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Décisions

CA Versailles, 14e ch., 9 septembre 2021, n° 20/06574

VERSAILLES

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Consultake (SAS)

Défendeur :

Intuiscio (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Guillaume

Avocats :

Mme Le Bras, Mme Igelman

T. com. Nanterre, du 11 déc. 2020, n° 20…

11 décembre 2020

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Consultake exerce une activité de conseil en systèmes d'information à destination des entreprises. En novembre 2018, les deux associés de la société Consultake, MM. C. et Chevet ont cédé leurs parts à la société Nodya Group et ont consenti dans le cadre de cette cession une garantie d'actif et de passif.

Le capital social de la société Consultake est ainsi détenu à ce jour par 4 associés : la société Nodya Group à hauteur de 70 %, la société Trevize à hauteur de 13,25%, la SARL Intuiscio représentée par M. C. à hauteur de 13,25%, M. Fabien L. à hauteur de 3,5%.

La société Nodya Group, représentée par son président, assure actuellement la présidence de la société Consultake.

La société Intuiscio, dont l'associé unique et gérant est M. C., a pour activité le conseil en gestion des entreprises. Elle a assuré les fonctions de directeur général de la société Consultake et de sa filiale, la société Acutenz, à compter de février 2019, une convention d'exercice de mandat social signée le 30 janvier 2019 par la société Consultake et la société Acutenz d'une part, et la société Intuiscio d'autre part, a précisé les modalités de rémunération de cette dernière.

Lors de l'assemblée générale des actionnaires de la société Consultake, réunie le 29 juillet 2020, la révocation du mandat de la société Intuiscio comme directeur général a été votée avec effet immédiat.

Depuis cette date, plusieurs procédures contentieuses opposent les deux parties devant différentes juridictions.

Par requête du 18 septembre 2020, la société Intuiscio a d'abord demandé l'autorisation de faire procéder à des saisies conservatoires sur les comptes de la société Consultake ouverts auprès de 4 établissements bancaires et sur les créances détenues auprès de clients, et ce pour un montant de 130 680 euros correspondant aux sommes dues au titre de sa rémunération pour les mois de mars à juillet 2020 et de son préavis de 4 mois.

Par 2 ordonnances rendues le 24 septembre 2020, le président du tribunal de commerce de Nanterre a autorisé lesdites saisies conservatoires qui ont été pratiquées, pour 6 d'entre elles, par l'huissier de justice les 25 septembre et 2 octobre 2020.

Afin d'obtenir un titre exécutoire, la société Intuiscio a par la suite fait assigner en référé la société Consultake par acte du 7 octobre 2020 afin d'obtenir sa condamnation à lui payer à titre de provision la somme de 251 240 euros au titre des rémunérations impayées au cours de son mandat de directeur général au sein des sociétés Consultake et Acutenz, incluant la somme de 130 680 euros ayant fait l'objet des demandes de saisies conservatoires.

Pour sa part, la société Consultake a fait assigner de manière concomitante la société Intuiscio devant le tribunal de commerce de Paris suivant actes des 2 et 6 octobre 2020 afin de solliciter sa condamnation à d'une part lui payer la somme de 827 135 euros en exécution de la garantie de passif et d'autre part la somme de 114 906,40 euros correspondant au préjudice résultant de l'absence de travail fourni au titre de ses fonctions de directeur général de la société Consultake.

Par ordonnance contradictoire rendue le 11 décembre 2020, le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, statuant sur la saisine de la société Intuiscio, a :

- dit recevable la société Consultake en son exception d'incompétence, l'en a déboutée et s'est déclaré compétent,

- condamné la société Consultake à payer à la société Intuiscio la somme provisionnelle de 72 600 euros + 58 080 euros soit 130 680 euros en principal, la déboutant du surplus,

- condamné la société Consultake à payer à la société Intuiscio la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus,

- condamné la société Consultake aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit, sans constitution de garantie, déboutant la société Consultake de sa demande reconventionnelle.

Par déclaration reçue au greffe le 29 décembre 2020, la société Consultake a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Consultake demande à la cour, au visa des articles 48, 563, 699, 700 et 873 du code de procédure civile, des articles 1103 et suivants du code civil et du Règlement UE 1215/2012 du 12 décembre 2012, de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

y faisant droit,

- infirmer l'ordonnance rendue le 11 décembre 2020 sauf en ce qu'elle a :

- rejeté la demande de la société Intuiscio d'une reconnaissance de créance de rémunération de 20 000 euros TTC par mois ;

- constaté que les parties avaient convenu en juillet 2019, du versement à la société Intuiscio d'une rémunération 14 250 euros TTC par mois à compter du 1er février 2019 ;

- rejeté la demande de complément de rémunération de février 2019 à février 2020,

statuant à nouveau,

in limine litis,

- juger recevable et bien fondée l'exception d'incompétence territoriale qu'elle a soulevée ;

- juger que le tribunal de commerce de Nanterre était territorialement incompétent ;

- déclarer les juridictions du ressort de la cour d'appel de Versailles territorialement incompétentes ;

- se dessaisir et renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Paris ;

- débouter la société Intuiscio de ses demandes, fins et prétentions contraires ;

subsidiairement,

- statuer sur l'existence d'une contestation sérieuse et l'absence de toute obligation non sérieusement contestable ;

- débouter la société Intuiscio de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

- dire n'y avoir lieu à référé ;

- renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;

à titre infiniment subsidiaire,

- ordonner la constitution d'une garantie financière à concurrence de la provision qui serait accordée, dans l'attente de la décision du tribunal de commerce de Paris statuant au fond dans l'instance engagée par assignation du 6 octobre 2020 ;

en tout état de cause,

- condamner la société Intuiscio au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Intuiscio aux dépens de première instance et d'appel, dont le montant sera recouvré directement par Maître Christophe D., avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 mai 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Intuiscio demande à la cour, au visa des articles 564 et 873 alinéa 2 du code de procédure civile et 1104 du code civil, de :

sur la compétence territoriale du président du tribunal de commerce de Nanterre :

- dire que la clause attributive de compétence territoriale n'est pas opposable à la partie qui saisit le juge des référés d'une demande de condamnation au paiement d'une provision ;

- dire que le président du tribunal de commerce de Nanterre est bien territorialement compétent ;

par conséquent,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Consultake ;

- débouter la société Consultake de son exception d'incompétence ;

sur la provision :

- constater que la société Consultake n'a pas payé les rémunérations des mois de mars à juillet 2020, d'un montant de 72 600 euros TTC ;

- constater que la société Consultake n'a pas payé la rémunération due au titre du préavis contractuellement convenu de quatre mois, soit un montant de 58 080 euros TTC ;

par conséquent,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Consultake à lui payer une provision de 130 680 euros correspondant à la somme de 72 600 euros au titre de la rémunération des mois de mars à juillet 2020 et à la somme de 58 080 euros au titre du préavis contractuellement convenu ;

- constater qu'elle a convenu avec la société Consultake qu'elle percevrait une rémunération d'un montant de 20 000 euros TTC mensuels dès lors que le mandat social exercé au sein de la société Acutenz ne serait plus rémunéré :

- constater que le mandat social exercé par elle au sein de la société Acutenz n'a été rémunéré que pour le mois de janvier 2019 ;

- constater que la société Consultake n'a payé que la somme mensuelle de 14 520 euros TTC pour les mois de février 2019 à février 2020, faisant ainsi ressortir sa créance à ce titre d'un montant de 71 240 euros TTC ;

par conséquent,

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a rejeté le surplus de sa demande de provision pour un montant de 120 560 euros et condamner la société Consultake à lui payer une somme provisionnelle de 120 560 euros correspondant :

* pour 71 240 euros au solde des rémunérations dues pour les mois de février 2019 à février 2020, pour lesquels une rémunération de 14 520 euros a été payée par la société Consultake, au lieu des 20 000 euros convenus,

* pour 27 400 euros au solde de la somme mensuelle de 5 480 euros due pour les mois de mars à juillet 2020,

* pour 21 920 euros au solde de la somme mensuelle de 5 480 euros due pour les quatre mois du préavis ;

- déclarer la société Consultake irrecevable et en tout état de cause mal fondée en sa demande de constitution d'une garantie dans l'attente de la décision à intervenir dans le cadre d'une action qu'elle a engagée devant le tribunal de commerce de Paris par assignation en date du 6 octobre 2020, formée pour la première fois en cause d'appel ;

en tout état de cause,

- débouter la société Consultake de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner la société Consultake à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Consultake aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont le montant pour ces derniers pourra directement être recouvré par la SELARL Lexavoué Paris-Versailles conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La cour rappelle, à titre liminaire, qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les demandes de "constatations" ou de 'dire et juger' qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions en ce qu'elles ne sont pas susceptibles d'emporter des conséquences juridiques.

- sur la compétence territoriale du tribunal de commerce de Nanterre :

La société Consultake fait grief au premier juge de s'être déclaré territorialement compétent pour connaître du présent litige alors qu'aux termes de l'article 8 de la convention d'exercice du mandat social, les parties étaient convenues d'une clause attributive de compétence, jamais remise en cause par la société Intuiscio, au profit du tribunal de commerce de Paris.

Tous les litiges au fond devant relever de cette juridiction, rien ne justifie selon l'appelante d'y déroger dans le cadre d'un référé provision, les jurisprudences invoquées par la partie adverse qui admettent la compétence territoriale concurrente du juge dans le ressort duquel doit être exécutée une mesure d'expertise ou de constatation n'étant pas transposables au cas d'espèce.

Sans en solliciter l'application, elle fait enfin observer qu'il ressort de la jurisprudence de la CJUE que le référé provision ne constitue pas une 'mesure provisoire' au sens de l'article 35 du Règlement européen 1215/2012 du 12 décembre 2012 impliquant qu'il puisse être dérogé à une clause conventionnelle attributive de compétence convenue entre des parties, principe qui selon elle aurait été repris par la Cour de cassation sous certaines conditions.

Elle déduit de l'ensemble de ces éléments qu'à défaut de circonstances objectives et impératives justifiant que la société Intuiscio déroge à la clause insérée à la convention d'exercice de mandat social et aux dispositions de l'article 48 du code de procédure civile, seul le juge des référés du tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître du présent litige, faisant également observer que les mesures de saisies conservatoires ont toutes été exécutées dans le ressort de cette dernière juridiction où se trouvaient les sièges sociaux des tiers saisis.

Enfin, la société Consultake souligne que sa saisine du tribunal de commerce de Paris par son assignation du 6 octobre 2020 est antérieure à la saisine du juge des référés, et que ces 2 instances, qui intéressent les mêmes parties, ont une cause identique puisque la sienne tend à faire constater l'absence de créance de la société Intuiscio au titre de sa rémunération de l'année 2020 et à obtenir la restitution de 70% de celle perçue en 2019.

Du fait de ce lien évident entre ces 2 affaires, elle considère qu'une bonne administration de la justice justifie qu'elles soient toutes deux portées devant la juridiction parisienne qui a de surcroît été valablement saisie avant le juge des référés de Nanterre, de sorte que celui-ci ne pouvait se déclarer territorialement compétent pour connaître du présent litige.

En réponse, la société Intuiscio fait valoir qu'il est de jurisprudence constante qu'une clause attributive de compétence territoriale est inopposable à la partie qui saisit le juge des référés, et ce même pour une demande de provision, de sorte que la clause dont se prévaut la société Consultake ne peut trouver à s'appliquer au cas d'espèce.

Elle s'estime dès lors parfaitement fondée à saisir le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre dans le ressort duquel se trouve le siège social de la société Consultake.

L'intimée précise également avoir engagé son action en référé avant que l'appelante ne place son assignation au fond auprès du tribunal de commerce de Paris, l'objet de ces 2 procédures n'étant par ailleurs pas strictement identique puisque dans son assignation du 6 octobre 2020, la société Consultake n'évoque pas les rémunérations dues au titre de l'année 2020 et du préavis, objets du présent litige.

Elle indique enfin que les références faites par la partie adverse au Règlement européen et à la jurisprudence de la CJUE sont inopérantes dès lors que cette affaire ne présente aucun élément d'extranéité.

Sur ce,

Il sera d'abord relevé que sont sans incidence sur la détermination de la juridiction territorialement compétente pour connaître du présent litige, les moyens avancés par la société Consultake tirés de l'interprétation du Règlement européen 1215/2012 du 12 décembre 2012 par la CJUE dès lors qu'il n'existe aucun élément d'extranéité au cas d'espèce.

Il sera donc statué sur l'exception d'incompétence soulevée par l'appelante sur le fondement des seuls articles 42 et 48 du code de procédure civile.

L'article 42 alinéa 1er du code de procédure civile dispose que la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur.

L'article 48 du même code prévoit que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.

Il est en l'espèce acquis aux débats que la convention d'exercice de mandat social contient en son article 8 une clause attributive de compétence rédigée comme suit : 'le droit applicable à la présence convention et ses suites est le droit français, tant pour son interprétation que pour son exécution et tous les différends en seront soumis au tribunal de commerce de Paris.'

Toutefois, une telle clause est inopposable à la partie qui décide de saisir le juge des référés, et ce même si sa demande tend uniquement à obtenir le paiement d'une provision.

La société Intuiscio était donc en droit, au visa de l'article 42 du code de procédure civile, de faire assigner la société Consultake devant le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre dans le ressort duquel se situe le siège social de cette dernière où la décision peut également donner lieu à des mesures d'exécution.

En outre, observations faites que la société Consultake n'a pas saisi la cour, aux termes du dispositif de ses conclusions, d'une fin de non-recevoir tirée de la saisine du juge des référés postérieurement à celle du tribunal de commerce de Paris, il sera de toute façon rappelé que le juge des référés commerciaux demeure compétent pour accorder une provision même lorsque le juge du fond du tribunal de commerce est déjà saisi.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'ordonnance sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société Consultake.

Enfin, étant rappelé que l'arrêt à intervenir en suite de l'ordonnance de référé, n'a pas autorité de la chose jugée au principal en raison de son caractère provisoire, il n'apparaît pas justifié par un souci de bonne administration de la justice de se dessaisir de l'affaire au profit du tribunal de commerce de Paris saisi de la procédure au fond, en l'absence de risque de contrariété entre les solutions susceptibles de leur être apportées.

- sur les demandes de provisions :

La société Consultake soutient que les demandes de provisions présentées par la société Intuiscio se heurtent à plusieurs contestations sérieuses.

Elle prétend en liminaire de son argumentation que suffit à constituer une contestation sérieuse de la demande de provision adverse, l'antériorité de la procédure au fond pendante devant le tribunal de commerce de Paris dont l'objet est similaire puisqu'elle tend à obtenir la restitution par la société Intuiscio d'une partie de la rémunération perçue en 2019, à concurrence de 114 906,40 euros, et à faire rejeter toute rémunération de l'intimée sur 2020.

Elle ajoute que le différend qui les oppose à ce sujet excède les pouvoirs du juge des référés dans la mesure où il impose d'interpréter la convention d'exercice de mandat social relativement d'une part, à la nature des obligations contractuelles auxquelles est tenue la société Intuiscio en sa qualité de directeur général, compte tenu des manquements et défaillances qu'elle dénonce, et d'autre part, aux modalités de sa rémunération.

Plus précisément, la société Consultake fait valoir que la société Intuiscio ne lui a jamais réclamé avant la présente affaire une rémunération mensuelle de 20 000 euros TTC, les parties ayant décidé en juillet 2019 de la fixer à 12 100 euros HT, soit 14 520 euros TTC, avec effet rétroactif à février 2019.

Elle ajoute, en s'appuyant sur les avoirs d'annulation émis par la société Intuiscio entre février et mai 2019, que celle-ci avait en outre renoncé à percevoir la rémunération initialement prévue au titre de son mandat de directeur général de la filiale Acutenz, et ne la lui a d'ailleurs jamais réclamé à l'occasion des différentes mises en demeure.

Elle s'oppose également à la demande de provision de 80 000 euros TTC au titre du préavis de 4 mois, rappelant que la convention litigieuse a été résiliée dès début juillet 2020 pour faute grave dans les conditions du droit commun des contrats avec effet immédiat, et que par la suite, le mandat de la société Intuiscio a été révoqué pour les mêmes motifs par l'assemblée générale des associés le 29 juillet 2020 conformément aux articles 14 et 19 des statuts des deux sociétés, de sorte que les stipulations de la convention relatives à la rémunération du préavis n'étaient pas applicables et qu'aucune rémunération n'est due pour le mois de juillet 2020.

L'appelante fait grief au premier juge d'avoir excédé ses pouvoirs en se livrant à un examen des dispositions statutaires et contractuelles sur ce point et à la recherche des conséquences attachées à la faute grave, ces questions relevant du juge du fond. Elle relève enfin que la rémunération n'est due qu'en contrepartie de la poursuite des fonctions pendant le préavis, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.

La société Consultake considère aussi que son obligation de verser une rémunération pour les mois de mars à juillet 2020 n'est pas non plus établie avec évidence au regard de la gravité des fautes commises par la société Intuiscio dans l'exercice de ses fonctions de directeur général et de l'inexécution des prestations attendues en contrepartie, lui faisant principalement reproche de n'avoir consacré aucun effort au développement de la société par l'apport de clientèle et d'affaires, malgré son engagement en l'article 17 du pacte des associés.

L'appelante se prévaut aussi pour s'opposer à la demande de provision d'une possible compensation entre les créances réciproques des parties qui découlent toutes selon elle de l'ensemble contractuel complexe que constituent la convention litigieuse et le contrat de cession des parts sociales du 26 novembre 2018.

Elle rappelle à ce sujet qu'elle a saisi le tribunal de commerce de Paris dans le cadre de la seconde procédure, d'une demande tendant à la condamnation de la société Intuiscio et de M. C. à lui payer la somme en principal de 827 135,08 euros en exécution de la garantie d'actif et de passif convenue lors de la conclusion du contrat de cession des parts sociales et ajoute avoir découvert en octobre 2020 des agissements de la société Intuiscio constitutifs d'une violation de la clause de non concurrence insérée audit contrat et d'actes de concurrence déloyales susceptibles de revêtir un caractère pénal.

En réponse, la société Intuiscio réfute les moyens de contestation qui lui sont opposés.

Elle rappelle d'abord que la convention d'exercice de mandat social prévoit d'une part une rémunération mensuelle de 10 000 euros TTC au titre de l'exercice de chacun des deux mandats de directeur général, et d'autre part, en cas de révocation, quelle qu'en soit la cause, un préavis de 4 mois au cours duquel elle devait continuer à percevoir sa rémunération, précisant n'avoir perçu entre février 2019 et février 2020, que la somme mensuelle de 14 520 euros TTC.

Elle soutient ensuite que l'exercice de ses mandats n'était lié à aucune obligation de résultat concernant le développement des sociétés et plus particulièrement de la société Consultake, que la preuve de sa supposée défaillance n'est pas rapportée et qu'elle produit au contraire les pièces justifiant de la réalité et de la qualité du travail fourni en contrepartie de sa rémunération.

La société Intuiscio affirme que les procédures au fond initiées par la société Consultake ne portent pas sur les rémunérations, objet du présent litige, et qu'en tout état de cause, elle conteste le bien fondé de ces actions uniquement engagées en réaction et postérieurement aux siennes, signalant que par jugement du 7 mai 2021, celle relative à l'application de la garantie de passif a été déclarée irrecevable.

Elle ajoute qu'aucune résiliation de la convention d'exercice du mandat social n'est intervenue avant que ses associés ne décident de révoquer son mandat lors de l'assemblée générale du 29 juillet 2020, de sorte que sa rémunération au titre du mois de juillet 2020 lui est due.

S'agissant du préavis, l'intimée se prévaut des dispositions de la convention aux termes desquelles les parties, en le fixant à 4 mois quels que soient les motifs de révocation, ont entendu compléter les statuts des sociétés, rappelant que la révocation ad nutum n'est pas d'ordre public dans les sociétés par actions simplifiées.

La société Intuiscio conclut ainsi à la confirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a retenu le principe de sa créance au titre de sa rémunération pour les mois de mars 2020 à juillet 2020 et pour la période de préavis.

Dans le cadre de son appel incident, la société Intuiscio fait en revanche grief au premier juge d'avoir limité sa provision à ce titre à 130 680 euros sur une base de rémunération mensuelle de 14 520 euros TTC, et rejeté le surplus de ses demandes pour un montant complémentaire de 120 560 euros TTC correspondant au différentiel avec ce qu'elle aurait dû percevoir sur la base de rémunération mensuelle de 20 000 euros TTC prévue à la convention, soit :

- 71 240 euros au titre du solde des rémunérations dues pour les mois de février 2019 à février 2020 pour lesquels seule une rémunération mensuelle de 14 520 euros TTC lui a été payée,

- 27 400 euros au titre des rémunérations dues pour les mois de mars à juillet 2020,

- 21 920 euros au titre des rémunérations dues pour les 4 mois de préavis.

Elle affirme qu'en dépit des factures présentées, la preuve n'est pas rapportée qu'elle aurait de manière non équivoque renoncé d'une part à sa rémunération mensuelle de 20 000 euros TTC, l'avenant contractuel invoqué par l'appelante, la limitant à 14 520 euros TTC, n'ayant jamais été signé par ses soins, et d'autre part au maintien de sa double rémunération telle que prévue dans la convention initiale, après la fin de son mandat de directeur général de la société Acutenz pour lequel elle prétend en outre justifier de sa désignation et du défaut de rémunération.

Sur ce,

Selon l'article 873 du code de procédure civile alinéa 2,'dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire'.

Il impose au juge une condition essentielle avant de pouvoir accorder une provision : celle de rechercher si l'obligation n'est pas sérieusement contestable.

Il sera retenu qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

À l'inverse, sera écartée une contestation qui serait à l'évidence superficielle ou artificielle et la cour est tenue d'appliquer les termes clairs du contrat qui lui est soumis, si aucune interprétation n'en est nécessaire. Le montant de la provision allouée n'a alors d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

S'il n'appartient pas à la juridiction des référés d'ordonner la compensation de créances réciproques, le motif tiré de l'éventualité d'une compensation, légale ou judiciaire, entre les créances respectives des parties est de nature à caractériser une contestation sérieuse, au sens de l'article 873, alinéa 2, du code de procédure civile.

Enfin, si l'article 1219 du code civil dispose quant à lui qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, l'exception d'inexécution ainsi définie ne peut être invoquée qu'à propos d'obligations nées d'une même convention.

Il sera d'abord retenu que le moyen avancé par la société Consultake tiré de la supposée antériorité de la saisine du tribunal de commerce de Paris n'a aucune incidence sur la solution du litige dès lors que, comme rappelé plus haut, une telle saisine n'empêche pas le juge des référés commerciaux de statuer sur une demande de provision et qu'une assignation devant le juge du fond ne suffit pas en soi à caractériser l'existence de contestation sérieuse.

Par souci de cohérence, il sera statué en premier lieu sur l'appel incident de la société Intuiscio concernant le montant de sa rémunération mensuelle, celle-ci devant servir de base de calcul pour les différentes provisions qu'elle réclame.

* sur le montant de la rémunération mensuelle de la société Intuiscio :

La société Intuiscio fait grief au premier juge d'avoir retenu une base de rémunération mensuelle de 14 520 euros TTC alors qu'elle n'a jamais renoncé à celle initialement fixée dans la convention d'exercice de mandat social à 20 000 euros TTC.

Il ressort effectivement des articles 2.1 et 2.2 de la convention que le versement mensuel, pour chacune des sociétés Consultake et Acutenz, au titre de la rémunération fixe devait être de 8 333,33 euros HT, (10 000 euros TTC), soit 20 000 euros TTC au total.

L'article 2.3 prévoit également qu''en cas de cessation du mandat social de la société Consultake ou de la société Acutenz, la rémunération afférente au mandat social ayant pris fin sera reportée automatiquement sur la rémunération au titre du mandat social de la société pour lequel le mandataire social continuera d'exercer ses fonctions de directeur général'.

La société Consultake prétend que ce montant a été révisé en juillet 2019 avec effet rétroactif à février 2019 pour être ramené à une somme mensuelle globale de 14 520 euros TTC.

Si l'avenant contractuel invoqué par la société Consultake n'a pas été signé, il n'en demeure pas moins comme l'a relevé à raison le premier juge que l'ensemble des factures versées aux débats par l'intimée concernant sa rémunération depuis février 2019 ont toutes été réétablies à partir de juillet 2019 sur la base d'un forfait mensuel de 14 520 euros TTC, après que la société Intuiscio a émis des avoirs d'annulation à la fois pour la société Consultake et pour la société Acutenz pour les mois de février à mai 2019 sur la base du forfait initialement prévu de 10 000 euros TTC par société (pièce 6 de la société Consultake, pièces 5 et 8 de la société Intuiscio).

Dans sa mise en demeure du 7 septembre 2020, le conseil de la société Intuiscio évoque d'ailleurs l'existence de l'accord non écrit intervenu entre les parties en juillet 2019 pour réviser cette rémunération fixe à un montant mensuel de 14 520 euros TTC. (Pièce 43 de la société Intuiscio).

Enfin, force est de constater que la société Intuiscio ne produit aucune pièce tendant à prouver qu'elle a depuis juillet 2019 facturé de manière distincte sa rémunération au titre de son mandat de directeur général de la société Acutenz, dont il sera au demeurant rappelé que celle-ci a été dissoute en octobre 2019.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à raison que le premier juge, après avoir relevé que la base de rémunération de 20 000 euros TTC revendiquée par la société Intuiscio au soutien de ses demandes de provision se heurtait à une contestation sérieuse, a retenu un montant de rémunération mensuelle non sérieusement contestable pour l'ensemble des prestations de 14 520 euros TTC.

Il appartiendra le cas échéant à la société Intuiscio de saisir le juge du fond pour faire trancher la contestation retenue comme sérieuse du montant de sa rémunération.

L'ordonnance sera confirmée en ce sens et la société Intuiscio déboutée de son appel incident tendant à obtenir une provision complémentaire globale de 120 560 euros.

* sur la créance de la société Intuiscio au titre de la rémunération des mois de mars à juillet 2020 :

Aux termes de la convention d'exercice de mandat social et de ses annexes (pièce 4 de la société Intuiscio), à laquelle sont parties les sociétés Consultake et Acutenz d'une part et la société Intuiscio désignée comme 'le mandataire social' d'autre part, il est stipulé que :

- les premières souhaitaient confier l'exercice du mandat social de directeur général à la société Intuiscio, sans autre précision particulière sur l'objectif assigné dans le cadre de ce mandat (liminaires),

- la rémunération fixe au titre de ce mandat social pour chacune des 2 sociétés comprend également 'toute les prestations de conseil, conférences, cours, coatching et formation ou autre que le mandataire social sera amené à effectuer' pour le compte de leurs clients (articles 2.1 et 2.2),

- 'dans les rapports entre associés, le directeur général peut accomplir tous les actes de gestion que commande l'intérêt des sociétés' (annexe 5 relative au périmètre des pouvoirs).

Même en faisant abstraction des attestations dont la société Consultake critique la valeur probante, la société Intuiscio rapporte la preuve par les nombreuses pièces produites, notamment à travers l'agenda de son représentant, M. C., les nombreuses copies de conversations en interne et les échanges avec des partenaires sur différents projets, de ses activités de directeur général et des actions menées pour le compte de la société Consultake entre mars et juillet 2020 (pièces 33, 34, 37, 55 à 62), étant observé que jusqu'à mars 2020, l'appelante lui a toujours versé sa rémunération sans justifier avoir émis une quelconque critique sur la façon dont elle exerçait son mandat.

La preuve non sérieusement contestable des prestations réalisées ayant été ainsi apportée par la société Intuiscio, il convient d'examiner le caractère sérieux des moyens de contestation que la société Consultake lui oppose pour refuser de la rémunérer à ce titre.

Comme le souligne l'appelante, il résulte du pacte d'associés signé le 10 janvier 2019 en présence des sociétés Consultake et Acutenz que 'les parties ont exprimé leur volonté de contribuer le plus efficacement possible au développement' de ces dernières, M. C. s'engageant en son nom et en celui de sa société, aux termes de l'article 17 intitulé 'exclusivité', 'tant qu'il sera associé ou mandataire social (directement ou indirectement) à réserver l'exclusivité de ses services et, sauf s'il en est empêché en raison d'une maladie ou invalidité, à se consacrer au développement de la société ou du groupe Consultake'.

Toutefois, sans qu'il soit nécessaire de l'interpréter, si cette clause pose à l'évidence une obligation pour la société Intuiscio, en tant que directeur général, de se consacrer exclusivement aux activités et au développement de la société Consultake, il ne peut en être sérieusement déduit que l'intimée était tenue à une obligation de résultat concernant la réussite du développement de la société Consultake et de sa filiale Acutenz, sachant qu'aucune clause des statuts de ces 2 sociétés et de la convention susvisée n'évoque une obligation contractuelle d'une telle nature, ni ne pose des objectifs éventuellement chiffrés en terme d'apport d'affaires ou de résultats.

Comme l'a justement relevé le premier juge par des motifs qu'il convient d'adopter, les résultats négatifs de la société Consultake en 2019 sont donc insuffisants à constituer un début de preuve de la prétendue défaillance de la société Intuiscio dans l'exercice de son mandat de directeur général au cours des mois de mars à juillet 2020, l'appelante procédant par ailleurs par affirmation pour prétendre que celle-ci n'était quasiment jamais présente ou encore qu'elle ne lui aurait fait aucun retour d'information des actions menées.

La contestation fondée sur le manquement de la société Intuiscio à sa supposée obligation de développer les sociétés dont elle était directeur général n'apparaît donc pas sérieuse.

La société Consultake dénonce également au titre des manquements contractuels des faits de concurrence déloyale et de pillage de ses bases de données, en s'appuyant sur la clause de non-concurrence insérée au pacte d'associés et à la convention de cession ainsi que sur le procès-verbal de constat établi le 29 mars 2021 par l'huissier de justice désigné pour exécuter la mesure de saisie autorisée à sa demande par une ordonnance sur requête du 9 mars 2021.

Outre le fait comme le souligne à juste titre la société Intuiscio qu'il résulte clairement des clauses de non-concurrence invoquées qu'elles ne visent qu'à lui interdire de travailler après la fin de son mandat, avec la clientèle de la société Consultake et du groupe et non d'exercer une activité similaire à celle de l'appelante, le seul procès-verbal précité qui se borne à relater la façon dont s'est déroulée l'exécution de la mesure probatoire, sans autre précision sur le contenu des pièces saisies, ne peut suffire à rendre plausibles les agissements fautifs et frauduleux dénoncés et ce, même si M. C. apparaît avoir tenté de faire obstacle à l'exécution de la mesure de saisie.

Il sera en outre observé que la société Intuiscio a contesté l'ordonnance sur requête en en sollicitant la rétractation par acte du 23 avril 2021.

A défaut d'être étayés par un minimum de preuve, les griefs allégués ne peuvent donc être retenus comme constituant une contestation sérieuse de l'obligation de la société Consultake de verser à la société Intuiscio sa rémunération au titre des mois de mars à juillet 2020.

Par ailleurs, ainsi qu'il a été précédemment rappelé, l'assignation de la société Intuiscio devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de mise en oeuvre de la garantie d'actif et de passif convenue dans le cadre de la convention de cession des parts sociales ne constitue pas en soi une contestation sérieuse, en l'absence d'autres éléments tendant à conforter l'existence possible d'une créance de la société Consultake à ce titre susceptible de compensation avec celle revendiquée par la société Intuiscio au titre de sa rémunération, et ce d'autant plus que cette procédure au fond s'est achevée par jugement du 7 mai 2021 aux termes duquel le tribunal de commerce a déclaré la société Consultake irrecevable en ses demandes.

Enfin, par des motifs qu'il convient également d'adopter le premier juge a justement relevé qu'aucune pièce produite par la société Consultake ne tendait à démontrer que la convention d'exercice de mandat social avait été résiliée dès le début du mois de juillet 2020, le courrier du 1er juillet 2020 portant uniquement convocation de l'assemblée générale des associés afin de se prononcer sur la révocation du mandat de la société Intuiscio qui n'a été finalement décidée que par une délibération du 29 juillet 2020 (pièces 29 et 30 de la société Intuiscio). Dès lors, il n'est pas sérieusement contestable que la société Consultake est tenue de verser à l'intimée sa rémunération pour le mois de juillet 2020.

Il sera au surplus observé que le motif de révocation invoqué dans le courrier du 1er juillet 2020 concerne des faits qui se seraient déroulés en 2019, de sorte qu'ils n'intéressent pas la période de rémunération litigieuse et n'ont d'ailleurs pas été opposés par l'appelante à la société Intuiscio comme moyen de contestation sérieuse.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le premier juge a retenu comme établi avec l'évidence requise en référé la créance de la société Intuiscio au titre de sa rémunération pour les mois de mars à juillet 2020 et lui a accordé une provision d'un montant de 72 600 euros (5x14 520 euros TTC).

* sur la créance de la société Intuiscio au titre du préavis de 4 mois :

Il convient de rappeler qu'aux termes des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce, s'agissant des sociétés par actions simplifiées,'les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée', en ce compris la procédure de révocation de leurs dirigeants.

L'article 19 des statuts de la société Consultake se limite à indiquer que la révocation du directeur général intervient sur la proposition du président.

Aux termes de son article 3 relatif à la 'révocation des fonctions de mandataire social et indemnités de révocation', la convention d'exercice du mandat social régulièrement signée par les parties stipule que le mandataire social est révocable à tout moment et que la décision de révocation n'a pas à être motivée.

Le point 3.3 précise ensuite 'un préavis de quatre mois devra être respecté par les parties au cours duquel le mandataire social devra continuer d'accomplir ses fonctions et percevra sa rémunération de mandataire social. La durée du préavis pourra être réduite d'un commun accord par les parties.'

Il résulte ainsi clairement de la lecture du point 3.3, non contredit par l'article 19 des statuts de la société Consultake que sauf à en réduire la durée d'un commun accord, un préavis de 4 mois doit être respecté après la révocation du mandat et ce, quel qu'en soit le motif, précision étant faite que la rémunération doit continuer à être versée en contrepartie des missions exercées.

Il est constant que par sa délibération du 29 juillet 2020, l'assemblée générale des associés de la société Consultake a voté la révocation du mandat de directeur général de la société Intuiscio 'pour faute grave avec effet à compter de ce jour'.

La société Intuiscio ne soutient pas avoir revendiqué de pouvoir continuer à exercer son mandat après cette décision pendant la durée du préavis.

D'ailleurs, dans un courriel du 15 juillet 2020, si M. C., représentant légal de la société Intuiscio, conteste le motif de révocation invoqué, il ne revendique en revanche pas le respect d'un quelconque préavis, prenant acte que cette révocation serait d'effet immédiat.(pièce 8 de la société Consultake).

Au vu du contenu de la clause 3.3 qui conditionne le versement de la rémunération à l'exercice des fonctions, la société Intuiscio ne rapporte pas avec l'évidence requise en référé la preuve que l'appelante est tenue de la lui verser au titre des 4 mois de préavis pendant lesquels elle n'a fourni aucune prestation.

Il appartiendra le cas échéant au juge du fond, après interprétation de cette clause, d'apprécier si les manquements étaient d'une gravité telle que le préavis n'était pas dû ou si, au cas contraire, la rémunération peut revêtir un caractère indemnitaire du fait du non-respect dudit préavis.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a pas lieu à référé sur la demande de provision de ce chef et l'ordonnance sera infirmée en ses dispositions y faisant droit.

- sur la demande de constitution d'une garantie financière présentée par la société Consultake :

Dans l'hypothèse où elle serait condamnée à payer une provision à la société Intuiscio, l'appelante demande aux termes du dispositif de ses conclusions à ce que le versement de la provision soit subordonné à la constitution d'une garantie financière par la société Intuiscio, arguant du fait que celle-ci n'offre aucune garantie de représentation, ce qui constitue pour elle un dommage imminent au sens de l'article 873 du code de procédure civile.

Elle fait à ce titre valoir que l'intimée n'a jamais déposé ses comptes, ni communiqué d'état financier pour justifier de sa solvabilité, faisant même l'aveu en septembre 2020 d'une situation de trésorerie détériorée et d'absence d'activité depuis juillet 2020.

L'appelante exprime des doutes concernant le prétendu développement des affaires de la société Intuiscio depuis octobre 2020 et de l'existence d'une trésorerie désormais en croissance.

La société Intuiscio s'oppose à la demande subsidiaire de la société Consultake tendant à l'obliger à constituer une garantie financière, soutenant qu'elle est irrecevable car nouvelle en cause d'appel et par ailleurs infondée.

Elle rappelle que le magistrat délégué par le premier président statuant sur la demande de l'appelante tendant à arrêter l'exécution provisoire, a lui-même retenu aux termes de sa décision qu'elle avait réussi à développer son activité et son chiffre d'affaires, comme elle en justifie par une attestation de son expert-comptable.

Sur ce,

Il résulte de l'ordonnance critiquée que la société Consultake avait déjà saisi le premier juge d'une demande de constitution de garantie financière, de sorte qu'elle est recevable à la présenter à nouveau à hauteur de cour.

La provision accordée par le premier juge à la société Intuiscio ayant été confirmée en partie, il n'y a pas lieu de priver celle-ci des sommes qui lui sont dues en exécution du présent arrêt en en conditionnant le versement à la présentation d'une garantie financière, étant au surplus relevé que par l'attestation de son expert comptable du 5 février 2021 qui contredit la pièce adverse du 4 septembre 2020, l'intimée justifie d'une situation économique et financière en croissance avec des flux d'argent réguliers.

La société Consultake ne produit ainsi aucune pièce tangible justifiant avec l'évidence requise en référé du risque de ne pas pouvoir récupérer ses fonds en cas de restitution ordonnée par le juge du fond, sachant que la provision a en outre été réduite à 72 600 euros.

L'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a débouté la société Consultake de cette demande.

- sur les demandes accessoires :

Le principe de créance de la société Intuiscio ayant été reconnu, il convient de confirmer l'ordonnance en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Les parties ayant partiellement échoué en leurs prétentions respectives, elles conserveront chacune la charge des dépens exposés en appel qui seront recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.

L'équité commande en outre de débouter chacune des parties de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME l'ordonnance entreprise en date du 11 décembre 2020 sauf en ses dispositions relatives au montant de la provision accordée à la société Intuiscio ;

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant,

CONDAMNE la société Consultake à payer à la société Intuiscio une provision de 72 600 euros à valoir sur la rémunération de cette dernière au titre des mois de mars à juillet 2020 ;

DIT n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes de provision de la société Intuiscio ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que chaque partie conservera les dépens d'appel qu'elle aura exposés et qui pourront être recouvrés avec distraction au bénéfice des avocats qui en ont fait la demande.