Cass. 2e civ., 7 juin 2006, n° 05-18.038
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Favre
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (2e Civ, 4 décembre 2003, Bull. II, n° 364) et les productions, que la SCP X... (la SCP), liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Image photogravure, aux droits de laquelle vient M. X..., qui avait engagé une action en comblement de passif à l'encontre de M. et Mme Y..., a été autorisée le 23 avril 1998 à pratiquer une saisie conservatoire sur le prix de vente d'un immeuble appartenant à ces derniers ; que M. et Mme Y... ont saisi un juge de l'exécution d'une demande de mainlevée de la mesure de saisie et de condamnation de la SCP à leur payer les intérêts au taux légal sur la somme saisie depuis son immobilisation ; que le tribunal, après avoir constaté que la SCP avait donné mainlevée de la saisie le 3 mai 2000, a retenu que la saisie avait été inutile du 8 février 2000, date de la signification de l'arrêt rejetant la demande en comblement de passif, au 3 mai 2000 ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la SCP à payer, à titre de dommages-intérêts, à M. et Mme Y..., les intérêts au taux légal pour la somme de 225 063,69 euros entre le 8 février 2000 et le 4 mai 2000 et une certaine somme à titre de remboursement des intérêts versés aux créanciers hypothécaires du 22 mai 1995 au 4 mai 2000, alors, selon le moyen :
1 / que le créancier saisissant ne peut être condamné à verser des dommages-intérêts à son débiteur à la suite de la mainlevée d'une saisie que s'il est établi qu'il a commis une faute dans l'exercice de cette voie d'exécution ; qu'en énonçant que le seul fait que la saisie pratiquée par la SCP sur une somme devant revenir à M. et Mme Y..., en garantie d'une créance finalement jugée inexistante, ait occasionné à ces derniers un préjudice, suffisait à justifier la condamnation de la SCP à indemniser M. et Mme Y..., sans qu'il soit besoin de caractériser une faute de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 73 de la loi du 9 juillet 1991, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2 / que le créancier, autorisé judiciairement à pratiquer une saisie conservatoire, ne peut être condamné à réparer le préjudice que cette saisie a pu causer qu'à charge pour le saisi de démontrer que l'exercice de la saisie a dégénéré en abus ; d'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé derechef les textes susvisés ;
Mais attendu que l'article 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 n'exigeant pas pour son application la constatation d'une faute, la cour d'appel n'avait pas à démontrer un abus du droit de saisir mais seulement à constater l'existence d'un préjudice ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi incident, tel que reproduit en annexe :
Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leur demande tendant à la condamnation de la SCP à les indemniser du préjudice résultant des pénalités fiscales qu'ils avaient payées du fait des mesures conservatoires ;
Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu retenir que le paiement des pénalités fiscales était sans lien de causalité avec l'immobilisation des fonds saisis ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi incident :
Vu les articles 31 et 73, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1991 ;
Attendu que pour déterminer le préjudice subi par M. et Mme Y... du fait de la saisie, l'arrêt retient que les intérêts au taux légal sur les sommes saisies ne peuvent être exigés qu'à compter de la date de la signification de l'arrêt qui a débouté le liquidateur judiciaire de sa demande en comblement de passif, le 8 février 2000 ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la saisie conservatoire avait été autorisée le 23 avril 1998, et que M. et Mme Y... avaient été privés des fonds saisis jusqu'à la mainlevée de la mesure jugée infondée le 4 mai 2000, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que les intérêts au taux légal produits sur la somme de 225 063,69 euros seraient dus du 8 février 2000 au 4 mai 2000, l'arrêt rendu le 7 juin 2005, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée.