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Décisions

CRE, cordis, 16 mai 2012, n° 265-38-11

COMMISSION DE RÉGULATION DE L'ÉNERGIE

Arrêt

sur le différend qui oppose la société FL Energie 15 à la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF) relatif aux conditions de raccordement d’une installation de production photovoltaïque au réseau public de distribution d’électricité

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Racine

Rapporteur :

M. Laffaille

Avocat :

Me Granjon

CRE n° 265-38-11

15 mai 2012

Le comité de règlement des différends et des sanctions,

Vu la demande de règlement de différend, enregistrée le 29 décembre 2011, sous le n° 265-38-11, présentée par la société LACOSTE Frédéric, dont le nom commercial est FL Energie 15, immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’Aurillac sous le numéro A 519 072 276, dont le siège social est situé, Lasfayres 15270 Champ sur Tarentaine, représentée par Monsieur Frédéric LACOSTE, né le 17 juin 1983 à RIOM ES MONTAGNES et demeurant à la même adresse.

La société FL Energie a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie du différend qui l’oppose à la société Électricité Réseau Distribution France (ci-après désignée « ERDF »), sur les conditions de raccordement au réseau public de distribution d’électricité d’un projet de centrale photovoltaïque.

Il ressort des pièces du dossier que la société FL Energie 15 développe, sur le territoire de la commune de Champs sur Tarentaine (Cantal), un projet de centrale photovoltaïque d’une puissance maximale installée de 34 kVA. 

Le 29 décembre 2009, la société Systèmes solaires, agissant pour le compte de la société FL Energie 15, a déposé auprès de la société ERDF une demande complète de raccordement.

Le 27 mai 2010, la société ERDF a communiqué à la société FL Energie 15 une proposition de raccordement du projet au réseau public de distribution. Cette proposition de raccordement a évalué le montant des travaux de raccordement à 1.376,21 € TTC et prévu une durée de 6 semaines pour leur réalisation.

Le 31 août 2010, la société Systèmes solaires a interrogé la société ERDF pour savoir si la société FL Energie 15 pouvait toujours retourner le contrat de raccordement, d’accès et d’exploitation (CRAE) dûment signé, alors que le délai de trois mois pour l’accepter était dépassé.

Le 1er septembre 2010, un agent de la société ERDF a indiqué à la société Systèmes solaires, que la société FL Energie 15 pouvait renvoyer le CRAE ainsi que le règlement, en les datant au 27 août 2010.

Le 13 septembre 2010 la société ERDF a accusé réception de la proposition de raccordement signée, accompagné du règlement de 1.376,21 euros.

Le 1er octobre 2010, la société ERDF a adressé une nouvelle proposition de raccordement à la société Systèmes solaires et a retourné la première proposition de raccordement et le chèque de règlement. Cette nouvelle proposition de raccordement a évalué le montant des travaux de raccordement à 6.769,65 € TTC.

Le 22 décembre 2010, la société ERDF a indiqué à la société Systèmes solaires que la nouvelle proposition de raccordement ne lui ayant pas été retournée avant le 2 décembre 2010, le projet d’installation de production de la société FL Energie 15 entre dans le champ d’application des dispositions du décret du 9 décembre 2010.

Estimant que les conditions de raccordement au réseau public de distribution de son installation de production n’étaient pas satisfaisantes, la société FL Energie 15 a saisi le comité de règlement des différends et des sanctions d’une demande de règlement du différend qui l’oppose à la société ERDF.

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Dans ses observations, la société FL Energie 15 estime que la société ERDF n’a pas respecté l’article 8.2.1 de sa documentation technique de référence qui l’oblige de transmettre une proposition technique et financière dans un délai de trois mois.

Elle ajoute qu’en application des articles 1147 et 1384 du code civil, les éventuelles fautes et erreurs d’un salarié engagent la responsabilité de son employeur et qu’ainsi l’agent de la société ERDF, en accordant expressément à la société FL Energie 15 le droit de transmettre hors délais la proposition technique et financière, a engagé la société ERDF.

La société FL Energie 15 indique que la société ERDF ne peut légalement annuler unilatéralement une proposition technique et financière sans mettre en demeure préalable son cocontractant, sauf à voir sa responsabilité engagée pour rupture brusque de ce contrat.

La société FL Energie 15 demande, en conséquence, au comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie :

- d’enjoindre à la société ERDF de donner son accord sur la première proposition technique et financière en date du 27 mai 2010 et cela dans les conditions prévues à cette date ;

- de prolonger le délai d’exécution des travaux d’installation des panneaux photovoltaïque d’un délai raisonnable permettant la réalisation de ces travaux.

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Vu les observations en défense, enregistrées le 5 mars 2012, présentées par la société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), société anonyme, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro B 444 608 442, dont le siège social est situé 102, terrasse Boieldieu, 92085 Paris La Défense Cedex, représentée par sa Présidente du directoire, Madame Michèle BELLON, et ayant pour avocat, Maître Romain GRANJON, cabinet ADAMAS, 55, boulevard des Brotteaux, 69006 Lyon..

La société ERDF indique que la société FL Energie 15 reconnait ne pas avoir respecté le délai de trois mois dont elle disposait pour renvoyer la proposition de raccordement en application de l’article 2.2.6 de la procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA, au réseau public de distribution basse tension géré par ERDF (référence ERDF-PRO-RAC_08E). Elle ajoute qu’il n’est pas non plus contesté que la société FL Energie 15 n’a pas retourné la nouvelle proposition de raccordement qui lui a été adressée le 1er octobre 2010.

Elle soutient qu’il n’appartient pas à un de ses agents de soustraire un producteur à la procédure de traitement des demandes de raccordement applicable uniformément à l’ensemble des producteurs d’électricité et que le courriel de cet agent est daté du 1er septembre 2010, date à laquelle la proposition de raccordement était déjà devenue caduque depuis le 27 août 2010.

La société ERDF précise qu’en tout état de cause, il n’entrait pas dans les pouvoirs de son agent de redonner vie à la proposition de raccordement et que l’erreur d’appréciation qu’il a pu commettre n’a pas porté atteinte aux droits de la société FL Energie 15 qui étaient déjà éteints.

Elle ajoute que les termes utilisés dans le courriel de son agent sont très prudents et ne garantissent aucun résultat et que la société FL Energie 15 n’a renvoyé la proposition de raccordement qu’une dizaine de jours après le courriel de son agent.

La société ERDF expose que si un retard dans la production de la proposition de raccordement peut lui être reproché, d’une part, ce retard a été sans conséquence sur les propres délais de la société FL Energie 15 et, d’autre part, la société ERDF s’est largement rattrapée en adressant dès le 1er octobre 2010 à la société FL Energie 15 une nouvelle proposition de raccordement.

Elle indique qu’entre le 1er octobre et le 2 décembre 2010, date d’application du moratoire, la société FL Energie 15 a disposé de deux mois largement suffisant pour lui permettre de retourner la nouvelle proposition de raccordement.

La société ERDF estime qu’ainsi la société FL Energie 15 ne peut tenir la société ERDF pour responsable de la soumission de son projet au dispositif institué par le décret du 9 décembre 2010.

La société ERDF demande, en conséquence, au comité de règlement des différents et des sanctions de rejeter la requête de société FL Energie 15.

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Vu le mémoire en réplique, enregistré le 26 mars 2012, présenté par la société FL Energie 15.

La société FL Energie 15 indique qu’elle était depuis la réception de la proposition de raccordement en négociation avec la société ERDF pour rectifier une erreur commise par la société ERDF concernant la date d’enregistrement de son dossier. Elle précise que cette erreur lui faisant perdre un avantage financier important en matière d’achat d’électricité de l’ordre de 0,10 euros par kWc produit.

Elle ajoute que la société ERDF a rectifié cette erreur le 7 juin 2011.

La société FL Energie 15 expose que pour cette raison et devant l’impossibilité de joindre la société ERDF pendant la période des vacances scolaires estivales, elle n’a pu retourner dans les délais la proposition de raccordement.

Elle soutient avoir retourné la proposition de raccordement le 1er septembre 2010 dès réception du courriel d’un de ses agents et que la date du 13 septembre 2010 correspond à la date de traitement de son dossier par les services de la société ERDF.

La société Energie 15 estime que les écritures et les faits de la société ERDF sont contradictoires notamment en matière de file d’attente. La société ERDF présente le principe de cette file d’attente comme ne pouvant prendre en compte aucune rectification alors que, dans les faits, des dossiers comportant des erreurs sont fréquemment retirés, corrigés et remis en file d’attente.

La société FL Energie en conclut que contrairement à ce que soutient la société ERDF la caducité de la proposition de raccordement n’est pas automatique.

La société FL Energie 15 persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.

Vu les observations en duplique, enregistrées le 13 avril 2012, présentées par la société ERDF.

La société ERDF indique que l’accessibilité téléphonique des agences ERDF dans la région Auvergne Centre Limousin fait état d’un taux de réponse téléphonique en juillet 2010 de 77,5 % et de 87,7 % en août 2010. Elle ajoute que la société FL Energie 15 ne présente aucune explication sur le caractère déterminant de ce contact téléphonique pour accepter la proposition de raccordement.

La société ERDF soutient enfin, que les « rectifications » qu’elle a pu opérer dans la file d’attente sont nécessairement motivées soit par le constat d’une éventuelle erreur ou mauvaise application de la procédure de raccordement, soit par une décision du comité de règlement des différends et des sanctions, soit à la suite de la parution d’un texte légal ou réglementaire qui oblige la société ERDF à modifier en conséquence une procédure de traitement des demandes de raccordement et, le cas échéant, le traitement d’un dossier en file d’attente. Elle précise qu’en l’espèce elle a constaté que la proposition de raccordement lui avait été adressée au-delà du délai prévu de trois mois et qu’elle était, donc, devenue caduque.

La société ERDF persiste, donc, dans ses précédentes conclusions.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’énergie, notamment ses articles L. 134-19 et suivants ;

Vu le décret n° 2000-894 du 11 septembre 2000 modifié, relatif aux procédures applicables devant la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu le décret n° 2010-1510 du 9 décembre 2010, suspendant l’obligation d’achat de l’électricité produite par certaines installations utilisant l’énergie radiative du soleil ;

Vu la décision du 20 février 2009, relative au règlement intérieur du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie ;

Vu la décision du 29 décembre 2011 du président du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la désignation d’un rapporteur et d’un rapporteur adjoint pour l’instruction de la demande de règlement de différend enregistrée sous le numéro 265-38-11 ;

Vu la décision du 28 février 2012 du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l’énergie, relative à la prorogation du délai d’instruction de la demande de règlement de différend introduite par société FL Energie 15 ;

Vu la décision numéro 344972 et autres du 16 novembre 2011 du Conseil d’État, société Ciel et Terres et autres.

Les parties ayant été régulièrement convoquées à la séance publique du comité de règlement des différends et des sanctions, qui s’est tenue le 16 mai 2012, en présence de :

Monsieur Pierre-François RACINE, président du comité de règlement des différends et des sanctions, Madame Dominique GUIRIMAND, Madame Sylvie MANDEL et Monsieur Roland PEYLET, membres du comité de règlement des différends et des sanctions,

Monsieur Olivier BEATRIX, directeur juridique et représentant le directeur général empêché,

Monsieur Didier LAFFAILLE, rapporteur et Monsieur Jérémie ASTIER, rapporteur adjoint, 

Monsieur Frédéric LACOSTE pour la société FL Energie 15,

Les représentants de la société ERDF, assistés de Maître Romain Granjon.

Après avoir entendu :

- le rapport de Monsieur Didier LAFFAILLE, présentant les moyens et les conclusions des parties ;

- les observations de Monsieur Frédéric LACOSTE pour la société FL Energie 15 ; la société FL Energie 15 persiste dans ses moyens et conclusions ;

- les observations de Maître Romain GRANJON pour la société ERDF ; la société ERDF persiste dans ses moyens et conclusions ;

Aucun report de séance n’ayant été sollicité ;

Le comité de règlement des différends et des sanctions en ayant délibéré le 16 mai 2012, après que les parties, le rapporteur, le rapporteur adjoint, le public et les agents des services se sont retirés.

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La société FL Energie 15 demande au comité de règlement des différends et des sanctions, d’une part, d’enjoindre à la société ERDF de donner son accord sur la première proposition technique et financière en date du 27 mai 2010 et cela dans les conditions prévues à cette date et, d’autre part, de prolonger le délai d’exécution des travaux d’installation des panneaux photovoltaïque d’un délai raisonnable permettant la réalisation de ces travaux.

La société FL Energie 15 soutient que la société ERDF n’a pas respecté son obligation de transmettre une proposition de raccordement dans un délai de trois mois et qu’en accordant expressément par courriel à la société FL Energie 15 le droit de transmettre hors délais la proposition de raccordement, l’agent auteur du courriel a engagé la société ERDF en application des articles 1147 et 1384 du code civil.

La société ERDF soutient que la société FL Energie 15 d’une part n’a pas respecté le délai de trois mois dont elle disposait pour renvoyer la première proposition de raccordement et d’autre part qu’elle n’a pas retourné la nouvelle proposition de raccordement qui lui a été adressée le 1er octobre 2010. Elle ajoute qu’il n’appartient pas à l’un de ses agents de soustraire un producteur à la procédure de traitement des demandes de raccordement et que le courriel de cet agent est daté du 1er septembre 2010 alors que cette proposition de raccordement était caduque depuis le 27 aout 2010.

La procédure de traitement des demandes de raccordement des installations de production d’électricité, de puissance inférieure ou égale à 36 kVA, au réseau public de distribution basse tension géré par ERDF, qui fait partie de la documentation technique de référence de la société ERDF, dans sa version applicable à l’espèce, prévoit en son article 2.2.6 que la proposition de raccordement « est ferme et valable 3 mois ». 

Il ressort des pièces du dossier que la société ERDF n’a pas reçu, dans le délai de trois mois, la proposition de raccordement du 27 mai 2010, signée et accompagnée du chèque d’acompte, et ne les a réceptionnés que le 13 septembre 2010.

Dans ces conditions, cette proposition de raccordement était devenue caduque.

La société FL Energie 15 ne peut invoquer le courriel du 1er septembre 2010, d’un agent d’ERDF mentionnant qu’ elle pouvait  « rapidement » renvoyer la proposition signée avec le chèque d’acompte à condition de «  mettre la date du 27/08/10 » ce qu’elle a fait le jour même, dès lors que le 1er octobre 2010, la société ERDF a renvoyé à la société FL Energie 15 la proposition de raccordement du 27 mai 2010 et du chèque d’acompte qui l’accompagnait, manifestant ainsi son refus de donner quelque effet à l’envoi du 1er septembre 2010.

Au surplus, la société FL Energie 15 qui a été destinataire d’une nouvelle proposition le 1er octobre 2010, ne l’a pas renvoyée avant le 2 décembre 2010.

Dans ces conditions, la société FL Energie 15 ne peut pas bénéficier des dispositions de l’article 3 du décret du 9 décembre 2010 soustrayant à la suspension des contrats d’achat les producteurs ayant notifié avant le 2 décembre 2010 leur accord sur la proposition de raccordement  . Par conséquent, la demande tendant à ce que soit prolongé le délai d’exécution des travaux d’installation des panneaux photovoltaïque d’un délai raisonnable permettant la réalisation de ces travaux ne peut être que rejetée.

Le comité de règlement des différends et des sanctions ne peut, donc, que rejeter l’ensemble des demandes de la société FL Energie 15.

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DÉCIDE : 

Article 1er. – Les demandes de la société FL Energie 15 sont rejetées.

Article 2. – La présente décision sera notifiée à la société FL Energie 15 et à la société Électricité Réseau Distribution France. Elle sera publiée au Journal officiel de la République française