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Décisions

CA Nîmes, 1re ch., 23 juin 2022, n° 21/01422

NÎMES

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Fournier

Conseillers :

Mme Toulouse, Mme Léger

Avocats :

Me Marty, Me Isenberg

TJ Alès, du 9 mars 2021

9 mars 2021

EXPOSE DU LITIGE :

La société Bosar Conseils et Réalisations a pour activité le conseil et le négoce pour l'achat et la vente de tous matériaux et matériels de construction, M. [B] en est le président, et M. [X] [O] le directeur général.

La société Bosar a fait l'objet d'un contrôle fiscal au titre de la TVA, lequel s'est traduit par des redressements à hauteur de 116 242 euros.

Par acte du 25 mai 2020, le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Gard a assigné [X] [O] devant le président du tribunal judiciaire d'Alès à l'audience de procédure accélérée au fond du 18 juin 2020, en vue d'obtenir, sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales, qu'il soit déclaré solidairement responsable avec la société Bosar Conseils et Réalisations, du paiement de la somme de 116 242 euros et qu'il soit donc condamné à lui payer cette somme, outre la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir retenu que, malgré l'absence de précision par l'assemblée générale des attributions du directeur général, il existait une présomption d'attribution à M. [O] des pouvoirs du dirigeant justifiant l'action de l'administration fiscale à son encontre, que les critères de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales étaient réunis et que l'existence de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales était avérée, enfin que l'action de l'administration fiscale était régulière, le tribunal judiciaire d'Alès, par jugement contradictoire du 9 mars 2021, a :

- déclaré M. [X] [O] solidairement responsable avec la société Bosar Conseils et Réalisations du paiement de la somme de 116 242 euros ;

- condamné M. [X] [O] à payer à M. le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Gard la somme de 116 242 euros ;

- débouté M. [X] [O] de ses demandes ;

- condamné M. [X] [O] à payer à M. le comptable du pôle de recouvrement spécialisé du Gard la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [X] [O] aux dépens en ce compris le coût des saisies conservatoires du 10 mars 2020 entre les mains de la banque populaire du sud et de la BNP Paribas ainsi que de l'hypothèque judiciaire provisoire et de l'hypothèque judiciaire définitive réalisée sur ses biens.

Par déclaration du 9 avril 2021, M. [O] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 19 avril 2022, [X] [O] demande à la cour d' infirmer intégralement la décision entreprise et de rejeter la demande de l'administration fiscale et la condamner à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelant soutient qu'il n'exerçait pas la direction effective de la société, que ses pouvoirs n'ont jamais été fixés ni par les statuts ni par une assemblée générale distincte, et que cette absence de pouvoir constitue une circonstance exceptionnelle le déchargeant de toute responsabilité, sauf preuve contraire qui n'est pas rapportée en l'espèce. Il n'était pas non plus dirigeant de fait de la société Bosar, de sorte que les conditions de mise en jeu de sa responsabilité fiscale sur le fondement de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ne sont pas réunies.

Subsidiairement, il conclut à l'absence de lien de causalité entre ses agissements et l'impossibilité de recouvrement de l'impôt, dès lors que l'article L. 267 précité exige la démonstration que le dirigeant soit personnellement responsable des inobservations et qu'il existe un lien de causalité, autre que les inobservations, entre elles et l'impossibilité de recouvrement.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 21 juillet 2021, le comptable public demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner [X] [O] à payer la somme complémentaire de 1 500 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé soutient que l'appelant figure sur le registre du commerce en qualité de directeur général de la société, de sorte qu'il est mandataire social et a le pouvoir d'engager la société vis-à-vis des tiers par ses actes. Il indique qu'en pratique un directeur général peut avoir les mêmes pouvoirs que le président dès lors qu'ils sont actionnaires égalitaires, ce qui est le cas en l'espèce puisque M. [B] et M. [O] ont 50 actions chacun. Il considère enfin que la responsabilité de M. [O] est caractérisée dans la mesure où les manquements ont été commis pendant la période au cours de laquelle il a exercé son mandat, et qu'il était alors responsable du bon fonctionnement de l'entreprise en qualité de directeur général, la seule constatation des inobservations fiscales permettant d'établir sa responsabilité de dirigeant sans qu'il puisse s'en exonérer en évoquant la direction effective d'un tiers.

Le comptable public ajoute que l'impossibilité de recouvrer l'impôt résulte de manoeuvres et manquements répétés de la société Bosar et de ses dirigeants au cours des années précédentes, l'accumulation des dettes ayant conduit à la mise en liquidation de la société intervenue par jugement du tribunal de commerce de Nîmes du 13 novembre 2019.

Par ordonnance du 28 février 2022, la procédure a été clôturée le 26 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 10 mai 2022.

MOTIFS :

Sur la qualité de dirigeant de la SAS BOSAR :

L'exrait Kbis de la SAS BOSAR Conseils et Réalisations mentionne que cette société a pour président [J] [B] et comme directeur général [X] [O].

L'article 13 des statuts de la société Bosar stipule que les pouvoirs du ou des directeurs généraux sont fixés par décision des associés. Cependant, aucune assemblée générale n'a défini les pouvoirs confiés à [X] [O].

Le tribunal a considéré, s'agissant des fonctions effectivement exercées par [X] [O] que la société ne comptait que deux associés à parts égales et que ses pouvoirs n'ayant pas fait l'objet d'une quelconque limitation par les statuts ou par une décision ultérieure, il était présumé avoir reçu l'attribution des pouvoirs de dirigeant.

Selon l'appelant, ni les statuts ni une assemblée générale postérieure n'ont défini ses pouvoirs et, contrairement à ce qu'affirme l'intimé, le directeur général n'a pas les mêmes pouvoirs que le président, l'article L 225-56 du code de commerce applicable aux sociétés anonymes n'étant pas transposable aux SAS. Il ajoute que la qualité de dirigeant de droit n'est pas suffisante pour engager sa responsabilité fiscale, l'administration fiscale étant tenue de démontrer qu'il exerçait la direction effective de la société. [O] [X] fait valoir qu'il n'a jamais accompli le moindre acte de direction de l'entreprise, produit pour le prouver les attestations de l'expert-comptable et de la banque qui le confirment et fait remarquer à la cour que l'intimé ne rapporte pas la preuve contraire.

L'intimé au contraire considère qu'en application de l'article L225-56 du code de commerce, le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représente la société dans ses rapports avec les tiers. Il estime qu'en sa qualité de mandataire social dont le nom figure sur l'extrait Kbis de la société, le directeur général a le pouvoir d'engager la société vis-à-vis des tiers: sa responsabilité serait donc engagée dès lors que les inobservations fiscales ont été commises durant son mandat.

L'article L 225-56 relatif à la direction des sociétés anonymes dispose: «'Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration.Il représente la société dans ses rapports avec les tiers'».

L'article L 227-1 du code de commerce dispose:

« Dans la mesure où elles sont compatibles avec les dispositions particulières prévues par le présent chapitre, les règles concernant les sociétés anonymes, à l'exception du second alinéa de l'article L225-14, des articles L 225-17 à L 225-102-2........, sont applicables à la société par actions simplifiée »

Il se déduit de la combinaison des deux articles précédents que l'article L 225-56 est donc inapplicable aux sociétés par actions simplifiées.

Dans les sociétés par actions simplifiées, aux termes de l'article L227-6 du code de commerce, la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts. Le président est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social. Cette même disposition ajoute que les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier par le présent article.

Dans les rapports entre associés, les pouvoirs susceptibles d'être exercés par un directeur général sont librement définis par les statuts. Cependant, à l'égard des tiers, le directeur général dispose, comme le président, des pouvoirs les plus étendus, même si ses pouvoirs n'ont pas été précisés par les statuts: la seule détention du titre de directeur général suffit à lui reconnaître un pouvoir de représentation de la société lui permettant, comme cela est prévu pour le président, d'être titulaire des pouvoirs les plus étendus pour agir au nom de la société ( Cass Com 9/07/2013 n°12-22-627).

[X] [O] avait donc la qualité de dirigeant de la société au sens de l'article L 267 du livre des procédures fiscales.

Sur la responsabilité:

L'article L 267 du livre des procédures fiscales dispose: «'lorsqu'un dirigeant d'une société....est responsable de manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions '.le dirigeant peut, '.être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions...'».

Pour déclarer [X] [O] solidairement responsable de la Sas Bosar, le premier juge a rappelé que les dirigeants de cette société avaient omis à cinq reprises d'adresser à l'administration fiscale les déclarations de chiffres d'affaires destinées à calculer la TVA et, en outre, à minorer le chiffre d'affaires pour la période du 1er juin au 31 mars 2017. Puis le tribunal a relevé que la société désormais liquidée ne pouvait pas s'acquitter de la dette fiscale.

L'appelant soutient que son implication personnelle dans les faits n'est pas démontrée et qu'il n'y a aucun lien de causalité entre les inobservations fiscales reprochées et l'impossibilité de recouvrer la TVA.

Les dirigeants sont tenus à l'égard de l'administration fiscale à une obligation déclarative. En omettant d'adresser les déclarations de chiffre d'affaires ou en adressant des déclarations dans lesquelles le chiffre d'affaires a été minoré, [X] [O] a commis des manquements graves et répétés aux obligations déclaratives qui pesaient sur lui en sa qualité de directeur général de la société Bosar. L'administration fiscale établit qu'elle a émis les avis de recouvrement relatifs à des taxations d'office entre septembre 2017 et septembre 2018 mais qu'elle n'a pu recouvrer sa créance, le tribunal de commerce de Nîmes par jugement du 13 novembre 2019 ayant ouvert à l'égard de la société BOSAR une procédure de liquidation judiciaire.

Les conditions requises par l'article L 267 du livre des procédures fiscales étant réunies, le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.

Il est équitable par ailleurs de condamner [X] [O] à payer à Monsieur le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Condamne [X] [O] à payer à Monsieur le Comptable du Pôle de Recouvrement Spécialisé la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Le condamne aux dépens.