CA Toulouse, 4e ch. sect. 1, 20 janvier 2023, n° 22/02135
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Blume
Conseillers :
M. Daries, M. Parant
Avocats :
Me Sorel, Me Degioanni, Me Croze, Me Laffont
EXPOSE DU LITIGE
Suivant jugement du 26 janvier 2022 le tribunal de commerce de Toulouse a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SIGFOX.
Après prolongation de la période d'observation jusqu'au 26 juillet 2022 le 17 mars 2022, le tribunal de commerce, par deux jugements du 21 avril 2022, a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire et arrêté un plan de cession de la société SIGFOX au profit de la société UNADIZ Holdings PTE Ltd au prix de 3 300 000 euros. La SCP BDR & associés prise en la personne de Maître [C] a été désignée en qualité de mandataire.
Par un relevé des créances salariales du 26 avril 2022, Maître [M] [C] a sollicité une avance à la délégation UNEDIC AGS pour les salaires dus du 1er avril 2022 au 21 avril 2022 et les congés payés du ler juin 2020 au 21 avril 2022.
Par courriel du 3 mai 2022, la Délégation UNEDIC AGS a opposé un refus, considérant que la cession était définitive, et que rien ne s'opposait au paiement des créances salariales par Ie liquidateur judiciaire, celui-ci disposant des fonds de la cession et de la trésorerie nécessaire.
Par acte d'huissier 11 mai 2022 la SAS BDR & associés, a assigné à jour fixe l'association UNEDIC (délégation AGS-CGEA) devant le tribunal de commerce de Toulouse afin que soit ordonné le paiement sous astreinte par la délégation Unedic-AGS-CGEA de [Localité 5] de la somme de 498 913,09 euros correspondant au montant du relevé des créances salariales suivantes :
- 375 055,88 euros au titre des salaires courant sur la période du 1er au 21 avril 2022, créances salariales postérieures privilégiées
- 123 857,21 euros au titre des congés payés courant sur la période du 1er juin 2020 au 21 avril 2022, créances salariales superprivilégiées
Par jugement du 25 mai 2022 le tribunal de commerce de Toulouse a :
- débouté la SAS BDR & associés prise en la personne de Maitre [M] [C], és qualités de mandataire judiciaire de la SA SIGFOX, de l'ensemble de ses demandes.
- débouté pour le surplus de ses demandes la délégation UNEDIC AGS CGEA de [Localité 5].
- condamné la SAS BDR & associés prise en la personne de Maitre [M] [C], es qualités de mandataire judiciaire de la SA SIGFOX, à payer à la délégation UNEDIC AGS CGEA de [Localité 5], la somme de 1 500 € qui passera en frais privilégiés de la procédure.
- condamné la SAS BDR & associés prise en la personne de Maitre [M] [C], és qualités de mandataire judiciaire de Ia SA SIGFOX, aux entiers dépens de I ‘instance, qui passeront en frais privilégiés de la procédure.
Par déclaration du 25 mai 2022 la SELARL BDR et associés a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 15 juin 2022 la présidente de chambre de la cour d'appel de Toulouse, spécialement déléguée à cet effet par ordonnance du premier président, a autorisé la SELARL BDR et associés à assigner à jour fixe conformément aux articles 920 et suivants du code de procédure civile la délégation UNEDIC AGS CGEA de [Localité 5].
L'assignation a été délivrée par la SELARL BDR et associés le 21 juin 2022.
Dans ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique
le 9 novembre 2022, la SELARL BDR et associés demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau:- d'enjoindre, ou en tant que de besoin, condamner la délégation Unedic AGS à payer à la SELARL BDR prise en la personne de Maître [M] [C] ès qualité de Mandataire Liquidateur de la Société SIGFOX le montant du relevé de créances salariales demande d'avance n° 22116003 n°6 à concurrence de 375 055,88 € sous astreinte financière de 10.000 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
-de débouter l'AGS de ses demandes reconventionnelles comme irrecevables et mal fondées, - de condamner la délégation Unedic - AGS aux entiers dépens et au paiement d'une indemnité de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, pour l'essentiel, que l'article L. 3253-20 du code de commerce opère une distinction entre les procédures de redressement et de liquidation judiciaire et la procédure de sauvegarde ; qu'en redressement ou liquidation judiciaire, le mandataire n'a pas à justifier de l'insuffisance des fonds disponibles, qui ne relève que de son appréciation dans l'exercice de son mandat judiciaire ; que la possibilité de discussion ou de contestation de la disponibilité des fonds n'est prévue qu'en matière de sauvegarde ; qu'il n'existe pas, dans l'hypothèse d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire, de principe de subsidiarité dont l'AGS pourrait se prévaloir, l'AGS intervenant en qualité d'assureur dont la garantie doit être mobilisée dès la réalisation du risque caractérisé par l'ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire.
Subsidiairement, elle soutient n'avoir pas de fonds disponibles, le prix de cession n'étant pas dans les mains du liquidateur avant la régularisation des actes de transfert de propriété ; qu'après cette régularisation, il obéit à un système de répartition régi par les dispositions de l'article R. 642-10 du code de commerce et ne peut servir au paiement des créances postérieures par le mécanisme de paiement à l'échéance; qu'il existe en outre des créances ayant rang plus favorable au sens de l'article L. 641-13 du code de commerce, et notamment des créances bénéficiant du privilège de conciliation; que l'AGS n'est pas fondée à invoquer les dispositions de l'article L. 625-8 du code de commerce, sa subrogation dans les droits du salarié étant limitée, en redressement et liquidation judiciaire, aux créances garanties par le super privilège des salaires et aux avances portant sur des sommes dues au cours de la période d'observation ; que les dispositions de l'article L625-8 du code de commerce, qui ont pour but de neutraliser le principe de l'interdiction de paiement des créances antérieures au profit des salariés, ne peuvent pas être utilisées par l'AGS pour obtenir des répartitions en dehors des dispositions du livre VI du code de commerce . Le prix de cession ne peut être réparti entre les créanciers que selon l'ordre légal selon l'article R. 642-10 du Code de commerce. Le prix de cession n'est pas disponible en dehors d'une répartition, il ne peut être assimilé à une trésorerie disponible. Il s'agit d'un super privilège instauré par les articles L.3253-2 et L. 3253-3 (versement provisionnel immédiat dans la limite d'un mois de salaire dès avant l'établissement des créances éventuelles relevant de L. 3253-2 et L. 3253-3. du code du travail ) au profit du salarié uniquement (et non pas du CGEA qui ne peut être subrogé dans les droits du salarié que dans les privilèges, pas dans les exceptions attachées à la personne du salarié), par dérogation à l'interdiction des paiements qui vaut pour toute créance antérieure. C'est dans ces conditions que Maître [C] es-qualités a procédé sur ses fonds propres (autres que le prix de cession) au règlement de la somme de 123 857,21 € correspondant au super privilège du relevé de créances salariale, de sorte que la demande d'avance ne porte que sur la somme de 375 055,88 euros.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 14 novembre 2022 l'UNEDIC (Délégation AGS- CGEA de [Localité 5]), intimée demande à la cour de :
A titre principal :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté le liquidateur judiciaire de ses demandes
A titre subsidiaire :
- débouter la Selas BDR, ès qualités, de sa demande d'avance au titre des créances salariales super privilégiées, celles-ci devant être payées par le débiteur et/ ou les organes de la procédure collective sur les premières rentrées de fonds
- à défaut condamner la SAS BDR, ès-qualités, à rembourser sitôt perçues les sommes avancées au titre des créances salariales superprivilégiées,
- Condamner la SAS BDR, ès-qualités, à payer à l'Unédic (Délégation AGS CGEA de [Localité 5]) une somme de 500.000 euros à valoir sur sa créance superprivilégiée de 1.171.387,77 euros,
- Assortir la condamnation d'une astreinte financière journalière de 10.000 euros par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir,
- Débouter le liquidateur judiciaire de sa demande d'astreinte qui ne se justifie nullement tant en fait qu'en droit, au regard des circonstances,
- Subsidiairement, minimiser le montant de l'astreinte et fixer son point de départ au jour de la signification du jugement à intervenir.
- à défaut, condamner la Selas Egide, ès qualités, à rembourser les sommes avancées au titre des indemnités d'activité partielle sitôt les sommes perçues de l'ASP et ce, indépendamment de toute considération relative au rang desdites créances,
- constater que la Selas Egide ès qualités, ne demande plus l'avance au titre des créances salariales superprivilégiées,
- débouter le liquidateur judiciaire de sa demande d'astreinte qui ne se justifie nullement tant en fait qu'en droit, au regard des circonstances,
- subsidiairement, minimiser le montant de l'astreinte et fixer son point de départ au jour de la signification de la décision à intervenir.
Elle soutient que la garantie de l'Unedic est subsidiaire, quelle que soit la procédure en cours, et suppose que le liquidateur judiciaire ne puisse pas payer les créances salariales sur les fonds de la procédure collective; que le principe de subsidiarité a vocation à s'appliquer à l'ensemble des procédures collectives, l'article L. 3253-20, alinéa 2 du code du commerce imposant seulement aux mandataires judiciaires, en procédure de sauvegarde, de rapporter a priori la preuve de l'insuffisance des fonds disponibles; qu'en matière de redressement et de liquidation judiciaire, la preuve de l'insuffisance des fonds est seulement présumée, l'Unedic pouvant rapporter la preuve contraire ; que les dispositions de l'article L. 625-4 du code du commerce figurant au titre II relatif à la sauvegarde qui concernent le refus de l'AGS de régler une créance figurant sur un relevé des créances résultant d'un contrat de travail sont applicables à la liquidation judiciaire par renvoi de l'article L.641-14 du même code.
Lorsque le liquidateur judiciaire a transmis à l'UNEDIC un relevé de créances n°6 en date du 26 avril 2022 pour un montant de 498 913,09 euros, il pouvait juridiquement et financièrement payer à l'aide du prix de cession avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19 du Code du Travail.
Ainsi sur le relevé n°6 des créances étaient essentiellement inscrites des créances de salaires postérieures à l'ouverture de la procédure collective, au titre de la période d'avril 2022, mais aussi des congés payés, soit des créances super privilégiées ; soit :
- 375.055,88 euros au titre des salaires courant sur la période du 1 er au 21 avril 2022, créances salariales postérieures privilégiées, (nées postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et dont le principe est le paiement à échéance)
- 123.857,21 euros au titre des congés payés courant sur la période du 1 er juin 2020 au 21 avril 2022, soit des créances salariales superprivilégiées (article L. 625-8 et L641-14 code de commerce).
Le liquidateur pouvait juridiquement payer les créances.
De plus la liquidation judiciaire de la société SIGFOX détenait :
- 670.000 euros, en trésorerie courante de la société SIGFOX,
- 3.300.000 euros, correspondant au prix de cession fixé dans le jugement
du 21 avril 2022.
Le liquidateur judiciaire pouvait donc payer les créances salariales
de 498 913, 09 euros.
Elle expose que le prix de cession ne constitue pas une garantie et est disponible car définitivement acquis à la procédure collective en l'absence de recours contre le jugement adoptant le plan de cession du 21 avril 2022, peu important que les actes de cession n'aient pas été signés; que les dispositions de l'article L. 642-10 du code du commerce prévoyant la répartition du prix de cession n'ont pas pour effet de rendre le prix de cession indisponible pour procéder au règlement des créances salariales postérieures privilégiées.
Elle souligne qu'en toute hypothèse le liquidateur judiciaire détient 670 000 euros de trésorerie disponible, de sorte qu'il n'y a pas lieu à avance des fonds par l'AGS.
Elle s'estime donc fondée à solliciter le remboursement par la SAS BDR, ès-qualités, à lui rembourser la somme de 500.000 euros à valoir sur sa créance superprivilégiée de 1.171.387,77 euros sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard.
L'affaire a été communiquée le 14 novembre 2022 au Procureur Général qui a déclaré s'en rapporter à l'appréciation de la cour.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le principe de subsidiarité de l'intervention de L'UNEDIC AGS
Selon l'article L3253-19, 1° et 3° du code du travail, 'le mandataire judiciaire établit les relevés des créances dans les conditions suivantes :
1° Pour les créances mentionnées aux articles L. 3253-2 et L. 3253-4, dans les dix jours suivant le prononcé du jugement d'ouverture de la procédure ;
2° Pour les autres créances également exigibles à la date du jugement d'ouverture de la procédure, dans les trois mois suivant le prononcé du jugement ;
3° Pour les salaires et les indemnités de congés payés couvertes en application du 3° de l'article L. 3253-8 et les salaires couverts en application du dernier alinéa de ce même article, dans les dix jours suivant l'expiration des périodes de garantie prévues à ce 3° et ce, jusqu'à concurrence du plafond mentionné aux articles L. 3253-2, L. 3253-4 et L. 7313-8.
4° Pour les autres créances, dans les trois mois suivant l'expiration de la période de garantie.
Les relevés des créances précisent le montant des cotisations et contributions mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 3253-8 dues au titre de chacun des salariés intéressés.'
Selon l'article L. 3253-20 du même code, 'si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l'expiration des délais prévus par l'article L. 3253-19, le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l'avance des fonds nécessaires aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14.
Dans le cas d'une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à ces institutions, lors de sa demande, que l'insuffisance des fonds disponibles est caractérisée. Ces institutions peuvent contester, dans un délai déterminé par décret en Conseil d'Etat, la réalité de cette insuffisance devant le juge-commissaire. Dans ce cas, l'avance des fonds est soumise à l'autorisation du juge-commissaire.'
L'article L. 641-13 I du code de commerce prévoit que 'sont payées à leur échéance les créances nées régulièrement après le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire :
- si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 141-10,
- si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.'
L'article L. 625-4 du code de commerce, rendu applicable à la procédure de liquidation judiciaire par l'article L. 641-14 du même code, prévoit que 'lorsque les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail refusent pour quelque cause que ce soit de régler une créance figurant sur un relevé des créances résultant d'un contrat de travail, elles font connaître leur refus au mandataire judiciaire qui en informe immédiatement le représentant des salariés et le salarié concerné.
Ce dernier peut saisir du litige le conseil de prud'hommes. Le mandataire judiciaire, le débiteur et l'administrateur, lorsqu'il a une mission d'assistance, sont mis en cause'.
Il résulte de ces textes que l'intervention de l'AGS-CGEA a un caractère subsidiaire et n'est possible qu'à défaut de fonds disponibles. En matière de sauvegarde, le mandataire doit a priori justifier de l'insuffisance des fonds, et la réalité de cette insuffisance peut être contestée par L'UNEDIC AGS-CGEA devant le juge commissaire. En revanche, en matière de redressement et de liquidation judiciaire, l'insuffisance des fonds est présumée, de sorte que son appréciation est confiée à la seule appréciation du mandataire, afin de ne pas retarder le versement des sommes dues aux salariés.
Si toutefois, en matière de liquidation judiciaire, L'UNEDIC AGS-CGEArefuse de régler une créance salariale, elle en informe le liquidateur qui répercute ce refus au représentant des salariés et aux salariés concernés, lesquels peuvent saisir le conseil de prud'hommes.
La procédure prévue par l'article L. 625-4 du code du commerce n'a pas pour effet d'étendre le contrôle a priori de l'AGS-CGEA sur l'existence de fonds suffisants en matière de liquidation judiciaire, mais de garantir un recours du salarié en cas de refus de l'organisme d'avancer les fonds.
En l'espèce, la Selarl BDR & associés a établi le 26 avril 2022, après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société SIGFOX, un relevé de créances salariales au bénéfice de 157salariés, pour un montant total de 498 913,09 euros.
L'AGS-CGEA lui ayant opposé un refus de paiement, au motif que le liquidateur disposait de fonds suffisants provenant du prix de cession des actifs de la société SIGFOX, versé entre les mains de l'administrateur judiciaire avant même le jugement de cession, la Selarl BDR & associés a saisi le tribunal de commerce de Toulouse d'une demande d'avance des fonds.
En présence d'un relevé de créance présenté aux institutions de garantie des salaires sous la seule responsabilité du mandataire, la garantie de L'UNEDIC AGS-CGEA ne peut être exclue au motif qu'à la suite de l'adoption de la décision de cession des actifs, les créances pourraient être payées sur les fonds disponibles issus du prix de cession.
Ainsi, aucun contrôle a priori de l'insuffisance des fonds disponibles de l'entreprise n'est ouvert aux institutions de garantie mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, tenues, dès présentation des relevés par le liquidateur et dans l'objectif d'assurer une prise en charge rapide des créances salariales, de verser les avances demandées. La sanction de l'absence de respect par le liquidateur de la subsidiarité ne peut être obtenue qu'a posteriori, par le droit au remboursement de ces avances assorties du super privilège dont elles bénéficient, ainsi que par la mise en jeu de la responsabilité du mandataire pour avoir présenté un relevé de créances aux fins d'obtenir des avances en violation de l'article L. 3253-20 du code du travail.
Ainsi, nonobstant toute discussion sur la disponibilité du prix de cession, la vérification de l'existence de fonds disponibles relève de la seule prérogative du mandataire judiciaire qui établit, s'il estime que les conditions sont réunies, le relevé de créances déclenchant l'obligation pour L'UNEDIC AGS-CGEA d'avancer les fonds nécessaires.
Il sera donc fait droit à la demande de la Selarl BDR & associés tendant à enjoindre la délégation UNEDIC AGS-CGEA à lui verser ès qualités de mandataire liquidateur de la société SIGFOX à titre d'avance la somme de 375 055,88 euros correspondant au solde du relevé de créances salariales sans qu'il y ait lieu à astreinte.
Le jugement déféré est infirmé de ce chef.
Sur la demande de la délégation UNEDIC -AGS-CGEA
Dans l'hypothèse où elle serait condamnée à faire l'avance des sommes réclamée, l'UNEDIC AGS-CGEA sollicite la condamnation sous astreinte de la Selarl BDR & associés à lui rembourser les sommes avancées au titre des créances salariales superprivilégiées, soit la somme de 500 000 euros à valoir sur sa créance superprivilégiée de 1 171 387,77 euros, sur le fondement des articles L625-8 et L641-14 du code de commerce et L3253-16 du code du travail.
L'UNEDIC AGS CGEA fait valoir à l'appui de cette demande que le liquidateur judiciaire détient la somme de 670 000 euros ; qu'elle est subrogée dans les droits des salariés pour les créances privilégiées dont elle a réalisé les avances, et qu'elle bénéficie de la transmission du droit au paiement sur les premières rentrées de fonds en application de l'article L625-8 du code de commerce, sans qu'il puisse être considéré qu'il s'agit d'un droit exclusivement attaché à la personne du salarié. Elle ajoute que la cour, a compétence pour statuer sur sa demande.
La Selarl BDR & associés s'oppose à cette demande, faisant valoir que le droit reconnu au salarié par l'article 625-8 du code de commerce d'obtenir le versement provisionnel d'une somme égale à un mois de salaire, sur les premières rentrées de fonds à défaut de disponibilités, est exclusivement attaché à la personne du salarié. L'AGS ne peut invoquer le bénéfice d'une subrogation dans ce droit.
Sur ce
Aux termes de l'article L625-8 du code de commerce, 'Nonobstant l'existence de toute autre créance, les créances que garantit le privilège établi aux articles L. 143-10, L. 143-11, L. 742-6 et L. 751-15 du code du travail doivent, sur ordonnance du juge-commissaire, être payées dans les dix jours du prononcé du jugement ouvrant la procédure par le débiteur ou, lorsqu'il a une mission d'assistance, par l'administrateur, si le débiteur ou l'administrateur dispose des fonds nécessaires.
Toutefois, avant tout établissement du montant de ces créances, le débiteur ou l'administrateur s'il a une mission d'assistance doit, avec l'autorisation du juge-commissaire et dans la mesure des fonds disponibles, verser immédiatement aux salariés, à titre provisionnel, une somme égale à un mois de salaire impayé, sur la base du dernier bulletin de salaire, et sans pouvoir dépasser le plafond visé à l'article L. 143-10 du code du travail. A défaut de disponibilités, les sommes dues en vertu des deux alinéas précédents doivent être acquittées sur les premières rentrées de fonds'.
Ce texte instaure, au bénéfice du seul salarié, un privilège spécifique dans les limites de l'article L3253-2 du code du travail, par dérogation au principe d'interdiction des paiements instauré à l'ouverture des procédures collectives pour les créances antérieures, avec versement sur les premières rentrées de fonds. Il s'agit d'un droit attaché à la personne du salarié pour lequel l'AGS ne peut bénéficier d'une subrogation sans remettre en cause les répartitions de l'actif distribuable dans l'ordre défini par l'article L643-8 du code de commerce.
En conséquence la demande de l'UNEDIC AGS CGEA tendant au remboursement de l'avance consentie dès les premières rentrées de fonds s'inscrit dans l'ordre des distributions devant le juge commissaire.
Cette demande sera rejetée.
Sur les frais et dépens
Chaque partie succombe partiellement dans ses demandes et conservera la charge de ses propres dépens.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Infirme le jugement en toutes ses dispositions
Condamne la délégation UNEDIC AGS-CGEA de [Localité 5] à verser à la Selarl BDR & associés prise en la personne de Maître [C], ès qualités de mandataire liquidateur de la société SIGFOX, à titre d'avance la somme de 375 055,88 euros correspondant au solde du relevé de créances salariales n°6 sans astreinte
Rejette toute demande plus ample ou contraire
Dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.