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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 23 septembre 2021, n° 20/12434

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Infirmation partielle

PARTIES

Demandeur :

Nice Café de Turin (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Bourrel

Conseillers :

Mme Fillioux, Mme Alquié-Vuilloz

T. com. Nice, du 10 déc. 2020, n° 2020F0…

10 décembre 2020

FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La SAS Nice Café de Turin qui a pour activité l'acquisition, la gestion et l'administration de titres de sociétés a été créée en 2016. À ce jour, 10 % de son capital social est détenu par la SAS Café de Turin, anciennement SARL société d'exploitation Chez Jo l'écailler, dont Monsieur Y est le président, et à 90 % par Madame X. Jusqu'en juillet 2020, Monsieur Y était le président de la SAS Nice Café de Turin. La présidence de la SAS Nice Café de Turin est l'objet du présent litige entre Monsieur Y et sa fille, X.

Son siège social était situé <adresse>.

Dans la SAS Café de Turin, Monsieur Y détient 60 % du capital social, et la SAS Nice Café de Turin, 40 %.

Une convention de gestion du 1er janvier 2019 liait la SAS Nice Café de Turin et la SAS Café de Turin. Pour cela, les contrats de travail de quatre cadres et de la secrétaire de la SAS Café de Turin ont été transférés à la SAS Nice Café de Turin. En contrepartie de la mission de gestion administrative, financière et comptable, la SAS Café du Turin était redevable à la SAS Nice Café de Turin d'une somme mensuelle de 50 000 € HT. Par convention du 15 mars 2020, Monsieur Y en sa qualité de président des deux sociétés, a mis fin à la convention de gestion du 1er janvier 2019.

À la demande de Monsieur Y, trois des employés ont accepté d'être transférés à nouveau à la SAS Café de Turin, Monsieur V. a refusé et Monsieur T. a souhaité mettre fin à son contrat.

En cours d'instance, le 15 octobre 2020, la SAS Nice Café de Turin et la SAS Café de Turin, toutes deux représentées par Monsieur Y, ont signé un protocole d'accord relatif à la fin de la convention de gestion. Aux termes de cette convention, la société Café de Turin s'est engagée à payer à la société Nice Café de Turin les sommes dues à Monsieur Mickael T. et Monsieur Pierre V. à compter du 1er octobre 2020, les sommes dues à Monsieur Mickael T. au titre de l'accord de rupture qui a été signée, ainsi que les sommes qui seront payées par la société Nice Café de Turin à Monsieur Pierre V. au titre du licenciement économique dont il va faire l'objet.

Antérieurement à ce protocole d'accord, par courrier du 20 juillet 2020, Madame X a notifié à Monsieur Y qu'il était révoqué de ses fonctions de président de la SAS Nice Café de Turin.

Sur convocation de Monsieur T., commissaire aux comptes, une AGO s'est tenue le 7 août 2020 où seule était présente Madame X, au cours de laquelle la révocation de Monsieur Y de ses fonctions de président a été confirmée et la désignation de Madame X a été adoptée.

Par ordonnance de référé du 18 août 2020, le président du tribunal de commerce de Nice a suspendu les effets de la lettre de révocation écrite par Madame X et ceux de l'assemblée générale du 7 août 2020, a ordonné la transmission de la décision au registre du commerce et des sociétés, et a condamné Madame X à payer à Monsieur Y et à la SAS Nice Café de Turin la somme de 1000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir été autorisés à assigner à jour fixe, par exploit du 20 août 2020, Monsieur Y et la SAS Nice Café de Turin ont fait appeler devant le tribunal de commerce de Nice Madame X afin qu'il soit dit que la révocation selon courrier du 20 juillet 2020 de Madame X était nulle et de nul effet, que la convocation à l'assemblée générale par Monsieur Michel T., commissaire aux comptes, était nulle et de nul effet, que l'assemblée générale qui se serait tenue le 7 août 2020 est nulle et de nul effet, et que Madame X soit condamnée à payer à Monsieur Y la somme de 50'000 ' à titre de dommages et intérêts, et à la SAS Nice Café de Turin la somme de 25'000 ' à titre de dommages et intérêts, ainsi que la somme de 5000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures, il a en outre conclu au rejet de la demande d'expertise de Madame X, au fond à son débouté, et a porté sa demande au titre de l'article 700 du CPC à la somme de 10 000 €.

Madame X a conclu au débouté de toutes les demandes de Monsieur Y et de la SAS Nice Café de Turin, et reconventionnellement, a sollicité la condamnation de Monsieur Y à verser à la société Nice Café de Turin une provision de 350 000 € hors-taxes en réparation du préjudice subi du fait de ses agissements, a sollicité la désignation d'un expert afin d'évaluer ledit préjudice subi par la société Nice Café de Turin, ainsi que la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 décembre 2020, le tribunal de commerce de Nice a :

- dit régulière l'assemblée générale du 7 août 2020 constatant la révocation de Monsieur Y de son mandat de président de la SAS Nice Café de Turin, et en tant que de besoin la prononçant et nommant Madame Caroline Roumegous L. en qualité de nouveau président en remplacement de Monsieur Y, président révoqué,

pour le surplus, avant-dire droit au fond, tous droits et moyens des parties demeurant réservés,

- désigné Monsieur Antoine G. en qualité d'expert avec pour mission :

de déterminer le préjudice financier subi par la SAS Nice Café de Turin après :

* examen de la convention de mise à disposition du personnel conclu entre les deux sociétés Nice Café de Turin et Café de Turin,

* auditions contradictoires de l'ensemble des membres du personnel de la SAS Nice Café du Turin en leur demandant dans quelles conditions ils ont démissionné de la SAS Nice Café de Turin pour être aussitôt embauchés par Café de Turin,

* audition du commissaire aux comptes,

* communication des contrats signés avec la société Café de Turin et vérification de la conformité de la déclaration préalable d'embauche avec la date des contrats,

faire toutes les investigations nécessaires en vue de la mission sus définie.

- dit que Monsieur Y devra laisser pénétrer l'expert judiciaire et lui donner tous les éléments nécessaires à sa mission, ainsi que toutes les parties en cause,

- désigné Monsieur le juge délégué au contrôle des expertises poursuivre la présente expertise,

-fixé à la somme de 2 500 € le montant de la provision à valoir sur sa rémunération,

- dit que Monsieur Y devra consigner cette somme au greffe dans le délai de 15 jours à compter de l'avis qui leur sera donnée par le greffier et qu'à défaut, il en sera tiré toute conséquence,

- réservé les dépens.

Monsieur Y et la SAS Nice Café de Turin ont relevé appel de cette décision par déclaration du 11 décembre 2020.

Par décision présidentielle, vu l'urgence, l'affaire a été fixée selon les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile à l'audience du 22 juin 2021.

Monsieur Y et la SAS Nice Café de Turin ont sollicité une fixation à jour fixe de cette affaire. Par ordonnance du 21 décembre 2020, cette requête a été rejetée au motif que l'affaire était déjà fixée au 22 juin 2021.

A la demande de Monsieur Y, par ordonnance de référé du 28 décembre 2020, la SAS Michel T. et Associés a été relevée avec effet immédiat de ses fonctions de commissaire aux comptes de la SAS Café du Turin, de la SAS Nice Café de Turin et de la SAS L'annexe Café de Turin devenue Histoire d'O, et l'a condamnée à rembourser les honoraires perçus au titre de sa mission pour l'exercice 2019/2020.

En invoquant sa qualité de présidente de la société Nice Café de Turin, par courriers avec accusé de réception du 4 janvier 2021, Madame X a convoqué une assemblée générale ordinaire et une assemblée générale extraordinaire pour le 26 janvier 2021 au cours de laquelle ont été apportées plusieurs modifications statutaires tel que le transfert du siège social de la société, de nouvelles conditions de nomination et de révocation du président, avec une limite d'âge, des modalités de convocation de l'assemblée générale différentes. Elle a aussi convoqué par courrier avec accusé de réception du 11 janvier 2021 une assemblée générale pour le 8 février 2021 au cours de laquelle la SAS Michel T. et Associés a été nommée à nouveau en qualité de commissaire aux comptes.

Par ordonnance de référé du 2 février 2021, Monsieur Y qui avait sollicité la suspension des effets des deux convocations pour les assemblées générales ordinaire et extraordinaire du 26 janvier 2021, et de la convocation pour l'assemblée générale ordinaire du 8 février 2021, et en temps que de besoin la suspension des effets des assemblées du 26 janvier 2021, la désignation d'un commissaire aux comptes et d'un administrateur provisoire, a été débouté de toutes ses demandes et a été condamné à payer à Madame X et à la SAS Nice Café de Turin la somme de 2000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par exploit du 18 mars 2021, Monsieur Y a saisi le tribunal de commerce d'Antibes en annulation des trois assemblées des 26 janviers et 8 février 2021 et des décisions qui y ont été prises.

Dans la présente instance, à l'initiative de Madame X, un nouvel avocat s'est constitué pour la société Nice Café de Turin, et par conclusions du 21 janvier 2021, cette société a fait valoir que la décision déférée étant exécutoire de plein droit, Monsieur Y n'avait aucun pouvoir pour l'engager, et que l'appel formalisé en son nom par Maître Z. était irrégulier en l'absence de mandat régulier. C'est ainsi que la SAS Nice Café de Turin a sollicité que soit ordonné son désistement d'appel et que Monsieur Y soit condamné à lui payer la somme de 10'000 ' au titre de l'article 700 du CPC.

Avant qu'il ne soit statué sur cette demande de désistement, par exploit du 18 février 2021, Madame X a assigné en appel provoqué la SAS Nice Café de Turin, qui a à nouveau constitué avocat en qualité d'intimée.

Par conclusions du 4 juin 2021 qui sont tenues pour entièrement reprises, Monsieur Y demande à la Cour de :

« Vu le jugement du tribunal de commerce de Nice en date du 10 décembre 2020 et son absence de motivation,

vu l'ordonnance du 18 août 2020 suspendant les effets de la révocation du 20 juillet 2020 et l'assemblée du 7 août 2020,

vu l'ordonnance du 28 décembre 2020 relevant la SAS Michel T. et Associés de ses fonctions de commissaire aux comptes,

vu le manque de motivation du jugement critiqué,

vu les pièces versées aux débats,

Infirmer le jugement attaqué dans son intégralité.

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Vu l'absence de dispositions statutaires prévoyant la révocation par décision unilatérale d'un associé du président de la SAS Nice Café de Turin,

vu l'article L. 225-96 du code de commerce prévoyant que les statuts ne peuvent être modifiés que sur décision des associés,

vu l'absence d'assemblée générale des associés de la SAS Nice Café de Turin prévoyant des dispositions modificatives de l'article 15.1 pour prévoir la révocation unilatérale et ad nutum du président par un seul associé,

vu l'article 1838 du Code civil,

vu que les actionnaires ne peuvent opposer des statuts modifiés irrégulièrement,

vu qu'à défaut de décisions collectives des associés, les statuts de la SAS Nice Café de Turin n'ont pu être régulièrement modifiés pour prévoir de nouvelles modalités de révocation du président de la société,

vu que les actionnaires ne sauraient invoquer les stipulations d'une modification statutaire qu'ils savent irrégulière, même si les statuts irrégulièrement modifiés ont fait l'objet d'une publication au RCS,

Vu l'avis sur ce point du maître de conférences Monsieur Giulio Cesare G.,

Voir dire et juger nulle et de nul effet la révocation prononcée par le seul désir de Madame X selon courrier en date du 20 juillet 2020.

Vu la convocation inexistante par le commissaire aux comptes de Monsieur Y, ès qualités de président de la SAS Nice Café de Turin et associé de celle-ci,

vu l'impossibilité pour le commissaire aux comptes de procéder à une telle convocation sans qu'il ait été mis fin au préalable à une procédure d'alerte ou les motifs prévus par l'article R. 225-162 du code de commerce,

vu la consultation sur ce point de Madame Irina P., agrégée des facultés de droit, professeur à l'université de Nice Côte d'Azur,

vu l'absence de respect du délai de 15 jours séparant la convocation adressée le 23 juillet de l'assemblée qui se serait tenue le 7 août,

vu la violation des articles 641 (et suivants ') du Code civil,

vu l'article L. 225-104 du code de commerce sur la nullité des assemblées irrégulièrement convoquées,

Voir prononcer la nullité et de nul effet la convocation faite par Monsieur Michel T. ès qualités de commissaire aux comptes le 23 juillet 2020, alors qu'il n'en avait pas le pouvoir et qu'il n'a pas respecté les délais.

En conséquence,

Dire et juger nulle et de nul effet la prétendue assemblée générale du 7 août 2020.

En conséquence,

Constater que Monsieur Y est resté le seul représentant légal de la société Nice Café de Turin.

Dire et juger que toutes les assemblées prises sur convocation de Madame X sont donc nulles et inopposables aux tiers et au registre du commerce et des sociétés.

Déclarer opposable la décision à intervenir au registre du commerce et des sociétés d'Antibes et de Nice.

Ordonner qu'interviennent au registre du commerce et des sociétés à la seule vue de la décision à intervenir, les formalités nécessaires pour que Monsieur Y soit rétabli en tant que président de la société Nice Café de Turin, que son siège social soit de nouveau [...] et que les statuts soient ceux antérieurs au changement intervenu le 26 janvier 2021.

Voir annuler la résolution du 8 février 2021 relative à la nouvelle nomination de Monsieur Michel T. ès qualités de commissaire aux comptes de la SAS Nice Café de Turin prise en contradiction avec la décision de justice le relevant de ses fonctions.

Voir annuler les résolutions du 26 janvier 2021 prises suite à l'établissement d'un rapport d'alerte en violation de la loi applicable.

Voir annuler la résolution du 26 janvier 2021 relative au transfert du siège social de la SAS Nice Café de Turin prise dans l'unique but de changer de juridiction compétente.

Voir annuler les résolutions du 26 janvier 2021 relative aux nouvelles conditions de nomination du président et à sa limite d'âge prises dans l'unique but d'évincer Monsieur R..

Voir annuler la résolution relative du 26 janvier 2021 à la modification des conditions de convocation d'une assemblée générale permettant l'immixtion illicite du commissaire aux comptes dans la gestion de la société.

Voir transmettre la décision à intervenir au registre du commerce et des entreprises (sic) de Nice et Antibes.

Vu l'article 1240 du Code civil,

vu l'agression dont est victime Monsieur R. de la part de sa fille,

Voir rejeter la demande de condamnation formulée à l'encontre de Monsieur R..

Voir prononcer l'anéantissement de tous les actes irrégulièrement accomplis par et à l'initiative de Madame X en sa prétendue qualité de présidente de la société depuis le 20 juillet 2020 jusqu'à ce jour.

Condamner Madame X à payer à Monsieur Y la somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts.

Plus généralement, voir rejeter l'ensemble des moyens, fins et conclusions de Madame R..

Condamner Madame R. au paiement d'une somme de 25 000 € au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens. »

Par conclusions du 31 mai 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, Madame X épouse L. demande à la Cour de :

« Au principal :

Écarter des débats les conclusions n° 3 et pièces notifiées peu de jours avant l'ordonnance de clôture prévue le 26 mai 2021 et communiqués à la concluante le 24 mai 2021 pour violation des dispositions de l'article 15 du code de procédure civile.

Subsidiairement :

si par extraordinaire la cour refusait d'écarter des débats lesdites conclusions et pièces,

Ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture prononcée le 26 mai 2021 et accueillir les présentes conclusions responsives et récapitulatives 2.

Vu les articles 901 et suivants du code de procédure civile

vu les dispositions statutaires,

vu l'article L. 2271 (sic) du code de commerce,

vu l'article 1240 du Code civil,

vu la jurisprudence,

vu les pièces versées aux débats,

Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

Juger régulières et conformes aux statuts la révocation de Monsieur Y de son mandat de président de la société Nice Café de Turin intervenue par lettre du 20/07/2020.

Confirmer la décision rendue par le premier juge et :

Juger régulière et conforme aux statuts la convocation à l'assemblée du 7/08/2020 à la diligence du commissaire aux comptes.

Juger régulière l'assemblée générale du 07/08/2020 constatant la révocation de Monsieur Y de son mandat de président de la société Nice Café de Turin et en tant que de besoin, la prononçant et nommant Madame X en qualité de nouveau président en remplacement de Y, président révoqué.

Juger que mention en sera faite au registre du commerce et des sociétés de Nice.

En conséquence,

Débouter Monsieur Y de sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'agression alléguée (de) Madame X, mais sans aucun fondement.

Réformer la décision en ce qu'elle a débouté Madame L. de sa demande de provision.

Recevoir l'action sociale exercée ut singuli par Madame X détenteur de 90 % du capital de la société Nice Café de Turin.

Vu les agissements décrits par Monsieur V. de Maître Z. avocats des deux sociétés et de Monsieur Y ainsi que de la secrétaire de la société,

Condamner Y à verser à la société Nice Café de Turin une provision de 50'000 ' par mois à compter de la résiliation unilatérale par Y de la convention de gestion liant les deux sociétés Café de Turin et Nice Café de Turin, à valoir sur la réparation du préjudice subi par la société du fait de ses agissements visant à faire démissionner le personnel de la société Nice Café de Turin pour l'embaucher directement dans Café de Turin, sociétés qu'il dirige et contrôle.

Confirmer, avant-dire droit sur le montant du préjudice définitif de la société, la désignation d'un expert aux fins de déterminer le préjudice financier subi par la société Nice Café de Turin après :

- examen de la convention de mise à disposition du personnel conclu entre les deux sociétés Nice Café de Turin et Café de Turin,

- audition contradictoire de l'ensemble des membres du personnel de la société Nice Café de Turin en leur demandant dans quelles conditions ils ont démissionné de la société Nice Café de Turin pour être aussitôt embauchés par Café de Turin,

- s'être fait communiquer les contrats signés avec la société Café de Turin et vérifier la conformité de la déclaration préalable d'embauche avec la date des contrats.

Condamner Y au paiement d'une somme de 20 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens.

Extrêmement subsidiairement :

Dans l'hypothèse où par extraordinaire la Cour réformerait la décision dont appel, rejeter les demandes de nullité des assemblées des 26 janvier 2021 et 8 février 2021 telle que formulées par Monsieur Y hors délais imposés par les dispositions de l'article 910-4 du code de procédure civile.

Renvoyer sur ce point Y à mieux se pourvoir. »

Par conclusions du 16 mars 2021, qui sont tenues pour entièrement reprises, la SAS Nice Café de Turin demande à la Cour de :

« Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes et en tout cas mal fondées,

Confirmer la décision rendue par les premiers juges et :

Recevant l'action sociale exercée ut singuli par Madame X détenteur de 90 % du capital de la société Nice Café de Turin,

vu les agissements décrits par Monsieur V. de Maître Z. avocat des deux sociétés et de Monsieur Y ainsi que de la secrétaire de la société,

Condamner Y à verser à la société Nice Café de Turin une provision de 50'000 ' par mois à compter de la résiliation unilatérale par Y de la convention de gestion liant les deux sociétés Café de Turin et Nice Café de Turin à valoir sur la réparation du préjudice subi par la société du fait de ses agissements visant à faire démissionner le personnel de la société Nice Café de Turin pour l'embaucher directement dans Café de Turin, sociétés qu'il dirige et contrôle.

Confirmer, avant-dire droit sur le montant du préjudice définitif de la société, la désignation d'un expert aux fins de déterminer le préjudice financier subi par la société Nice Café de Turin après :

- examen de la convention de mise à disposition du personnel conclu entre les deux sociétés Nice Café de Turin et Café de Turin,

- audition contradictoire de l'ensemble des membres du personnel de la société Nice Café de Turin en leur demandant dans quelles conditions ils ont démissionné de la société Nice Café de Turin pour être aussitôt embauchés par Café de Turin,

- s'être fait communiquer les contrats signés avec la société Café de Turin et vérifier la conformité de la déclaration préalable d'embauche avec la date des contrats.

Condamner Y au paiement d'une somme de 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le condamner aux entiers dépens. »

Par ordonnance du 22 juin 2021, l'ordonnance de clôture du 26 mai 2021 a été révoquée et l'instruction de l'affaire a été close à nouveau.

MOTIFS

Sur la procédure

1. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture à laquelle il a déjà été satisfait avant l'ouverture des débats.

2. L'article 910-4 édicte qu'à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 783, demeure recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqué, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions menées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Dans ses conclusions en date du 24 mai 2021 et du 4 juin 2021, Monsieur Y sollicite qu'il soit constaté qu'il est resté seul représentant légal de la société Nice Café de Turin, qu'il soit dit que toutes les assemblées prises sur convocation de Madame X sont donc nulles et inopposables aux tiers et au registre du commerce des sociétés, que la décision à intervenir soit opposable au registre du commerce et des sociétés d'Antibes et de Nice, qu'au vu de la décision à intervenir, il soit rétabli dans ses fonctions de président au registre du commerce et des sociétés et que soit rétabli le siège social au sein de la place Garibaldi à Nice, que soit annulée les résolutions du 8 février 2021, du 26 janvier 2021, avec transfert au registre du commerce et des sociétés de Nice et d'Antibes.

Ces demandes ne figuraient ni dans les conclusions du 21 janvier 2021, ni dans celles du 16 mars 2021 de Monsieur Y.

Cependant, d'une part une demande de constat n'est pas une prétention.

D'autre part, les résolutions dont il est demandé l'annulation étant des faits révélés postérieurement à l'appel et aux premières écritures du 21 janvier 2021, lesquelles ont été prises dans le délai de l'article 905-2 du code de procédure civile, sur le fondement de l'article 910-4, ces prétentions ne sont pas irrecevables.

Enfin, le rejet de la demande d'opposabilité et de modifications des mentions du registre du commerce des sociétés est superfétatoire dans la mesure où il s'agit d'une des mesures d'exécution de la décision à intervenir et est sollicitée aussi par Madame X

Certes Monsieur Y a assigné Madame X et la SAS Nice Café de Turin devant le tribunal de commerce d'Antibes par exploit du 18 mars 2021 pour l'audience du 30 avril 2021 aux mêmes fins. Cependant, comme le relève Madame X dans ses écritures, au regard des dispositions des articles 100 et suivants du code de procédure civile, les juridictions n'étant pas de même degré, la litispendance ne peut être soulevée que devant le tribunal de commerce d'Antibes, juridiction devant laquelle l'audience n'a pas encore eu lieu.

Les demandes complémentaires de Monsieur Y sont donc recevables.

3. La motivation du jugement déféré est succincte et sur certains points, incomplète. Néanmoins, cette décision est motivée contrairement à ce que soutient Monsieur Y.

Le jugement attaqué ne sera pas infirmé pour absence de motivation.

Sur la révocation de Monsieur Y de son mandat social

L'article 15.1 des statuts de la SAS Nice Café de Turin, mis à jour suite à la cession d'action du 28 janvier 2019, applicable le 20 juillet 2019, qui est intitulé 'Nomination du président' énonce :

La société est gérée et administrée par un président, personne physique ou morale.

Le premier président de la société est Monsieur Y, demeurant [...], nommé pour une durée indéterminée.

En cours de vie sociale, le président est nommé par les associés délibérant dans les conditions requises pour les décisions collectives ordinaires.

En cas de vacance du poste de président, l'assemblée se tiendra à l'initiative de l'associé le plus diligent.

L'associé majoritaire peut également décider de révoquer le président de son mandat, en cas de manquement à ses obligations, sans autre formalité qu'une simple lettre et devenir alors automatiquement président.

Par lettre recommandée du 20 juillet 2020, Madame X qui détient 90 % du capital social de la SAS Nice Café de Turin, a révoqué Monsieur Y de ses fonctions de président.

Dans ce courrier, elle explique qu'elle ne peut conserver sa confiance à Monsieur Y dans la gestion de la société eu égard à leurs dissensions constantes accompagnées aujourd'hui de la rupture de leur relation. Elle précise que bien que d'après les statuts, dans l'hypothèse de l'application des dispositions de l'article 15.1, elle devient ipso facto présidente de la société, elle demande au commissaire aux comptes de convoquer sans délai une assemblée avec pour ordre du jour la constatation de sa révocation et la nomination de nouveau président.

Pour s'opposer à cette révocation ad nutum, Monsieur Y soutient que les statuts invoqués contiennent une 'coquille'.

Il produit deux exemplaires des statuts de la SAS Nice Café de Turin mis à jour suite à la cession d'actions du 28 janvier 2019, tous deux certifiés conformes par le président, soit Monsieur Y, pièces 18 et 19.

Les statuts produits en pièce 18 sont identiques à ceux produits par Madame X

Dans l'exemplaire qu'il produit en pièce 19, l'article 15.1 est ainsi rédigé :

La société est gérée et administrée par un président, personne physique ou morale.

Le premier président de la société est Monsieur Y, demeurant [...], nommé pour une durée indéterminée.

En cours de vie sociale, le président est nommé par les associés délibérant dans les conditions requises pour les décisions collectives ordinaires à l'article 22 ci-après, et ce en cas de vacance du poste de président, à l'initiative de l'associé le plus diligent.

Cette rédaction de l'article 15.1 est identique à celle des statuts antérieurs mis à jour suite à l'assemblée générale du 20 décembre 2016, pièce 17, sauf en ce qui concerne la numérotation de l'article relatif aux décisions collectives ordinaires qui est le 21.

Toutefois, la dernière page de la pièce 19 est un courrier de Maître Jérôme Z. au Registre du commerce et des sociétés de Nice du 7 août 2020 dans laquelle il indique qu'il s'est aperçu qu'une coquille s'était glissée dans les statuts de la SAS Nice Café de Turin, alors qu'aucune assemblée générale décidant la modification des statuts n'était intervenue, et qu'il déposait à nouveau les statuts dépourvus de cette coquille par souci de transparence à l'égard des tiers.

L'article 15.1 a donc été rédigé à nouveau, par Monsieur Y ou à sa demande par son conseil, pour la publication au registre du commerce et des sociétés en août 2020.

L'ajout d'une phrase entière avec modification du paragraphe ne peut constituer une 'coquille' ou erreur de plume.

Or, Monsieur Y ne produit pas les procès-verbaux des assemblées générales qui auraient pu accréditer sa thèse selon laquelle cette modification provient d'une erreur de copié-collé avec d'autres statuts. Il ne démontre donc pas que cette modification est irrégulière pour ne pas avoir été décidée par les actionnaires.

Dès lors, les statuts déposés au registre du commerce des sociétés, soit l'exemplaire produit par Madame X et la pièce 18 de Monsieur Y, sont ceux à prendre en compte.

En conséquence, en sa qualité d'associé majoritaire, Madame X pouvait révoquer Monsieur Y de ses fonctions de président en cas de manquement à ses obligations, par lettre simple et devenir alors automatiquement présidente.

Monsieur Y conclut que le courrier du 20 juillet 2020 n'est pas motivé par des manquements à ses obligations, et qu'il n'y avait pas de dissensions graves entre Madame X et lui même en sa qualité de président de la SAS Nice Café de Turin.

Cependant, Madame X évoque l'attitude de son père qui était nuisible aux intérêts de la société.

Elle produit un mail du 5 décembre 2019 de Maître Jérôme Z. envoyé à Monsieur Michel T., commissaire aux comptes, et à Madame Déborah A., expert-comptable de la SAS Nice Café de Turin et de la SAS Café de Turin, dans lequel il fait état d'une réunion sur la SAS Café de Turin, au cours de laquelle il avait été indiqué qu'il était nécessaire pour ne pas dire indispensable de pouvoir démettre Monsieur R. de ses fonctions, dans la mesure où il continuerait à commettre des actes pouvant nuire à la société étant contraire à son objet. Il précisait que cet objectif serait difficile à atteindre dans la mesure où Monsieur Y détenait 60 % du capital social et il proposait la constitution d'un collège et l'adoption de nouveaux statuts.

Dans ses écritures, la SAS Nice Café de Turin évoque une réunion qui s'est tenue le 20 décembre 2019 au cours de laquelle il a été fait état par le commissaire aux comptes que Monsieur Y puisait sans réserve dans les caisses. Madame X indique qu'au cours de cette réunion, le commissaire aux comptes a mis en demeure Monsieur Y de rembourser la somme de 140'000 ' sous peine de mettre en oeuvre la procédure d'alerte.

La réunion du 20 décembre 2019 et les propos qui y ont été tenus ne sont pas contestés par Monsieur Y. Ils sont en outre prouvés par l'attestation de Madame A., et son mail du 7 octobre 2020 adressé à Maître Jérôme Z. dans lequel elle indique que Monsieur Y a amené la somme de 145'000 ' à la SAS Café de Turin en exécution de l'engagement qu'il avait pris de rembourser son compte courant.

Surtout, les seuls profits de la SAS Nice Café de Turin étaient tirés de la convention de gestion aux termes de laquelle la SAS Café de Turin lui payait une redevance mensuelle de 50 000 € HT, ce qui lui permettait notamment de régler les salaires des 5 salariés qui lui avaient été transférés et qu'elle avait mis à disposition de la SAS Café de Turin.

Or, en sa qualité de président des deux sociétés, Monsieur Y a mis fin à cette convention le 15 mars 2020, privant ainsi la SAS Nice Café de Turin de toute rentrée d'argent et la plaçant dans l'impossibilité à court terme d'assurer les salaires de ses employés.

Dans le même temps, dans des conditions particulièrement discutables, en expliquant que leurs salaires ne seraient plus payer, Y, assisté de son conseil, a demandé aux cinq employés de la SAS Nice Café de Turin de démissionner pour être embauché par la SAS Café de Turin.

Dans ses écritures, Monsieur Y a lui-même écrit que la SAS Nice Café de Turin est une coquille vide.

En agissant ainsi, Monsieur Y a porté atteinte aux intérêts de la SAS Nice Café de Turin, puisque sa décision de mettre fin à la convention de gestion ne pouvait que conduire la société à la cessation des paiements, ce qui est une violation de ses obligations de président.

Dès lors, la décision de Madame X de révoquer Monsieur Y de son mandat social est motivée par les manquements du président, et son courrier du 20 juillet produit donc les effets qui y sont attachés au regard de l'article 15.1 des statuts, soit la dévolution de la présidence de la société à Madame X

Néanmoins, les effets de ce courrier ont été suspendus par l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nice du 18 août 2020.

Sur l'assemblée générale du 7 août 2020

L'article 20.3 des statuts de la SAS Café de Turin stipulent que les assemblées d'actionnaires sont convoquées par le président ; elles peuvent être également convoquées par le commissaire aux comptes ou par un mandataire de justice dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi.

La convocation des assemblées générales est faite par tout procédé de communication écrite telle que télécopie ou par voie électronique, adressée à chacun des actionnaires 15 jours au moins avant la date de l'assemblée.

Les assemblées sont convoquées au siège social ou tout autre lieu indiqué sur la convocation.

L'ordre du jour doit être indiqué dans la convocation ; celle-ci doit contenir le texte des résolutions proposées, le rapport du président et le cas échéant, le rapport du commissaire aux comptes.

1. L'article R. 225-69 du code de commerce, applicable en matière de convocation des assemblées générales des SA ainsi que des SAS, précise que le délai de 15 jours est calculé entre la date de l'envoi des lettres et la date de l'assemblée.

L'examen des accusés de réception joints aux convocations produits par Madame X prouve que le courrier du 22 juillet 2020 a été envoyé au plus tard le 23 juillet 2020, puisqu'il lui a été présenté le 24 juillet et lui a été distribué le 25 juillet 2020. La date de l'envoi à Monsieur Y le 23 juillet est confirmée par le détail du cheminement de la lettre recommandée qui lui était destinée émanant de La Poste (pièce 34 de Monsieur Y).

Entre le 23 juillet 2020 et le 7 août 2020, il s'est écoulé un délai de 15 jours. Il est donc vain d'invoquer la distribution le 11 août à Monsieur Y pour conclure à la nullité de cette AGO.

2. Les statuts de la SAS Nice Café de Turin permettaient à Monsieur T., commissaire aux comptes, de convoquer l'assemblée générale des actionnaires, dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi.

Pour soutenir que la convocation du 22 juillet 2020 du commissaire aux comptes est irrégulière et entraîne la nullité de l'assemblée générale du 7 août 2020, Monsieur Y invoque les dispositions de l'article L. 225-103 du code de commerce. Mais celles-ci ne sont pas applicables aux SAS au regard des dispositions de l'article L. 227-1 du code de commerce.

Par contre est applicable l'article R. 225-162 du code de commerce qui dispose que le commissaire aux comptes ne peut convoquer l'assemblée générale des actionnaires qu'après avoir vainement requis sa convocation du conseil d'administration ou du directoire, selon le cas, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

L'article L. 227-1 précise que les attributions du conseil d'administration de la SA ou de son président sont exercées par le président de la SAS .

Dès lors, nonobstant la demande de Madame X, actionnaire majoritaire, Monsieur T., commissaire aux comptes, ne pouvait convoquer l'assemblée générale, qu'après un refus du président de convoquer l'assemblée générale des actionnaires. Tel n'est pas le cas en l'espèce.

La convocation du commissaire aux comptes à l'assemblée générale du 7 août 2020 est ainsi irrégulière.

L'article L. 225- 104 alinéa 2 du code de commerce qui prévoit que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée mais que toutefois, l'action en nullité n'est pas recevable lorsque tous les actionnaires étaient présents ou représentés, n'est pas non plus applicable aux SAS d'après l'article L. 227-1 du même code.

Toutefois, l'article L. 235-1 alinéa 2 du code de commerce énonce que la nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent (nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts) ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats.

Le commissaire aux comptes n'ayant le pouvoir de convoquer l'assemblée générale des actionnaires que lorsqu'il y a refus du président de la SAS de convoquer ladite assemblée générale, en l'absence d'une demande de convocation de l'assemblée générale du commissaire comptes et d'un refus du président, dispositions impératives du livre deuxième du code de commerce, il y a nullité de l'assemblée générale subséquente.

Sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens développés par Monsieur Y, l'assemblée générale du 7 août 2020 est annulée.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la présidence de la SAS Nice Café de Turin

L'annulation de l'assemblée générale du 7 août 2000 est sans effet sur la présidence de la SAS Nice Café de Turin qui est dévolue à Madame X, comme il a été explicité ci-dessus, ensuite de la révocation de Monsieur Y par lettre du 20 juillet 2020, par application des dispositions de l'article 15.1 des statuts, avec, néanmoins, une suspension par exécution de l'ordonnance de référé du 18 août 2020 jusqu'à ce qu'il soit statué au fond.

Par application des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret numéro 2019- 1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

La présente instance ayant été introduite par exploit du 29 août 2020, contrairement à ce que soutient Monsieur Y, le jugement déféré était exécutoire à titre provisoire, et a mis fin aux effets de l'ordonnance du 18 août 2020.

Même si cette décision attaquée est infirmée pour avoir jugé que l'AGO du 7 août était régulière, par l'effet de l'exécution provisoire attachée à cette décision, Madame X a recouvré ses pouvoirs de présidente de la SAS Nice Café de Turin depuis la décision déférée en date du 10 décembre 2020.

Sur les assemblées générales convoquées par Madame X

Au regard des développements qui précèdent, toutes les assemblées tenues sur convocation de Madame X postérieurement à la date du 10 décembre 2020, et les résolutions qui y ont été prises, sont donc régulières.

En ce qui concerne la nomination de la SAS Michel T. et Associés en qualité de commissaire aux comptes lors de l'assemblée générale du 8 février 2021, de façon surabondante, il est rappelé que les ordonnances de référé sont des décisions provisoires qui n'ont pas autorité de la chose jugée.

L'ordonnance de référé du 28 décembre 2020 du président du tribunal de commerce de Nice, rendue à la requête de Monsieur Y qui n'avait plus qualité pour représenter la SAS Nice Café de Turin, qui a relevé la SAS Michel T. et Associés de ses fonctions de commissaire aux comptes dans la SAS Café de Turin, la SAS Nice Café de Turin et la SAS l'annexe Café de Turin devenue SAS Histoire d'O et l'a condamné au remboursement des honoraires perçus au titre de sa mission pour l'exercice 2019/2020, n'était pas un obstacle à ce que Madame X, en sa qualité de présidente de la SAS Nice Café de Turin, propose que la SAS Michel T. et associés soit nommée à nouveau commissaire aux comptes, d'autant que par le changement de président, la cause du relèvement qui était le manque de dialogue avec le président, a disparu.

Sur l'action ut singuli de Madame X

L'article L. 225- 252 du code de commerce énonce que outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, les actionnaires peuvent, soit individuellement, soit par une association répondant aux conditions fixées à l'article L. 225- 120 soit en se regroupant dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État, intenter l'action sociale en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général. Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation de l'entier préjudice subi par la société, à laquelle, le cas échéant, les dommages-intérêts sont alloués.

L'action de Madame X à l'encontre de Monsieur Y en paiement de dommages et intérêts à payer à la SAS Nice Café de Turin du fait de ses agissements tels qu'ils ont été explicités ci-dessus, est recevable.

Sur la demande d'expertise

Dans la mesure où il a été retenu ci-dessus que la fin de la convention de gestion et le débauchage des employés étaient contraires aux intérêts de la SAS Nice Café de Turin, il est établi que Monsieur Y, ancien président de cette société et auteur de ces décisions, a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité.

Dès lors, la demande avant-dire droit d'expertise afin que soit établi le montant du préjudice subi par la SAS Nice Café de Turin du fait des agissements de Monsieur Y durant son mandat de président est recevable.

Le jugement déféré est confirmé en ce qu'il a ordonné une expertise confiée à Monsieur Antoine G. avec pour mission de déterminer le préjudice financier subi par la SAS Nice Café de Turin.

Cependant, si l'expert judiciaire se fera communiquer les différents contrats signés avec la société Café de Turin, il n'y a pas lieu de lui donner mission d'auditionner les anciens employés. Le commissaire aux comptes pourra être entendu si l'expert l'estime nécessaire. La mission sera modifiée en ce sens.

Sur la demande de provision

Madame X et la SAS Nice Café de Turin sollicitent que Monsieur Y soit condamné à payer à la société à titre provisoire la somme de 50 000 € par mois à compter de la résiliation unilatérale de la convention de gestion liant les sociétés Café de Turin et Nice Café de Turin à valoir sur la réparation du préjudice subi par la société du fait de ses agissements tendant à faire démissionner le personnel de la société Nice Café de Turin pour l'embaucher directement dans la société Café de Turin.

D'après Monsieur Y, seul Monsieur Pierre V. serait toujours employé de la SAS Nice Café de Turin. Il justifie aussi par la production du compte Nice Café de Turin dans les livres de la SAS Café de Turin, que les échanges financiers ont perduré entre les deux sociétés au moins jusqu'au 12 janvier 2021.

Les éléments produits par Madame X et la SAS Nice Café de Turin sont ainsi insuffisants pour allouer une provision à ladite société.

Sur la demande de dommages et intérêts

Eu égard aux solutions adoptées par la cour, Monsieur Y ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice, et est débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes

La présente décision devra être publiée au RCS Antibes puisque son siège social actuel est situé [...] ensuite de l'AGE du 26 janvier 2021, et ce, à la diligence de sa présidente, Madame X

L'équité commande de faire bénéficier Madame X et la SAS Nice Café de Turin des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur Y qui succombe, est débouté de sa demande d'indemnisation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance ont été réservés dans la mesure où une expertise a été ordonnée. Cette mesure d'instruction étant confirmée, la réserve des dépens de première instance est aussi confirmée et Monsieur Y est condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Déclare recevables les demandes additionnelles de Monsieur Y contenues dans ses écritures du 24 mai 2021, puis du 4 juin 2021,

Déboute Monsieur Y de sa demande d'infirmation du jugement attaqué pour absence de motivation,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur Antoine G. avec pour mission de :

- déterminer le préjudice financier subi par la SAS Nice Café de Turin,

- examiner la convention de mise à disposition du personnel conclu entre les deux sociétés,

- se faire communiquer les contrats signés avec la société Café de Turin et vérifier la confirmation des déclarations préalables d'embauche avec la date des contrats,

- faire toutes les investigations nécessaires en vue de la mission sus-définie,

et en ce qu'il a réservé les dépens,

Infirme la décision entreprise pour le surplus, statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare que la révocation par Madame X de Monsieur Y de ses fonctions de président de la SAS Nice Café de Turin par courrier avec accusé de réception du 20 juillet 2020 est régulière,

Déclare nulle l'assemblée générale ordinaire des actionnaires de la SAS Nice Café de Turin du 7 août 2020,

Vu l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Nice du 18 août 2020,

Dit que Monsieur Y n'est plus président de la SAS Nice Café de Turin depuis le jugement déféré, 10 décembre 2020,

Dit que Madame X est présidente de la SAS Nice Café de Turin depuis le 10 décembre 2020,

Déclare régulières les convocations aux assemblées générales ordinaires et extraordinaire délivrées par Madame X en sa qualité de présidente de la SAS Nice Café de Turin,

Déclare régulières l'assemblée générale ordinaire du 26 janvier 2021, l'assemblée générale extraordinaire du 26 janviers 2021 et l'assemblée générale ordinaire du 8 février 2021 des actionnaires de la SAS Nice Café de Turin,

Déboute Madame X et la SAS Nice Café de Turin de leur demande de provision,

Précise que dans le cadre de sa mission d'expertise, Monsieur Antoine G. n'a pas pour mission d'entendre les membres du personnel de la SAS Nice Café de Turin, et qu'il entendra le commissaire aux comptes que s'il estime cette audition nécessaire,

Dit que le présent arrêt sera mentionné au RCS d'Antibes à la diligence de Madame X,

Condamne Monsieur Y à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à Madame X la somme de 5000 ' et à la SAS Nice Café de Turin la somme de 2000 ',

Condamne Monsieur Y aux dépens d'appel.