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Décisions

CA Douai, 2e ch. sect. 2, 3 novembre 2022, n° 20/04192

DOUAI

Arrêt

Autre

PARTIES

Demandeur :

Must Développement (SARL), SIR Développement Europe (SAS)

Défendeur :

Finergy Holding Europe (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bedouet

Conseillers :

Mme Cordier, Mme Fallenot

Avocats :

Me Delfly, Me Camus-Demailly, Me Richoux

T. com. Dunkerque, du 29 sept. 2020, n° …

29 septembre 2020

Le 15 décembre 2016, la SARL Sir, dont le gérant est M. [B], a cédé à la SARL Must investissement, dont le gérant est M. [G] [O], pour la somme de 0 euro, les 7 500 actions de la SAS Sir développement Europe, qui avait pour dirigeant M. [B].

Cette cession de droits sociaux non constatée par un acte (CERFA N°2759) est contestée.

Par acte délivré le 29 mars 2017, les sociétés Sir et Sir développement Europe ont assigné la SARL Must investissement devant le tribunal de commerce de Valenciennes, demandant au visa des articles L 235 -1 et L 227-1 et suivants du code de commerce, de :

- constater que la SARL Must investissement n'a pas qualité d'associé de Sir développement Europe ;

- prononcer la nullité des délibérations prises au nom de la société Sir développement Europe par Must investissement les 16 décembre 2016, 20 janvier 2017 et 30 janvier 2017;

- ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans un journal d'annonces légales au choix de la société Sir aux frais de la société Must investissement ;

- ordonner la suppression des modifications effectuées à l'initiative de Must investissement au RCS et, en conséquence, ordonner la régularisation de la situation de la société immatriculée audit registre du commerce sous le n°518 630 876 le tout aux frais de Must investissement de la façon suivante :

- dire et juger que la société est dénommée Sir développement Europe et non Must développement ;

- dire et juger que la société est constituée sous forme de SAS et non en société à responsabilité limitée ;

- dire et juger que le siège social est situé [Adresse 3] et non [Adresse 2] ;

- dire et juger que le Président de la société est la société Sir SARL au capital de 30 000 € immatriculée au RCS de Lille-Métropole sous le N° 487 827 958 ayant son siège [Adresse 3] prise en la personne de Monsieur [H] [B] gérant en exercice ;

- condamner Must investissement à payer à la société Sir la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Par un jugement du 28 novembre 2017, le tribunal de commerce de Valenciennes :

- a donné acte aux sociétés Sir et Sir développement Europe de ce qu'elles se désistaient de l'instance par elles engagée à l'encontre de Must investissement ;

- a constaté que Must investissement acceptait ce désistement ;

- a constaté l'extinction de l'instance par suite du désistement et dit que le présent jugement sera notifié aux parties par lettre simple par Monsieur le Greffier de ce tribunal ;

- a dit que les parties conservaient leurs propres frais et dépens, les frais de greffe étant liquidés à la somme de 90,21 €.

Par acte de cession du 17 octobre 2017, la société Sir a cédé à la société Finergy holding Europe, société de droit belge dirigée par M. [K] et M. [S], l'intégralité des droits sociaux qu'elle détenait dans la société Sir développement Europe.

La SARL Sir dans la rédaction de 1'article 4 de cet acte de cession a subrogé la société Finergy holding Europe dans tous ses droits et actions à l'encontre de la société Must investissement et de Monsieur [G] [O] ou d'y mettre un terme amiablement selon ce qui lui semblera le plus opportun.

Par acte délivré le 11 septembre 2018, la société Finergy holding Europe et la société Sir développement Europe ont fait assigner la SARL Must investissement devant le tribunal de commerce de Valenciennes.

Par jugement en premier ressort et contradictoire en date du 29 septembre 2020, le tribunal de commerce de Valenciennes a :

Vu l'article 31 du code de procédure civile,

Vu les articles 639, 653 et 726 et suivants du code général des impôts,

Vu l'article 1583 du code civil,

Vu l'article 227-9 du code de commerce,

- dit et jugé que la SARL Must investissement n'a pas la qualité d'associé de la société Sir développement Europe, actuellement dénommée Must développement ;

- prononcé la nullité des délibérations prises au nom de la société Sir développement Europe par Must investissement les 16 décembre 2016, 20 janvier 2017 et 30 janvier 2017

- autorisé la société Sir développement Europe, sur justification du caractère définitif de la présente décision, à requérir du greffe du tribunal de commerce de Lille-Métropole nouvelle immatriculation au registre du commerce et des sociétés avec les caractéristiques suivantes :

- Dénomination sociale : Sir développement Europe ;

- Forme juridique : SAS

- Siège social : [Adresse 3] ;

- Président de la société : SARL Sir, au capital de 30 000 euros, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 487 827 958, ayant siège social [Adresse 4] ;

- condamné Must investissement à payer à la société Finergy holding Europe une indemnité procédurale de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais et dépens ;

- débouté Must investissement de l'ensemble de ses demandes ;

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamné Must investissement au paiement des entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 106,88 euros.

Par déclaration d'appel en date du 19 octobre 2020, la Sarl Must investissement et Me [E], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Must développement, ont interjeté appel de cette décision, reprenant dans leur acte d'appel les chefs du jugement suivants : «  - Débouté la Société Objet/Portée de l'appel : MUST INVESTISSEMENT de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - Dit et jugé que la SARL MUSTINVESTISSEMENT n'a pas la qualité d'associé de la Société SIR DEVELOPPEMENT EUROPE, actuellement dénommée MUST DEVELOPPEMENT ; - Prononcé la nullité des délibérations prises au nom de la Société SIRDEVELOPPEMENT EUROPE par MUST INVESTISSEMENT les 16 décembre 2016, 20 janvier 2017 et 30 janvier 2017; - Et au contraire a autorisé la Société SIR DEVELOPPEMENT EUROPE, sur justification du caractère définitif de la présente décision, à requérir du Greffe du Tribunal de Commerce de LILLE METROPOLE nouvelle immatriculation au registre du commerce et des sociétés avec les caractéristiques suivantes : Dénomination sociale : SIR DEVELOPPEMENT EUROPE ; Forme juridique : SAS ; Siège social : [Adresse 3] ; Président de la société : SARL SIR, au capital de 30 000 euros, immatriculée au RCS de LILLE METROPOLE sous le numéro 487 827 958, ayant siège social [Adresse 3] ; - Condamné MUST INVESTISSEMENT à payer à la société FINERGY HOLDING EUROPE une indemnité procédurale de 5 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi que les frais et dépens ; Condamné MUST INVESTISSEMENT au paiement des entiers dépens de l'instance dont frais de greffe liquidés à la somme de 106,88 € ».

Est intimée sur cette déclaration d'appel la société Finergy holding Europe.

MOYENS ET PRETENTIONS :

Des conclusions ont été remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 15 janvier 2021 par les appelants, ainsi dénommés en première page : « la société Must investissement, Me [E] es qualités de mandataire judiciaire de la société Must développement, la société Must développement et enfin la société Sir développement Europe (ancienne dénomination de Must développement) ».

Par message RPVA en date du 25 novembre 2021, le conseil des appelants a modifié les deux premières pages, y faisant figurer la société Must investissement, Me [E], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Must développement, et la société Must développement, en qualités d'appelantes, et en intimées la société Finergy et la société Sir développement Europe (ancienne dénomination de Must développement) en précisant toutefois que son dirigeant est M [O] et son conseil Me [U], (laquelle déclare intervenir aux côtés de Finergy holding).

Par ces conclusions, les appelants demandent à la cour de :

à titre principal,

Vu les articles 12 et 16 du CPC

- constater dire et juger qu'en statuant sur des moyens de droit non débattus par les parties, le Tribunal a commis un excès de pouvoir.

En conséquence,

- annuler la décision entreprise en toutes ses dispositions.

- statuant par voie d'évocation ou subsidiairement par voie de réformation ;

- Dire et juger :

- l'irrecevabilité de la constitution en demande de la société Must développement sous son ancienne dénomination Sir développement Europe ;

- l'irrecevabilité de la demande par Finergy holding Europe en annulation de la cession des titres de la société Must développement précédemment intervenue entre Sir développement Europe et Must investissement ;

- infiniment subsidiairement :

- constater que la vente n'est pas intervenue à vil prix et en conséquence, débouter Finergy holding Europe de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

- en toute hypothèse,

- débouter Finergy holding Europe de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

- la condamner à payer tant à la société Must investissement, qu'à la société Must développement, une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du CPC.

- la condamner en tous les frais et dépens de la procédure.

Les appelants reviennent :

- sur les différentes sociétés et le litige qui concerne en réalité les titres et le contrôle de la société Must développement, qui n'est autre que la nouvelle dénomination de la société Sir développement Europe ;

- sur la plainte pénale déposée deux mois après la cession litigieuse, par les sociétés Sir développement Europe, Sir et M. [B], concernant l'ordre de mouvement du 15 décembre 2016, qualifié de faux et l'absence de suite connue donnée à cette plainte à ce jour ;

- sur la première action menée par les sociétés Sir et Sir développement Europe, ayant donné lieu à un désistement à la suite de la rétrocession des titres de la société Sir développement Europe, devenue Must développement, par acte des 16 et 19 octobre 2017, à la société Finergy holding Europe pour un montant de 530 000 euros ;

- sur l'action de la société Finergy holding Europe identique à celle mise en œuvre puis abandonnée par M. [B] et les sociétés Sir et Sir développement Europe, M. [B] étant absent à la procédure alors qu'il est potentiellement la seule victime de la faute à l'origine de la propriété des titres revendiquée à la fois par les sociétés Must investissement et Finergy holding Europe.

Ils concluent à la nécessité de sanctionner par la voie de l'appel-annulation la décision querellée en ce qu'elle a commis un excès de pouvoir en s'emparant de son propre chef d'un moyen (absence de justification de l'enregistrement de l'ordre des mouvement de titres (cerfa 2759) au service des impôt des entreprises) que n'avaient pas soulevé les demandeurs à la procédure. Une bonne administration de la justice commande que le fond du litige soit évoqué par la cour.

Pour fonder la fin de non-recevoir reprise à leur dispositif, ils pointent l'irrecevabilité de la présence de la société dont les titres sont en litige (Must développement anciennement Sir développement Europe) aux côtés des demandeurs à la procédure sous l'ancienne dénomination, la motivation des premiers juges sur ce point, marquée par la volonté de ne pas trancher ce point, étant dépourvue de toute fondement juridique.

Faute d'exécution provisoire conférée au jugement querellé, la société dont les titres sont en litige est, à ce jour, contrôlée par la société Must investissement et dirigée par M. [O], lequel a mandaté le cabinet Vivaldi, et non le cabinet Phi Law. Ils font observer que si la société dont les titres sont en litige doit être présente aux débats à peine d'irrecevabilité de la procédure, cette présence pouvait être garantie par une simple mise en cause à la procédure, sans que les demandeurs éprouvent le besoin de déclarer intervenir en son nom et pour son compte.

Ils arguent de l'irrecevabilité de la demande en annulation de la vente présentée par la société Finergy holding Europe, dans un titre sur « l'irrecevabilité de la demande en résolution de la vente », précisant que le fondement de la demande, non invoquée par les demandeurs, est l'article 1599 du code civil et que la cour aura matériellement à apprécier la validité de la vente des titres, alors qu'existent des documents qui établissent une cession antérieure de sorte qu'il y a nécessairement lieu d'aborder l'existence ou non de la vente de la chose d'autrui dans l'appréciation de la validité du premier acte de cession.

Ils soulignent que l'action de la société Finergy holding Europe parvient à la combinaison de deux procédures totalement fermées, puisque d'une part, elle déclare intervenir aux droits et obligations de la société Sir, ce qu'elle ne peut pas faire, puisqu'en intervenant en lieu et place du précédent propriétaire, elle ne pouvait engager qu'une action en revendication, d'autre part, elle ne dispose que d'un seul recours, contre la société Sir, en annulation de la vente au visa de l'article 1599 du code civil.

Ils rappellent que :

- l'acquéreur de second rang ne dispose d'aucune action directe contre l'acquéreur de premier rang avec lequel il est sans lien de droit, rendant son action totalement irrecevable ;

- la société Finergy holding Europe n'a pas plus la qualité de s'emparer des droits de la société Sir pour instruire non une procédure en annulation de la vente mais en revendication de la propriété des titres, d'une part, en vertu du principe selon lequel une personne ne peut transmettre à autrui plus de droit qu'elle n'en a elle-même (Finergy holding Europe ne peut revendiquer la propriété des titres alors même que cette propriété n'a pas été contestée par le vendeur auprès de qui elle a acquis les titres), d'autre part, en vertu du principe selon lequel nul ne plaide par procureur, la société Finergy holding Europe n'ayant aucun droit à se substituer à la société Sir dans le cadre d'une revendication de propriété.

Ils soulignent que sur la forme, la cession des titres entre la société Sir et la société Must investissement n'est pas critiquable puisque sont au dossier l'ordre de mouvement, les statuts, le formulaire Cerfa, le procès verbal de constat de Me [X], qui constate la possession en original du registre des mouvements de titres et de l'inscription de l'acquisition dans les registres de la société. Seul l'ordre de mouvement était argué de faux initialement. L'obligation fiscale, issue de l'article 757 du CGI, retenue par les premiers juges, ne comporte aucune sanction civile, la sanction fiscale étant le paiement des droits d'enregistrement.

Sur le fond, ils contestent toute critique possible, soulignant que seul M. [B] est fondé à critiquer sa signature et que le faux ne peut utilement être débattu en son absence. En outre, il n'est plus contesté que M. [O] est en possession de l'ensemble de la comptabilité et du registre des mouvements de titres à l'intérieur duquel figure la cession d'actions à l'époque où la société était encore sous la forme juridique de SAS, puisqu'elle a été transformée en SARL pour M. [O].

Ils font valoir que le prix de vente à 0 euro correspondait à la valeur de la société à la date de la cession et ne correspondait pas à une absence de prix, précisant que MM [K] et [S], en 2017, auraient acquis à nouveau la société pour 530 000 euros alors que peu de temps auparavant, cette vente avait eu lieu en 2014 pour un euro, et que la situation de la société s'était depuis lors nettement dégradée (décision du tribunal de commerce de Valencienne du 11 décembre 2012 condamnant la société Must développement et ses deux filiales à la somme de 2 millions d'euros à titre de dommages et intérêts, outre 10 000 euros d'indemnité procédurale, arrêt du 1er mars 2018 confirmant en toutes les dispositions de cette décision, arrêt de rejet du pourvoi en 2019 et ouverture d'une procédure collective pour les trois sociétés en mars/avril 2018 et avec circularisation d'un plan de redressement par voie de continuation pour faire face à un passif vérifié et déposé de 3 131 637,04 euros, par annuité de 1 % les années 1 et 2, 5 % les années 3 à 8 et 34 % les années 9 à 10).

Le prix de zéro euro était parfaitement normé en 2016, au vu de la situation du groupe, les parties disposant de la liberté de fixer le prix et la rescision pour lésion n'étant pas possible hors les cas prévus par la loi. Aucune disposition n'impose, comme le fait le tribunal, l'obligation d'une convention ad hoc. Le prix était réel et sérieux, l'écart de prix n'étant pas significatif. Aucune contestation pour absence de prix ne peut prospérer, les demandeurs posant le débat de manière erronée sur la transmission à titre gratuit ou onéreux, alors même qu'aucune preuve d'une quelconque intention libérale du cédant vis-à-vis du cessionnaire n'est démontrée.

Par conclusions portant appel incident remises au greffe et notifiées entre parties par voie électronique en date du 25 janvier 2022, la société Finergy holding Europe et la société Sir développement Europe demandent à la cour, de :

Vu l'article 235-1 du code de commerce,

Vu les articles L. 227-1 et suivants du code de commerce,

- sur la demande d'annulation du jugement :

- débouter les appelants de leur demande d'annulation du jugement dont appel prétendument fondée sur la violation du principe du contradictoire

Vu l'effet dévolutif de l'appel

Dans l'un ou l'autre cas, statuant à nouveau ou par l'effet dévolutif de l'appel,

- à titre principal,

- confirmer le jugement querellé dans toutes ses dispositions ;

- débouter la SARL Must investissement et Me [E] es qualités de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions

- condamner la société Must investissement à payer à la société Finergy holding Europe et à la société SIR développement Europe la somme de 10 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

- à titre subsidiaire

- désigner tel expert judiciaire graphologue qu'il plaira en vue de :

- examiner l'ordre de mouvement et le formulaire 2759 produits par la société Must investissement et dire s'il est ou non vraisemblable que la société SIR, représentée par Monsieur [H] [B], en soit l'auteur et signataire ;

- examiner le registre des mouvements de titres et dire s'il est ou non vraisemblable que la société Sir, représentée par Monsieur [H] [B], ait rédigé les écritures de mouvement et de création des comptes d'actionnaires.

Elles reviennent :

- sur l'annulation des modifications opérées par la société Must investissement auprès du greffe ;

- sur la transformation de la société Sir développement Europe en SARL de sorte que la société Sir ne puisse plus procéder à l'annulation des modifications sans avoir recours à une décision judiciaire ;

- sur la cession le 19 octobre 2017 par la société Sir à la société Finergy holding Europe de l'intégralité des actions de la société Sir développement Europe ;

- sur le désistement d'instance de la société Sir par jugement du 28 novembre 2017 et sur la procédure réintroduite par la société Finergy holding Europe à son compte par assignation du 11 septembre 2018.

Sur la demande d'annulation du jugement, elles font valoir que le rappel des moyens invoqués par les parties met en lumière que celles-ci avaient débattu sur la question précise de l'inexistence d'un acte de cession fondant la prise en possession, s'agissant non d'un moyen de droit relevé d'office par la juge mais purement factuel. La décision fait suite à leurs argumentations selon laquelle la société Must investissement ne démontre pas l'existence d'une cession valable lui permettant de se prétendre propriétaire. À supposer que le tribunal ait effectivement rendu sa décision sur la base de ce moyen, le grief tiré de la violation du principe de la contradiction ne serait pas de nature à caractériser l'excès de pouvoir du juge.

« A titre liminaire sur la recevabilité de l'action demande de Sir développement Europe », elles rappellent que les mentions figurant au registre du commerce et des sociétés n'ont pas vocation à être opposées aux associés d'une société, et a fortiori à la société elle-même, et n'ont donc vocation à être opposées qu'aux tiers et aux administrations. Les modifications sont réputées inexistantes à l'égard de la société Sir développement Europe et de son véritable associé, la société Finergy holding Europe et de son seul président M. [B].

Elles estiment la société Must développement inexistante, précisant que « la société Sir [plutôt Sir développement Europe] existe nonobstant les mentions erronées du registre de commerce, qu'il convient de modifier puisque ces mentions ont été inscrites en fraude des droits de la société Sir développement Europe, de la société Finergy holding Europe et de M. [B] », et que l'argumentation « développée par les intimés [plutôt appelants'] [est] dénuée de tout sens pratique et juridique », puisque toute société transmise à un tiers et ayant fait l'objet de modification ne pourrait plus agir en justice, ce qui doit conduire à « considérer le recours de la société Sir [plutôt Sir développement Europe] recevable si l'on veut admettre que le recours en nullité a une quelconque existence juridique », visant pour fonder leur demande l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme. La qualité à agir relève d'une appréciation factuelle que seul le juge du fond est en mesure de contrôler.

« A titre liminaire sur la recevabilité de l'action demande de Finergy holding Europe», elles plaident que la présente procédure est celle qui a été initiée par la société Sir puis reprise par la société Finergy holding Europe, la société Sir n'ayant plus vocation à intervenir à la suite de la vente de ses titres à la société Finergy holding Europe en lui transmettant l'action en justice en cours contre la société Must investissement.

Cette dernière société ne détient aucun titre valable et la présente procédure est une action en revendication en vue reconnaître le droit de propriété de la société Finergy holding Europe contre un tiers détenteur de mauvaise foi. Rappelant les dispositions de l'article L 211-16 du code monétaire et financier, elle s'estime fondée à revendiquer la mise en possession des titres dont elle seule détient un acte de cession.

En outre, elles font valoir que la société Sir a subrogé la société Finergy holding Europe dans l'action en revendication qu'elle avait initiée à l'encontre de la société Must investissement, la société Finergy étant en droit en outre d' « agir sur le fondement d'un propter rem dont l'existence est consacrée par l'article 1615 du code civil ». Une action en justice peut parfaitement être transmise.

Elles concluent à l'inexistence d'un acte de cession fondant la prise de possession, soulignant d'une part qu'aucun des documents revendiqués par la société pour tenir lieu de cession ne fait mention d'un prix à zéro euro, aucun prix n'y étant mentionné, d'autre part, que le fait qu'une vente ait pu avoir eu lieu à zéro euro, sans autre contrepartie, est impossible. La jurisprudence a affirmé à plusieurs reprises l'inexistence ou la nullité absolue de la vente dépourvue de prix, ledit vice étant insusceptible de confirmation ou ratification.

La vente à prix bas ou vil ne peut exister qu'en présence d'une contrepartie réelle. Aucun des éléments produits ne permet d'établir une contrepartie certaine par écrit de cette cession revendiquée à un prix inexistant et une quelconque contrepartie ne peut être déduite des échanges entre les protagonistes ou de tout autre document. Il n'existait aucune contrepartie, puisqu'il n'y a jamais eu de volonté contractuelle entre les parties, cette absence de volonté étant démontrée par l'inexistence de tout document ou acte faisant office de support juridique. La société Must investissement ne démontre pas l'existence d'une cession valable lui permettant de se prétendre propriétaire.

Elles mentionnent la nullité absolue d'une donation verbale.

Elles concluent, de l'ensemble de ses développements, qu'il n'existe aucun acte juridique conférant à la société Must investissement le droit de propriété sur les actions de la société Sir développement Europe et que, sans qu'il soit besoin de s'interroger sur l'existence d'un faux, il convient de dire que la société Must ne peut revendiquer la qualité d'associé unique de la société Sir développement Europe.

Elles font état de la mauvaise foi de la société Must investissement, dont le dirigeant est également M. [O], auparavant actionnaire de la société Finergy holding Europe. Elles décrivent les opérations envisagées (Cosy home, opération Disney) par les parties et les mobiles prêtés à M. [O].

La société Must investissement fait grand cas de la prise de possession du registre des mouvements, ce qui pourtant ne démontre aucunement la remise volontaire de la part de la société Sir.

L'absence de consentement à la cession se traduit par la lettre recommandée avec accusé de réception de M. [O] en date du 4 janvier 2017 demandant la totalité des documents comptables et registres de la société Sir. Elles soulignent que M. [O] pensait que la remise du registre des mouvements couvrirait les faux documents qu'il a établis. Une proposition de transaction a été refusée ce qui est bien la preuve qu'il reconnaissait implicitement avoir prix en possession des actions de façon illégale.

Sur la nullité des délibérations, elles font valoir que les délibérations prises par la société Must investissement violent les dispositions impératives du code civil et du code de commerce, réservant aux associés le droit de prendre des délibérations sociales. Elles peuvent donc être réputées non écrite et doivent être annulées, de même que doit être ordonnée la suppression des modifications effectuées à l'initiative de la société Must investissement au registre du commerce et des sociétés.

À titre subsidiaire, elles sollicitent la mise en place d'une expertise judiciaire, puisqu'il résulte du témoignage de M. [B] que celui-ci conteste être l'auteur des documents dont se prévaut la société Must investissement, précisant que le cachet de la société n'est pas celui de la société Sir et comporte une grossière erreur d'orthographe, soulignant en outre que la signature apposée est une imitation.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mai 2022.

À l'audience du 14 juin 2022, le dossier a été mis en délibéré au 3 novembre 2022.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera observé que la société Sir n'est pas présente aux débats, quand bien même les intimées à de multiples reprises usent de cette dénomination dans le cadre de leurs écritures, renvoyant par ce dernier vocable tantôt à la société Sir elle-même, tantôt à la société Sir développement Europe.

La cour ne peut que déplorer l'imprécision des écritures des parties, usant de dénominations ou termes non adaptés, ainsi la société Must investissement soulevant par exemple l'irrecevabilité de la vente au dispositif, que sous-tend un paragraphe quant à lui intitulé « irrecevabilité de la résolution de la vente » ou la société Finergy holding Europe et la société Sir développement Europe employant sans distinguer le terme Sir comme précité ou indiquant que « l'argumentation développée par les intimés est dénuée de tout sens pratique et juridique » alors même qu'elles sont les intimées.

- Sur la demande d'annulation du jugement

En vertu des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties qui si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

Les moyens énoncés par les parties et débattus devant les premiers juges portaient certes sur la question de l'inexistence d'un acte de cession fondant la prise de possession, comme le rappellent la société Finergy holding Europe et la société Sir développement Europe.

Toutefois les éléments repris au jugement établissent que le moyen spécifique du défaut d'enregistrement du formulaire Cerfa n'avait pas été spécialement invoqué par les demanderesses, ce dont elles ne disconviennent pas d'ailleurs, soulignant uniquement qu'était en discussion la question de l'inexistence de la vente.

Si la société Must investissement et la société Must développement usent, maladroitement et abusivement, du terme excès de pouvoir, lequel constitue un cas d'ouverture à recours en cas d'appel-nullité et sanctionne une méconnaissance par le juge de l'étendue de son pouvoir, lequel s'arroge ou fait usage d'un pouvoir dont il ne dispose pas, étant rappelé que la violation du principe contradictoire n'est pas de nature à caractériser l'excès de pouvoir du juge, il n'en demeure pas moins que la décision repose sur un moyen qui n'a pas été soulevé par les demandeurs et sur lequel le défendeur n'avait pu être amené à s'expliquer, s'agissant d'un élément factuel introduit par le juge, ce qui justifie l'annulation de la décision déférée pour non respect des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile précité.

Dès lors que l'appel tend à titre principal à la nullité du jugement pour un motif autre que le défaut de validité de l'exploit introductif d'instance, la cour d'appel est saisie, par l'effet dévolutif, de l'entier litige, la faculté d'évocation étant totalement étrangère à la question, et doit statuer sur le fond.

- Sur la saisine de la cour et les fins de non-recevoir opposées par la société Must investissement et par la société Must développement

1) sur la saisine de la cour

Aux termes de leur dispositif, les sociétés Finergy holding Europe et Sir développement Europe, après avoir demandé le débouté des appelants de leur demande d'annulation du jugement, sollicitent uniquement la confirmation du jugement querellé à titre principal, ce dont il convient de déduire qu'implicitement mais nécessairement, elles entendent saisir la cour des prétentions telles que reprise au dispositif du jugement déféré.

Ainsi, la cour se trouve saisie, à titre principal, par la société Finergy holding Europe et par la société Sir développement Europe de demande de dire et juger que la SARL Must investissement n'a pas la qualité d'associé de la société Sir développement Europe, actuellement dénommée Must développement, de prononcer la nullité des délibérations prises au nom de la société Sir développement Europe par Must investissement les 16 décembre 2016, 20 janvier 2017 et 30 janvier 2017, d'autoriser la société Sir développement Europe, sur justification du caractère définitif de la présente décision, à requérir du greffe du tribunal de commerce de Lille Métropole nouvelle immatriculation au registre du commerce et des sociétés avec les caractéristiques suivantes :

- Dénomination sociale : Sir développement Europe ;

- Forme juridique : SAS

- Siège social : [Adresse 3] ;

- Président de la société : SARL Sir, au capital de 30 000 euros, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 487 827 958, ayant siège social [Adresse 4].

D'ailleurs, c'est ainsi qu'ont été comprises les écritures des intimées par la société Must investissement et la société Must développement, lesquelles opposent diverses fins de non-recevoir à ces demandes.

2) sur la fin de non-recevoir concernant Sir développement Europe

Aux termes de leur dispositif, les sociétés Must investissement et Must développement Europe sollicitent « l'irrecevabilité de la constitution en demande de la société Must développement sous son ancienne dénomination Sir développement Europe », seule fin de non-recevoir dont est valablement saisie la cour, quand bien même dans le corps de leurs écritures, les appelantes évoquent également la question de la recevabilité de l'action, voire de la demande, de la société Sir développement Europe.

N'étant pas valablement saisie de ces deux derniers chefs, il n'y sera pas statué.

Pour fonder leur demande d'irrecevabilité de la constitution en demande de la société Sir développement Europe, les sociétés Must investissement et Must développement arguent de l'absence de mandat ad litem donné au cabinet Phi Law pour intervenir au nom et pour le compte de la société sous son ancienne dénomination, par M. [O], nouveau gérant de la société Must développement, anciennement Sir développement Europe.

Toutefois le défaut de pouvoir de l'avocat pour se constituer au nom d'une société est une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, qui est sanctionnée non par une irrecevabilité mais par une nullité des actes de procédure, comme le prévoit expressément l'article 117 du code de procédure civile.

Sans même avoir à trancher la question du mandat ad litem détenu par la société Phi Law, la cour ne peut que rejeter le moyen invoqué, faute d'en tirer, pour les société Must investissement et Must développement, les conséquences juridiques qui s'imposent, d'autant que l'irrégularité de fond tenant au défaut de pouvoir de l'avocat d'agir en justice au profit d'une partie ne revêt pas un caractère d'ordre public et n'est pas à relever d'office par la cour.

L'irrecevabilité soulevée est donc rejetée.

3) sur la fin de non- recevoir opposée à la société Finergy holding Europe

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Les sociétés Must développement et Must investissement soulèvent, au dispositif, « l'irrecevabilité de la demande par la société Finergy holding Europe en annulation de la cession des titres de la société Must développement précédemment intervenue entre les sociétés Sir développement Europe et Must investissement », lorsqu'elles consacrent un titre à « l'irrecevabilité de la demande en résolution de la vente présentée par FHE ».

Les développements confus et décousus de la société Finergy holding Europe et de la société Sir développement Europe rendent parfois mal aisée la détermination du fondement de l'action mise en œuvre par la société Finergy holding Europe.

Toutefois, la cour n'est pas plus saisie d'une demande en résolution de la vente que d'une demande, par voie d'action, en annulation de la vente, contrairement à ce que sous-entendent les sociétés Must investissement et Must développement Europe, ce qui rend d'ores et déjà le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande en annulation inopérant.

En effet, la société Finergy holding Europe et la société Sir développement Europe indiquent expressément, dans le cadre d'un paragraphe 2 intitulé « à titre liminaire sur la recevabilité de l'action demande de Finergy holding Europe », mener une action en revendication en vue de faire reconnaître le droit de propriété de la société Finergy holding Europe, et ce à deux titres, en son nom personnel et/ou en tant que subrogée dans l'action et les droits de la société Sir.

Et c'est dans le cadre de cette action en revendication qu'à titre d'exception est envisagée la nullité de la vente entre la société Sir et la société Must investissement puis la nullité d'une donation, étant observé qu'est abordée par les intimées la vente à vil prix entre la société Must investissement et Sir, et non la nullité d'une vente de la chose d'autrui comme le soutiennent les sociétés Must investissement et Must développement Europe.

Or, il n'est pas contesté que la société Sir était légitime propriétaire du bien qui a été transmis à la société Finergy holding Europe par l'effet de la cession, intervenue entre cette dernière et elle-même par acte des 16 et 19 octobre 2017 prévoyant une rétrocession des titres pour un montant de 530 000 euros.

Elle se trouvait bien titulaire d'une action en revendication, qu'elle pouvait parfaitement transmettre dans le cadre d'une subrogation conventionnelle dans l'instrumentum précitée.

Il ne peut être opposé à la société Finergy holding Europe aucune renonciation de son auteur, la société Sir, à sa propriété sur les titres, puisque cette dernière société avait engagé elle-même une action en revendication, s'étant uniquement désistée d'instance, et non d'action, parce qu'elle avait, dans le cadre d'un acte, non remis en cause, cédé son droit de propriété sur les titres à la société Finergy holding Europe et subrogé cette dernière dans ses droits de propriétaire.

Par ailleurs, s'agissant de l'action en revendication en son nom personnel par la société Finergy holding Europe fondée sur l'inexistence d'une cession à raison d'un défaut de prix entre la société Must investissement et la société Sir, il convient de noter qu'un acte de vente existe bien entre la société Sir et la société Finergy holding Europe, est produit aux débats et n'est remis en cause par quiconque.

La société Finergy holding Europe a intérêt à faire constater que la vente alléguée entre les sociétés Sir et Must investissement ne repose pas sur un prix sérieux et faire juger la cession alléguée inexistante, étant rappelé que le défaut de prix ou le prix non sérieux, qui est distinct de toute lésion, rend l'acte dépourvu d'existence légale, ce qui peut être invoqué par tous ceux qui y ont intérêt.

La fin de non-recevoir opposée par les sociétés Must investissement et Must développement à l'action en revendication menée par la société Finergy holding Europe ne peut dès lors prospérer.

- Sur le fond

L'article 1591 ancien du code civil dispose que le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

Le défaut de prix ou le prix non sérieux, qui est distinct de toute lésion, rend l'acte dépourvu d'existence légale, ce qui peut être invoqué par tous ceux qui y ont intérêt.

La vente consentie sans prix sérieux et réel est affectée d'une nullité fondée sur l'absence d'un élément essentiel de ce contrat. Partant de la règle qu'il n'y a pas de vente sans prix, les ventes à vil prix, c'est-à-dire à prix dérisoire ou inexistant sont nulles, à condition qu'il ne s'agisse pas d'une donation déguisée justifiée par l'intention libérale

La cession pour un prix symbolique est valide dès lors que ce prix est jugé réel et sérieux, le caractère réel et sérieux du prix ne se confondant pas avec la valeur vénale du bien vendu.

S'il a été jugé qu'une vente à un prix très faible peut être valable lorsqu'il existe une autre contrepartie que le paiement d'une somme d'argent, notamment en présence d'une vente formant un tout indivisible avec l'apurement des dettes de la société dont le vendeur était l'un des principaux actionnaires ou « eu égard à l'ensemble des engagements souscrits par les acheteurs » ou encore compte tenu des « prestations réciproques des parties », encore faut-il qu'un prix ait été énoncé et que des contreparties réelles existent.

En l'espèce, il ressort des propres écritures de la société Must investissement et de la société Must développement Europe que le prix de cession serait de zéro euro, étant observé que le formulaire cerfa ne comporte aucun prix d'acquisition mentionné en son sein. L'ordre de mouvement comme le registre des mouvements n'apportent aucun élément sur le prix d'acquisition.

Hormis l'ordre de mouvement et le formulaire cerfa 2759, il n'est produit aucun acte permettant de connaître les contreparties ou engagements souscrits par l'acheteur.

Il n'est d'ailleurs ni soutenu ni démontré, par tous moyens, sans même qu'il soit question d'exiger un écrit pour formaliser ladite cession, qu'auraient existé des contreparties autres au prix de cession de zéro euro.

Les sociétés Must investissement et Must développement Europe arguent uniquement de l'existence d'une cession intervenue à un prix symbolique de 1 euro en 2014, explicitée selon le préambule du protocole signé le 23 octobre 2014 par un « passif à régler, des contentieux en cours, des sociétés à fermer, du fait du recentrage de l'activité des créances à recouvrir », notamment en lien avec une première décision rendue par le tribunal de commerce de Valencienne en date du 11 décembre 2012, condamnant solidairement la société Sir développement Europe et ses filiales à plus de 2 millions d'euros avec exécution provisoire, pour souligner l'écart de valeur limitée entre le prix alors fixé et la revente à zéro le 15 décembre 2016.

Il n'en demeure pas moins que si elles invoquent une aggravation de la situation de la société, elles ne l'établissent aucunement, ne produisant aucun élément permettant de connaître la situation réelle de la société Sir développement Europe devenue Must développement, notamment sa situation passive et active exacte à la date de la cession litigieuse, soit le 15 décembre 2016, et pouvant justifier le montant retenu et l'écart allégué.

Au contraire, elles font grand cas de l'existence d'un arrêt confirmatif de la cour d'appel et de l'arrêt de rejet du pourvoi de la cour de cassation sur ledit arrêt, dont il ne peut qu'être noté qu'ils sont tous deux intervenus plus de 18 mois après la cession litigieuse, tout comme son placement en redressement judiciaire intervenu en avril 2018.

Ainsi ne démontrent-elles pas l'existence de contreparties justifiant la fixation à zéro du montant de la vente, qui correspondrait à la valeur réelle de la société, voire l'écart allégué de prix, d'autant que zéro n'est pas un prix, ne serait ce que symbolique, quelles que soient les difficultés de la société.

En conséquence, la cession intervenue sans prix est un acte dépourvu d'existence légale, aucune intention libérale n'étant établie en l'espèce puisqu'au contraire, la société Must investissement et Must développement Europe ont toujours évoqué une cession à titre onéreux, et encore moins démontrée.

Dès lors, la SARL Must investissement n'a pas la qualité d'associée de la société Sir développement Europe, actuellement dénommée Must développement.

Il ne saurait être invoqué l'existence d'une mention sur les registres des mouvements et la possession dudit registre par la société Must investissement, lesquels ne sont que la conséquence d'un acte inexistant et n'ont dès lors aucune valeur.

Aux termes de l'article L 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'époque, la nullité d'une société ou d'un acte modifiant les statuts ne peut résulter que d'une disposition expresse du présent livre ou des lois qui régissent la nullité des contrats. En ce qui concerne les sociétés à responsabilité limitée et les sociétés par actions, la nullité de la société ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité, à moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs. La nullité de la société ne peut non plus résulter des clauses prohibées par l'article 1844-1 du code civil. La nullité d'actes ou délibérations autres que ceux prévus à l'alinéa précédent ne peut résulter que de la violation d'une disposition impérative du présent livre ou des lois qui régissent les contrats.

Conformément à l'article L 227-1 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, une société par actions simplifiée peut être instituée par une ou plusieurs personnes qui ne supportent les pertes qu'à concurrence de leur apport. Lorsque cette société ne comporte qu'une seule personne, celle-ci est dénommée « associé unique ». L'associé unique exerce les pouvoirs dévolus aux associés lorsque le présent chapitre prévoit une prise de décision collective.

L'article 227-9 du code de commerce précise que les statuts déterminent les décisions qui doivent être prises collectivement par les associés dans les formes et conditions qu'ils prévoient.

Toutefois, les attributions dévolues aux assemblées générales extraordinaires et ordinaires des sociétés anonymes, en matière d'augmentation, d'amortissement ou de réduction de capital, de fusion, de scission, de dissolution, de transformation en une société d'une autre forme, de nomination de commissaires aux comptes, de comptes annuels et de bénéfices sont, dans les conditions prévues par les statuts, exercées collectivement par les associés.

Dans les sociétés ne comprenant qu'un seul associé, le rapport de gestion, les comptes annuels et le cas échéant les comptes consolidés sont arrêtés par le président. L'associé unique approuve les comptes, après rapport du commissaire aux comptes s'il en existe un, dans le délai de six mois à compter de la clôture de l'exercice. L'associé unique ne peut déléguer ses pouvoirs. Ses décisions sont répertoriées dans un registre. Lorsque l'associé unique, personne physique, assume personnellement la présidence de la société, le dépôt, dans le même délai, au registre du commerce et des sociétés de l'inventaire et des comptes annuels dûment signés vaut approbation des comptes sans que l'associé unique ait à porter au registre prévu à la phrase précédente le récépissé délivré par le greffe du tribunal de commerce.

Les décisions prises en violation des dispositions du présent article peuvent être annulées à la demande de tout intéressé.

La société Must investissement n'ayant pas valablement la qualité d'associée de la société Sir développement Europe, nouvellement dénommée Must développement Europe, elle ne pouvait prendre valablement part aux délibérations.

Il ne peut être contesté l'intérêt de la société Finergy holding Europe, propriétaire des parts en raison d'une cession non remise en cause, de voir annuler les délibérations prises à son insu par une personne qui n'a pas la qualité d'associée.

Il convient donc de procéder à l'annulation des décisions prises par la société Must investissement les 16 décembre 2016, 20 janvier 2017 et 30 janvier 2017 et d'autoriser la société Sir développement Europe à requérir du greffe du tribunal de commerce de Lille Métropole une nouvelle immatriculation au registre du commerce et des sociétés avec les caractéristiques suivantes :

- Dénomination sociale : Sir développement Europe ;

- Forme juridique : SAS

- Siège social : [Adresse 3] ;

- Président de la société : SARL Sir, au capital de 30 000 euros, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 487 827 958, ayant siège social [Adresse 4], afin de permettre aux sociétés Sir et Finergy holding Europe de procéder ensuite aux formalités liées à la cession réalisée entre elles les 16 et 19 octobre 2017.

- Sur les dépens et accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société Must investissement succombant en ses prétentions, il convient de la condamner aux dépens de première instance et d'appel.

Le sens du présent arrêt commande de condamner la société Must investissement à payer à la société Finergy holding Europe la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande d'indemnité procédurale des sociétés Must investissement et Must développement ne peut qu'être rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour,

ANNULE le jugement du tribunal de commerce de Valenciennes en date du 29 septembre 2020 en toutes ses dispositions,

Vu l'effet dévolutif de l'appel,

DEBOUTE la société Must investissement et la société Must développement, représentée par Me [E], ès qualités, de l'irrecevabilité de la constitution en demande de la société Must développement sous son ancienne dénomination Sir développement Europe ;

DEBOUTE la société Must investissement et la société Must développement, représentée par Me [E], ès qualités, de l'irrecevabilité de la demande par la société Finergy holding Europe en annulation de la cession des titres de la société Must développement, anciennement dénommée Sir développement Europe, intervenue entre Sir développement Europe et Must investissement ;

FAIT droit à l'action en revendication de la société Finergy holding Europe sur les titres de la société Must développement, anciennement dénommée Sir développement Europe ;

DIT que la société Must investissement n'a pas la qualité d'associé de la société Sir développement Europe, actuellement dénommée Must développement ;

PRONONCE la nullité des délibérations prises par la société Must investissement les 16 décembre 2016, 20 janvier 2017 et 30 janvier 2017 ;

AUTORISE la société Sir développement Europe à requérir du greffe du tribunal de commerce de Lille Métropole une nouvelle immatriculation au registre du commerce et des sociétés avec les caractéristiques suivantes :

- Dénomination sociale : Sir développement Europe ;

- Forme juridique : SAS

- Siège social : [Adresse 3] ;

- Président de la société : SARL Sir, au capital de 30 000 euros, immatriculée au RCS de Lille Métropole sous le numéro 487 827 958, ayant siège social [Adresse 4] ;

CONDAMNE la société Must investissement à payer à la société Sir développement Europe et la société Finergy holding Europe la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société Must investissement et la société Must développement Europe, représentée par Me [E], ès qualités de leur demande d'indemnité procédurale ;

CONDAMNE la société Must investissement aux dépens de première instance et d'appel.