CA Douai, ch. 2 sect. 1, 23 septembre 2010, n° 09/04327
DOUAI
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
M. Falez
Défendeur :
Gestion de Parc d'Affichage des Communes (Sté), M. Bailleul, M. Bouliez
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Parenty
Conseillers :
M. Deleneuville, Mme Valay-Briere
Avoués :
SCP Deleforge Franchi, SCP Thery-Laurent
Avocats :
Me Desurmont, Me Buffin
Vu le jugement contradictoire du 11 décembre 2008, complété le 18 mars 2009, du tribunal de commerce de Roubaix-Tourcoing qui a déclaré valables les délibérations de l'assemblée générale de la société GPAC du 5 mars 2008, dit n'y avoir lieu à annuler toutes les assemblées ordinaires et extraordinaires, et tout acte découlant des délibérations prises à l'occasion desdites assemblées postérieures au 28 août 2007, débouté MM Jean-Pierre et Cédric FALEZ de leurs demandes et condamné ces derniers à payer (sans indication du bénéficiaire) une somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'appel interjeté le 12 juin 2009 par MM Jean-Pierre et Cédric FALEZ (ci-après les consorts FALEZ) ;
Vu les conclusions déposées le 27 avril 2010 pour ces derniers ;
Vu les conclusions déposées le 6 mai 2010 pour la SAS GPAC, MM Denis BAILLEUL et Guy BOULIEZ ;
Vu l'ordonnance de clôture du 12 mai 2010 ;
Attendu que les consorts FALEZ ont interjeté appel aux fins d'infirmation, annulation de leur exclusion du collège des associés adoptée lors des assemblées générales des 28 août 2007 et 5 mars 2008, condamnation in solidum de la société GPAC, de MM Denis BAILLEUL et Guy BOULIEZ à leur payer, à chacun, 20 000 € à titre de dommages et intérêts ainsi que 7 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la société GPAC, MM Denis BAILLEUL et Guy BOULIEZ, sollicitent la confirmation et la condamnation des consorts FALEZ à leur payer 10 000 € pour la couverture de leurs frais irrépétibles ;
SUR CE :
Attendu que la SAS GPAC (GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES), au capital de 40 000 €, a été immatriculée au RCS de Roubaix Tourcoing le 28 juillet 2005, qu'elle a pour président M. Denis BAILLEUL, pour directeur général M. Guy BOULIEZ et pour associés les consorts FALEZ, qu'elle a pour objet l'assistance des communes dans la gestion de leur parc d'affichage des visuels ;
Attendu que le président a, le 28 mars 2007, appelé les associés à libérer le solde de leurs apports avant le 31 mai 2007 ; que les consorts FALEZ, concernés à hauteur de 4 000 € chacun, n'y ont pas accédé en dépit d'une mise en demeure du 5 juin 2007 ; que le président a également découvert que deux sociétés, détenues majoritairement par M. Jean-Pierre FALEZ et son épouse, cette dernière en étant la gérante, avaient concurrencé sa société en répondant à un appel d'offre de la commune de Saint Laurent Blangy qui était à la recherche d'un prestataire pour « une étude visant à repérer, quantifier et gérer les recettes fiscales liées aux espaces d'informations publicitaires » ; que les consorts FALEZ ont, le 21 juin 2007, été invités à s'expliquer lors d'une réunion prévue pour le 10 juillet 2007 à laquelle ils n'ont pas assisté ; que l'assemblée générale des associés du 28 août 2007 a voté l'exclusion de M. Cédric FALEZ pour non libération du capital souscrit, son père ayant libéré sa part le 17 juillet 2007, et celle de M. Jean-Pierre FALEZ pour infraction aux statuts ;
Attendu que les consorts FALEZ ont, en vue de faire annuler ces délibérations du 28 août 2007, assigné la société GPAC par actes des 17 septembre et 23 novembre 2007 ; que celle-ci a, le 19 février 2008, convoqué à nouveau ses associés pour une assemblée extraordinaire du 5 mars 2008, laquelle a confirmé l'exclusion des associés pour les mêmes motifs ; que, par actes du 15 avril 2008, les consorts FALEZ ont à nouveau assigné la société GPAC, MM Denis BAILLEUL et Guy BOULIEZ, en vue de faire prononcer la nullité des délibérations adoptées le 5 mars 2008 ; que le tribunal, après avoir ordonné la jonction des instances engagées par les actes des 17 septembre et 23 novembre 2007 et 15 avril 2008, a rendu le jugement entrepris ;
Sur l'exclusion des consorts FALEZ lors de l'assemblée du 28 août 2007
Attendu que les consorts FALEZ ont été exclus de la société GPAC dans les formes de l'article 14 des statuts prévoyant qu'elle est adoptée à la majorité des voix des associés autorisés à prendre part au vote, l'associé dont l'exclusion est susceptible d'être prononcée ne participant pas audit vote et ses actions n'étant pas prises en compte pour le calcul de la majorité ;
Attendu que les consorts FALEZ font valoir, à juste titre, que la Cour de Cassation ayant, par un arrêt du 23 octobre 2007 (n° de pourvoi 06-16537), jugé qu'aucune disposition statutaire ne peut priver l'associé, dont l'exclusion est proposée, de son droit de participer à la décision et de voter sur la proposition, doivent être déclarées nulles les délibérations du 28 août 2007 qui les ont exclus du collège des associés de la société GPAC ; que la circonstance qu'ils n'ont pas participé à l'assemblée est indifférente dès lors qu'il avait été précisé dans leur convocation qu'ils n'auraient pas la possibilité de prendre part au vote sur les propositions tendant à leur exclusion ; que le jugement attaqué sera réformé en ce que les premiers juges ont, à tort, refusé de prononcer cette nullité alors que l'arrêt du 23 octobre 2007 susvisé avait vocation à s'appliquer à la présente instance, peu important qu'il ait été rendu postérieurement à l'assemblée générale incriminée dès lors que la jurisprudence est interprétative ;
Sur l'exclusion des consorts FALEZ lors de l'assemblée du 5 mars 2008
Attendu que les consorts FALEZ soutiennent vainement que l'assemblée des associés a été irrégulièrement convoquée au siège social de la société d'avocats BIGNON LEBRAY, en charge des intérêts de la société GPAC avec laquelle ils avaient un différend, faute d'établir qu'ils ont été empêchés d'y assister, eux-mêmes ou leur conseil ; qu'il importe de relever accessoirement que les statuts autorisent le président à convoquer l'assemblée générale en tout autre lieu que le siège social ;
Attendu que M. Cédric FALEZ soutient par contre, à juste titre, que la convocation pour participer à cette assemblée des associés lui a été envoyée à une adresse, [...], que le président de la société GPAC savait être inexacte comme le démontre le procès-verbal de « l'assemblée générale ordinaire réunie extraordinairement » du 28 août 2007 qui précise que son domicile avait été déplacé au [...] ; qu'il s'ensuit qu'il n'a pas été en mesure d'expliquer qu'il avait rempli son devoir d'associé, le 27 septembre 2007, en ayant consigné sur un compte CARPA les 4 000 €, représentant sa part dans le capital social que le président avait appelée le 28 mars 2007, et qu'il ignorait que la date butoir impartie aux associés avait été dépassée, cette lettre de 28 mars 2007 lui ayant été envoyée à une adresse erronée, [...] au lieu du 5 de la même rue ; que la délibération des associés au terme de laquelle a été votée l'exclusion de M. Cédric FALEZ doit en conséquence être déclarée irrégulière pour avoir été adoptée en méconnaissance de son droit fondamental à être entendu avant le vote d'une décision lui faisant grief ;
Attendu que l'exclusion de M. Jean-Pierre FALEZ a été mise au vote, et adoptée, pour « exercice direct ou indirect d'une activité concurrente de celle exercée par la société » GPAC, en vertu de l'article 14 des statuts ; que la société GPAC justifie cette décision par le fait que M. Jean-Pierre FALEZ détient, avec son épouse, la majorité du capital des sociétés TOPO NORD et CARTO CONCEPT, le surplus de l'actionnariat étant très dilué, sociétés qui ont répondu à un appel d'offre émanant de la commune de Saint Laurent Blangy pour lequel elle avait elle-même déposé un dossier, pour en déduire que « dans ce contexte, il paraît inconcevable que Jean-Pierre FALEZ n'intervienne pas dans la gestion des sociétés » ;
Attendu cependant que la gestion de fait ne se présume pas mais se démontre par l'accomplissement, par le gérant présumé, d'actes positifs de direction en lieu et place du dirigeant en titre ; qu'il s'ensuit que la preuve n'est pas faite que M. Jean-Pierre FALEZ, simple associé, s'est substitué, ou même joint, à son épouse, dirigeante des sociétés TOPO NORD et CARTO CONCEPT, pour l'établissement des dossiers d'appel d'offre incriminés ; que son éviction pour concurrence déloyale n'est pas fondée ; que le jugement déféré sera réformé en ce sens ;
Sur les demandes des consorts FALEZ
Attendu qu'il sera donné acte à M. Cédric FALEZ de son offre de déconsigner les fonds représentant sa part dans le capital social de la société GPAC ;
Attendu que la réintégration des consorts FALEZ dans leurs droits d'associés de la société GPAC sera ordonnée ; que leur éviction fautive leur ouvre droit à réparation ; que la Cour trouve au dossier les éléments lui permettant d'allouer à chacun d'eux 10 000 € à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que les consorts FALEZ invoquent l'article L. 225-251 du Code de commerce, applicable aux sociétés par actions simplifiées en vertu des articles L. 227-1 et L. 227-8 du même Code, posant le principe de la responsabilité des dirigeants en cas d'infractions aux dispositions législatives ou réglementaires, de violations des statuts ou de fautes commises dans leur gestion ; que ces dispositions réservant cependant le bénéfice d'une indemnisation à la société elle-même ou aux tiers, les consorts FALEZ, en tant qu'actionnaires, sont irrecevables à demander la condamnation solidaire de MM Denis BAILLEUL et Guy BOULIEZ, pris en leur qualité respective de président et de directeur général de la SAS GPAC et seront en conséquence déboutés ;
Attendu qu'il est équitable de condamner la société GPAC à payer 5 000 € aux consorts FALEZ, ensemble, du chef de l'article 700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement entrepris, statuant à nouveau,
Donne acte à M. Cédric FALEZ de son offre de déconsigner les fonds représentant sa part dans le capital social de la SAS GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES,
Constate la nullité des délibérations adoptées lors des assemblées générales des 28 août 2007 et 5 mars 2008 ayant exclu MM Jean-Pierre et Cédric FALEZ du collège des associés de la SAS GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES, en conséquence dit que MM Jean-Pierre et Cédric FALEZ n'ont pas cessé d'être associés de la dite société depuis le 28 août 2007,
Condamne la SAS GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES à payer à MM Jean-Pierre et Cédric FALEZ, chacun, 10 000 € à titre de dommages et intérêts,
Condamne la SAS GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES à leur payer la somme de 5 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute MM Jean-Pierre et Cédric FALEZ de leur demande de condamnation solidaire de MM Denis BAILLEUL et Guy BOULIEZ, pris en leur qualité respective de président et de directeur général de la SAS GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES,
Condamne la SAS GESTION DE PARC D'AFFICHAGE DES COMMUNES aux dépens de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés, pour ceux d'appel, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.