CA Angers, ch. soc., 7 janvier 2021, n° 20/00160
ANGERS
Arrêt
Confirmation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Genet
Conseillers :
M. Brisquet, Mme Delaubier
FAITS ET PROCÉDURE
La société les Ecuries de la Goupillière, société par actions simplifiée immatriculée le 30 juin 2013, exploitait au [...] un fonds de commerce spécialisé dans l'instruction, l'entraînement, le transport, la location et l'élevage de chevaux et poneys, ainsi que la formation professionnelle dans le domaine de l'équitation, la restauration et la buvette liées à la vie d'un club hippique, l'achat et la vente de produits et matériels liés à l'équitation, l'achat et la vente de poneys et chevaux, le courtage, l'organisation de manifestations sportives équestres.
Son président était M. Régis R. tandis que son directeur général était M. Pierre M., né le 15 mai 1982. Le capital social était composé de 24 500 actions détenues selon la répartition suivante :
- société financière R, représentée par M. Régis R. : 3 500 actions,
- M. Pierre M. : 3 500 actions,
- M. André A. : 3 500 actions,
- M. Mickaël J. : 3 500 actions,
- M. Michel M. : 3 500 actions,
- M. Dominique S. : 3 500 actions,
- Mme Isabelle C. : 3 500 actions.
Un contrat à durée indéterminée a été conclu par écrit le 31 août 2013 aux termes duquel la société les Ecuries de la Goupillière, représentée par M. Régis R., a embauché M. M. à compter du 1er septembre 2013 en qualité de responsable d'une écurie de propriétaires, pour un salaire mensuel brut de 2 000 euros correspondant à 151,67 heures mensuelles. Il était précisé que le contrat était soumis à la convention collective nationale des centres équestres du 11 juillet 1975 (IDCC 7012).
Le 21 février 2018, le tribunal de commerce d' Angers a prononcé la liquidation judiciaire de la société les Ecuries de la Goupillière et a désigné en qualité de liquidateur la Selas CLR et associés, prise en la personne de Me Christelle L.-R..
Par lettre du même jour, Me L.-R. a convoqué M. M. à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 6 mars 2018.
M. M. a été licencié pour motif économique par lettre recommandée du 8 mars 2018 motivée par l'arrêt définitif de l'activité, faute de poursuite d'activité autorisée par le tribunal, par l'absence de reprise du fonds de commerce et des contrats de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail et par l'impossibilité de tout reclassement.
Par une autre lettre du 8 mars 2018, Me L.-R. a refusé de donner suite à une demande de prise en charge de salaires réclamés pour la période de juillet 2017 à janvier 2018 en contestant l'existence d'un lien de subordination permettant de caractériser un contrat de travail. Le CGEA-AGS de Rennes a indiqué le 22 mars 2018 à Me L.-R. qu'il partageait son analyse.
Par requête déposée le 5 juillet 2019, M. M. a saisi le conseil de prud'hommes d' Angers afin de voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail et obtenir la fixation sur l'état des créances inscrites au passif de la société les Ecuries de la Goupillière de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et de rupture du contrat et d'indemnité pour défaut de remise du contrat de sécurisation professionnelle. Il a également demandé que le jugement à intervenir soit déclaré commun au CGEA et que le mandataire liquidateur soit condamné au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Me L.-R., ès qualités, a soulevé une exception d'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal de commerce d' Angers en demandant aux premiers juges de dire que M. M. n'était pas lié à la société les Ecuries de la Goupillière par un contrat de travail et en sollicitant également sa condamnation au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le CGEA-AGS de Rennes a conclu à titre principal dans le même sens que le liquidateur, s'est opposé subsidiairement à la demande et a sollicité une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 3 juin 2020, le conseil de prud'hommes a dit que M. M. est lié à la société les Ecuries de la Goupillière par un contrat de travail et s'est déclaré compétent pour connaître du litige entre M. M., la société les Ecuries de la Goupillière et le CGEA-AGS de Rennes. Il a également dit qu'à défaut de recours, l'affaire serait plaidée au fond le 2 septembre 2020 et a enjoint la société les Ecuries de la Goupillière ainsi que le CGEA-AGS de Rennes de conclure au fond pour cette audience.
Me L.-R., ès qualités, a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d'appel le 15 juin 2020.
Le CGEA-AGS de Rennes a constitué avocat le 26 juin 2020 tandis que M. M. a constitué avocat le 2 juillet 2020.
Après autorisation délivrée en application de l'alinéa 2 de l'article 84 du code de procédure civile, Me L.-R. a, par actes des 23 et 31 juillet 2020, fait assigner M. M. ainsi que le CGEA-AGS de Rennes à jour fixe, pour l'audience du 14 septembre 2020, date à laquelle l'affaire a été renvoyée contradictoirement à l'audience du 13 octobre 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions récapitulatives (n° 2) communiquées par voie électronique le 6 octobre 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, Me L.-R., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société les Ecuries de la Goupillière, sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il :
- a dit que M. M. est lié à la société les Ecuries de la Goupillière par un contrat de travail ;
- s'est déclaré compétent pour connaître du litige entre M. M., la société les Ecuries de la Goupillière et le CGEA-AGS de Rennes et dit qu'à défaut de recours, l'affaire sera plaidée au fond à l'audience de jugement du mercredi 2 septembre 2020;
- a enjoint la société les Ecuries de la Goupillière et le CGEA-AGS de Rennes de conclure au fond pour ladite audience.
Au visa des articles L. 227-6 et suivants du code de commerce et L. 1221-1 du code du travail, elle demande à la cour, statuant à nouveau, de dire que M. M. n'est pas lié à la société les Ecuries de la Goupillière par un contrat de travail et, en conséquence, de déclarer la juridiction prud'homale incompétente au profit du tribunal de commerce d' Angers .
Elle sollicite la condamnation de M. M. à lui verser, en sa qualité de liquidateur, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Me L.-R. rappelle qu'en application des dispositions de l'article L. 8221-6 du code du travail, les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés sont présumées ne pas être liées au donneur d'ordre par un contrat de travail.
Elle considère que la charge de la preuve de l'existence d'un contrat de travail pèse sur celui qui se prétend lié par un tel contrat et qu'il doit rapporter la preuve d'un lien de subordination par des éléments précis et non par de simples allégations. Elle estime que les premiers juges ont violé les règles de preuve applicables en la matière et que leur décision est en outre entachée d'un vice de forme pour contradiction de motifs dans la mesure où ils n'ont pas tiré les conséquences de leurs propres constatations qui auraient dû les conduire à considérer que la dimension très modeste de l'entreprise contribue à l'évidence à la confusion entre les fonctions techniques invoquées par M. M. et l'objet social de la société. Elle estime que les fonctions techniques de responsable d'écurie se confondaient avec l'objet social de la société et se trouvaient en réalité absorbées par son mandat social de directeur général et qu'il ne se trouvait pas en situation de subordination à l'égard des associés. Elle ajoute que M. M. avait bien le pouvoir d'engager la société à l'égard des tiers, qu'il disposait de la carte bancaire de la société, qu'il se chargeait d'encadrer l'unique salariée apprentie de l'entreprise et qu'il bénéficiait d'une liberté d'action inconciliable avec un état de subordination.
Me L.-R. soutient également que le jugement est affecté d'un défaut de base légale par insuffisance de motivation, eu égard au fait que les premiers juges ne se sont pas expliqués sur le fait que M. M. ne percevait pas des rémunérations distinctes pour son mandat de directeur général et pour son prétendu contrat de travail.
Elle considère que les éléments invoqués par M. M. pour caractériser l'existence d'un lien de subordination, y compris le contrat de travail et les bulletin de salaire, sont inopérants.
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Par conclusions transmises par voie électronique le 4 août 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, le CGEA-AGS de Rennes sollicite la réformation du jugement en demandant à la cour de dire que M. M. n'était pas lié à la société les Ecuries de la Goupillière par un contrat de travail et de déclarer en conséquence la juridiction prud'homale incompétente au profit du tribunal de commerce d' Angers , en condamnant M. M. aux entiers dépens.
Il indique partager la même analyse que celle du mandataire liquidateur au sujet de la situation de M. M. en soutenant que celui-ci était mandataire social, associé égalitaire, sans lien de subordination et qu'il n'existait aucun contrat de travail distinct de sa fonction de directeur général.
Il souligne que les dirigeants des sociétés par actions simplifiée relèvent du régime général de sécurité sociale et que c'est à ce titre que sont établis des bulletins de salaire pour les versements aux organismes sociaux. Il ajoute qu'en l'occurrence, les bulletins de salaire de M. M. qui comportent la mention 'gérant' révèlent qu'il ne cotisait pas à l'assurance chômage ni à l'AGS.
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Par conclusions transmises par voie électronique le 10 septembre 2020, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, M. M. sollicite que Me L.-R., ès qualités, et le CGEA-AGS de Rennes soient déboutés de l'ensemble de leurs demandes et que le jugement soit confirmé en toutes ses dispositions.
Il demande la condamnation de Me L.-R., ès qualités, au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. M. considère que le conseil de prud'hommes a fait une exacte application des règles de preuve ainsi que des principes régissant le cumul entre un contrat de travail et un mandat social et qu'il appartient à la société les Ecuries de la Goupillière de rapporter la preuve du caractère fictif du contrat de travail qu'il produit. Il conteste l'existence de toute contradiction de motifs de la part des premiers juges et considère qu'aucun élément ne permet d'établir que le contrat de travail se trouvait absorbé par le mandat social.
Il conteste également l'existence d'un défaut de base légale par motivation insuffisante en soutenant que c'est à Me L.-R. de rapporter la preuve de l'absence de lien de subordination et non à lui d'établir la preuve de l'existence un tel lien.
M. M. indique que s'il était bien titulaire d'un mandat social, il était surtout salarié de la société en qualité de responsable d'écurie et que son contrat de travail précisait que ces fonctions s'exerçaient sous la direction du conseil d'administration de la société. Il ajoute que ses attributions de responsable d'écurie étaient bien définies par le contrat de travail et étaient distinctes du mandat social. Il observe que c'est dans le cadre de son activité salariée et en vertu d'une délégation de pouvoir qu'il assurait l'encadrement de l'apprentie.
Il précise que s'il assumait la gestion quotidienne de l'écurie au titre de son contrat de travail, il ne disposait pas en revanche de la carte bancaire de la société, qui était détenue par le président de la société, et ne gérait pas les aspects comptables qui incombaient à M. André A., trésorier, qui réglait les prestataires et fournisseurs. Il ajoute qu'il ne disposait pas d'une délégation de signature sur les comptes de la société.
S'agissant de ses bulletins de salaire, il soutient qu'ils ont été établis par l'épouse du trésorier, qu'il les a reçus tous en même temps le 21 février 2018, c'est-à-dire postérieurement à la liquidation judiciaire, et qu'il ne dispose d'aucune qualification particulière qui lui aurait permis de les comprendre et de se rendre compte qu'il ne cotisait ni à l'assurance chômage ni à l'AGS.
Il maintient qu'il exerçait ses fonctions dans le cadre d'un lien de subordination, que son travail était surveillé puisqu'une mise au point est intervenue de la part de M. R., qu'il ne disposait d'aucune liberté d'action concernant les commandes auprès des fournisseurs et que les règlements de ceux-ci étaient effectués par le trésorier.
Il ajoute qu'il a travaillé pendant plusieurs mois sans percevoir ses salaires dont il a pourtant réclamé le paiement à plusieurs reprises et qu'il n'a jamais entendu renoncer à les percevoir.
MOTIVATION
- Sur l'existence d'un contrat de travail et sur la compétence du conseil de prud'hommes :
Selon l'article L. 1411-1 du code du travail, le conseil de prud'hommes est compétent pour statuer sur les différends qui peuvent s'élever entre les employeurs et les salariés qu'ils emploient à l'occasion de tout contrat de travail.
Il résulte des articles L. 1221-1 et suivants du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles la prestation de travail s'est exécutée.
En présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient cependant à la partie qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ou de démontrer qu'au delà de la dénomination donnée à ce contrat, les conditions de fait dans lesquelles une prestation a pu être accomplie ne correspondaient pas à l'exécution d'un contrat de travail.
En l'espèce, le contrat de travail signé le 31 août 2013 n'est pas allégué de faux, de sorte qu'il appartient au mandataire liquidateur ainsi qu'au CGEA-AGS de Rennes de renverser la présomption simple de salariat qui en résulte.
La signature de ce contrat de travail est contemporaine de l'immatriculation de la société et de la désignation de M. M. en qualité de directeur général.
Le cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail est possible lorsque celui-ci porte sur des fonctions techniques distinctes de celles de direction, donnant lieu à une rémunération propre, exercées dans le cadre d'un lien de subordination vis-à-vis de la société et dans des conditions exclusives de toute fraude à la loi.
Le contrat de travail signé le 31 août 2013 comporte un article intitulé 'Emploi et qualification' qui est ainsi rédigé :
'M. Pierre M. occupera un emploi de responsable d'une écurie de propriétaires, placé sous la responsabilité du conseil d'administration de la SAS les Ecuries de la Goupillière.
La mission qui lui est confiée est constituée des prestations techniques suivantes :
Assurer la facturation et la comptabilité de premier niveau, assurer l'entretien du site et des équidés présents sur le lieu d'exploitation, donner des cours d'équitation, planifier les compétitions externes ou internes, encadrer les salariés et stagiaires en veillant tout particulièrement au respect et à l'application des consignes de sécurité dans le cadre de la délégation de pouvoirs dont il dispose et signé par lui-même. De prendre toutes mesures appropriées permettant le bon fonctionnement de la société.'
Cet article comporte bien d'une part l'énoncé d'un principe de subordination du salarié au conseil d'administration de la société et, d'autre part, la définition des missions techniques confiées au responsable d'écurie qui sont supposées être distinctes des missions confiées au directeur général.
Faute pour Me L.-R. d'avoir produit aux débats les statuts de la société les Ecuries de la Goupillière, il n'est pas possible pour la cour de vérifier la composition du conseil d'administration mais dans la mesure où les dispositions du code de commerce relatives aux sociétés par actions simplifiée renvoient, sauf exceptions, à celles des sociétés anonymes, le conseil d'administration est composé de trois membres au moins ayant pour mission d'administrer la société (dispositions combinées des articles L. 227-1 et L. 225-17 du code de commerce). Il en résulte que la société est administrée par un organe collectif sous la responsabilité duquel M. M. devait exercer son contrat de travail.
L'article L. 227-6 du code de commerce est ainsi rédigé :
'La société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social.
Dans les rapports avec les tiers, la société est engagée même par les actes du président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait cet objet ou qu'il ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances, étant exclu que la seule publication des statuts suffise à constituer cette preuve.
Les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.
Les dispositions statutaires limitant les pouvoirs du président sont inopposables aux tiers.'
L'absence de production aux débats des statuts de la société les Ecuries de la Goupillière ne permet pas non plus à la cour de vérifier concrètement le mode de gouvernance de la société qui avait été adopté par ses associés ni l'étendue des pouvoirs qui ont été conférés respectivement au président et au directeur général.
Il ressort toutefois de la lettre et de l'esprit de l'article L. 227-6 qu'hormis le cas particulier où la société par actions simplifiée ne comporte qu'une seule personne qui est alors dénommée associé unique et qui exerce les pouvoirs dévolus aux associés lorsque les textes prévoient une prise de décision collective (article L. 227-1 alinéa 2 du code de commerce), les pouvoirs de direction ne sont pas concentrés en une seule main et le président est investi de pouvoirs propres pour représenter la société. En tout état de cause, le directeur général n'est pas juridiquement le seul organe de direction de la société par actions simplifiée.
Même s'il est exact que le directeur général peut, dans la pratique, disposer de pouvoirs étendus qui touchent de près ou de loin la quasi totalité de l'activité de la société, il appartient au cas présent à Me L.-R. et au CGEA-AGS de Rennes de démontrer que le mandat social de directeur général de M. M. recouvrait les attributions confiées à celui-ci par son contrat de travail, ce qu'ils ne font pas puisqu'ils se bornent à affirmer qu'il n'existait pas de fonction technique distincte des fonctions de direction de l'entreprise.
Le fait que M. M. ait pu passer des commandes de foin, requérir le vétérinaire ou signer des contrats de location de véhicules ne prouve pas qu'il exerçait en fait les attributions du président ni qu'il était seul titulaire du pouvoir de contracter avec des tiers au nom de la société. Ces actes ne sont d'ailleurs pas étrangers aux fonctions de responsable de centre équestre définies par le contrat de travail et peuvent de toute façon avoir été accomplis à ce titre.
S'agissant de la manipulation des fonds, Me L.-R. produit une attestation de M. Régis R. relative aux titulaires de la signature bancaire du 24 février 2018 selon laquelle trois personnes disposaient de la signature sur les différents comptes bancaires ou postaux de la société, à savoir lui-même, M. M. et M. A.. Par une nouvelle attestation du 7 mars 2018, M. R. a indiqué avoir mentionné par erreur le nom de M. M. parmi les titulaires de la signature bancaire mais qu'en revanche ce dernier utilisait la carte bancaire de l'entreprise pour le fonctionnement de la société.
Il résulte d'échanges de SMS entre M. M. et M. A. que ce dernier établissait les chèques de règlement des fournisseurs ainsi que le paiement des salaires. Aucun document bancaire produit aux débats ne permet d'établir que M. M. utilisait effectivement la carte bancaire de la société et ce dernier communique une attestation du Crédit mutuel Anjou du 28 mars 2018 indiquant qu'il n'a jamais eu de procuration bancaire ni de carte bancaire sur le compte de la société les Ecuries de la Goupillière 'et qu'il ne bénéficie pas d'autres pouvoirs que ceux décidés dans les statuts du 2 novembre 2014".
S'agissant du lien de subordination, il résulte d'un document intitulé 'Mise au point organisation Goupillière' figurant en pièce jointe d'un courrier électronique envoyé à M. M. le 4 septembre 2017 par M. R. que celui-ci lui a adressé un certain nombre de remontrances sur l'organisation du centre équestre ('Le mode d'organisation et de management de la Goupillière n'est plus satisfaisant (...) Nous avons des remarques, des récriminations, des plaintes de plus en plus récurrentes et venant de toute part, clients, cavalières, associés. En tant que président je vais avoir des comptes à rendre aux associés et ce moment approche à grands pas'). Le président de la société dresse un bilan des points négatifs (communication du club, propreté, gestion des pensions de chevaux, des concours et autres manifestations).
A propos notamment de la propreté, cette note énonce un reproche explicite à l'égard de M. M. qui, par sa virulence, s'apparente clairement à une sanction ('Ton bureau (entre autre) est sale ! Je me demande comment un nouveau client potentiel peut avoir envie de mettre son cheval ou poney en pension à la Goup s'il se dit que les écuries sont aussi bien tenues que le bureau du responsable du site ! Les clients attendent autre chose au niveau de la propreté du site et des boxes en particulier'). La lettre se poursuit avec des propositions de solutions très précises destinées à modifier la politique du centre équestre dans certains domaines (organisation des cours, gestion, facturation etc) et qui s'accompagnent d'une nouvelle répartition des tâches et des responsabilités impliquant aussi pour partie les autres associés. M. M. est invité en conclusion à respecter ces directives ('Il faut que tu privilégies maintenant la gestion et l'organisation des écuries bien avant l'activité coaching et cours !'). Les reproches contenus dans ce document font bien ressortir que M. M. accomplissait les missions de responsable d'écurie telles qu'elles sont définies dans son contrat de travail écrit.
Cet élément met en évidence l'existence d'un lien de subordination à l'égard du président de la société qui donnait effectivement des ordres et des directives à M. M., en contrôlait l'exécution à travers l'inventaire des points à améliorer et qui, au besoin, le sanctionnait, au moins par la formulation explicite de remontrances qui auraient pu précéder des sanctions plus graves.
S'agissant de l'argument des bulletins de salaire sur lequel Me L.-R. et le CGEA-AGS de Rennes insistent, il est inopérant dans la mesure où ils ont tous été édités par le trésorier, M. A., qui les a envoyés par message électronique du 13 mars 2018, c'est-à-dire après l'ouverture de la liquidation judiciaire. M. M. a signalé dès le 22 mars 2018 que les bulletins de salaire ainsi remis comportaient par erreur la mention 'gérant' et a demandé qu'ils soient refaits avec un intitulé correspondant à son contrat de travail, c'est-à-dire 'responsable d'écurie'. Les irrégularités contenues dans les bulletins de salaire, qui ne sont pas imputables à M. M. qui n'avait pas pour mission de les établir, ne peuvent prouver que la rémunération était versée au titre du mandat social et non au titre du contrat de travail. Il apparaît en réalité que M. M. percevait bien une rémunération en tant que salarié mais n'en percevait pas au titre de son mandat social.
L'argument selon lequel M. M. aurait tardé à réclamer le paiement de son salaire, ce qui tendrait implicitement à considérer que sa créance n'était pas de nature salariale, est également inopérant dans la mesure où il a réclamé à plusieurs reprises le paiement de son salaire par des messages adressés au trésorier.
Les premiers juges ont également retenu, à juste titre, que M. M. n'était qu'associé minoritaire de la société les Ecuries de la Goupillière puisqu'il ne disposait que d'un septième des actions. Cet élément ne permet absolument pas de conforter l'hypothèse d'un directeur général décidant seul de la politique de la société sans en référer à quiconque.
Enfin, le moyen tiré de l'article L. 8221-6 du code du travail, qui est visé à titre liminaire dans les conclusions de l'appelante, est totalement inopérant et est inapplicable au présent litige dès lors qu'il concerne l'éventuelle dissimulation d'emploi salarié dans les rapports entre un donneur d'ordre et un sous-traitant.
Il résulte de ce qui précède que M. M. occupait bien un emploi de responsable d'écurie dans le cadre d'un lien de subordination et qu'à ce titre, il était titulaire d'un contrat de travail distinct de son mandat social de directeur général.
Le jugement par lequel le conseil de prud'hommes a reconnu l'existence d'un contrat de travail et a retenu sa compétence pour connaître du litige doit être confirmé.
Il y a lieu, par application de l'article 86 du code de procédure civile, de renvoyer l'affaire au conseil de prud'hommes d' Angers devant lequel l'instance se poursuivra.
- Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il est justifié de faire partiellement droit à la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile présentée par M. M. et de condamner Me L.-R., ès qualités, au paiement de la somme de 1 500 euros sur ce fondement.
Me L.-R., partie perdante sur la question de compétence tranchée par le présent arrêt, doit être déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée, en sa qualité de mandataire liquidateur de la société les Ecuries de la Goupillière, aux entiers dépens de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
La COUR,
Statuant en application des articles 83 et suivants du code de procédure civile, par arrêt contradictoire, prononcé publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes d’Angers du 3 juin 2020 ;
RENVOIE, par application de l'article 86 du code de procédure civile, l'affaire au conseil de prud'hommes d’Angers devant lequel l'instance se poursuivra ;
Y ajoutant :
CONDAMNE la Selas CLR et associés, prise en la personne de Me Christelle L.-R., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société les Ecuries de la Goupillière, à payer à M. Pierre M. la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE la Selas CLR et associés, prise en la personne de Me Christelle L.-R., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société les Ecuries de la Goupillière, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Selas CLR et associés, prise en la personne de Me Christelle L.-R., agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société les Ecuries de la Goupillière, aux entiers dépens de la présente procédure.