Cass. 1re civ., 20 juillet 1994, n° 92-14.665
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Fouret
Rapporteur :
M. Sargos
Avocat général :
Mme Le Foyer de Costil
Avocats :
Me Boulloche, Me Henry
Attendu que la société civile professionnelle notariale Gosse, Coornaert, Heurtefeu a organisé une vente aux enchères sur catalogue de machines situées dans plusieurs usines textiles d'Europe ; qu'en ce qui concerne la mise en vente des machines se trouvant dans l'usine de la société Delebart-Mallet (DMC) à Douai, la société civile professionnelle de commissaires-priseurs Duyck, Declerck a saisi la juridiction des référés aux fins de voir interdire cette vente aux enchères en faisant valoir qu'en application des articles 1er de la loi du 27 ventôse an IX et 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 les commissaires-priseurs avaient le monopole des ventes aux enchères de meubles ; que l'arrêt confirmatif attaqué, statuant sur le fondement de l'article 808 du nouveau Code de procédure civile, a accueilli la demande ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le ministère public ayant déposé des conclusions écrites le jour de l'audience de plaidoiries, la SCP de notaires fait grief à la cour d'appel d'avoir méconnu le principe de la contradiction dès lors que ces conclusions n'avaient pas été soumises à la discussion contradictoire des parties, de sorte qu'auraient été violés les articles 16 du nouveau Code de procédure civile et 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le ministère public est intervenu à l'instance d'appel en qualité de partie jointe et avait la faculté, en application de l'article 431 du nouveau Code de procédure civile, de faire connaître ses conclusions soit par écrit, soit oralement à l'audience ; qu'il ne résulte d'aucune disposition que lorsqu'il choisit de déposer des conclusions écrites celles-ci doivent être communiquées aux parties avant l'audience ; qu'il suffit qu'elles soient mises à leur disposition le jour de l'audience et qu'en l'espèce aucun élément ne permet de retenir qu'il n'en a pas été ainsi ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;
Mais sur le second moyen pris en ses deux branches :
Vu l'article 808 du nouveau Code de procédure civile, ensemble l'article 524 du Code civil et les articles 1er de la loi du 27 ventôse an IX et 3 de l'ordonnance du 26 juin 1816 ;
Attendu que pour interdire à la SCP de notaires de procéder à la vente aux enchères la cour d'appel a estimé que la contestation portant sur la qualité mobilière ou immobilière des machines n'était pas sérieuse dès lors que, bien qu'il s'agît de machines affectées à l'exploitation de l'usine et qui étaient dès lors des immeubles par destination, elles étaient démontables et que la décision de leur propriétaire de les aliéner séparément de l'immeuble où elles étaient installées leur avait fait perdre cette qualité ; qu'ainsi il s'agissait de meubles relevant du monopole des commissaires-priseurs en ce qui concerne la vente aux enchères ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que, pour l'appréciation de la portée du monopole des commissaires-priseurs, le point de savoir si des immeubles par destination non encore détachés de l'immeuble par nature à l'exploitation duquel ils sont affectés conservent cette qualité jusqu'au moment de la vente, constitue une contestation sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mars 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée.