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Décisions

CA Saint-Denis de la Réunion, ch. com., 17 mars 2021, n° 20/00388

SAINT-DENIS DE LA RÉUNION

Arrêt

Autre

PARTIES

Défendeur :

Agexco (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Karrouz

Conseillers :

Mme Flauss, Mme Opsahl

T. com. Saint-Denis de la Réunion, du 29…

29 janvier 2020

EXPOSE DU LITIGE

Suivant jugement du 4 février 2015, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis a prononcé, sur déclaration de cessation des paiements, la liquidation judiciaire de la SAS So. Prestiles Océan Indien qui exerçait son activité dans le domaine de la restauration collective d'établissements de santé ou scolaires et désigné la SELARL H. en qualité de liquidateur.

La société AGEXCO a été désignée en qualité de contrôleur.

Estimant que le président de la société, M. Marc L., avait commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif la SELARL H. a saisi le tribunal mixte de commerce afin d'obtenir sa condamnation au paiement d'une somme de 3 000 000,00 €.

Par jugement du 29 janvier 2020, le tribunal a :

- condamné M. L. à combler le passif de la société So. Prestiles Océan Indien pour un montant de 500 000,00 € et à verser cette somme à la SELARL H. prise en la personne de M. Laurent H. en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société So. Prestiles Océan Indien ;

- condamné M'. L. au paiement des entiers dépens';

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration au greffe de la cour formulée par voie électronique le 3 mars 2020 M. L. a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Dans ses dernières conclusions déposées par voie électronique M. L. demande à la cour de :

- dire et juger que le tribunal ne pouvait décider avant d'avoir entendu l'ensemble des parties de trancher une question de droit, en l'occurrence celle de la nullité de l'exploit introductif d'instance';

- dire et juger qu'il appartenait au tribunal d'organiser les débats, de faire rapport de l'affaire à l'audience et au vu de ce rapport de donner la parole aux parties ayant soulevé des exceptions de procédure'; qu'il ne peut exciper de sa propre carence en déclarant irrecevables des exceptions de procédure qu'il n'a pas laissées exposer en début d'audience';

En conséquence

- annuler le jugement entrepris';

Et statuant à nouveau

- dire et juger que l'huissier instrumentaire n'a pas effectué les diligences raisonnables pour tenter de signifier à personne, à savoir consulter la mairie du dernier domicile connu, consulter la poste du ressort du dernier domicile connu, interroger le voisinage du dernier domicile connu, interroger la préfecture du ressort du dernier domicile connu';

En tout état de cause

- constater que l'avocat du liquidateur judiciaire dans le cadre des litiges de la procédure collective et l'avocat du débiteur sont identiques';

- constater les échanges de courriels intervenus entre la SELARL H. et lui-même';

- dire et juger que la SELARL H. pouvait donc raisonnablement connaître son domicile actuel en France et communiquer cette information à l'huissier instrumentaire, son mandataire';

En conséquence

- dire et juger nul et de nul effet la signification de l'exploit introductif d'instance en date du 16 janvier 2018 ;

Partant

- dire et juger l'action en comblement de passif dirigée à son encontre comme prescrite';

A titre subsidiaire

- réformant le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- dire et juger qu'il résulte de l'examen des faits que c'est le groupe SODEXO qui est à l'origine de l'insuffisance d'actif, comme ayant procédé à la vente d'une société structurellement déficitaire et sans comptabilité';

- dire et juger que si des fautes de gestion ont été commises, leur caractère ne peut être intentionnel compte tenu du fait qu'en l'absence de comptabilité, il lui était impossible d'avoir une vision globale d'ensemble de la société';

- dire et juger que bien au contraire il a déployé les efforts qu'il était normal d'attendre de la part d'un dirigeant raisonnable, à savoir d'une part le redressement financier de la société et d'autre part la tentative de négocier avec le groupe SODEXO afin de pouvoir envisager sa pérennité';

- dire et juger qu'au final ce n'est qu'en raison d'une volonté non équivoque du groupe SODEXO de ne pas négocier et de la perte d'un marché important qu'il a été contraint de déposer l'état de cessation des paiements, ce qui ne peut lui être reproché';

En conséquence

- dire et juger recevable mais non fondée l'action en comblement de passif';

statuer ce que de droit sur les dépens.

A l'appui de ses prétentions M. L. fait principalement valoir :

Sur la nullité du jugement ':

- que par jugement avant dire droit du 29 août 2018 le tribunal a sans débat contradictoire tranché par avance la question de la nullité de l'assignation';

que le juge qui organise les débats, n'a pas donné la parole à son conseil en premier, mais en dernier comme cela ressort des mentions du jugement, ce qui ne le mettait pas en mesure de présenter in imine litis l'exception de nullité pourtant contenue dans ses conclusions et a tiré de sa propre carence une cause d'irrecevabilité';

Sur l''absence de responsabilité ':

- qu'au moment où il a acheté la société il a découvert de graves anomalies comptables imputables au groupe SODEXO face auxquelles il a immédiatement réagi en saisissant les juridictions compétentes à l'égard de l'expert-comptable et en commandant un rapport d'expertise auprès de M. V.';

- qu'en réalité par sa prise de direction opérationnelle de l'entreprise il a divisé les pertes par deux en l'espace d'un an';

- qu'il n'est pas contestable qu'il n'a pas respecté le délai légal de 45 jours pour déposer la déclaration de cessation des paiements, mais celle-ci existait au moment de l'acquisition, qu'il a poursuivi une exploitation déficitaire mais qu'elle l'était antérieurement à son acquisition, qu'il n'a pas déposé les comptes sociaux mais qu'il ne pouvait pas le faire du fait du groupe SODEXO et de son expert-comptable, qu'il n'a pas reconstitué les capitaux propres lesquels étaient déjà inférieurs à la moitié du capital social antérieurement à son acquisition';

- qu'il a été privé de tout élément comptable et qu'il a tenté de sauver l'entreprise en ramenant en l'espace de deux ans la société à un quasi équilibre et en vendant un de ses biens propre afin de financer les dépenses liées à son procès avec SODEXO';

- qu'en réalité la cause de l'insuffisance d'actif vient de l'exploitation du groupe SODEXO.

Dans ses dernières conclusions déposées et notifiées par voie électronique le 9 juin 2020 la SELARL H. demande à la cour de :

- déclarer irrecevable la demande de nullité de l'assignation en responsabilité pour insuffisance d'actif, à défaut d'avoir été invoquée in limine litis en première instance';

- à titre subsidiaire juger ladite exception de procédure totalement infondée';

déclarer irrecevable la demande en nullité du jugement la cour n'étant aucunement saisie de la critique du jugement avant dire droit de réouverture des débats en date du 29 août 2018';

- à titre subsidiaire juger ladite demande totalement infondée, le tribunal ayant retenu que la question de la régularité de l'assignation n'avait pas été tranchée par le jugement avant dire droit';

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris';

- condamner M. L. au paiement de la somme de 1500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

La SELARL H. rétorque et soutient pour sa part :

Sur la nullité de l'assignation

- que l'exception de nullité de l'acte d'assignation est irrecevable puisqu'elle n'a pas été soulevée en première instance in limine litis'; qu'il n'appartenait pas au président du tribunal de palier la propre carence de l'appelant';

- que l'acte d'assignation a été régulièrement signifié à la dernière adresse connue et qu'il appartenait à M. L., en sa qualité de dirigeant d'une société faisant l'objet d'une procédure collective de communiquer son adresse au liquidateur ainsi qu'à la juridiction';

- qu'en réalité l'huissier a été particulièrement diligent étant observé que la signification à l'adresse de la société holding So Prestiles, qui n'était pas encore en liquidation judiciaire a été tentée en vain et que l'acte détaille l'ensemble des diligences accomplies';

- qu'en outre M. L. n'invoque aucun grief puisqu'il a comparu en première instance et comparait devant la cour';

Sur la nullité du jugement

- que les griefs invoqués par l'appelant sont relatifs au jugement de réouverture du 29 août 2018 lequel ne fait pas l'objet du présent appel';

Sur la confirmation de la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif :

- que l'insuffisance d'actif s'élève à la somme de 3 437 335,22 €';

- que la société SODEXO n'a jamais dirigé la société So Prestiles Océan Indien puisque M. L. assume les fonctions de président depuis 2008 et qu'il est en tout état de cause seul maître à bord depuis 2011, date du rachat';

- qu'à la date du rachat la société ayant été recapitalisée l'insuffisance d'actif n'était pas caractérisée';

- que plusieurs fautes de gestion doivent être retenues à l'encontre de M. L. ;

1°L'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière

- que les états comptables de septembre 2012 à 2015 n'ont pas été remis ;

- que l'expertise comptable ordonnée par le juge commissaire, fait apparaître pour l'année 2012 que les écritures comptables sont erronées et font apparaître un résultat bénéficiaire alors que le résultat était au 31 août 2012 déficitaire, la comptabilité étant incomplète et irrégulière';

2° Absence de convocation des associés pour la reconstitution des capitaux propres

- que l'expertise comptable fait apparaître que les capitaux propres sont négatifs depuis l'exercice clos le 31 août 2011';

- que la poursuite de l'activité alors que les capitaux propres sont négatifs constitue une faute de gestion, le dirigeant créant à l'égard des tiers une apparence de solvabilité';

3° Poursuite abusive d'une exploitation déficitaire

- que l'activité déficitaire depuis 2011 a été poursuivie, le déficit ne cessant de s'aggraver, la société ne faisant plus face au paiement des cotisations sociales depuis plusieurs années';

- que la passivité du dirigeant face à la dégradation de la situation a eu pour conséquence l'aggravation du passif et l'insuffisance d'actif qui en résulte';

- que l'appelant ne démontre pas les efforts qu'il aurait déployés pour tenter de redresser la situation, la vente de sa maison n'ayant permis que l'amélioration de sa trésorerie personnelle, le litige l'opposant à SODEXO étant soumis à un fort aléa judiciaire et ne pouvant constituer le soubassement de la poursuite d'une activité déficitaire ;

4°L'absence de déclaration de cessation des paiements dans le délai légal

que par jugement du 14 septembre 2016 la date de cessation des paiements a été fixée au 4 septembre 2013'

- que M. L. s'est abstenu de déclarer l'état de cessation des paiements qu'il ne pouvait ignorer eu égard à l'ampleur et l'ancienneté des difficultés, caractérisées par des mises en demeure et des actes de poursuite des créanciers';

5° Flux anormaux avec les autres sociétés dirigées par M. L.

- que le grand livre général provisoire afférent à l'exercice 2014-2015 enregistre deux comptes débiteurs au nom de la holding So Prestiles';

- que malgré les demandes faites, aucun justificatif permettant d'apprécier le bien fondé de ces «'avances'» n'a été transmis';

- que ces avances ont été consenties au préjudice de la société So Prestiles Océan Indien tandis qu'elle n'honorait plus ses dettes fiscales et sociales et dans l'intérêt indirect de M. L. lequel dirige et détient 70'% du capital social de la holding So Prestiles';

- que la holding So prestiles a facturé à la société So Prestiles Océan Indien des prestations excessives, au regard de l'activité déficitaire, dans la mesure où ces prestations font double emploi avec les fonctions normalement dévolues au dirigeant et qu'il y a une inadéquation évidente des moyens mis en œuvre et des montants facturés';

- que des régularisations comptables sont intervenues fort opportunément deux mois seulement avant le dépôt de la déclaration de cessation des paiements, soit en période suspecte, permettant ainsi de minorer la dette de la holding';

- qu'en réalité la trésorerie de la société So prestiles Océan Indien a abondé celle de la holding détenue par M. L. sans aucune contrepartie et dans des proportions considérables en lien direct avec l'insuffisance d'actif.

La société AGEXCO est intervenue volontairement à l'instance en sa qualité de contrôleur. Dans ses dernières conclusions déposées au greffe par voie électronique le 29 juin 2020 la société AGEXCO demande à la cour de':

- dire que l'huissier a effectué les diligences requises en vertu de l'article 659 du code de procédure civile';

- constater que M. L. fait l'aveu judiciaire de la commission des fautes de gestion qui lui sont reprochées';

- constater qu'à la date du jugement de liquidation judiciaire de la société So Prestiles Océan Indien M. L. en était le président depuis six ans et demi';

- que l'assignation a été régulièrement délivrée ;

En conséquence

- confirmer le jugement entrepris ;

- condamner M. L. à lui payer la somme de 1500,00 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société AGEXCO fait principalement valoir':

- qu'il ressort du procès verbal de signification que l'huissier a effectué des démarches suffisantes' et qu'en outre l'appelant n'excipe d'aucun grief à l'appui de sa demande de nullité';

- que M. L. ayant été président pendant plus de deux ans avant la cession de SODEXO Réunion ne peut affirmer avoir totalement ignoré la situation financière et comptable de la société';

- que contrairement à ce qui est soutenu la société SODEXO a fourni à M. L. l'ensemble de la comptabilité de la société ( livraison de vingt quatre containers contenant les pièces comptables)';

- qu'au moment du rachat de la société celle ci avait été recapitalisée à 100'%;

- qu'il est erroné de soutenir que le bilan présenté au 31 août 2012 était bénéficiaire , puisque la situation réelle affichait une perte de 686 000,00 € et qu'en 2013 la situation était toujours négative';

- qu'a partir de 2013 M. L. s'est affranchi de toutes ses obligations comptables puisqu'il s'est dispensé des services d'un expert comptable et même d'un commissaire aux comptes'; qu'il s'est également abstenu de déposer les comptes sociaux';

- que les liquidités générées par la vente de la maison de M. L. n'ont pas bénéficié à la société So Prestiles OI';

- qu'au contraire M. L. a organisé son insolvabilité en quittant la Réunion pour s'établir à l'île Maurice';

- que le passif déclaré au moment de la déclaration de cessation des paiements est équivalent au chiffre d'affaires réalisé par la société, ainsi M. L. ne pouvait ignorer la situation désastreuse de la société qu'il dirigeait.

* * * * *

Dans son avis du 14 septembre 2020, communiqué aux parties par voie électronique le 15 septembre 2020, le ministère public a estimé que de multiples fautes pouvaient être retenues à l'égard du dirigeant et qu'au regard de leur gravité, de leur répétition sur une très longue période et du montant du passif de la société auquel le dirigeant avait largement contribué il convenait de réévaluer le montant de la condamnation à 1 500 000,00 €.

* * * * *

Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

Par arrêt du 25 novembre 2020 la cour a constaté que l'avis du ministère public dans lequel était sollicitée une aggravation du sort de l'appelant n'avait été communiqué aux parties que la veille de l'audience et a rouvert les débats afin que les parties soient mises en mesure de présenter éventuellement des observations.

L'affaire a été retenue à l'audience du 16 décembre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du jugement

Il ressort des conclusions de M. L. qu' à l'appui de sa demande de nullité, il fait en premier lieu référence à un jugement avant dire droit du 29 août 2018 lequel ne fait pas l'objet de l'appel la déclaration d'appel visant uniquement le jugement prononcé le 29 janvier 2020.

Par conséquent les moyens développés concernant ce jugement sont inopérants et seront écartés';

Vu les dispositions des articles 14, 16, 440 et 446 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de l'article 6 § 1 et 3 de la convention européenne des droits de l'homme,

Les dispositions de l'article 440 du code de procédure civile s'agissant de l'ordre dans lequel les parties exposent leurs prétentions ne sont pas prescrites à peine de nullité.

Il ressort des mentions du jugement que la parole a été donnée au cours des débats au conseil de M. L., le principe du contradictoire ayant été respecté.

Cependant il ressort de la motivation du jugement que pour refuser d'examiner l'exception de nullité de l'acte d'assignation, le juge a retenu que le conseil de M. L. n'avait pas présenté oralement lors des plaidoiries et avant l'ouverture des débats au fond, l'exception de nullité, alors qu'il avait préalablement retenu que ce conseil présent à l'audience entendait se référer à ses conclusions préalablement déposées et indiqué que ce conseil avait soulevé in limine litis l'exception quand la parole lui avait été donnée en dernier.

En refusant d'examiner cette exception qui avait pourtant été soulevée par le conseil de M. L. avant toute référence à ses prétentions au fond, et qui était donc recevable, le juge a porté atteinte aux droits de la défense.

Par conséquent la nullité du jugement entrepris sera prononcée.

Sur la nullité de l'acte d'assignation

Vu les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile,

M. L. se prévaut de la nullité de l'acte d'assignation lequel ne lui a pas été signifié à personne mais signifié selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, en soutenant que les diligences accomplies par l'huissier étaient insuffisantes.

Il ressort des éléments de la procédure que si l'acte d'assignation a été signifié à M. L. selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, par jugement avant dire droit du 29 août 2018, le tribunal a ordonné la réouverture des débats en constatant qu'il avait été destinataire d'une demande en ce sens émanant du conseil M. L.. Ainsi au cours de l'audience de réouverture fixée le 31 octobre 2018 M. L. a pu valablement se faire représenter et préparer utilement sa défense l'affaire n'ayant finalement été retenue qu'à l'audience du 20 octobre 2019.

M. L. a ainsi régulièrement comparu en première instance. Il n'invoque aucun grief particulier à l'appui de sa demande de nullité portant sur les modalités de signification de l'assignation.

Par conséquent celle ci sera rejetée.

Sur le fond

En application de l'article L 651-2 du code de commerce, lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté en tout ou en partie par tous les dirigeants de droit ou de fait. Toutefois en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la société, sa responsabilité au titre de l'insuffisance d'actif ne peut être engagée.

En l'espèce le tribunal mixte de commerce de Saint Denis a par jugement du 04 février 2015 prononcé la liquidation judiciaire de la société So Prestiles Océan Indien et désigné en qualité de liquidateur la SELARL H.. M. L. était le président de la société. La date de cessation des paiement initialement fixée au 31 janvier 2015, a par jugement du 14 septembre 2016 été reportée au 4 septembre 2013.

** l'insuffisance d'actif

Les opérations de liquidation de la société font apparaître que le passif déclaré ayant une origine antérieure à l'ouverture de la procédure s'établit à hauteur de 3 985 755,60 €. Le passif non définitif s'établit à hauteur de 1 434 439,51 €.

Compte tenu de l'actif de la société évalué à hauteur de 548 420,38 €, l'insuffisance d'actif s'établit à hauteur de 2 002 895,71 €.

** l'existence de fautes de gestion

Il ressort de l'historique de la société SO prestiles Océan Indien ( pièce 12 intimée) que le 8 février 2011 la société SODEXO France a cédé à la société So Prestiles (holding) la totalité des actions de la société So Prestiles Réunion devenue So Prestiles Océan Indien. Au moment de la cession M. L. exerçait les fonctions de président de la société So Prestiles Réunion depuis le 11 septembre 2008 ( pièce 2 intimée).

Il ressort du rapport de l'expert A. désigné par le tribunal de commerce de Versailles dans le cadre d 'un contentieux opposant la société So prestiles Océan Indien à la société SODEXO relatif aux conditions dans lesquelles la cession est intervenue, que la société So Prestiles Océan Indien présentait une situation structurellement déficitaire ce dont avait parfaitement connaissance M. L., les prévisions d'exploitation étant fondées sur une progression du chiffre d'affaires. Au moment de la cession la société So Prestiles Océan OI a été recapitalisée par la société SODEXO à hauteur de 1 100 000,00 € et le report à nouveau déficitaire s'est trouvé absorbé le capital social étant fixé à hauteur de 431 603,00 €. La société SODEXO a ainsi conformément à ses engagements cédé les parts de la société avec une situation nette. La dégradation importante du chiffre d'affaires sur l'exercice 2011 est à l'origine des difficultés de la société et ne peut être imputée à SODEXO.

° L'absence de tenue d'une comptabilité complète et régulière

Vu les dispositions de l'article L 123-12, L 123-14 du code de commerce,

Les états comptables correspondant à la période postérieure au rachat de la société, soit de septembre 2012 à 2015 n'ayant pas été remis au liquidateur, le juge commissaire a désigné en qualité d'expert la société MDA avec pour mission de réaliser les bilans 2013, 2014 et 2015 et les différents documents (balances, grands livres, journaux).

M. L. ne peut utilement imputer la responsabilité de l'absence de tenue d'une comptabilité et notamment l'établissement des bilans pour les années 2013, 2014, 2015 au groupe SODEXO qui lui a cédé ses actions le 8 février 2011, dans la mesure où il ressort du rapport d'expertise de M. A. que jusqu'en 2011 la comptabilité était tenue et établie, et du rapport d'expertise du cabinet MDA ( pièce 13 intimée) que pour l'année 2012 l'expert comptable de la société So Prestiles Océan Indien le cabinet AGEXCO avait établi une première version des comptes. M. L. disposait donc des éléments permettant l'établissement des comptes.

Le cabinet MDA expert désigné par le juge commissaire a d'ailleurs pu établir les comptes pour les années 2013, 2014 et 2015 sur la base des documents communiqués par M. L. et le liquidateur.

Par conséquent il ne peut être utilement soutenu par M. L. qu'il était dans l'impossibilité de faire établir une comptabilité. En réalité la société n'a plus disposé à compter de l'année 2013 d'un expert comptable, ni d'un commissaire aux comptes, M. L. s'étant dispensé du concours de ces professionnels.

Par ailleurs il ressort du rapport d'expertise ( pièce 13 liquidateur ) que pour les comptes clos en août 2012 l'ancien expert comptable (cabinet AGEXO)avait établi une liasse fiscale présentant un résultat fiscal déficitaire de 604 695,00 €. Or une autre version de la liasse fiscale ( pièce 14 liquidateur ) a été transmise par la société So Prestiles Océan Indien à l'administration faisant apparaître un résultat bénéficiaire de 111 618,00 € .

Le cabinet MDA a indiqué que la distorsion entre les deux versions avait pour origine la constatation dans la version transmise à l'administration fiscale d'une part d'un produit à recevoir d'une procédure «'SODEXO'» alors que le principe comptable de prudence se refuse à constater des produits éventuels et d'autre part l'absence de prise en compte d'une dépréciation de la créance détenue sur la société So Prestiles Caraïbes placée en redressement judiciaire au mois de juin 2012, alors que le principe de prudence obligeait la société à provisionner la créance à l'actif à hauteur de 320 000,00 €.

Dés lors il doit être constaté que la comptabilité de la société était non seulement incomplète voir inexistante et que pour l'année 2012 elle était irrégulière.

L'absence de tenue d'une comptabilité est une faute de gestion En l'espèce cette carence est intentionnelle puisque M. L. ne s'est pas trouvé dans l'impossibilité d'établir la comptabilité. Par ailleurs il est à l'origine de la version de la liasse fiscale ( pièce 14 liquidateur ) transmise à l'administration constatant un produit à recevoir d'une procédure «'SODEXO'» en contradiction avec les principes comptables, comme cela ressort du courriel qu'il a fait parvenir à l'expert comptable relatif aux comptes 2012 lequel indique': «' merci de bien vouloir reconsidérer ces bilans à la juste réalité des choses et conformément à mes instructions et ma décision': positionner les produits à recevoir des différentes procédures en cours ( ..'.) tant sur SPF que sur SPIO'» (pièce 2 contrôleur).

Parallèlement la situation de la société n'a cessé de ses dégrader au fil des années, avec un résultat d'exploitation négatif d'année en année passant de - 230 608,00 € en 2012 à - 612 910,00 € en 2014, le résultat net étant pareillement négatif et s'aggravant passant de - 110 929,00 € en 2013 à - 634 520,00 en 2014. Dés lors en ne tenant pas la comptabilité de la société, en omettant notamment de faire établir les bilans, le dirigeant a privé la société d'un outil de gestion qui lui aurait permis de prendre conscience de la situation réelle, d'adapter la politique de gestion de l'entreprise, de prendre les mesures nécessaires afin d'éviter une augmentation du passif. Cette absence a ainsi contribué à l'insuffisance d'actif.

° L'absence de reconstitution des capitaux propres

Vu les dispositions de l'article L 227-1 et L 225-248 du code de commerce,

Il ressort des documents comptables annexés au rapport de l'expertise ordonnée par le juge commissaire, que les capitaux propres de la société étaient négatifs depuis 2012 et donc inférieurs à la moitié du capital social fixé à 431 700,00 €.

En ne prenant aucune disposition et en ne convoquant pas les associés afin que soit envisagée la suite à donner à la perte des capitaux propres constatée, lesquels étaient en valeur négative et donc inférieur à la moitié du capital social, alors que cette perte était constatée en 2012 époque à laquelle la comptabilité était encore tenue, M. L. dirigeant de la société a commis une faute de gestion.

Cette faute de gestion a contribué à l'aggravation du passif puisque les associés pouvaient décider de la dissolution de la société ou de l'adoption de mesures propres à reconstituer les capitaux propres, alors que la poursuite de l'activité dans ces conditions n'a conduit qu'à une aggravation de la situation, les capitaux propres n'ayant cessé de s'amenuiser passant de ' 30 985,00 € en 2012 à ' 776 436,00 € en 2014.

° La poursuite d'une activité déficitaire

L'activité de la société So Prestiles Océan indien était déficitaire dés 2012, comme cela ressort du rapport MDA , alors même que les comptes dont l'absence de sincérité a été constatée (supra) faisaient apparaître un résultat bénéficiaire de 111 618,00 € erroné. Le déficit s'élevait pour l'exercice 2013 à 110 929,00 € et pour l'exercice 2014 à 634 520,00 €.

Il y a lieu de constater que M. L. a poursuivi une activité déficitaire dont il avait parfaitement connaissance, eu égard à l'impossibilité dans laquelle la société se trouvait de faire face au paiement notamment de ses charges structurelles ce qu'il ne pouvait ignorer, situation qui a aggravé le passif et par ricochet l'insuffisance d'actif. Ainsi l'état des créances déclarées fait apparaître pour la caisse réunionnaise complémentaire une créance de 597 971,57 € générée à hauteur de 594 852,58 € ( pièce 17 intimée) à compter de l'année 2013. Il fait également apparaître une créance de la CGSS d'un montant de 833 654,07 €. M. L. ne justifie de l'accomplissement d'aucune mesure propre à redresser la situation, la vente d'un bien immobilier lui appartenant dont le produit n'a pas été intégré aux comptes de la société étant indifférente. Le caractère avéré du déficit sur plusieurs exercices exclu l'existence d'une simple négligence. La faute de gestion est caractérisée. Cette faute a contribué eu égard au temps qui s'est écoulé et à l'évolution négative des comptes de la société a aggravé le passif.

° L'absence de déclaration de l'état de cessation des paiements

Vu l'article L 631-4 du code de commerce,

La date de cessation des paiements s'apprécie au regard de la seule date de cessation des paiements fixée dans le jugement d'ouverture ou de report.

En l'espèce le tribunal de commerce a fixé la date de cessation des paiements au 4 septembre 2013 et sa décision n'a fait l'objet d'aucun recours.

M. L. a déclaré l'état de cessation des paiements le 02 février 2015, donc très tardivement, par rapport à la date fixée par le tribunal.

Le caractère très tardif de cette déclaration constitue une faute de gestion et exclut eu égard à son ampleur une simple négligence. Elle a contribué a aggravé le passif lequel aurait été de moindre ampleur si l'état de cessation des paiements avait été déclaré plus tôt, la situation financière de la société n'ayant cessé de se dégrader, les charges sociales n'étant plus régulièrement acquittées depuis 2013, les déclarations fiscales n'étant plus accomplies depuis cette même date entraînant des taxations d'office .

° Les flux anormaux vers la société Holding So Prestiles

Il ressort du rapport d'expertise MDA que des flux financiers ont été enregistrées sur un compte «'av treso intragroupe CT Non Rem'» entre la société So Prestiles OI et la société So Prestiles holding laquelle est l'unique actionnaire de So Prestiles OI. Ces avances reposaient sur une convention de trésorerie existant entre les deux sociétés.

Ce compte présentait au 12 février 2015 un solde de 238 000,00 € en faveur de la société So Prestiles OI. La majorité des avances de trésorerie sur les exercices 2012 et 2013 a été remboursée au 30 novembre 2014. Le solde correspond principalement à des avances de trésorerie de début 2015.

A cette date la société So Prestiles OI était en état de cessation des paiements. Par conséquent en consentant ces avances de trésorerie à un tiers, le dirigeant de la société a commis une faute de gestion, l'appauvrissement qui en est résulté ayant aggravé le passif et donc l'insuffisance d'actif.

M. L. ne fait état dans ses conclusions d'aucun élément permettant d'appréhender sa situation personnelle actuelle. Il produit des pièces permettant de faire apparaître qu'il s'est installé à l'Ile Maurice. S'agissant de ses revenus la pièce la plus récente est son avis d'imposition pour l'année 2016 faisant état une absence de revenu le concernant en 2016.

Dés lors compte tenu de l'ensemble de ces éléments, de la nature et la gravité des fautes commises , il y a lieu de faire supporter en partie à M. L. le montant de l'insuffisance d'actif .Il sera condamné à supporter l'insuffisance d'actif à hauteur de 1 000 000,00 €.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

M. L. qui succombe sera tenu aux dépens de l'instance.

L'équité commande d'allouer à la SELARL H. es qualités de liquidateur de la société So Prestiles Océan Indien une somme de 1500,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à la société AGEXCO une somme de 1000,00 €.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande tendant à voir constater la nullité de l'acte d'assignation signifié le 16 janvier 2018';

ANNULE le jugement prononcé le 29 janvier 2020 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion';

Compte tenu de l'effet dévolutif

CONDAMNE M. Marc L. à verser à la SELARL H. prise en la personne de M. Laurent H. es qualités de liquidateur de la société So Prestiles Océan Indien la somme de 1 000 000,00 €' au titre de l'insuffisance d'actif';

CONDAMNE M. Marc L. aux dépens ;

CONDAMNE M. Marc L. à verser à la SELARL H. es qualités de liquidateur de la société So Prestiles Océan Indien une somme de 1500,00 € et à la société AGEXCO une somme de 1000,00 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.