut, du mandataire judiciaire ou, lorsque ces organes ont cessé leurs fonctions, du commissaire à l'exécution du plan ou du liquidateur, dans le délai d'un an à compter de la fin de la période d'observation. Lorsque cette information porte sur une créance déclarée pour le compte du créancier en application de l'article L. 622-24, elle rend caduque cette déclaration si le juge n'a pas statué sur l'admission de la créance.
Il n'est pas contesté par les intimés que les créances remplissent les conditions prévues par le texte pour un paiement privilégié s'agissant de créances nées pour les besoins de la période d'observation puisque les factures émises par ECO MOBILIER ont permis la poursuite de l'activité de vente de meubles dans le respect des dispositions légales concernant la gestion des déchets, pendant la période d'observation.
La question soumise à la cour relève de l'articulation de la règle du paiement à l'échéance prévue au I de l'article L 622-17 du code de commerce et de l'ordre des privilèges institué par le III du même article.
Or aux termes d'une jurisprudence constante la règle du paiement à l'échéance prévue au I de l'article L 622-17 est générale sans que la règle prévue au III du même article ne puisse faire obstacle à la demande de paiement présentée, en application du I, par le créancier remplissant les conditions de l'article L 622-17 comme en l'espèce.
En application de cette règle du paiement à l'échéance le créancier dispose d'un droit de poursuite individuelle et peut à ce titre obtenir un titre exécutoire.
En conséquence il convient d'infirmer l'ordonnance de référé rendue ayant rejeté la demande de la société ECO MOBILIER et statuant à nouveau de condamner Me AUSSEL et la SCP BTSG en leur qualité de liquidateur judiciaire de la société ORCHESTRA PREMAMAN à payer à la société ECO MOBILIER la somme de 53.974,93 euros TTC correspondant au paiement des factures du 6.04.2020 et du 7.07.2020 avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation en référé.
Il est inéquitable de laisser la société ECO MOBILIER supporter les frais irrépétibles engagés pour assurer sa défense et il convient de lui allouer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.
PAR CES MOTIFS
Infirme l'ordonnance de référé rendue par le juge des référés du tribunal de commerce de PARIS en date du 24.06.2021
Et statuant à nouveau :
Condamne la société BTSG prise en la personne de Me SENECHAL, et Me AUSSEL es qualités de liquidateurs judiciaires de la société ORCHESTRA PREMAMAN à payer à la société ECO MOBILIER à titre de provision la somme de 53.974,93 euros TTC correspondant au paiement des factures du 6.04.2020 et du 7.07.2020 avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation en référé,
Condamne la société BTSG et Me AUSSEL, es qualités, à payer à la société ECO MOBILIER la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que les dépens seront passés en frais privilégiés de procédure collective.