CA Agen, 1re ch. com., 23 juin 2014, n° 12/01962
AGEN
Arrêt
Confirmation
PARTIES
Demandeur :
Rhum & Coco (SAS)
Défendeur :
Banque Populaire Occitane (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Avocats :
Me Marchio, Me Thizy, Me Gil
La société Quat pates, représentée par Jean-Michel Boulay, a acheté aux consorts DURAND des actions des sociétés Agromed, PCFA, Ital'prestige pour un montant de 2'350'000 euros.
En vertu d'un acte dressé le 16 mai 2006, la BPO a accordé à la société Quat pates sa garantie financière dans le cadre de cette cession de titres, jusqu'à concurrence de la somme de 550'000 euros jusqu'au 30 juin 2010 à minuit au plus tard.
Par convention datée du 19 mai 2006, la BPO a accordé à la société Quat pates un prêt de 1'200'000 euros destiné à financer l'acquisition de ces actions et un apport en compte courant d'associé, prêt stipulé remboursable en 84 mensualités de 16'568,80 euros, intérêts au taux de 4,30 % l'an inclus.
Par acte du 19 mai 2006, la société Rhum & Coco s'est portée caution solidaire de la garantie financière délivrée par la BPO le 16 mai 2006 au débiteur principal la société Quat pates pour un montant de 550'000 euros, acte de cautionnement réel avec en garantie l'affectation en gage d'un portefeuille de 312 titres.
Suite à la défaillance de la société Quat pates, les époux Durand ont fait jouer la garantie financière délivrée par la BPO qui s'est exécutée.
Actionnée en vain, en qualité de caution par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 mai 2009, la société Rhum & Coco a été ensuite assignée en paiement de la somme de 437'414,79 euros auprès du tribunal de commerce d'Antibes puis du tribunal de commerce d'Agen, du fait du transfert du siège social de la société Rhum & Coco de Vallauris à Barbaste.
Par jugement du 14 octobre 2011, le tribunal de commerce d'Antibes constatait le désistement d'instance de la BPO à l'encontre de la société Rhum & Coco et de la société Quat pates.
Par jugement du 14 novembre 2012, le tribunal de commerce d'Agen a :
- débouté la société Rhum & Coco de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamné celle-ci à payer à la BPO la somme de 437'414,79 euros majorés des intérêts légaux à compter du 21 septembre 2010,
- dit que les intérêts seront capitalisés annuellement par application de l'article 1154 du Code civil,
- dit qu'en cas d'exécution forcée des condamnations prononcées dans ce jugement, les frais d'huissier retenus sur la base du décret du 8 mars 2001 seront supportés par la société Rhum & Coco,
- condamné la société Rhum & Coco à payer à la BPO la somme de 4 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la BPO de ses autres demandes,
- condamné la société Rhum & Coco aux entiers dépens,
- liquidé les dépens à la somme de 80,85 euros.
Par conclusions déposées et signifiées le 6 mars 2013 auxquelles il convient de se référer expressément pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, la société Rhum & Coco demande à la cour :
- d'infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Agen le 14 novembre 2012 en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau au visa des articles 1134, 2289, 2290 du Code civil :
- dire et juger que la demande présentée par la BPO à l'encontre de la société Rhum & Coco en vertu du cautionnement réel en date du 19 mai 2006 est caduque car postérieure au 30 juin 2010,
- condamner la BPO à payer la somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Me Erwan VIMONT sous sa due affirmation de droit,
subsidiairement,
- prononcer la nullité de l'engagement de caution réelle en date du 19 mai 2006, celle-ci n'étant pas limitée dans le temps,
- condamner la BPO au paiement de la somme de la 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux entiers dépens au profit de Me Vimont sous sa due affirmation de droit.
Par conclusions déposées et signifiées le 2 mai 2013 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits moyens et prétentions, la Banque populaire occitane (BPO) demande à la cour, au visa des articles 1134, 1905, 2288 et suivants du Code civil et des articles L. 227 et suivants du code de commerce, de :
- débouter la société Rhum & Coco de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 14 novembre 2012 par le tribunal de commerce d'Agen,
- condamner la société Rhum & Coco à régler à la BPO la somme de 437'414,79 euros au titre de la garantie financière provisoirement un arrêté au 21 septembre 2010 puis à parfaire des intérêts au taux légal jusqu'à l'entier paiement,
- ordonner par application de l'article 1154 du Code civil la capitalisation annuelle des intérêts,
- dire et juger que dans l'hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenu en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Rhum & Coco à régler à la BPO la somme complémentaire de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 septembre 2013.
MOTIFS DE l'ARRÊT
La société Rhum & Coco invoque d'une part, la caducité de l'acte de cautionnement réel qu'elle avait souscrit, et subsidiairement, la nullité de son engagement de caution.
A titre liminaire, il convient de rappeler que les relations entre la BPO et la société Rhum & Coco étaient régies par l'acte d'engagement réel signé le 19 mai 2006, acte portant la mention de caution pour «la garantie financière d'un montant de 550'000 euros» et libellé dans les termes suivants :
'Je soussigné' déclare me porter caution indivisible mais néanmoins réelle en application de l'affectation en nantissement stipulé ci-après et je m'engage à ce titre au profit de la banque populaire occitane a rembourser, en cas de défaillance du débiteur principal dans les limites de mon cautionnement, toutes les sommes que ce dernier pourrait devoir à la banque en principal, intérêts, frais et accessoires comprenant toute indemnité de résiliation anticipée au titre de l'obligation ci-dessus définie dont je déclare parfaitement connaître toutes les conditions, et donc j'accepte qu'elle ne soit applicable. Le présent engagement garantira le paiement de toutes sommes dues au titre de toute ouverture de crédit renouvelée.
article deux : en raison du caractère solidaire de mon engagement de caution, je renonce au bénéfice de discussion et de division. En renonçant au bénéfice de discussion, je m'engage à payer la banque, sans pouvoir exiger de cette dernière qu'elle poursuive préalablement le débiteur principal sur ces biens. Je ne saurais encore subordonner l'exécution de mon engagement à une mise en demeure préalable du débiteur principal par la banque, l'exigibilité des créances de cette dernière à l'égard du débiteur principal entraînant de plein droit l'exigibilité de ma dette de caution et les écritures de la banque étant à cet effet opposables'.
Cet acte de caution portait les mentions manuscrites obligatoires correspondantes, signées par Jean-Michel Boulay, en sa qualité de président.
La société Rhum & Coco invoque d'une part, la caducité de cet acte de cautionnement réel, aucun recours n'ayant été exercé contre elle dans le délai imparti, qui expirait le 30 juin 2010 , et subsidiairement, la nullité de son engagement de caution pour n'avoir pas été autorisé par l'assemblée générale, pour non respect de l'objet social, pour n'être pas limité dans le temps.
C'est par des motifs pertinents, qui ne sont pas utilement critiqués par l'appelante et que la Cour s'approprie, que les premiers juges ont justifié leur décision, qui mérite confirmation.
Il suffira de rappeler, respectivement d'ajouter :
- que l'engagement de caution de l'appelante n'était pas caduc lorsqu'elle a été recherchée sur son fondement, la date du 30 juin 2010 constituant la limite de la garantie financière accordée par la BPO au bénéfice des consorts DURAND, le cautionnement réel de la société Rhum et Coco n'étant assorti d'aucun terme autonome ;
- que l'engagement de caution est régulier dès lors que l'article 13 des statuts de la société par actions simplifiée Rhum & Coco mentionne que son président dispose des pouvoirs les plus étendus et que par suite son président, M. Jean-Michel Boulay pouvait engager la société valablement, en qualité de caution, conformément à son objet social visant notamment 'toute prise de participation dans les sociétés 'françaises et étrangères...', l'administration et la gestion de ces participations, l'achat et la gestion de biens ou droits immobiliers'' ;
- qu'aucun dépassement de l'objet social ne peut être utilement invoqué à l'égard d'un acte ayant pour objet de garantir un engagement financier en faveur d'une banque, et ce notamment en application des dispositions de l'article 227.6 du code de commerce qui prévoit que la société est engagée même par les actes du Président qui ne relèvent pas de l'objet social, à moins qu'elle ne prouve que le tiers savait que l'acte dépassait l'objet social ou ne pouvait l'ignorer ; ce qui n'est même pas allégué et a fortiori démontré ;
- que la BPO produit les pièces justifiant qu'elle a réglé à M. Durand les sommes de 211'191 euros et de 219'480 euros à des dates antérieures au 30 juin 2010, soit le 29 mai 2009 et 12 mars 2010 ;
- que l'engagement de caution sans limitation de durée n'est pas nul, qu'il est à durée indéterminée, avec faculté pour celui qui l'a souscrit de le révoquer à tout moment ;
- que la garantie accordée par la BPO était à durée limitée et que la contre-garantie avait bien elle aussi une durée limitée, mais non un terme autonome et distinct de celui de l'obligation principale ;
- que le tribunal de commerce d'AGEN a relevé le caractère accessoire de l'engagement de caution litigieux et l'accord donné par la société Rhum & Coco le 9 juin 2011 préalablement à toute renonciation éventuelle de poursuite de la part de la BPO à l'égard du débiteur principal,
- que c'est à bon droit que la société Rhum & Coco à régler la somme de 437'414 euros à la BPO, majorés des intérêts légaux échus à partir du 21 septembre 2010.
La somme complémentaire de 1 500 euros sera allouée à la BPO au titre de l'art 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Agen le 14 novembre 2012 en toutes ses dispositions,
Et y ajoutant,
CONDAMNE la société Rhum & Coco à payer à la Banque populaire occitane la somme de 1'500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel,
CONDAMNE la société Rhum & Coco aux entiers dépens.