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Décisions

CA Aix-en-Provence, 8e ch. c, 25 octobre 2018, n° 15/13056

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Ponsot

Conseillers :

Mme Gaillot-Mercier, Mme Demarbaix

T. com. Marseille, du 2 juill. 2015, n° …

2 juillet 2015

Vu le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 2 juillet 2015 ayant, notamment :

- déclaré irrecevable l'action diligentée à l'encontre de M. Christian D. par M. Serge P. et M. Pascal M.,

- débouté M. Serge P. et M. Pascal M. de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- débouté M. Georges M., M. Christian D. et la société DA24 Fabrication de leurs demandes reconventionnelles à titre de dommages-intérêts comme non fondées ni justifiées,

- condamné conjointement M. Serge P. et M. Pascal M. à payer à M. Georges M., M. Christian D. et la société DA24 Fabrication, la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné conjointement M. Serge P. et M. Pascal M. aux dépens,

- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires ;

Vu la déclaration du 16 juillet 2015, par laquelle M. Serge P. et M. Pascal M. ont relevé appel de cette décision ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 25 juillet 2018, aux termes desquelles M. Serge P. et M. Pascal M. demandent à la cour de :

- leur donner acte de ce qu'ils se désistent de leur procédure à l'encontre de la société DA24 Fabrication,

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté messieurs Georges M. et Christian D. et la société DA24 Fabrication de leurs demandes reconventionnelles à titre de dommages-intérêts, comme non fondées ni justifiées,

- débouter M. Georges M. de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- les recevoir en leur appel,

- les déclarer recevables et bien fondés,

En conséquence,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes,

Et statuant à nouveau :

- dire et juger qu'ils sont recevables et bien fondés en leur action à l'encontre de M. M.,

- leur donner acte de ce qu'ils s'en rapportent à justice sur la recevabilité de leur action à l'encontre de M. Christian D.,

- dire et juger que M. Georges M. a manqué à son obligation de loyauté en sa qualité de président et d'associé de DA24,

- dire et juger qu'il a manqué, en ces mêmes qualités, à son obligation de non-concurrence telle que prévue par la jurisprudence,

- dire et juger qu'en sa qualité de président de la société DA24 Fabrication, M. Georges M. s'est rendu coupable de concurrence déloyale,

- dire et juger que la société DA24 Concept a subi un préjudice dont elle est fondée à lui demander réparation,

En conséquence,

- condamner M. Georges M. au paiement à la société DA24 Concept de la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice financier et du manque à gagner subi par cette dernière,

- condamne M. Georges M. à payer à la société DA24 Concept la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice moral, et d'atteinte à son image de marque,

- condamner M. Georges M. au paiement de la somme de 50.000 euros au profit de M. Serge P. et de 50.000 euros au profit de M. Pascal M., en réparation du préjudice moral subi par ces derniers,

- condamner M. Georges M. au paiement à la société DA24 Concept et à MM. Serge P. et Pascal M. de la somme de 15.000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. Georges M. aux entiers dépens de 1ère instance et d'appel ;

Vu les conclusions d'intervention volontaire notifiées le 8 août 2018, aux termes desquelles Me Jean-Pierre L., ès qualités de mandataire judiciaire de la société DA24 Concept, demande à la cour de :

- le dire recevable et bien fondé en son intervention volontaire,

- dire et juger que M. Georges M. a manqué à son obligation de loyauté en sa qualité de président et d'associé de DA24 Concept,

- dire et juger qu'il a manqué, en ces mêmes qualités, à son obligation de non-concurrence telle que prévue par la jurisprudence,

- dire et juger que M. Georges M. s'est rendu coupable de concurrence déloyale au détriment de la société DA24 Concept,

- dire et juger que la société DA24 Concept a subi un préjudice dont elle est fondée à lui demander réparation,

En conséquence,

- condamner M. Georges M. à lui payer, ès qualités, la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice financier et du manque à gagner subi par la société DA24 Concept,

- condamner M. Georges M. à lui payer, ès qualités, la somme de 50.000 euros en réparation du préjudice moral, et d'atteinte à l'image de marque subi par la société DA24 Concept,

- condamner M. Georges M. à lui payer, ès qualités, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 27 août 2018, aux termes desquelles M. Georges M. demande à la cour de :

- dire et juger que les demandes dirigées contre lui sont irrecevables aux motifs :

- qu'il n'est pas dirigeant de droit DA24 Concept,

- que les demandes de MM. P. et M. se contredisent et violent ainsi le principe de l'estoppel,

- que la société DA24 Fabrication n'est pas dans la cause,

- que Me Jean Pierre L., ès qualités, n'a aucun pouvoir en vue de la représentation en justice de la société DA 24 Concept qui ne peut être représentée en justice que par un mandataire ad-hoc désignée judiciairement,

- que les demandes de Me Jean Pierre L., ès qualités, ayant pour fondement un cumul de responsabilité contractuelle, et délictuelle sont irrecevables,

- confirmer le jugement entreprise en ce qu'il a jugé que M. Serge P. et M. Pascal M. doivent être déboutés de leur demandes en condamnation à son encontre,

- dire et juger M. Serge P. et M. Pascal M. mal fondés dans leur action à son encontre,

- dire et juger qu'il n'a pas manqué à ses obligations de loyauté,

- débouter purement et simplement M. Serge P. et M. Pascal M. de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. Serge P. et M. Pascal M. l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

Sur l'appel incident de l'intimé

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes en dommages-intérêts,

- dire et juger qu'il subit un préjudice dont il est bien fondé à demander réparation,

- condamner solidairement M. Serge P. et M. Pascal M. à lui payer la somme de 12.500 euros à titre de dommages-intérêts,

- condamner solidairement M. Serge P. et M. Pascal M. aux entiers dépens de l'instance, dont distraction, et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 4 juin 2018 ayant :

- ordonné la disjonction de l'affaire,

- dit que la procédure entre MM. Serge P. et Pascal M., appelants, et MM. Georges M. et Christian D., intimés, se poursuivra sous le numéro RG 15/13056,

- dit que la procédure entre MM. Serge P. et Pascal M., appelants, et la SAS DA24 Fabrication, intimée, se poursuivra sous le numéro RG 18/09285 ;

Vu l'avis donné le 20 septembre 2018 par la cour aux conseils des parties, les invitant à faire part avant le 15 octobre 2018 de leurs observations sur la recevabilité de l'action ut singuli au regard des dispositions de l'article R. 225-170 du code de commerce, par note en délibéré ;

Vu la note en délibéré communiquée à la cour par le conseil de M. Georges M. le 12 octobre 2018 ;

Vu la note en délibéré communiquée à la cour par le conseil de MM. P. et M. et de Me L. le 23 octobre 2018 ;

SUR CE, LA COUR,

Attendu que la SAS DA24 Concept, au capital de 50.000 euros, a été créée le 16 mars 2014 à parts égales entre MM. Georges M., Christian D., Pascal M. et Serge P. ;

Que son objet social est la conception, l'innovation, le développement et la recherche dans le domaine de la distribution automatique, la recherche, le développement et la vente de technologie, produits et services assistés par ordinateur ; que, dans ce cadre, la société avait pour projet de développer et commercialiser des distributeurs automatiques pour les officines de pharmacie ;

Que lors de la création de la société DA24 Concept, sa présidence a été confiée à M. Serge P. ;

Que dès l'été 2014, des dissensions sont intervenues entre les associés, conduisant M. Serge P. à convoquer une assemblée générale extraordinaire devant se tenir le 30 août 2014, ayant pour ordre du jour la dissolution anticipée de la société et la nomination d'un liquidateur amiable ;

Que lors de la tenue de cette assemblée générale à laquelle M. M., arrivé en retard, n'a pas pris part, cette résolution n'a pas été adoptée, tandis qu'une autre résolution, visant à prendre acte de la prétendue démission de M. P. de ses fonctions de président et à procéder à la nomination, en remplacement, de M. M., a été votée ;

Que toutefois, la nullité de cette délibération a été poursuivie devant le tribunal de commerce de Marseille qui, par un jugement du 25 juin 2015 confirmé par arrêt de la cour du 11 février 2016, a fait droit aux demandes de M. P., lequel a été réintégré dans ses fonctions ;

Que dans l'intervalle, constatant que MM. M. et D. avaient, dès le 18 août 2014, créé une société intitulée DA24 Fabrication dans le but, selon eux, d'exercer une concurrence déloyale à l'égard de la société DA24 Concept, MM. P. et M. ont, par acte du 30 mars 2015, fait assigner en responsabilité MM. M. et D. ainsi que la société DA24 Fabrication devant le tribunal de grande instance de Marseille, lequel, par le jugement entrepris, a déclaré irrecevables les demandes dirigées à l'encontre de M. D., et les a déboutés du surplus de leurs demandes ; que tribunal a, également, débouté MM. M. et D. de leurs demandes reconventionnelles en dommages-intérêts ;

Que MM. P. et M. sont appelants de ce jugement ;

Qu'il sera enfin précisé que par actes des 3 et 6 juin 2016, la société DA24 Concept a fait assigner M. Georges M., M. Christian D., la société DA24 Fabrication et la société Debugest devant le tribunal de commerce de Marseille lequel, par un jugement du 8 septembre 2016 devenu définitif, a notamment condamné les défendeurs à des dommages-intérêts en réparation des rémunérations que M. M. s'était irrégulièrement octroyées et de factures non causées payées par la société DA24 Concept à une société Debugest, dans laquelle M. M. détient des intérêts majoritaires, et a annulé des contrats de concession de brevets intervenus entre les sociétés DA24 Concept et DA24 Fabrication ;

Attendu que par jugement du 4 juillet 2016, la société DA24 Fabrication a été placée en liquidation judiciaire, procédure clôturée pour insuffisance d'actif par jugement du 15 mars 2017 ; que cette société ayant été radiée et le mandat du liquidateur ayant pris fin de plein droit, MM. P. et M. se sont désistés de toute demande à son encontre ; que par ordonnance du 4 juin 2018, le magistrat chargé de la mise en état a ordonné la disjonction de l'affaire et dit que la procédure entre MM. Serge P. et Pascal M., appelants, et la SAS DA24 Fabrication, intimée, sera suivie distinctement ;

Que par jugement du 2 juillet 2018, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société DA24 Concept ; que Me L., ès qualités de mandataire judiciaire, est intervenu volontairement à la procédure le 8 août 2018 ;

Qu'enfin, il y a lieu de constater que M. D., intimé, qui avait régulièrement constitué avocat et pris des écritures communes avec M. M., n'apparaît plus comme partie dans les dernières conclusions de M. M., lesquelles ne comportent que la mention 'en présence de M. Christian D.' ; qu'il y a toutefois lieu de constater que M. D. est toujours représenté par l'avocat constitué en son nom, Me Simon-T. ; que le présent arrêt sera contradictoire ;

Sur l'action sociale

Sur la recevabilité

Attendu qu'il sera rappelé que MM. P. et M. ont vu leur action déclarée irrecevable à l'égard de M. D. par les premiers juges, lesquels ont constaté que l'intéressé n'avait jamais exercé de mandat social ;

Que les appelants déclarent s'en rapporter sur ce point à justice concernant l'action ut singuli, mais maintiennent leurs demandes sur le fondement des articles 1382 et 1383 anciens du code civil ;

Que M. M. conteste quant à lui la recevabilité de l'action exercée à son encontre en soutenant qu'il n'aurait jamais été dirigeant de droit de la société, sa nomination en qualité de président ayant été annulée par le jugement précité du 25 juin 2015, mais au mieux un dirigeant de fait ;

Qu'il rappelle qu'au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, l'action ut singuli serait irrecevable à l'égard des dirigeants de fait ;

Qu'il invoque également l'estoppel en estimant que les appelants se contrediraient à son détriment en ayant sollicité et obtenu la nullité de sa nomination en qualité de président de la société, et en exerçant à présent à son encontre une action ut singuli ;

Qu'il considère également que l'action, en ce qu'elle vise à sa condamnation solidaire aux côtés de la société DA24 Fabrication n'est pas recevable, dès lors que celle-ci, qui a été radiée, n'est pas représentée à la procédure ;

Qu'enfin, M. M. conteste la recevabilité de l'intervention volontaire de Me L. et soutient qu'il commettrait ce faisant un excès de pouvoir, n'ayant reçu aucune autre mission que celles prévues par la loi et le règlement ;

Que, selon lui, il n'entrerait pas dans les pouvoirs de Me L. de représenter la société DA24 Concept en justice, qui plus est dans une action en responsabilité de droit commun menée contre un de ses dirigeants de fait ; qu'il rappelle qu'en application de l'article L. 631-12, alinéa 2, du code de commence, le dirigeant de droit de la société DA24 concept n'est pas dessaisi de ses pouvoirs de contrôle et de direction de la société admise en redressement judiciaire, sauf ceux spécialement attribués au mandataire judiciaire ;

Qu'il souligne qu'il faudrait que ce soit M. P., président de la société, qui exerce cette action, mais observe que s'il a été désigné en qualité de président par une décision du 19 mars 2014, il ne l'a été que pour une durée de 3 ans, et son mandat n'a jamais été renouvelé ; qu'il conviendrait, selon lui qu'un mandataire ad hoc soit désigné pour représenter valablement la société DA24 Concept ;

Qu'en réponse les appelants et Me L. font valoir que M. M. a bien été dirigeant de la société du 30 août 2014, date de sa nomination, jusqu'au 11 février 2016, date de l'arrêt ayant annulé cette nomination, étant précisé que le jugement n'avait pas été revêtu de l'exécution provisoire ;

Que les appelants rappellent par ailleurs qu'ils se sont désistés de leur action à l'encontre de la société DA24 Fabrication ;

Que s'agissant de l'action exercée par Me L., ès qualités de mandataire judiciaire de la société DA24 Concept, celui-ci indique que l'action a été initialement engagée par MM. P. et M., et qu'il s'est contenté d'intervenir dans la procédure ; que, selon lui, il suffit, au regard de l'article 325 du code de procédure civile, que son intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant, ce qui est le cas ;

Attendu, en premier lieu, qu'il est constant que M. D. n'a jamais été dirigeant de droit de la société, et qu'il n'est pas allégué qu'il ait été dirigeant de fait ; que le jugement sera, en conséquence, confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action ut singuli exercée à son encontre ; que, pour le reste, la cour constate qu'aucune demande n'est présentée à l'encontre de M. D., au titre de l'action que les appelants prétendent exercer à son encontre sur le fondement du droit commun ;

Attendu en second lieu que l'article R. 225-170 du code de commerce, applicable par renvoi de l'article L. 227-1 dudit code aux sociétés par actions simplifiées, dispose que lorsque l'action sociale est intentée par un ou plusieurs actionnaires, agissant individuellement (ut singuli), le tribunal ne peut statuer que si la société a été régulièrement mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux ;

Qu'invités par la cour à présenter leurs observations sur ce moyen soulevé d'office, MM. P. et M., de même que Me L., ont fait connaître que la mise en cause de la société avait été réalisée, selon eux, par l'intervention volontaire de Me L. en sa qualité de mandataire judiciaire de la société DA24 Concept ; qu'ils estiment que le défaut initial de mise en cause de la société DA24 Concept, s'agissant d'une fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée au jour où le juge statue, ce que l'intervention volontaire de Me L. aurait réalisé ; qu'ils rappellent également que l'intervention volontaire de Me L. était recevable au regard de l'article 555 du code de procédure civile, puisque découlant d'une évolution du litige, à savoir le placement de la société en redressement judiciaire postérieurement au jugement de première intance ;

Que de son côté, M. M. qui concluait à l'absence de représentation régulire de la société DA24 Concept, a fait connaître par note en délibéré que l'action ut singuli des appelants doit être déclarée de plus fort irrecevable ;

Attendu qu'il est constant qu'avant son placement en redressement judiciaire, la société DA24 Concept n'a pas été mise en cause par l'intermédiaire de ses représentants légaux ; que M. P., bien que réintégré dans ses fonctions de président de la société par l'effet de l'annulation des résolutions adoptées lors de l'assemblée générale du 30 août 2014, n'agit qu'en tant qu'actionnaire individuel exerçant l'action sociale ut singuli ; que l'intervention volontaire du mandataire judiciaire désigné par le jugement d'ouverture du 2 juillet 2018, Me L., n'a pas eu pour effet de mettre en cause la société, un mandataire judiciaire désigné dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ne disposant d'aucun pouvoir de représentation de la société ; qu'il est constant qu'aucun administrateur n'a été désigné et qu'a fortiori aucun dessaisissement du débiteur au profit d'un tel administrateur n'a été spécialement décidé par le tribunal, comme l'article L. 631-12 du code de commerce en offre la possibilité ;

Qu'il s'ensuit que l'action sociale exercée ut singuli par MM. P. et M. en l'absence de mise en cause régulière de la société DA24 Concept est irrecevable ;

Que faute de disposer du pouvoir de représenter la société, Me L. n'est pas davantage recevable à exercer l'action sociale au nom et pour le compte de la société ;

Qu'il convient, en conséquence, de déclarer irrecevables tant l'action sociale exercée à l'encontre de M. D. que celle exercée à l'encontre de M. M. ;

Sur les actions exercées en réparation d'un préjudice personnel

Attendu que MM. P. et M. entendent obtenir réparation du préjudice moral qu'ils déclarent avoir personnellement subi du fait des agissements de M. M. ;

Qu'ils estiment que M. M. a exercé une concurrence déloyale à l'encontre de la société DA24 Concept :

- en créant le 18 août 2014, quelques jours avant l'assemblée générale litigieuse du 30 août 2014, une société DA24 Fabrication, reprenant le nom 'DA24", en utilisant le même logo, en ayant une activité identique et concurrente de celle de DA24 Concept ;

- en fixant le siège social de cette société DA24 Fabrication à la même adresse et dans le même immeuble de bureaux que DA24 Concept ;

- en concevant un site Internet qui serait une copie de celui de DA24 Concept, en en reprenant le même argumentaire, en s'adressant à la même clientèle, en utilisant les marques et noms de domaine déposés au nom et pour le compte de DA24 Concept ;

- en vidant, pour les affecter à DA24 Fabrication, dès le 28 août 2014 les locaux de DA24 Concept de tous les meubles et documents, de même que les machines et le prototype de la société, en cours de fabrication (constat d'huissier) ;

- en ayant conclu en sa double qualité de président de DA24 Fabrication et DA24 Concept des contrats de licence, très défavorable pour cette dernière mais très profitable pour la première, contrats qui ont été annulés par jugement du 8 septembre 2016 ;

Qu'ils ajoutent que M. M. aurait vidé la trésorerie de la société DA24 Concept, et aurait vidé cette dernière de sa substance en cédant les marques pour un prix de 15.000 euros, non payé à ce jour, et en lui ayant fait supporter des frais d'étude, recherche et développement pour plus de 100.000 euros pour des prototypes ;

Qu'ils estiment que l'ensemble de ces agissements leur a causé un préjudice moral distinct de celui subi par la société, et dont ils demandent réparation à hauteur de 50.000 euros chacun ;

Qu'en réponse, M. M. souligne l'incohérence des appelants, en rappelant que M. P. avait convoqué une AGE aux fins de dissolution de la société, et qu'il se pose à présent comme son protecteur ; qu'il soutient par ailleurs que la société DA24 Fabrication n'a jamais eu pour objectif de concurrencer la société DA24 Concept et prétend qu'au contraire, les deux sociétés entretiendraient des rapports constructifs de coopération commerciale dont témoignent les contrats de licence passés entre les deux sociétés ; qu'il conteste le caractère déséquilibré du premier des contrats de licence, invoqué par les appelants, et conteste avoir voulu détourner les actifs de la société DA24 Concept, soutenant au contraire avoir cherché à assurer l'avenir de la société DA24 Concept ; qu'il note à cet égard que c'est grâce à son action que la société DA24 Concept a pu obtenir un financement de 24.000 euros auprès de la BPI ;

Attendu que s'il apparaît de manière flagrante que M. M. a manqué, dans l'exercice de son mandat usurpé de président de la société DA24 Concept, à ses devoirs de loyauté envers cette société, et qu'il a accompli, avec la création en août 2014 de la société DA24 Fabrication qui reprenait les attributs d'image de la société DA24 Concept, une concurrence déloyale au détriment de cette société, force est de constater que MM. P. et M. ne fournissent à la cour aucun élément de nature à établir la réalité du préjudice moral qu'ils déclarent avoir subi personnellement ;

Que la cour ne peut que constater l'absence de tout justificatif des difficultés que l'attitude condamnable de M. M. aurait occasionnées les concernant personnellement ou les entreprises dans lesquels ils ont des intérêts, notamment les sociétés Pharm'holistic et Groupe LCI France, dont la cour ignore tout de la situation passée et présente ;

Qu'ils ne peuvent, en conséquence, qu'être déboutés de leurs demandes de dommages-intérêts ;

Sur la demande reconventionnelle pour concurrence déloyale, présentée par M. M.

Attendu que M. M. soutient que MM. P. et M., par l'intermédiaire de leurs propres sociétés Pharm'holistic et groupe LCI France, commettraient des actes de concurrence déloyale en commercialisant les mêmes produits que la société DA24 Concept, en violation de leur obligation de loyauté ;

Qu'il soutient que dès la création de la société DA24 Concept, MM. P. et M. se sont employés à capter ou à piller les fichiers clients et la liste des fournisseurs au profit de la société Pharm'holistic ;

Qu'il demande à ce qu'ils soient condamnés à lui verser la somme de 12.500 euros à titre de dommages-intérêts, correspondant au montant de son investissement de départ ;

Qu'en réponse, MM. P. et M. contestent vigoureusement cette présentation des faits ; qu'ils notent que les statuts de la société DA24 Concept ne comportent aucune clause de non-concurrence et que c'est dans les statuts de la société DA24 Fabrication que figure une telle clause ; qu'ils contestent tout acte de concurrence déloyale et soulignent, comme l'a fait le tribunal, que M. M. ne rapporte pas la preuve d'un détournement des fichiers clients et des données techniques et commerciales ;

Mais attendu que M. M. ne rapporte aucunement la preuve des faits de concurrence déloyale qu'il invoque ;

Qu'il sera rappelé que les sociétés Pharm'holistic et Croupe LCI France ont été créées, respectivement, en 2012 et 2011 ; que la cour ne peut manquer de constater que le Business plan de la société DA24 Concept, adressé par M. M. lui-même à la banque Bpifrance le 27 mars 2014 en vue de l'obtention d'un financement, mentionnait que le premier Business model s'oriente vers une sous-traitance de l'assemblage des modules constituant des distributeurs automatiques auprès de la société LCI dont le CEO et fondateur est Pascal M. ; que ce même document poursuivait : De plus l'expérience ventes de Serge P. au travers de la société de commercialisation Pharm'holistic est un atout majeur dans la connaissance des attentes des clients, des réactions du marché et des réseaux de distribution du marché des 22 100 pharmacies implantées en France ;

Que ces éléments traduisent le fait que, loin d'agir au détriment de la société DA24 Concept, les entités dirigées par MM. P. et M. étaient présentées par M. M. lui-même comme des partenaires indispensables au développement de la société DA24 Concept ; que M. M., qui procède par de simples affirmations, ne démontre pas en quoi ces sociétés auraient eu, ensuite, des activités préjudiciables pour la société DA24 Concept ;

Que la cour constate au demeurant que M. M. invoquait en première instance des faits de concurrence commis au détriment de sa propre société, AD24 Fabrication, alors qu'il se prévaut à présent d'une concurrence déloyale dont la société AD24 Concept aurait été victime ;

Que M. M. sera débouté de ses demandes indemnitaires ;

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Attendu que chaque partie succombant partiellement dans ses prétentions, chacune conservera la charge de ses propres dépens, de première instance et d'appel ;

Attendu que l'équité ne justifie pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement rendu entrepris, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'action ut singuli exercée à l'encontre de M. M., en ce qu'il a condamné M. Serge P. et M. Pascal M. à verser à M. Georges M. et M. Christian D. une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il les a condamnés aux dépens ;

STATUANT à nouveau de ces chefs et y ajoutant,

- DÉCLARE irrecevable l'action sociale exercée individuellement par M. Serge P. et M. Pascal M. à l'encontre de M. Georges M. ;

- DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en cause d'appel au profit ou à l'encontre de M. Georges M. et de M. Christian D. ;

- DIT que M. Serge P., M. Pascal M., M. Georges M. et M. Christian D. conserveront chacun la charge de leurs propres dépens de première instance et d'appel ;

REJETTE toute autre demande des parties.