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Décisions

Cass. 3e civ., 6 novembre 1991, n° 90-15.605

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. SENSELME

Dijon, du 28 fév. 1990

28 février 1990

Attendu que la société G... frères et Cie, à laquelle M. Z... a donné à bail un local à usage commercial, reproche à l'arrêt attaqué (Dijon, 28 février 1990) de le débouter de son opposition au commandement du 15 mars 1988, par lequel le bailleur lui enjoignait de payer 60 000 francs au titre des loyers dus pour la période du 1er février 1987 au 31 janvier 1988, alors, selon le moyen, "1°) que la renonciation à un droit, surtout lorsqu'il résulte d'une disposition d'ordre public, ne se présume pas et ne peut résulter que d'actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, ce qui n'est pas le cas lorsque le comportement dont on pourrait l'induire peut s'expliquer autrement que par une volonté de renoncer au droit litigieux ; qu'il était soutenu à cet égard, dans des conclusions demeurées sans réponse, que le seul accord donné par la société locataire n'avait été que de verser un loyer provisionnel dans l'attente de la publication des indices du coût de la construction, et que le fait pour cette société d'avoir réglé les sommes réclamées ne saurait être considéré comme un acquiescement de sa part au prix du loyer réclamé, dans la mesure où ce paiement n'avait été effectué d'abord que pour éviter toute difficulté avec le propriétaire, ensuite que, partiellement et sous la contrainte d'un commandement ; que, faute d'avoir répondu à ce moyen, d'où il ressortait

nécessairement que la société G... frères n'avait nullement entendu renoncer aux règles d'ordre public de la révision triennale et que son comportement était, à tout le moins, équivoque, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; 2°) que toute volonté abdicative doit être refusée au comportement en cause lorsque son auteur n'avait pas de réelle possibilité de choix ; que, dès lors, en ne recherchant pas, comme la société locataire l'y invitait pourtant, si le paiement des loyers au montant prévu par l'accord provisoire relevait d'une volonté signifiante car libre, pour impliquer une renonciation à son droit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de

l'article 2221 du Code civil, qui précise les caractères que doit présenter la renonciation ; 3°) que si, pour admettre une renonciation par la locataire à son droit d'invoquer les règles de la révision triennale, la cour d'appel a pu considérer que le loyer annuel de 60 000 francs avait fait l'objet d'un accord entre les parties, sans la moindre réserve de la part de la locataire pendant plus de trois ans, elle a cependant omis d'examiner si cet accord manifestait une volonté dépourvue de toute équivoque de renoncer ; que, pourtant, une telle recherche s'imposait particulièrement à elle en l'espèce, eu égard aux circonstances, sans pouvoir ressortir de la seule constatation de l'absence de réserve émise par la société locataire pendant trois ans ; qu'en effet, dès lors que l'équivoque entache sa volonté, on ne saurait exiger d'une partie qu'elle ait fait des réserves au moment de son action, en particulier lorsqu'elle a agi pour sauvegarder ses intérêts ; qu'aussi, en se décidant par des motifs insuffisants, sans rechercher si le comportement de la locataire était dépourvu de toute équivoque et impliquait nécessairement la volonté libre de renoncer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2221 du Code civil, qui précise les caractères que doit présenter la renonciation" ; Mais attendu qu'après avoir énoncé que si les règles de révision triennale du loyer commercial ont un caractère d'ordre public, les parties ont la faculté d'y renoncer lorsque le droit est né et acquis, la cour d'appel, qui a retenu que le loyer de 60 000 francs par an avait fait l'objet d'un accord entre le bailleur et la société locataire, sans la moindre réserve de la part de celle-ci pendant plus de trois ans jusqu'à l'opposition au commandement du 5 décembre 1988, a, par ces seuls motifs, répondant aux conclusions, légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.