Cass. 1re civ., 17 mai 2023, n° 22-16.290
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
PARTIES
Demandeur :
Actimeat
Défendeur :
AIG Europe Limited, Axa France IARD
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Guihal
Rapporteur :
M. Ancel
Avocat général :
Mme Cazaux-Charles
Avocats :
Me Haas, SCP Boutet et Hourdeaux, SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 21 octobre 2021), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 2 septembre 2020, pourvoi n° 19-15.800), la société AIG Europe, assureur de la société Star stabilimento alimentare Spa (la société Star), agissant en tant que subrogée aux droits de celle-ci après paiement effectué à sa société mère, a assigné la société Actimeat, ainsi que son assureur, la société Axa France IARD, en responsabilité pour livraison d'ingrédients alimentaires défectueux et non conformes que la société Star incorporait à ses propres produits.
Recevabilité du pourvoi
2. La société Aig Europe conteste la recevabilité du pourvoi. Elle soutient que la société Actimeat n'a pas d'intérêt à agir.
3. Cependant, la société Actimeat, qui a été déclarée responsable du fait de produits défectueux par l'arrêt de la cour d'appel, a intérêt, au sens de l'article 609 du code de procédure civile, à former un pourvoi contre cette décision, même en l'absence de condamnation pécuniaire à son encontre.
4. Le pourvoi est donc recevable.
Moyens
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Actimeat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que la convention de Vienne du 11 avril 1980 s'applique de manière exclusive, lorsqu'elle n'est pas écartée par la volonté des parties ; qu'après avoir retenu que la société Actimeat remplissait les conditions d'exonération de responsabilité de l'article 79 de la convention de Vienne et n'engageait de ce fait pas sa responsabilité sur le fondement de ladite convention, invoquée par les parties, la cour d'appel retient néanmoins la responsabilité de la société Actimeat dans la survenance du dommage subi par la société Star sur le fondement de la responsabilité des produits défectueux des articles 1386-2 et suivants anciens du code civil, en quoi elle a violé ces textes par fausse application et les articles 3 du code civil, 12 du code de procédure civile et 6 de la convention de Vienne du 11 avril 1980. »
Motivation
Réponse de la Cour
Vu les articles 1, § 1, 6, 7, § 2, 35, § 1, 74 et 79 de la Convention de Vienne sur les contrats de vente internationale de marchandises du 11 avril 1980 (CVIM), à laquelle la France et l'Italie sont parties :
6. Selon le premier de ces textes, la Convention s'applique aux contrats de vente de marchandises entre des parties ayant leur établissement dans des États différents lorsque ces États sont des États contractants.
7. Il résulte de la combinaison du deuxième et du troisième que, dès lors que les parties n'ont pas entendu exclure l'application de la Convention, les questions expressément tranchées par celle-ci sont réglées exclusivement par ses stipulations.
8. Aux termes du quatrième, le vendeur doit livrer des marchandises dont la quantité, la qualité et le type répondent à ceux qui sont prévus au contrat.
9. Les deux derniers textes visés prévoient les conditions d'indemnisation des contraventions au contrat et les hypothèses d'exonération de responsabilité.
10. Pour décider d'examiner la responsabilité de la société Actimeat dans la survenance du dommage subi par la société Star sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux, l'arrêt retient qu'aucune responsabilité sur le fondement de la CVIM pour défaut de conformité de la marchandise ne peut lui être imputée du fait de l'exonération prévue à l'article 79 de cette Convention.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que le différend portait sur des dommages causés aux biens d'une société ayant son établissement en Italie par la livraison, par sa cocontractante ayant son établissement en France, de marchandises dont le type ne correspondait pas à celui qui était prévu au contrat, d'autre part, que les parties n'avaient pas exclu l'application de la CVIM, de sorte que celle-ci, dont les conditions de mise en oeuvre étaient réunies, régissait de manière exclusive la question de la responsabilité du vendeur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt ayant rejeté la demande de la société Actimeat de juger qu'elle n'était pas responsable entraîne la cassation de la condamnation de la société Axa au paiement de diverses sommes envers la société Aig Europe qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
Dispositif
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 octobre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Versailles autrement composée ;
Condamne la société AIG Europe Limited aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mai deux mille vingt-trois.