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Décisions

Cass. crim., 31 mai 2006, n° 05-86.635

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Cotte

Rapporteur :

Mme Degorce

Avocat général :

M. Mouton

Avocat :

SCP Waquet, Farge et Hazan

Aix-en-Provence, du 21 sept. 2005

21 septembre 2005

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article L. 241-3-4 du code de commerce, 121-3 du code pénal, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian X... coupable d'abus de biens sociaux, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que Christian X... a reconnu, le 17 octobre 2001, avoir remboursé à la société une dette de 900 000 francs à la fin de l'année 1999 par un versement de 300 000 francs et le blocage du produit de la cession de ses parts à hauteur de 600 000 francs ; qu'il a précisé que, compte tenu de ces opérations, son compte courant présentait une position créditrice, au 31 décembre 1999, d'environ 97 000 francs ; qu'il résulte donc de ses propres déclarations qu'avant ces remboursements, son compte courant était débiteur d'au moins 800 000 francs ; que le délit d'abus de biens sociaux est constitué ;

"alors, d'une part, que la seule constatation que le compte courant d'un associé est débiteur ne caractérise pas, à elle seule, un abus de biens sociaux ;

"alors, d'autre part, que l'abus des biens ou du crédit d'une société ne constitue un délit que s'il est contraire à l'intérêt de celle-ci et fait dans l'intérêt, direct ou indirect, de son dirigeant ; que tel n'est pas le cas d'avances faites à un dirigeant, remboursées par lui par la suite, ayant donné lieu, en attendant, à une minoration de déclaration du chiffre d'affaires, laquelle a eu pour résultat de minorer substantiellement la dette de la société au titre de la TVA et d'en différer le paiement ; que, en retenant néanmoins le délit d'abus de biens sociaux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, enfin, que le délit d'abus de biens sociaux nécessite la mauvaise foi du dirigeant social ; que le seul fait que le compte courant d'associé du dirigeant se trouve être, pendant un certain temps, débiteur ne saurait donc caractériser l'abus de biens sociaux ; qu'en se bornant à constater que le compte courant d'associé de Christian X... avait été, avant son remboursement intégral en 1999, "débiteur d'au moins 800 000 francs", sans préciser en quoi Christian X..., en recevant ces avances remboursées par la suite, aurait agi de mauvaise foi, c'est-à-dire aurait eu la conscience d'agir contrairement aux intérêts de la société, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'élément intentionnel de l'infraction et a violé les textes susvisés" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 et 1745 du code général des impôts, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, principes de proportionnalité et de personnalisation de la peine, 121-3 du code pénal, et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Christian X... coupable de fraude fiscale, et l'a condamné de ce chef, en le déclarant également, sur l'action civile de l'administration des impôts, tenu solidairement avec la SARL CM Audit au paiement de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales y afférentes ;

"aux motifs que Christian X... a reconnu, le 17 octobre 2001, avoir minoré les déclarations de TVA de la SARL CM Audit pour la période comprise entre le 1er janvier 1997 et le 30 juillet 1998 au cours de laquelle il était le seul gérant de la société ; qu'il ne discute ni le montant ni la date des minorations relevées par l'administration fiscale ; que, dans ces conditions, le fait qu'il n'ait pas eu accès à la comptabilité de la société n'a pu lui causer aucun préjudice ; que l'élément intentionnel de l'infraction résulte du caractère systématique de ces minorations ;

"alors, d'une part, que toute personne a droit à un procès équitable, ce qui signifie que, lorsqu'un ancien gérant d'une SARL est poursuivi pour fraude fiscale, et n'a plus, du fait de sa démission, accès aux comptes sociaux, l'administration des Impôts doit lui communiquer les documents comptables sur lesquels elle fonde ses accusations et prétentions ; qu'en l'espèce, Christian X..., qui avait, certes, admis l'existence d'une minoration des déclarations de TVA de la SARL CM Audit, ne s'était abstenu de discuter le montant et la date de ces minorations que parce qu'il n'était pas en mesure de le faire, faute d'avoir reçu communication des documents nécessaires par l'administration des Impôts ; qu'en constatant expressément que le prévenu, qui se plaignait de ce défaut de communication, n'avait pas eu accès à la comptabilité de la société, tout en affirmant que cette méconnaissance du principe du contradictoire ne lui aurait causé aucun préjudice, dès lors qu'il ne discutait "ni le montant ni la date des minorations", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

"alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, Christian X... faisait valoir que l'élément intentionnel du délit faisait défaut, dès lors que le non-paiement partiel de la TVA n'avait pas eu pour effet la disparition de l'impôt, mais un décalage dans son versement par rapport à son encaissement (cf. conclusions page 10) et que la dette de TVA figurait au passif des bilans de la société (cf. conclusions page 11) ; qu'en se bornant à déduire l'élément intentionnel du "caractère systématique des minorations", sans s'expliquer sur ce moyen péremptoire de défense du prévenu, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.