CA Paris, Pôle 6 ch. 9, 22 juin 2011, n° 10/01294
PARIS
Arrêt
PARTIES
Demandeur :
GUILLOT
Défendeur :
LA COMÉDIE FRANÇAISE (EPIC)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme LAMBLING
Conseillers :
Mme DESMURE, M. HOLLEAUX
Avocats :
Me LIENHARDT, Me STEIN
Mme Guillot a été engagée le 22 mars 1996 en qualité d'artiste dramatique intermittent du spectacle par la Comédie-Française qui est un établissement public national à caractère industriel et commercial ;
Elle a acquis le statut de pensionnaire par contrat à durée indéterminée du 1er février 1997.
Après un entretien préalable le 23 décembre 2003, Mme Guillot a été licenciée par lettre recommandée du 26 décembre 2003.
Mme Guillot a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant à voir condamner la Comédie-Française à lui verser divers rappels de rémunération, des compléments d'indemnité de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour exploitation non autorisée de ses interprétations et de son image.
Par arrêt partiellement infirmatif du 19 juin 2008, la cour d'appel de Paris a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamné la Comédie-Française à verser à Mme Guillot les sommes de 45 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et 630 euros à titre de dommages-intérêts pour exploitation non autorisée de ses enregistrements radiophoniques.
La cour a par ailleurs débouté Mme Guillot de ses demandes de rappel de salaires, de complément de primes de fin d'année, de congés payés, d'indemnités de licenciement et de remise de documents rectifiés, ainsi que de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire et pour l'exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des films 'Le Legs' et 'Georges Dandin' et a déclaré irrecevable la demande d'interdiction d'exploitation des interprétations de Mme Guillot dans le cadre audiovisuel et radiophonique.
Saisie du pourvoi formé par Mme Guillot, la chambre sociale de la Cour de cassation a, par arrêt du 6 janvier 2010, cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme Guillot de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire et pour exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des films 'Le Legs' et 'Georges Dandin', l'arrêt rendu le 19 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Paris , remis en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée.
C'est dans ces circonstances de fait que Mme Guillot a saisi la présente cour de renvoi à laquelle elle demande de :
- dire la Comédie Française irrecevable à solliciter la suppression de certains passages des écritures pour atteinte à l'autorité de la chose jugée
- reconnaître que le licenciement de Mme Guillot constitue une mesure discriminatoire au sens de l'article L 1132-1 du code du travail
- condamner la Comédie Française à lui payer les sommes suivantes :
* 463 728 euros en application de l'article L 1134-5 du code du travail, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du licenciement discriminatoire
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice professionnel résultant de la précipitation dans le licenciement
* 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice professionnel résultant de la mise en cause de ses capacités professionnelles
* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la dissimulation de la réelle cause de licenciement
* 19 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral distinct du licenciement
- dire que la cassation sur la question des dommages et intérêts liés à l'exploitation des interprétation de Mme Guillot s'étend nécessairement à la question de la poursuite ou de l'interdiction de ces exploitations illicites.
- condamner la Comédie Française à payer à Mme Guillot en application de l'alinéa 2 de l'article L 331-1-3 du code de la propriété industrielle à tire de dommages et intérêts forfaitaire pour exploitation non autorisée de son interprétation dans le cadre du film Georges DANDIN une somme de 14 500 euros et lui interdire toute exploitation de ses interprétations dans le cadre de cette production audiovisuelle sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée en matière de télédiffusion et 300 euros par infractions constatées en matière de vente ou de mise à disposition de supports enregistrés, quinze jours après la notification de la décision à intervenir, outre les éventuels frais de constatation des infractions, sauf à conclure pour l'avenir avec Mme Guillot un contrat autorisant ces exploitations.
- condamner la Comédie Française à payer à Mme Guillot en application de l'alinéa 2 de l'article L 331-1-3 du code de la propriété industrielle à titre de dommages et intérêts forfaitaire pour exploitation non autorisée de son interprétation dans le cadre du film LE LEGS une somme de 11 500 euros et lui interdire toute exploitation de ses interprétations dans le cadre de cette production audiovisuelle sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée en matière de télédiffusion et 300 euros par infractions constatées en matière de vente ou de mise à disposition de supports enregistrés, quinze jours après la notification de la décision à intervenir, outre les éventuels frais de constatation des infractions, sauf à conclure pour l'avenir avec Mme Guillot un contrat autorisant ces exploitations.
- se réserver la liquidation des astreintes prononcées
- condamner la Comédie Française à payer à Mme Guillot la somme de 7 500 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Intimée, la Comédie-Française requiert la cour de débouter Mme Guillot de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui verser la somme de 2 euros à titre de dommages-intérêts en raison des propos injurieux et outrageants tenus dans ses écritures ainsi que la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un complet exposé, la cour se réfère expressément aux écritures que les parties ont déposées et développées oralement à l'audience du 4 mai 2011 .
MOTIFS
Considérant, à titre liminaire, que l'arrêt du 19 juin 2008 a définitivement rejeté la demande de suppression de certains passages des écritures de Mme Guillot, ce dont il suit que la comédie-Française ne peut utilement présenter la même demande à la présente cour de renvoi, dont la saisine est circonscrite aux chefs de décision de l'arrêt du 19 juin 2008 qui ont été cassés par la Cour de cassation, c'est à dire aux demandes de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire et pour exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des films 'Le Legs' et 'Georges Dandin', ainsi qu'à d'éventuelles prétentions nouvelles;
Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement discrimintaoire :
Considérant que la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt du 19 avril 2008 en ce qu'il a débouté Mme Guillot de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire pour défaut de base légale pris en substance de ce que, pour décider que Mme Guillot n'apportait pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence de la discrimination alléguée, la cour d'appel n'avait pas tenu compte de la proximité entre la seconde grossesse de Mme Guillot et la décision de la licencier, qui découlait des données de fait, et de la lettre d'une sociétaire de la Comédie-Française, dont le contenu pouvait laisser supposer que la situation de famille de Mme Guillot avait motivé son licenciement,
Considérant que si le salarié qui se prétend victime d'une discrimination présente des éléments de fait laissant supposer l'existence de celle-ci, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Considérant en l'espèce que, pour prétendre à l'infirmation du jugement, Mme Guillot fait valoir qu'elle justifie d'éléments de fait laissant supposer que sa situation de famille a motivé son licenciement et que la Comédie-Française n'est plus en mesure de justifier que son licenciement reposait sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, puisque la cour d'appel a définitivement jugé le 19 avril 2008 que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Considérant cependant que l'autorité de chose jugée attachée aux dispositions non cassées de l'arrêt rendu le 19 avril 2008, dont celle qui a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme Guillot, ne prive pas la Comédie-Française du droit de défendre à la présente instance et, partant, dans l'hypothèse où Mme Guillot justifierait de faits laissant présumer l'existence d'un licenciement discriminatoire pris de la situation de famille de Mme Guillot, de faire la démonstration que ces faits n'ont pas procédé d'un comportement discriminatoire de sa part ;
Considérant qu'au titre des éléments de faits laissant supposer qu'elle a été victime d'une mesure discriminatoire à raison de sa situation de famille, Mme Guillot invoque son absence d'avancement depuis sa première grossesse, l'extrême proximité entre son deuxième accouchement et son licenciement, les reproches verbaux des membres du comité d'administration dictés par la jalousie des membres féminins du comité d'administration, ainsi qu'une lettre de soutien de Mme de Bayser ;
Considérant que si la lettre que Mme de Bayser, sociétaire de la Comédie-Française, a adressé à Mme Guillot dès après l'annonce de son licenciement, qui contenait la phrase suivante 'les enfants sont pour moi ce qu'il y a de plus beau au monde et tu as fait le bon, le meilleur choix' pouvait laisser supposer que le choix de Mme Guillot de fonder une famille et d'avoir des enfants avait motivé son licenciement, la Comédie-Française verse désormais au débat une attestation de Mme de Bayseraux termes de laquelle en substance celle-ci s'étonne que sa lettre de soutien à une camarade avec laquelle elle avait partagé une aventure théâtrale ait été utilisée à des fins accusatoires contre la Comédie-Française, indique qu'elle a été engagée par la Comédie-Française alors qu'elle était mère de quatre enfants en bas âge, qu'elle est 'persuadée que si d'autres critères qu'artistiques avaient été pris en considération', elle aurait été renvoyée avant Claudie Guillot, et ajoute: '...il est prétendu que je laisse sous-entendre que le choix de vie de Claudie Guillot était la cause de son licenciement. Jeréfute cette assertion'; que Mme Guillot soutient certes que Mme de Bayser est contrainte de 'tenter de revenir sur le sens qu'il convient de donner à son témoignage spontané'; que la cour ne partage cependant pas cette analyse et estime que l'attestation de Mme de Bayser ne remet pas en cause le contenu de sa lettre du 18 décembre 2003 aux termes de laquelle elle indiquait aussi: 'je vois que tout est toujours très subjectif dans cette drôle de Maison' mais en éclaire le sens, à savoir un témoignage d'amitié et une tentative de réconforter une camarade qui vient de subir un licenciement en valorisant son rôle maternel ;
Considérant ensuite qu'il est constant qu'engagée le 1er février 1997, Mme Guillot a bénéficié de trois promotions, toutes les trois antérieures à l'année où elle a été pour la première fois enceinte, et qu'elle n'a plus alors été promue jusqu'en décembre 2003, date à laquelle, dans les semaines qui ont suivi sa reprise d'activité après son second congé de maternité, elle a été licenciée; que Mme Guillot justifie ainsi de faits pouvant laisser supposer que sa situation de famille a été à l'origine de son licenciement ; que cependant, la Comédie-Française justifie que le comité d'administration appelé à statuer sur toutes les questions relatives à la troupe, dont notamment la poursuite ou la cessation du contrat de travail des pensionnaires, se réunit tous les ans pendant la première quinzaine du mois de décembre, de sorte ainsi que la proximité de date entre le retour de congé de maternité de Mme Guillot et la décision de la licencier est la conséquence mécanique de ce que le congé de maternité a pris fin au mois de novembre, quelques semaines avant la date de réunion annuelle du comité d'administration ; que, s'agissant de ce que Mme Guillot n'a plus bénéficié de promotion à compter de l'année 2002 où elle était enceinte de son premier enfant, la Comédie-Française justifie que Mme Guillot n'a pas non plus bénéficié de promotion au titre de l'année 2000 où elle n'était pas enceinte, que les trois promotions dont elle a bénéficié concernaient l'ensemble des échelons de la grille précédant la catégorie hors échelle et, exemples à l'appui, qu'il n'est pas exceptionnel de rester positionné pendant plusieurs années en catégorie E4 ;
Et considérant que Mme Guillot affirme mais ne justifie pas de reproches formuléespar des membres du comité d'administration, qui, mûs selon elle par des sentiments de jalousie, lui auraient verbalement reproché de privilégier sa vie de famille sur son métier de comédienne, puisqu'elle n'est pas en mesure d'en établir l'effectivité et que la Comédie-Française nie avec force la réalité de tels reproches ;
Considérant que du tout, il résulte que la Comédie-Française justifie que les faits établis par Mme Guillot et susceptibles de laisser supposer qu'elle a été victime de discrimination en raison de sa situation de famille s'expliquent par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ;
Considérant qu'il s'ensuit que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme Guillot de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire ;
Considérant que les demandes indemnitaires nouvelles présentées par Mme Guillot, pour préjudice professionnel et pour préjudice moral résultant des faits de discrimination seront par suite également rejetées ;
Sur l'exploitation non autorisée des interprétations de Mme Guillot dans le cadre des films 'Le Legs' et 'Georges Dandin':
Considérant que, saisie par Mme Guillot d'une demande de dommages-intérêts pour l'exploitation non autorisée de ses interprétations dans le cadre des deux films précités et d'une demande d'interdiction d'exploiter ses interprétations, la cour d'appel a jugé irrecevable la demande d'interdiction et rejeté la demande de dommages-intérêts aux motifs en substance que le contenu des contrats passés par la Comédie-Française pour la création des oeuvres 'Le Legs' et 'Georges Dandin' mettait en évidence sa qualité de 'co-producteur' à leur réalisation et que Mme Guillot ne pouvait invoquer le bénéfice de la présomption de cession des droits d'interprétation prévue par l'article L.212-4 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant que la cour de cassation a cassé et annulé cette décision au motif qu'en statuant ainsi, la cour d'appel avait méconnu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas à Mme Guillot qui faisait valoir qu'en ratifiant les contrats de production en question, la Comédie-Française s'était engagée à appliquer aux artistes interprètes les dispositions de la convention collective des artistes engagés pour des émissions de télévision, dont l'article 3-2 imposait à l'employeur qui entendait exploiter l'interprétation d'un artiste de lui faire signer un contrat spécifique à chaque oeuvre, devant comprendre un certain nombre de mentions obligatoires, notamment en matière de rémunérations, et qu'en l'espèce, aucun contrat de ce type n'avait été signé avec la comédienne, ce qui rendait illicite l'exploitation des interprétations de celle-ci ;
Considérant qu'il est constant, et au demeurant non discuté, que Mme Guillot a prêté son concours à la réalisation des deux oeuvres 'Le Legs' et Georges Dandin' en qualité d'artiste interprète au sens des articles L.7121-2 du code du travail et L.212-1 du code de la propriété intellectuelle ;
Considérant qu'en apportant sa contribution à ces deux réalisations, Mme Guillot s'est conformée à la disposition de l'article 5 de son contrat de travail selon laquelle elle s'engageait expressément à 'participer, lorsqu'elle en sera requise, à la réalisation des films, émissions de radio ou de télévision, enregistrements de disques, auxquels la Comédie-Française apporte officiellement son concours. Les accords collectifs ou les règlements intérieurs fixent les conditions de sa participation et ses droits à rémunération à ce titre';
Considérant que la participation à un enregistrement ne vaut toutefois pas acceptation de ses conditions d'exploitation et aucun écrit ne consacre l'autorisation de Mme Guillot d'exploiter ses interprétations des oeuvres 'Le Legs' et 'Georges Dandin';
Considérant que la Comédie-Française prétend cependant bénéficier de la présomption de cession des droits de Mme Guillot résultant du régime dérogatoire propre aux producteurs audiovisuels dont elle soutient que la qualité doit lui être reconnue s'agissant de la réalisation des oeuvres objet du litige, aux motifs en substance qu'elle y est désignée comme coproductrice et qu'elle a participé au financement du coût de la production sous forme d'apport en industrie ;
Mais considérant, à supposer même que la présomption de cession de droit d'exploitation puisse bénéficier au producteur en l'absence de contrat fixant une rémunération distincte au titre de la cession des droits de l'artiste de celle rétribuant sa prestation artistique, que l'article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle définit le producteur audiovisuel comme celui qui a l'initiative et la responsabilité de la première fixation d'une séquence d'images, sonorisées ou non, et l'analyse des contrats passés par la Comédie-Française, le 2 juin 1997 avec les sociétés Euripide productions et Néria productions pour la réalisation de l'oeuvre'Georges Dandin', puis le 7 mai 1998 avec la société Agat Films et Cie pour la réalisation de l'oeuvre de recréation 'Le Legs', établit que, contrairement à ce qu'elle affirme, la Comédie-Française ne peut se prévaloir de la qualité de producteur audiovisuel; que la seule désignation de la Comédie-Française par ses cocontractants comme coproducteur est en effet inopérante et il résulte clairement des stipulations de chacun des contrats que la Comédie-Française n'était pas responsable de la conception, de la réalisation et de la commercialisation desdites oeuvres, et qu'elle ne participait pas non plus aux risques de la production ; qu'il s'ensuit que la Comédie-Française ne peut invoquer utilement l'application du régime dérogatoire propre aux producteurs audiovisuels ;
Considérant que pour prétendre échapper aux conséquences de l'application de la règle qui se déduit de ce qui est ci-avant jugé et selon laquelle chaque cession et chaque mode d'exploitation cédé doit faire l'objet d'une cession écrite spécifique, la Comédie-Française fait subsidiairement valoir que l'autorisation écrite de l'artiste interprète édictée par l'article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle est requise à titre probatoire et qu'en l'espèce, la preuve de ce qu'elle bénéficiait de l'autorisation d'exploiter résulte d'une part des dispositions statutaires, conventionnelles et contractuelles, d'autre part de la participation en toute connaissance de cause auxdits spectacles de Mme Guillot qui a ainsi autorisé ces fixations ainsi que leur communication au public et ne peut donc prétendre ainsi avoir subi un préjudice ;
Mais considérant d'abord que, par sa participation active aux deux spectacles ayant fait l'objet d'un enregistrement audiovisuel, Mme Guillot a fourni la prestation artistique à laquelle elle s'était engagée aux termes de son contrat de travail mais n'a pas donné son accord aux conditions dans lesquelles les enregistrements de ses interprétations à l'occasion de ces deux recréations seraient ensuite exploitées ;
Et considérant ensuite que la circonstance que Mme Guillot a été rémunérée au titre de l'exploitation de ses interprétations conformément à l'annexe des artistes pensionnaires et des barèmes conventionnels de la convention collective des artistes interprètes engagés pour des émissions de télévision auxquels les contrats de coproduction faisaient référence ne supplée pas à l'absence de contrat individuel écrit requis pour chacune des oeuvres;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme Guillot n'a pas cédé ses droits relatifs à la reproduction et à la communication au public des deux oeuvres audiovisuelles à la réalisation desquelles elle a participé dans les conditions de l'article L.212-3 du code de la propriété intellectuelle et qu'elle demande partant légitimement l'indemnisation des actes de contrefaçon qu'elle a subis ;
Considérant, sur l'évaluation des dommages-intérêts, qu'eu égard aux dispositions du second alinéa de l'article L.331-1-3 du code de la propriété intellectuelle disposant que la juridiction peut, sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a été porté atteinte, au montant des sommes perçues par Mme Guillot en contrepartie de l'exploitation de ses prestations, que la Comédie-Française explicite sans être démentie, à la circonstance aussi que la Comédie-Française indique sans être contredite que les sommes qu'elle a versées à Mme Guillot au titre de l'exploitation de ses interprétations sont plus avantageuses pour elle que celles qu'elle aurait reçues si les modalités de calcul de la convention collective des artistes interprètes engagés pour des émissions de télévision, visées par les contrats de production des deux oeuvres de recréation, avaient été appliquées, au caractère manifestement exorbitant des sommes réclamées, les dommages-intérêts seront évalués, s'agissant du film 'Georges Dandin', aux sommes de 1 500 euros pour l'exploitation par télévision, 1 000 euros pour l'exploitation par vidéocassettes, compacts disques et supports équivalents, 600 euros pour l'exploitation dans le cadre de télétransmission, 300 euros pour l'exploitation par reproduction sur des plates formes de téléchargement, 200 euros pour les exploitations par extraits, soit une somme forfaitaire totale de 3 600 euros et, s'agissant du film 'Le Legs', à celles de 1 500 euros pour l'exploitation par télévision, 1 000 euros pour l'exploitation par vidéocassettes, compacts disques et supports équivalents, 300 euros pour exploitation par reproduction sur des plates formes de téléchargement, 200 euros pour les exploitations par extraits, soit la somme forfaitaire globale de 3 000 euros ;
Considérant que l'arrêt du 19 juin 2008 n'a pas été remis en cause devant la cour de cassation en ce qu'il a estimé Mme Guillot irrecevable à faire interdire l'exploitation sans son autorisation des deux oeuvres en ce qu'elles contiennent ses prestations ; qu'il est ainsi devenu définitif de ce chef; que Mme Guillot ne peut donc utilement prétendre, au moyen inexact pris d'un déni de justice, réouvrir le débat de droit devant la présente cour de renvoi dont la saisine est circonscrite aux chefs de décision qui ont été cassés ;
PAR CES MOTIFS
Dit que la saisine de la présente cour est circonscrite aux deux chefs de décision cassés que sont les demandes de dommages-intérêts pour licenciement discriminatoire et au titre de l'exploitation sans autorisation des interprétations de Mme Guillot dans les oeuvres de recréation 'Georges Dandin' et 'Le Legs',
Confirme le jugement entrepris si ce n'est en ce qu'il a débouté Mme Guillot de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exploitation sans autorisation de ses prestations artistiques dans les oeuvres 'Le Legs' et 'Georges Dandin',
L'infirmant de ce chef, statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la Comédie-Française à payer à Mme Guillot, pour toute la période courant jusqu'au présent arrêt, à titre de dommages-intérêts, pour les communications au public non autorisées de ses prestations la somme de 3 600 euros pour le film 'Georges Dandin' et la somme de 3 000 euros pour l'oeuvre 'Le Legs',
Déboute Mme Guillot de ses demandes indemnitaires nouvelles pour préjudice professionnel et pour préjudice moral,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la Comédie-Française aux dépens.