CA Versailles, 16e ch., 13 juin 2019, n° 18/00061
VERSAILLES
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Chubb European Group Se (Sté)
Défendeur :
Swisslife Assurances de Biens (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Grasso
Conseillers :
Mme Guillaume, Mme Massuet
FAITS ET PROCÉDURE
Le 8 octobre 2004, la société anonyme Swisslife Assurances de biens (ci-après, la SA Swisslife) et la société ACE European Group Limited (ci-après, la société ACE) ont conclu un protocole d'accord de coassurance concernant la souscription de contrats industriels.
Suite à la résiliation de ce protocole, le 29 juin 2012, avec effet au 31 décembre 2012, la société ACE a fait assigner la SA Swisslife le 1er décembre 2015 devant le tribunal de commerce de Paris à fin de la voir condamner à lui rembourser la somme de 3 942 743 euros, au titre des commissions d'apérition qu'elle a estimé indûment payées.
Suite à l'échec d'une procédure d'arbitrage, la SA Swisslife a obtenu la désignation d'un expert judiciaire et réclamé la condamnation de la société ACE à lui régler la somme de 3 834 663 euros au titre des participations bénéficiaires que la société ACE ne reconnaît que dans la limite de 598 499 euros.
Par ordonnance du 31 mars 2017, le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nanterre a autorisé la SA Swisslife à faire pratiquer une saisie-conservatoire sur tout compte bancaire détenu par la société ACE à fin de garantir la somme de 598 499 euros en principal, intérêts et frais.
Par ordonnance du 3 mai 2017, la même juridiction a autorisé la SA Swisslife à faire pratiquer une saisie-conservatoire à l'encontre de la société ACE à hauteur de 436 464 euros sur une somme détenue entre ses propres mains, suite à une condamnation du tribunal de grande instance de Créteil à son profit.
Deux saisies ont été pratiquées le 21 juin 2017 entre les mains de la SA Swisslife pour garantie de la somme de 436 464 euros et le 23 juin 2017 pour garantie de la somme de 162 035 euros (598 499 - 436 464) entre les mains de la banque HSBC.
Par acte du 12 juillet 2017, la société européenne Chubb European Group (anciennement dénommée «'ACE European Group Limited'») a fait assigner la SA Swisslife devant le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Nanterre aux fins d'obtenir :
- la mainlevée de la mesure conservatoire pratiquée le 21 juin 2017 entre les mains de la SA Swisslife et de celle pratiquée le 23 juin 2017 entre les mains de la banque HSBC ;
- la condamnation de la SA Swisslife à lui payer les sommes suivantes :
• 10 000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution ;
• 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;
• 10 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement rendu le 1er décembre 2017, le tribunal de grande instance de Nanterre a :
- rejeté l'ensemble des demandes de la société Chubb European Group Limited ;
- condamné la société Chubb European Group Limited à payer à la SA Swisslife Assurance de biens la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- rappelé que les décisions du juge de l'exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit ;
- condamné la société Chubb European Group Limited aux dépens.
Le 4 janvier 2018, la société Chubb European Group SE a interjeté appel de la décision.
Dans ses conclusions transmises le 15 mars 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Chubb European Group SE, appelante, demande à la cour de :
- recevoir son appel et la dire bien-fondée ;
- constater que les conditions requises pour solliciter une mesure conservatoire ne sont pas réunies;
- infirmer la décision déférée dans son intégralité ;
- déclarer la SA Swisslife Assurances de biens mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter ;
- rejeter la demande de la SA Swisslife Assurances de biens visant à voir écarter des débats les pièces n°14,25,26,27 et 29 ;
- ordonner la mainlevée de la mesure conservatoire pratiquée le 21 juin 2017, par exploit de la SCP O. et D., huissiers de justice, entre les mains de la SA Swisslife Assurances de biens ;
- ordonner la mainlevée de la mesure conservatoire pratiquée le 23 juin 2017, par exploit de la SCP O. et D., huissiers de justice, entre les mains de la banque HSBC ;
- condamner la SA Swisslife Assurances de biens à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, sur le fondement des articles L. 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution et 32-1 du Code de procédure civile ;
- condamner la SA Swisslife Assurances de biens à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner la SA Swisslife Assurances de biens aux entiers dépens.
Dans ses conclusions transmises le 25 mars 2019 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Swisslife Assurances de biens, intimée, demande à la cour de :
- recevoir ses demandes, fins et conclusions et les déclarer bien-fondées ;
- écarter des débats les pièces communiquées par la société Chubb European Group SE en langue étrangère et non traduites par un traducteur assermenté, soit les pièces n°14, 25, 26, 27 et 29 ;
- juger que les saisies conservatoires pratiquées en exécution des ordonnances du juge de l'exécution des 31 mars et 3 mai 2017 sont régulières et fondées ;
- déclarer la société Chubb European Group SE mal fondée en son appel et l'en débouter ;
- confirmer le jugement du juge de l'exécution du 1er décembre 2017 ;
- débouter la société Chubb European Group SE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- condamner la société Chubb European Group SE à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Patricia M. agissant par Maître Patricia M., avocat au barreau de Versailles , et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
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La clôture de l'instruction a été prononcée le 26 mars 2019 .
L'audience de plaidoirie a été fixée au 18 avril 2019 et le délibéré au 13 juin suivant.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'incident de procédure
La société Chubb European Group SE sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture et à défaut, le rejet des conclusions adverses régularisées la veille, énonçant que l'intimée y a intoduit :
- des modifications aux pages 11 / 19 / 23 ;
- un moyen concernant le jour où doit s'apprécier le bien-fondé et les conditions de la mesure conservatoire (8 paragraphes - pages 25 et 26);
- un moyen concernant la traduction par un traducteur assermenté des pièces communiquées dans une langue étrangère et une nouvelle demande d'écarter des débats les pièces communiquées par ACE en langue étrangère (5 paragraphes - page 27);
- une modification du dispositif pour solliciter le rejet des pièces qu'elle verse aux débats en langue anglaise.
L'intimée s'oppose au rabat de l'ordonnance de clôture et demande à voir retenues ses écritures transmises avant cet acte.
Il résulte de l'article 784 du Code de procédure civile que seule une cause grave peut justifier le rabat de l'ordonnance de clôture.
En l'espèce, le moyen concernant le jour où doit s'apprécier le bien-fondé et les conditions de la mesure conservatoire constitue une règle de droit qui résulte de l'article L.512-1 du Code des procédures civiles d'exécution et qui s'impose à tous. L'examen de la validité des pièces appartient à la cour et des irrégularités concernant leur traduction ne peuvent en justifier un rejet préalable, de sorte que l'ensemble des arguments présentés à l'appui de la demande de rabat de l'ordonnance de clôture ne constitue pas une cause grave au sens de l'article 784 du Code de procédure civile, aucune violation du principe de respect du contradictoire ne pouvant par ailleurs être constatée. La société Chubb European Group SE sera donc déboutée de sa demande de rabat de l'ordonnance de clôture.
En conséquence, les conclusions transmises avant la clôture, le 25 mars 2019 , par la SA Swisslife Assurances de biens, intimée, seront conservées, à l'inverse de celles transmises par la société Chubb European Group SE, appelante, le 1er avril 2019 qui seront écartées.
Sur la demande de mainlevée
La société Chubb European Group SE fait valoir que la créance invoquée par la SA Swisslife, susceptible de s'éteindre par compensation, n'apparaît pas fondée en son principe et que des menaces pesant sur le recouvrement de sa créance ne sont pas caractérisées.
La SA Swisslife Assurances de biens prétend le contraire, que la société Chubb European Group SE ne peut se prévaloir de l'existence de créances réciproques entre elles et que des menaces pesant sur le recouvrement de sa créance sont caractérisées.
Elle précise que la société débitice a fait usage de nombreux moyens dilatoires, qu'elle a opposé des refus réitérés de payer des sommes pourtant reconnues, que le montant de la créance est élevé, que son paiement est réclamé depuis le 16 décembre 2013, que l'appelante est une société de droit étranger dont les comptes annuels ne sont pas publiés qui a subi une perte de résultat de 66 % en un an, que les extraits de bilan 2015 et 2016 versés aux débats sont insuffisants à démontrer la réelle situation financière de cette société au motif qu'il s'agit de documents non certifiés.
Les saisies ayant été ordonnées les 31 mars et 3 mai 2017, elle soutient qu'il ne peut être tenu compte d'éléments postérieurs à ces dates pour apprécier les menaces pesant sur le recouvrement de la créance et qu'au surplus, la société débitrice verse aux débats comme élément de preuve un document écrit en langue anglaise, accompagné parfois d'une "traduction libre" et que par conséquent, faute de production d'une traduction assermentée en langue française, il convient d'écarter l'ensemble des pièces adverses rédigées en langue anglaise.
Aux termes de l'article L.511-1 du Code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance parait fondée en son principe peut solliciter du juge de l'exécution l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
L'article R 512-1 du même code précise qu'il incombe au créancier de prouver que les deux conditions cumulatives sont remplies.
Il incombe donc à la SA Swisslife Assurances d'apporter la preuve que ces deux conditions sont réunies.
Enfin, conformément à l'article L.512-1 du même code, 'le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L.511-1 ne sont pas réunies'.
Le juge, auquel est déférée une mesure conservatoire, se place dans la même position que le juge qui a autorisé la mesure : il examine au jour où il statue d'une part l'apparence du principe de créance - et non la certitude, la liquidité, l'exigibilité ou le montant de la créance - et évalue d'autre part, si besoin, la menace qui pèse sur le recouvrement.
Concernant la première condition, il suffit que le demandeur justifie d'une créance qui paraît fondée, celle-ci n'ayant pas à être fondée en son principe. Il convient de compléter cette affirmation en disant que si l'existence de la créance dépend d'une question litigieuse relevant de la compétence d'un juge du fond, il entre dans les pouvoirs du juge de l'exécution d'apprécier si cette créance est ou non apparemment fondée.
En l'espèce, au moment où le créancier a requis l'autorisation de pratiquer les mesures de saisies-conservatoire litigieuses, soit les 28 mars et 3 mai 2017, une procédure au fond entre les parties est en cours :
ACE a fait assigner Swisslife devant le tribunal de commerce de Paris par acte en date du 1er décembre 2015 pour obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 3 942 743 euros au titre du remboursement des commissions d'apérition payées, outre 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Swisslife a répondu à cette assignation notamment, par conclusions du 25 janvier 2017, formulant à titre reconventionnel principalement, une demande en paiement de la somme de 3 834 663 euros, ainsi que d'autres demandes en paiement des sommes de 440 489 € au titre du préjudice financier résultant de la perte de résultat afférent à la participation aux bénéfices due, 27 408 € au titre des frais d'expertise exposés par SwissLife, expertise qui aurait confirmé le bien-fondé de sa demande, tant en son principe qu'en son montant, 17 894 € au titre des frais internes engendrés par l'expertise judiciaire et 60 000 € au titre de son préjudice moral causé par la déloyauté d'ACE dans l'exécution du protocole de coassurance.
Une assignation en référé aux fins de désignation d'un expert a par ailleurs été délivrée par Swisslife à ACE le 23 mars 2015 à laquelle il avait été fait droit par ordonnance rendue le 25 juin 2015. Le rapport d'expertise est daté du 14 octobre 2016.
Swisslife se prévaut du fait que ACE a admis devant l'expert judiciaire devoir au minimum la somme de 598 499 € qui est la cause des saisies litigieuses, au titre de la participation aux bénéfices due à SwissLife. Elle rappelle les termes de ses conclusions dans lesquelles Ace demande de constater que "sur la demande de Eur. 3.834.663 formulée par SwissLife Assurance de Biens par conclusions n°3 régularisées le 7 février 2018, Chubb Europe Group Limited (anciennement dénommée Ace European Group Limited) ne doit que la somme de Eur. 598 499" et de "Dire et juger que la condamnation de Chubb Europe Group Limited ne peut être supérieure à Eur.598 499".
Il ressort des pièces que sur requêtes datées des 31 mars et 3 mai 2017 aux fins d'obtenir l'autorisation de saisie conservatoire pour garantie de la somme de 598 499 euros, Swisslife a été autorisée d'une part à faire pratiquer une saisie conservatoire sur le compte bancaire de ACE pour garantie de cette somme par ordonnance rendue le 31 mars 2017, d'autre part sur toute somme dont ACE serait créancière à l'égard de Swisslife pour garantie de la somme de 436 464 euros.
Les deux requêtes étaient strictement rédigées dans les mêmes termes, la deuxième précisant simplement qu'une condamnation était intervenue récemment au bénéfice de la coassurance dont Swisslife avait obtenu l'exécution, 98 % revenant à ACE, soit la somme de 436 464,40 euros.
Les deux saisies litigieuses ont été pratiquées le 21 juin 2017 entre les mains de la SA Swisslife pour garantie de la somme de 436 464 euros et le 23 juin 2017 pour garantie de la somme de 162 035 euros (598 499 - 436 464) entre les mains de la banque HSBC.
Il n'est pas contesté que ACE disposait d'une créance de 436 464 euros sur Swisslife dont cette dernière s'est auto-saisie.
Il n'est pas davantage contesté que ce n'est que le 20 novembre 2017 que Swisslife a payé à Chubb la somme de 382 760, 30 euros correspondant à une sentence arbitrale en date du 21 février 2013 portant exequatur aux termes d'une ordonnance en date du 6 septembre 217. Bien que la sentence ait été revêtue de la formule exécutoire après les deux saisies litigieuses, il sera considéré qu'aux dates auxquelles elles ont été pratiquées, une compensation pouvait s'opérer.
La mission de l'expert était de donner son avis sur le montant de la participation aux bénéfices dû, en application du protocole d'accord conclu entre les parties le 8 septembre 2004, à la société Swisslife par ACE du 1er janvier à ce jour, à partir des éléments chiffrés communiqués par les parties. Les parties étant en désaccord sur l'interprétation du protocole qui a mis fin à ce régime de coassurance et sur la date à laquelle devait être estimée la charge des sinistres, l'expert a proposé d'évaluer le montant de la participation aux bénéfices dû, suivant l'interprétation qui est donnée à l'avenant au protocole par chaque partie à :
- cette somme de 598 499 euros si est exclu le résultat de l'exercice 2012
- 3 834 663 euros s'il est intégré, estimant les sinistres au 30 juin 2015
Il est également établi (et rappelé dans les requêtes datées des 31 mars et 3 mai 2017) que, par acte du 1er décembre 2015, ACE a assigné Swisslife pour obtenir sa condamnation de 3 942 743 euros au titre du remboursement des commissions d'apérition payées, outre 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Par cette action ACE met en cause la responsabilité de Swisslife à son égard et demande le remboursement des commissions d'apérition perçues par Swisslife de 10 % du volume des primes brutes destinées à rémunérer la gestion du compte de coassurance, au regard des mauvais résultats obtenus qui avaient d'ailleurs abouti à la résiliation de la convention de coassurance. La somme de 3 942 743 euros correspondrait à la commission d'apérition déjà encaissée.
En page 21 de son rapport, l'expert entend préciser que les parties ont abondamment écrit sur les raisons pour lesquelles ACE aurait résilié le protocole de coassurance et s'opposent fermement sur ce sujet. Il dit "ce point m'apparaissant hors champ de l'expertise, je ne l'ai pas traité".
Il ressort en effet du rapport d'expertise que les divergences d'appréciation quant au montant de la participation aux bénéfices dû relève d'une question de date dépendant de l'interprétation de l'avenant n°1 du 29 juin 2007, les parties s'opposant sur le point de savoir si les résultats de l'année de résiliation du protocole (2012 en l'espèce) doivent ou non être pris en considération (pages 14 et 22 du rapport). Ces questions sont sans rapport avec des fautes de gestions qui seraient reconnues éventuellement à l'issue de la procédure judiciaire engagée en décembre 2015 et qui pourraient aboutir à une condamnation de Swisslife au bénéfice d'ACE.
La somme de 598 499 euros que ACE reconnaît devoir à Swisslife au titre de la participation aux bénéfices dû ne tient donc pas compte du remboursement de cette somme de 3 942 743 euros qu'elle lui réclame pour les fautes de gestions qu'elle lui impute et qui sont l'objet de la procédure judiciaire engagée en décembre 2015.
Swisslife a répondu à cette assignation par conclusions du 18 mai 2016, formulant à titre reconventionnel principalement, une demande en paiement de la somme de 3 834 663 euros correspondant à la deuxième hypothèse envisagée par l'expert mais dont le sort dépend entièrement de l'appréciation du protocole par les juges du fond, ainsi que d'autres demandes en paiement des sommes de 440 489 € au titre du préjudice financier résultant de la perte de résultat afférent à la participation aux bénéfices due, 27 408 € au titre des frais d'expertise exposés par SwissLife, 17 894 € au titre des frais internes engendrés par l'expertise judiciaire et 60 000 € au titre de son préjudice moral causé par la déloyauté d'ACE dans l'exécution du protocole de coassurance.
L'affaire est pendante devant le tribunal de commerce de Paris.
Dans ces conditions, il n'est pas établi que la créance de Swisslife "paraissait fondée" en raison d'une part, de la compensation qui pouvait s'opérer avec celle résultant de la sentence arbitrale précitée et celle de 436 464 euros, d'autre part, de celle qui pourrait s'opérer avec d'autres créances réclamées dans le cadre de la procédure judiciaire engagée en décembre 2015, de sorte que le jugement doit être infirmé, sans qu'il apparaisse nécessaire, l'une des conditions cumulatives faisant défaut, d'examiner celle liée aux risques de recouvrement de la créance.
En conséquence, il convient d'ordonner la mainlevée des saisies conservatoires pratiquées.
Sur la demande de dommages-intérêts
La Société Chubb European Group SE (anciennement dénommée «'ACE European Group Limited'») soutient qu'elle subit nécessairement un préjudice à hauteur de 10 000 euros en raison de la perturbation apportée par la mesure conservatoire pratiquée qui doit être réparé selon les dispositions de l'article L. 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution. Elle fait valoir que la somme de 598 499 euros est bloquée depuis plus d'un an et demi et qu'ainsi, la SA Swisslife n'a pas respecté le principe de proportionnalité qui doit nécessairement guider la mise en oeuvre d'une saisie conservatoire, à l'encontre du débiteur saisi.
La SA Swisslife Assurances de biens prétend qu'elle n'a commis aucune faute ni aucun préjudice à l'égard de la société débitrice et que par conséquent, elle ne saurait être condamnée à lui verser des dommages et intérêts.
L'article L.512-2 du code des procédures civiles d'exécution, selon lequel lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire, n'exige pas pour son application, la constatation d'une faute.
La saisie conservatoire a entraîné l'indisponibilité de la somme de 598 499 euros et a porté atteinte au crédit de la Société Chubb European Group SE (anciennement dénommée «'ACE European Group Limited'») à l'égard de son banquier actuel. En réparation de ce préjudice, la SA Swisslife Assurances de biens sera condamnée à payer à la Société Chubb European Group SE la somme de 5 000 € de dommages-intérêts.
Les dépens, y compris le coût des actes et les frais bancaires, sont à la charge de la SA Swisslife Assurances de biens, partie perdante. Enfin, il est équitable de faire participer SA Swisslife Assurances de biens à hauteur de 5 000 € aux frais irrépétibles exposés par la Société Chubb European Group SE (anciennement dénommée «'ACE European Group Limited'») à l'occasion de la présente procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
DÉBOUTE la société Chubb European Group SE de sa demande de rabat de la clôture,
Ecarte les conclusions transmises par la société Chubb European Group SE, appelante, le 1er avril 2019,
INFIRME le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
ORDONNE la mainlevée de la mesure conservatoire pratiquée le 21 juin 2017 entre les mains de la SA Swisslife et de celle pratiquée le 23 juin 2017 entre les mains de la banque HSBC,
CONDAMNE la SA Swisslife Assurances de biens à payer à la Société Chubb European Group SE (anciennement dénommée «'ACE European Group Limited’ ») la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, sur le fondement des articles L. 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution et 32-1 du Code de procédure civile,
CONDAMNE la SA Swisslife Assurances de biens à payer à Société Chubb European Group SE (anciennement dénommée «'ACE European Group Limited’ ») la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande,
CONDAMNE la SA Swisslife Assurances de biens aux entiers dépens de première instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.