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Décisions

CA Paris, Pôle 6 ch. 2, 30 octobre 2014, n° 11/22966

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Fédération Nationale des Industries Chimiques, Syndicat CGT MSD Chibret, Syndicat CGT Site d'Éragny Sur Epte, Fédération Nationale de la Pharmacie Force Ouvrière, Syndicat CGT Force Ouvrière de MSD Chibret, Fédération Nationale Unsa Chimie Pharmacie

Défendeur :

Schering-Plough Holdings France (SAS), Unicet (SAS), Laboratoires Merck Sharp & Dohme Chibret (SNC), Schering-Plough (SAS), Diosynth France (SA), Comité Central d'Entreprise MSD Chibret

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Bonnal

Conseillers :

Mme Cantat, M. Esteve

Avocats :

Me Fisselier, Me Meillat, Me Bodin Casalis, Me Borie

TI Paris, du 2 déc. 2011, n° 11110295

2 décembre 2011

Statuant sur l'appel formé par la FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES (FNIC) CGT, le syndicat CGT MSD CHIBRET, le SYNDICAT CGT SITE D'ERAGNY SUR EPTE, la FÉDÉRATION NATIONALE DE LA PHARMACIE FORCE OUVRIÈRE, le SYNDICAT CGT FORCE OUVRIÈRE DE MSD CHIBRET et la FÉDÉRATION NATIONALE UNSA CHIMIE PHARMACIE contre un jugement rendu le 2 décembre 2011 par le tribunal d'instance de PARIS, 8ème arrondissement, qui saisit par ces mêmes organisations d'une demande tendant à voir reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, SCHERING PLOUGH, SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE devenue FINANCIÈRE MSD, DIOSYNTH FRANCE et UNICET devenue MSD FRANCE, a':

- dit qu'il n'existait pas d'unité économique et sociale entre ces sociétés,

- rejeté toutes les demandes';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 29 novembre 2013 par la FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES (FNIC) CGT, le syndicat CGT MSD CHIBRET, le SYNDICAT CGT SITE D'ERAGNY SUR EPTE, la FÉDÉRATION NATIONALE DE LA PHARMACIE FORCE OUVRIÈRE, le SYNDICAT CGT FORCE OUVRIÈRE DE MSD CHIBRET et la FÉDÉRATION NATIONALE UNSA CHIMIE PHARMACIE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de ces organisations syndicales appelantes, qui demandent à la cour de':

- reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, SCHERING PLOUGH, SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE devenue FINANCIÈRE MSD, DIOSYNTH FRANCE et UNICET devenue MSD FRANCE,

- condamner ces sociétés au paiement de la somme de 5'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de leur avocat';

Vu les dernières conclusions d'intervention régulièrement signifiées les 17 octobre et 6 novembre 2012 par le comité central d'entreprise MSD CHIBRET, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cette partie intervenante, qui demande à la cour de':

- reconnaître l'existence d'une unité économique et sociale entre les sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, SCHERING PLOUGH, SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE devenue FINANCIÈRE MSD, DIOSYNTH FRANCE et UNICET devenue MSD FRANCE,

- condamner ces sociétés au paiement de la somme de 5'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, dont distraction au profit de son avocat';

Vu les dernières conclusions transmises à la cour le 12 décembre 2013 par la société en nom collectif LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, la société par actions simplifiée SCHERING PLOUGH, la société par actions simplifiée SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE devenue FINANCIÈRE MSD, la société anonyme DIOSYNTH FRANCE et la société par actions simplifiée UNICET devenue MSD FRANCE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des sociétés intimées, qui demandent à la cour de':

- confirmer le jugement déféré,

- dire qu'il n'existe aucune unité économique ni sociale entre elles,

- rejeter la demande des appelants,

- condamner ceux-ci à leur payer solidairement la somme de 2'500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, dont distraction au profit de leur avocat';

Vu les seules conclusions d'intervention volontaire régulièrement signifiées le 24 octobre 2012 par le comité central d'entreprise MSD FRANCE, auxquelles on se référera pour un plus ample exposé des moyens et prétentions de cette partie intervenante, qui, sans s'être toutefois présentée à l'audience, demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré,

- condamner les appelants aux dépens, dont distraction au profit de leur avocat';

SUR CE, LA COUR

Sur les interventions volontaires

Le comité central d'entreprise MSD CHIBRET était présent à la procédure de première instance, à laquelle il avait été appelé, ainsi qu'il le rappelle lui-même et qu'il résulte des mentions du jugement déféré, étant observé que la dite décision le dénomme de façon erronée sous le nom de comité central de l'unité économique et sociale MSD CHIBRET.

Dans ces conditions et en application des dispositions des articles 549 et 554 du code de procédure civile, sa présence devant la cour ne peut résulter d'une intervention volontaire, ainsi qu'elle est improprement qualifiée, mais constitue en réalité un appel provoqué, au sens du premier des deux textes susvisés. Ce comité central d'entreprise sera reçu en cet appel provoqué.

L'intervention volontaire du comité central d'entreprise MSD FRANCE, instance représentative d'une des sociétés visées par la demande de reconnaissance d'une unité économique et sociale, qui n'était pas partie à la procédure de première instance, est recevable en son intervention volontaire devant la cour, ce comité ayant un intérêt à intervenir en cause d'appel, au sens de l'article 554 susvisé.

Sur les éléments du litige

Au moment où la FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES (FNIC) CGT, le syndicat CGT MSD CHIBRET, le SYNDICAT CGT SITE D'ERAGNY SUR EPTE, la FÉDÉRATION NATIONALE DE LA PHARMACIE FORCE OUVRIÈRE, le SYNDICAT CGT FORCE OUVRIÈRE DE MSD CHIBRET et la FÉDÉRATION NATIONALE UNSA CHIMIE PHARMACIE ont saisi le premier juge d'une demande de reconnaissance d'une unité économique et sociale, soit à la date du 23 mai 2011, l'activité et les relations des sociétés visées par cette demande peuvent être résumées comme suit.

La société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, ayant une activité de laboratoire pharmaceutique et employant plus de 2'000 salariés répartis en trois établissements, situés à PARIS, RIOM (établissement dénommé MIRABEL) et SAINT-GERMAIN-LAPRADE (établissement dénommé LA VALLEE), était détenue à 99,99'% par la société FINANCIÈRE MSD.

La société SCHERING PLOUGH, ayant également une activité de laboratoire pharmaceutique et employant plus de 1'500 salariés répartis en quatre établissements situés à COURBEVOIE, HEROUVILLE-SAINT-CLAIR, RIOM et ERAGNY-SUR-EPTE, était détenue à 100'% par la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE.

Cette société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE détenait également à 100'% la société UNICET, qui n'avait aucune activité, et était l'actionnaire majoritaire de la société DIOSYNTH FRANCE, société installée à ERAGNY-SUR-EPTE, dont l'activité est centrée sur la production d'insuline.

Une unité économique et sociale existait entre les société SCHERING PLOUGH et DYOSINTH FRANCE, qui avait été reconnue par jugement du tribunal d'instance de BEAUVAIS du 22 octobre 1981.

En 2009, les maisons mères de ces sociétés françaises, respectivement les groupes américains MERCK & CO et SHERING PLOUGH, ont fusionné. Il en est résulté, en cours de procédure, des restructurations affectant les sociétés visées par la demande de reconnaissance d'une unité économique et sociale qui peuvent être résumées ainsi.

Ce projet de réorganisation a été soumis aux instances représentatives du personnel de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et de l'unité économique et sociale SCHERING PLOUGH DIOSYNTH dans le courant du premier semestre de l'année 2011.

La société FINANCIÈRE MSD a fait, au 1er juin 2011, l'objet d'une fusion-absorption par la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE, l'ensemble ainsi créé prenant le nom de FINANCIÈRE MSD.

Par ailleurs, les établissements de PARIS de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et de COURBEVOIE de la société SCHERING PLOUGH ont été apportés à la société UNICET, devenue MSD FRANCE, cet apport, en date du 1er juillet 2011, ayant un effet rétroactif au 1er janvier 2011 (pièce n° 12 du comité central d'entreprise MSD CHIBRET).

Enfin, les établissements de la société SCHERING PLOUGH situés à ERAGNY-SUR-EPTE et à RIOM ont fermé.

Sur la reconnaissance d'une unité économique et sociale

L'article L'2322-4 du code du travail dispose que, «'lorsqu'une unité économique et sociale regroupant cinquante salariés ou plus est reconnue par convention ou par décision de justice entre plusieurs entreprises juridiquement distinctes, la mise en place d'un comité d'entreprise commun est obligatoire'».

La reconnaissance d'une unité économique et sociale entre des sociétés juridiquement distinctes a donc pour objet de donner, sans s'arrêter à la pluralité des personnes morales concernées, un cadre économiquement et socialement pertinent au fonctionnement des institutions représentatives du personnel -'comité d'entreprise ainsi qu'il résulte de l'article L'2322-4 susvisé, et également délégués du personnel et délégués syndicaux'-, mais aussi à la détermination des seuils susceptibles de déclencher la mise en œuvre des règles relatives à la participation des salariés aux résultats de l'entreprise (article L'3322-2 du code du travail) ou à l'appréciation de la validité du plan de sauvegarde de l'emploi (article L'1235-10 du code du travail).

Il en résulte qu'une telle unité économique et sociale doit être reconnue entre des entités juridiques distinctes qui présentent à la fois une unité économique caractérisée par une concentration effective des pouvoirs de direction et l'exercice par ces différentes entités d'activités identiques ou complémentaires les unes des autres, et une unité sociale résultant de la réunion d'éléments caractérisant une unique et homogène communauté de travail, éléments au nombre desquels figurent la permutabilité du personnel des différentes sociétés, ainsi que l'existence entre eux d'avantages et d'intérêts communs découlant d'un même statut conventionnel.

C'est la réunion de ces critères qui définit l'unité économique et sociale, de sorte que les débats portant sur l'objectif qui aurait été poursuivi au travers de l'engagement de la présente procédure tendant à retarder le processus d'information et de consultation des instances représentatives qui était en cours, ou sur le niveau pertinent de représentation des salariés, sur lequel s'opposent les deux comités centraux d'entreprise en la cause, sont dénués de pertinence au regard de la solution du présent litige.

Enfin, les sociétés intimées font valoir à juste titre qu'une unité économique et sociale ne saurait se confondre avec un groupe de sociétés. Cette distinction signifie précisément qu'au cas où le comité de groupe prévu par l'article L'2331-1 du code du travail a été mis en place, il n'y a pas lieu à reconnaissance d'une unité économique et sociale entre l'entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle, au sens de ce texte, rien n'interdisant, en revanche, qu'une telle unité soit reconnue entre plusieurs sociétés appartenant au même groupe, dès lors que celui-ci a un périmètre plus large. Au cas présent, il n'est pas contesté qu'aucun comité de groupe n'a été mis en place, soit entre les seules sociétés visées par la présente action, soit entre ces sociétés et des sociétés tierces.

C'est enfin aux demandeurs à la reconnaissance d'une unité économique et sociale qu'il appartient d'établir que ces conditions étaient réunies au moment du dépôt de la requête introductive d'instance.

Sur l'unité économique

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés intimées, dès lors que les critères d'une unité économique sont réunis, on ne saurait exclure par principe la participation à une unité économique et sociale de sociétés holding, ou de sociétés qui n'emploient pas de personnel.

- sur l'identité ou la complémentarité des activités

Au cas présent, il résulte des extraits Kbis au mois d'avril 2011 versés aux débats que les sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, SCHERING PLOUGH et FINANCIÈRE MSD définissaient leur activité dans des termes très voisins, comme la fabrication et la distribution de produits chimiques, pharmaceutiques et vétérinaires, que la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE se donnait pour objet les opérations industrielles, commerciales, financières, mobilières et immobilières dans le domaine de la santé humaine et vétérinaire, que la société FINANCIÈRE MSD ajoutait à l'activité de fabrication et de distribution de produits couverts par le code de la santé publique la prise de participations ou la réalisation de toutes opérations se rattachant à cette activité, et que la société DIOSYNTH FRANCE déclarait pour sa part une activité de fabrication et de commerce de produits chimiques.

L'extrait Kbis de la société UNICET n'apportait au mois d'avril 2011 aucune information sur l'activité de cette société, étant observé qu'il n'est pas contesté que, devenue MSD FRANCE, quelques jours après la requête, et avant que le tribunal ne statue, elle avait accueilli, avec effet rétroactif au 1er janvier 2011, ainsi qu'il a déjà été relevé, des activités de promotion et de distribution de produits pharmaceutiques effectuées précédemment au sein des sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et SCHERING PLOUGH, en leurs établissements de PARIS et COURBEVOIE.

Si les impressions du site internet accessible à l'adresse www.msd-france.com produites par les appelants (pièce n° 22) ont été effectuées au mois de novembre 2013, et sont dès lors dénuées de pertinence pour établir la réalité de la situation en mai 2011, les autres éléments produits sur l'activité non contestée des différentes sociétés concernées démontrent qu'elles concouraient toutes à la fabrication et à la commercialisation de médicaments et de produits de santé destinés à l'homme, soit en exerçant directement de telles activités, de façon généraliste (les sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et SCHERING PLOUGH) ou concentrée sur un petit nombre de produits (la société DIOSYNTH FRANCE) ou sur une ou plusieurs étapes du processus (la société UNICET, à tout le moins quelques semaines après la saisine du premier juge), soit en les rendant possibles, par la détention du capital nécessaire, pour ce qui concerne les sociétés holding.

Le comité central d'entreprise MSD CHIBRET verse à cet égard aux débats plusieurs pièces qui établissent que le processus de fusion a entraîné une intégration des activités des deux ensembles d'origine, qui ne s'arrête pas au périmètre de chacune des sociétés, mais consacre une organisation transversale, que démontrent les «'facturations de prestations de services et d'assistance dans les domaines informatiques, financiers, ressources humaines, service clients, logistique et documentation'» par la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET à hauteur d'environ 8,5 millions d'euros en 2011, les rétrocessions de charges à hauteur de plus de 14 millions d'euros à la société MSD FRANCE et l'exemple de «'l'équipe OTC STS implantée à MIRABEL [qui] travaille en totalité pour le compte de MSD FRANCE'» (les pièces n° 14 et 19, pages 8 et 9, de ce comité).

Ces pièces mentionnent également le principe de la répartition par la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET de «'la participation des salariés entre les différentes sociétés parties prenantes à l'accord de participation du groupe prévu en 2011'» (pièce n° 12 de ce comité, étant observé que l'accord de participation ainsi évoqué pour l'année 2011 n'est pas produit).

La complémentarité globale des produits commercialisés par les sociétés des groupes auxquels appartenaient, avant la fusion, les sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, d'une part, et SCHERING PLOUGH et DIOSYNTH FRANCE, d'autre part, a été une des principales justifications apportées à la fusion des deux groupes, devenue effective en novembre 2009, ainsi qu'il résulte notamment de l'analyse proposée par les directions de ces sociétés dans le cadre de la consultation des instances représentatives du personnel sur la réorganisation intervenue immédiatement après la saisine du premier juge, réorganisation décrite plus haut (pièce n° 11 des appelants, pages 41 et 42).

Le fait que, dans le cadre de la réorganisation quasiment concomitante au dépôt de la requête, les activités des visiteurs médicaux des deux ensembles d'origine ont été regroupées au sein de la société MSD FRANCE est dénué de pertinence s'agissant du critère de la similarité ou de la complémentarité des activités des différentes sociétés. Les visiteurs médicaux, qui contribuent à la commercialisation des produits élaborés et fabriqués par les laboratoires pharmaceutiques, participent en effet de façon indissociable à l'activité de l'ensemble telle qu'elle a été décrite plus haut, à tel point qu'avant la réorganisation, elle était intégrée au sein de chacune des deux sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et SCHERING PLOUGH.

Il n'est par ailleurs pas contesté que les sociétés du groupe exerçant des activités similaires, mais dans le domaine évidemment distinct de la santé vétérinaire, ne sont pas concernées par la présente action.

Il résulte de ces éléments que les activités des différentes sociétés intimées étaient, au moment du dépôt de la requête introductive d'instance, soit semblables, soit complémentaires.

- sur la concentration des pouvoirs de direction

L'existence d'une unité capitalistique entre ces même sociétés peut être également retenue.

Il résulte, en effet, de ce qui précède que, d'une part, la société FINANCIÈRE MSD détenait la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et que, d'autre part, la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE détenait les sociétés SCHERING PLOUGH, DIOSYNTH FRANCE et UNICET devenue MSD FRANCE, étant rappelé qu'une unité économique et sociale existait entre les sociétés SCHERING PLOUGH et DIOSYNTH FRANCE.

Entre ces deux ensembles, la fusion réalisée des maisons mères américaines assurait également une unité capitalistique.

Une telle unité capitalistique, caractéristique d'un groupe, ne saurait, cependant, suffire en elle-même à établir une unité économique et sociale. Il appartient aux sociétés appelantes de démontrer l'existence d'une unité de direction entre les différentes sociétés, dont l'identité des dirigeants peut être un indice, sans être forcément nécessaire, dès lors qu'il est établi qu'une entité unique, personne physique ou morale, assure une direction effective sur l'ensemble considéré.

Les appelants font valoir, à cet égard, que M. Guy EIFERMAN était, au moment de la saisine du premier juge, un des deux gérants non associés de la société en nom collectif LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, le président de la société par actions simplifiée à associé unique SCHERING PLOUGH, un des membres du conseil de surveillance de la société anonyme à directoire et conseil de surveillance DIOSYNTH FRANCE et le président de la société par actions simplifiées UNICET.

Ils observent également que M. Bruno STRIGINI, président de la société par actions simplifiée SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE, qui avait représenté cette société en sa qualité d'associé unique de la société UNICET jusqu'au mois de février 2011, date à laquelle il a été remplacé par M. EIFERMAN (note d'étape de l'expert-comptable auprès des comités centraux d'entreprise sur le «'projet de restructuration MSD CHIBRET UES SCHERING PLOUGH/DIOSYNTH'», pièce n° 6, page 49), était également «'senior vice-president de MSD président de EUCan I (région Europe-Canada)'» (poste auquel il avait été nommé en février 2010, pièce n° 7).

S'il n'est pas contestable, ainsi que le font valoir les sociétés intimées, que la pratique des groupes de société est de demander à des cadres supérieurs d'accepter des fonctions de dirigeants ou d'administrateurs de plusieurs filiales «'pour des raisons pratiques'», les éléments relevés par les appelants n'en caractérisent pas moins une effective concentration des pouvoirs de direction.

En vertu des articles L'221-1 et suivants du code de commerce, c'est bien, en effet, du pouvoir de direction, et pas seulement de représentation, de la société en nom collectif que sont investis les gérants.

De même, les articles L'227-1 du même code disposent que «'les attributions du conseil d'administration ou de son président sont exercées par le président de la société par actions simplifiée ou celui ou ceux de ses dirigeants que les statuts désignent à cet effet'», que «'les statuts fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée'» et que «'la société est représentée à l'égard des tiers par un président désigné dans les conditions prévues par les statuts'», président qui «'est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l'objet social'». Les appelants en déduisent à juste titre que le président exerce un pouvoir de direction, étant observé que les sociétés intimées, qui le contestent, ne versent pas aux débats les statuts des sociétés par actions simplifiées concernées, qui pourraient instaurer un autre mode de direction.

Les appelants produisent à cet égard au soutien de leur argumentation les statuts de la société FINANCIÈRE MSD, mis à jour au 1er juin 2011 (leur pièce n° 15-2), soit à la suite de la fusion absorption par la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE, le nouvel ensemble ayant conservé le nom de la société absorbée. Ces statuts incluent le président au nombre des dirigeants, confient des pouvoirs qu'ils énumèrent à un comité que le président préside, et instituent le dit président comme «'responsable de la direction générale de la société'» et «'responsable de la gestion quotidienne des affaires et des activités de la société'».

Il ne peut être soutenu, en conséquence, qu'en sa qualité de président de la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE devenue le 1er juin 2011 FINANCIÈRE MSD, M. Bruno STRIGINI aurait été seulement doté de pouvoirs de représentation. Il sera ajouté qu'il résulte des pièces n° 4 et 5 des sociétés intimées que M. Guy EIFERMAN a été nommé membre du comité, aux côtés de M. STRIGINI, qui en était pour sa part membre du droit en sa qualité de président de la société.

Il est sans conséquence que M. Guy EIFERMAN ait occupé au sein de la société anonyme DIOSYNTH FRANCE les seules fonctions de membre du conseil de surveillance, dès lors que cette société formait d'ores et déjà une unité économique et sociale avec la société SCHERING PLOUGH, société par actions simplifiée à associé unique dont M. EIFERMAN était par ailleurs président, unité économique et sociale dont la pertinence n'est l'objet d'aucune contestation et qui a été reconnue depuis plus de trente ans.

Il doit être en conséquence retenu que les appelants démontrent l'unité de direction entre les sociétés concernées, étant observé que, si l'unité économique et sociale s'apprécie au moment de la requête introductive d'instance, elle ne pourrait être prononcée qu'à l'égard de la société FINANCIÈRE MSD venue aux droits, moins d'une semaine après le dépôt de cette requête, de la société SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE.

Sur l'unité sociale

Ainsi qu'il a été dit, une telle unité sociale est caractérisée dès lors qu'existe, entre les personnels des sociétés concernées, une unique et homogène communauté de travail, que peuvent révéler la permutabilité du personnel des différentes sociétés, des conditions de travail similaires, ainsi que l'existence entre eux d'avantages et d'intérêts communs découlant d'un même statut conventionnel.

- sur les conditions de travail

Les appelants soutiennent d'abord à cet égard que la gestion des ressources humaines pour l'ensemble des sociétés concernées serait concentrée sous une direction unique, confiée à M. Franck ATON. Les pièces dont ils se prévalent à ce titre, sur lesquelles le nom de cette personne n'apparaît pas, ne le démontrent cependant pas.

Les sociétés intimées soutiennent, pour leur part, que M. ATON aurait reçu la responsabilité de chef de projet ressources humaines dans le cadre de la réorganisation, et produisent les délégations de pouvoirs en matière de gestion des ressources humaines propres à chaque société et à chaque site, et confiées à des personnes différentes (pièces n° 15 à 19 et 24 à 30 des sociétés intimées).

Il en résulte que si l'existence même de la mission confiée à M. ATON démontre une volonté de centraliser la gestion des ressources humaines, manifestée dans la note d'information sur le projet de réorganisation, à l'attention des instances représentatives du personnel des différentes sociétés concernées (pièce n° 11 des appelants, page 86), évoquant le projet de création d'un poste de «'directeur des ressources humaines France'», il n'est pas démontré que cette volonté aurait abouti au moment du dépôt de la requête introductive d'instance, ni dans les jours qui ont suivi.

Les organisations appelantes produisent encore une convocation adressée par le directeur des ressources humaines de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET à une réunion d'ouverture de négociations sur un accord de départs volontaires anticipés, prévue le 8 mars 2011 dans les locaux de la société SCHERING PLOUGH (leur pièce n° 5-3), et se prévalent de ce que cette démarche concernait ces sociétés prises ensemble, dont les effectifs sont additionnés pour la formulation d'«'hypothèses de départs en PCAA'», sans pour autant fournir de plus amples informations sur la nature et le cadre de ces négociations.

Elles font encore valoir que les conditions de travail de l'ensemble des personnels des sociétés concernées ont été uniformisées par le recours à un logiciel commun, COMET.

La mise en place en France de ce logiciel était envisagée, au sein du groupe MERCK bien avant la fusion, selon une note du 21 juillet 2008 qui mentionne une «'mise en production effective en février 2010'» (pièce n° 17 du comité central d'entreprise MSD FRANCE), mais a été finalement prévue pour le mois de juillet 2011 (pièce n° 5-2 des appelants).

Ce logiciel, aux termes d'un document de présentation soumis au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET au mois de février 2011 (pièce n° 5-2 des appelants) a pour objet d'«'harmoniser/standardiser les processus'», de «'faciliter le processus d'aide à la décision'», par un «'accès à une information complète, en temps réel, et globale'», d'«'améliorer la performance financière de l'entreprise'» (en réduisant les stock et l'en-cours client, et en augmentant l'en-cours fournisseurs), de «'mieux intégrer les décisions stratégiques avec les opérations'» et de «'limiter la prolifération de systèmes informatiques'».

Le projet de mise en place d'une utilisation commune au sein des sociétés concernées d'un logiciel intégré dénommé SAP, qui n'est pas un outil propre au groupe MERCK mais a été mis en place par de nombreux laboratoires pharmaceutiques concurrents (pièce n° 11 des appelants, page 87), ne peut contribuer à caractériser la communauté unique et homogène de travail qui constitue l'unité sociale. Il est insuffisant, à cet égard, que ce programme, dont la mise en place au sein du groupe MERCK a été initiée dès 2006, ait été ultérieurement considéré comme «'critique pour la fusion des deux groupes'», tant en termes d'harmonisation des méthodes de travail que d'économies (même pièce, page 88), dès lors que cette uniformisation des processus concerne l'ensemble d'une profession et ne crée aucune spécificité des seules sociétés concernées.

Il sera ajouté que l'établissement d'une liste commune des clients des différentes sociétés, à supposer qu'une telle liste puisse contribuer à la création de la communauté de travail alléguée, n'est évoquée que dans la pièce n° 6 des appelants déjà évoquée, par la mention «'liste mailing (France métropolitaine'+'DOM TOM'+'export)'» au nombre des «'tâches opérationnelles à réaliser en amont de la réorganisation juridique au niveau commercial'», et ce précisément à la rubrique «'marché public (hospitalier)'», et ne constitue donc pas un élément pertinent, tant par sa consistance que par le fait qu'il s'agit seulement d'un projet envisagé pour l'avenir.

- sur le statut conventionnel

Les appelants n'allèguent pas même que l'homogénéité des statuts conventionnels des salariés concernés créerait entre eux une communauté de travail. Tout au plus font-ils valoir, ainsi que le comité central d'entreprise MSD CHIBRET, qu'un accord d'intéressement commun a été mis en place en 2011 au sein des sociétés MSD FRANCE, DIOSYNTH FRANCE et SCHERING PLOUGH.

Il résulte de l'échange de courriers électroniques produit par le comité central d'entreprise MSD CHIBRET (sa pièce n° 16) qu'au mois de décembre 2011, soit postérieurement au dépôt de la requête, ont été soumis à la signature des partenaires sociaux des accords de participation et de plan d'épargne groupe au sein des sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, MSD FRANCE et SCHERING PLOUGH.

Le contexte et le contenu de ces accords ont été abordés lors de la réunion des 13 et 14 décembre 2011 du comité central d'entreprise de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET (pièce n° 18 du comité central d'entreprise MSD CHIBRET, pages 31 à 38).

Il résulte des informations données lors de cette réunion par la direction que l'objectif du «'projet d'accord sur la participation groupe'», valable pour la seule année 2011, est de «'mutualiser les bénéfices de l'ensemble des sociétés de MSD en France'», renvoi étant fait à l'harmonisation à intervenir en 2012 en vue de la négociation d'un nouvel accord, définitif celui-là, de sorte que le processus d'harmonisation entre les différentes sociétés concernées apparaît toujours en cours.

Le «'projet d'accord de plan d'épargne groupe'» ne remet, quant à lui et aux termes des informations données au cours de cette même réunion par la direction, «'aucunement en cause le plan d'épargne d'entreprise déjà ouvert au sein des LABORATOIRES MSD-CHIBRET, la direction ajoutant que «'le dispositif préexistant chez SCHERING PLOUGH sera repris par MSD'», cependant que certains élus s'abstenaient sur ce point au motif que ce projet ne concernera pas les salariés appartenant au périmètre du comité central d'entreprise.

Il y a lieu, en conséquence, de retenir, au vu de ces pièces en tout état de cause postérieures au dépôt de la requête, que plus de six mois après ce dépôt, le processus d'harmonisation en matière de participation et de plan d'épargne était en cours, mais renvoyé pour partie à l'année suivante, et que des différences subsistaient, en matière de participation, entre les différentes sociétés concernées.

Les sociétés intimées versent par ailleurs aux débats de très nombreux accords collectifs, conclus au sein de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET (leurs pièces n° 39 à 46), de certains établissements de celle-ci (pièces 48 à 67), de la société SCHERING PLOUGH (pièces n° 68 à 77, 83), de certains établissements de celle-ci (pièces n° 78 à 80 et 84) et enfin de l'unité économique et sociale SCHERING PLOUGH et DIOSYNTH (pièces n° 81 et 82), accords qui portent sur l'exercice du droit syndical, des mandats représentatifs du personnel ou leur durée, l'expression des salariés, la mise en place d'un compte épargne temps, le plan d'épargne d'entreprise, la participation, l'aménagement et/ou la réduction du temps de travail, les régimes de prévoyance, l'harmonisation (au sein de l'unité économique et sociale SCHERING PLOUGH et DIOSYNTH) des frais de santé ou des statuts collectifs, la formation professionnelle, les modalités de remboursement des frais de déplacement ou de rémunération des contacts supplémentaires des délégués médicaux, la classification, ou encore l'utilisation du site intranet du comité d'établissement et de la messagerie des instances représentatives du personnel.

S'il ne saurait être tiré aucun argument de ce que dans l'un des sites de la société LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, celui de LA VALLEE, s'applique la convention collective de la chimie, alors que dans le reste de l'ensemble, c'est la convention collective des industries pharmaceutiques qui est appliquée, dès lors que cette différence, interne à l'une des sociétés concernées, est sans effet sur l'existence d'une unité économique et sociale entre l'ensemble des sociétés concernées, l'examen de ces accords d'entreprise ou d'établissement montre que le régime conventionnel applicable aux salariés des différentes sociétés concernées par la présente procédure était, au dépôt de la requête, très diversifié.

Il résulte de la note d'information déjà évoquée (pièce n° 11 des appelants) que «'les accords d'entreprise de LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET et de SCHERING PLOUGH continueraient de s'appliquer au sein de chacune des entités légales concernées sans être remis en cause'», qu'il en serait de même des accords d'établissement, des usages, des engagements unilatéraux et des «'accords atypiques'», ou encore de l'épargne salariale, la situation devant seulement évoluer, par application des dispositions des articles L'2261-14 et L'3323-8 du code du travail, pour ce qui concerne la situation des salariés transférés à la société UNICET (devenue MSD FRANCE).

Dans ces conditions, il ne saurait être retenu que les salariés des différentes sociétés concernées formeraient une communauté unique et homogène de travail, en ce qu'ils bénéficieraient de statuts collectifs identiques.

- sur la permutabilité du personnel des différentes sociétés

Les organisations syndicales appelantes se prévalent (leur pièce n° 5) d'un extrait du site internet accessible à l'adresse http://teamsite.merck.com, qui recense les postes à pourvoir, répartis en deux ensembles, «'SCHERING PLOUGH FRANCE'» et «'MSD-CHIBRET'», et en déduisent qu'existe une mise en commun des postes à pourvoir au sein des deux entités, les dits postes étant présentés indistinctement à l'ensemble des salariés.

Cette simple impression, non datée, est cependant insuffisante à caractériser la permutabilité alléguée, sur l'effectivité de laquelle il n'est apporté aucun élément précis.

Sur les demandes

Il y a lieu, dans ces conditions, faute que l'unité sociale alléguée ait été démontrée, de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Les organisations appelantes seront condamnées aux dépens de la procédure devant la cour, dont distraction au profit de l'avocat des sociétés intimées, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Pour des raisons tirées de considérations d'équité, il ne sera pas fait droit à la demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du même code par les sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS

Reçoit le comité central d'entreprise MSD CHIBRET en son appel provoqué';

Reçoit le comité central d'entreprise MSD FRANCE en son intervention volontaire';

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions';

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles engagés devant la cour';

Condamne la FÉDÉRATION NATIONALE DES INDUSTRIES CHIMIQUES (FNIC) CGT, le syndicat CGT MSD CHIBRET, le SYNDICAT CGT SITE D'ERAGNY SUR EPTE, la FÉDÉRATION NATIONALE DE LA PHARMACIE FORCE OUVRIÈRE, le SYNDICAT CGT FORCE OUVRIÈRE DE MSD CHIBRET et la FÉDÉRATION NATIONALE UNSA CHIMIE PHARMACIE aux dépens, dont distraction au profit de l'avocat des sociétés LABORATOIRES MERCK SHARP & DHOME-CHIBRET, SCHERING PLOUGH, SCHERING PLOUGH HOLDINGS FRANCE devenue FINANCIÈRE MSD, DIOSYNTH FRANCE et UNICET devenue MSD FRANCE.