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Décisions

CA Nîmes, 4e ch. com., 4 juin 2020, n° 19/00177

NÎMES

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

ARS (SARL)

Défendeur :

Isosign (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Codol

Conseillers :

M. Gagnaux, Mme Granier

JEX Nîmes, du 1 janv. 2019

1 janvier 2019

Vu l'appel interjeté le 15 janvier 2019 par la S.A.R.L ARS à l'encontre du jugement rendu le 11 janvier 2019 par le juge de l'exécution du tribunal de NIMES dans l'instance n° 17/03836.

Vu les dernières conclusions déposées le 8 juillet 2019 par l'appelante la S.A.R.L ARS et le bordereau de pièces qui y est annexé.

Vu les dernières conclusions déposées le 15 novembre 2019 par la S.A.S ISOSIGN intimée et le bordereau de pièces qui y est annexé.

EXPOSÉ :

La S.A.S ISOSIGN se présente comme ayant une activité de fabrication et commerce de gros de fournitures et d'équipements industriels et notamment des panneaux de signalisation routiers, ayant depuis plusieurs années une relation commerciale avec la S.A.R.L ARS exploitant un fonds de commerce de même nature ou proche.

Dans le cadre de son activité commerciale et depuis le mois de septembre 2015, la société ISOSIGN a vendu à la société ARS un certain nombre de marchandises pour un montant total de 84 735,36 €TTC, sans paiement en contrepartie.

Le 5 janvier 2016, la société ARS a indiqué avoir adressé par lettre deux chèques couvrant les factures des mois de novembre et décembre 2015, courrier qui se serait révélé vide, et l'ayant appris a alors par retour déclaré faire opposition pour les deux chèques et renouveler son règlement : la somme en cause s'élevait à 49 237.15 €, dette donc non contestée.

Aucun paiement n'intervenait et des livraisons se poursuivaient jusqu'à une 'troisième relance' par lettre recommandée avec avis de réception du 2 juin 2016 pour un total désormais de factures à hauteur de 84 303,68 euros, étant précisé qu'une 'première relance' du 16 mars 2016 faisait expressément état du bénéfice d'une clause de réserve de propriété.

Par ailleurs, entre-temps, la S.A.R.L ARS contestait en février 2016 une rupture du partenariat du 29 octobre 2015 d'une convention du 27 mai 2015 et indiquait consigner les 'sommes dues' par elle à hauteur de 60 248,52 euros.

La S.A.S ISOSIGN a initié devant le tribunal de commerce de Nîmes une procédure d'injonction de payer des factures impayées pour un montant de 85 871,35 euros, et obtenait une ordonnance le 29 mars 2016 pour la somme de 65 871,35 euros 'en principal au titre des factures impayées de l'année 2015".

L'ordonnance était signifiée à la S.A.R.L ARS le 15 avril 2016 et dès le 3 mai 2016 il était dénoncé une saisie conservatoire de créances au visa de l'ordonnance d'injonction de payer et d'un procès-verbal de saisie conservatoire du 2 mai 2016 entre les mains de la S.A Banque populaire du Sud à Nîmes.

Sur opposition par la S.A.R.L ARS le 2 mai 2016 à l'ordonnance d'injonction de payer, le tribunal de commerce de Nîmes le 19 mai 2017 a considéré que l'article 7 de la convention du partenariat commercial dénoncé entre les parties donnait compétence pour toute contestation entre les parties au tribunal de commerce de Paris : cette décision a été signifiée le 26 septembre 2017 par la S.A.S ISOSIGN à la S.A.R.L ARS.

Parallèlement, le 21 juillet 2017, la S.A.S ISOSIGN a signifié à la S.A Banque populaire du Sud à Nîmes un acte de conversion de saisie conservatoire de créances avec demande d'attribution immédiate de la créance saisie au profit du créancier.

Cet acte d'huissier de conversion a été signifié le 26 juillet 2017 au débiteur prétendu la S.A.R.L ARS qui a assigné la S.A.S ISOSIGN devant le juge de l'exécution de Nîmes pour contester la créance, en sollicitant la mainlevée de la saisie conservatoire et de sa conversion.

Le juge de l'exécution par jugement en date du 1 janvier 2019 a jugé :

''DECLARE irrecevable la demande de mainlevée de la saisie conservatoire du 2 mai 2016 par la S.A.R.L ARS ;

DECLARE irrecevable la contestation de l'acte de conservation du 21 juillet 2017 demandée par la SARL ARS ;

REJETTE la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive de la S.A.S ISOSIGN CONDAMNE la S.A.R.L ARS à payer à la S.a.r.l ISOSIGN la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la S.A.R.L ARS aux dépens ; REJETTE les demandes pour le surplus.'

La S.A.R.L ARS - appelante- demande à la Cour au dispositif de ses dernières écritures :

' Vu le jugement du Juge de l'exécution le 11 janvier 2019 ;

Vu l'article R 121-22 du code des procédures civiles d'exécution ;

Vu les articles R 512-2 et R 523-9 du code des procédures civiles d'exécution ;

Vu l'article 16 du code de procédure civile ;

Vu I'ordonnance du 1er Président du 15 mars 2019,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Vu l'article L 511-1 du code des procédures civiles d'exécution,

Vu les articles L 111 -7 et R 523-7 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

DIRE ET JUGER l'appel recevable en la forme,

INFIRMER le jugement rendu par le Juge de l'exécution le 11 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau :

DIRE ET JUGER que les demandes de la société ARS sont recevables,

I-C. que la créance revendiquée par la société ISOSIGN est formellement contestée par la société ARS et ne parait pas fondée dans son principe,

DIRE ET JUGER que la société ISOSIGN ne justifie pas de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance,

En conséquence,

ORDONNER la mainlevée de la saisie conservatoire diligentée par I'Huissier de justice le 02 mai 2016, dénoncée le 03 mai 2016, pour un montant de 66 482,18 euros,

Il C. que la société ARS a formé opposition le 02 mai 2017 à I'ordonnance d'injonction de payer en date du 29 mars 2016, signifié le 15 avril 2016,

C. qu'aucun jugement définitif n'est encore intervenu pour trancher sur le fond du litige opposant la société ARS à la société ISOSIGN,

DIRE ET JUGER que la société ISOSIGN a signifié un acte de conversion de saisie conservatoire d'un montant de 67 539,93 euros sur le compte bancaire de la société ARS, le 21 juillet 2017 alors même qu'eIIe ne disposait d'aucun titre exécutoire,

En conséquence,

ACUEILLIR la contestation de la société ARS relative à I'acte de conversion diligenté à son encontre,

DIRE ET JUGER que I'acte de conversion de saisie conservatoire diligenté le 21 juillet 2017 est abusif et ne repose sur aucun titre exécutoire,

ANNULER l'acte de conversion de saisie conservatoire diligenté le 21 juillet 2017 pour un montant de 67 539,93 euros et, en tout état de cause, le déclarer inefficace en l'absence de titre exécutoire,

III - EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DEBOUTER la société ISOSIGN de la totalité de ses prétentions, demandes incidentes, fins et conclusions,

CONDAMNER la société ISOSIGN à la somme de 10 000 € en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution d'un acte d'exécution abusif,

CONDAMNER la société ISOSGIN à la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de I'instance.'

* * *

La S.A.S ISOSIGN - intimée et appelante incidente - demande à la Cour au dispositif de ses dernières écritures :

'VU l'ordonnance rendue sur pied de requête portant injonction de payer rendue par le

Président du Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 29 mars 2016,

VU le jugement rendu parle Tribunal de Commerce de Nîmes en date du 19 mai 2017,

VU l'article 523-7 du Code de Procédure Civile d'Exécution,

VU jugement rendu par le juge de l'exécution près le Tribunal de Grande Instance de Nîmes

en date du 11 janvier 2019

VU l'article 1231 -7 et 1147 ancien du Code civil

C. que la créance que la société ISOSIGN détient sur la société ARS est

incontestable, certaine, liquide et exigible.

EN CONSEQUENCE,

CONFIRMER le jugement rendu par le juge de l'exécution près le Tribunal de Grande Instance de Nîmes en date du l 1 janvier 2019 en ce qu'il a déclaré irrecevable d'une part la demande de mainlevée de la saisie conservatoire en date du 2 mai 2016, d'autre part la contestation de l'acte de conversion en date du 21 juillet 2017 sollicitées par la SARL ARS.

DIRE ET JUGER conforme, bonne et valable l'acte de conversion de la saisie conservatoire en mesure de saisie-exécution diligentée par exploit de Maître M. en date du 21 juillet 2017.

CONDAMNER la société ARS à. payer à la société ISOSIGN la somme de 84 735,36 € TTC avec intérêts de droit.

DIRE ET JUGER que la résistance abusive de la société ARS a généré un préjudice pécuniaire certain à la société ISOSIGN qu'il y a lieu de réparer par l'octroi d'une somme de 10 000 € à titre de dommages intérêts.

DEBOUTER la société ARS de l'ensemble de ses autres demandes fins et conclusions.

CONDAMNER la société ARS à la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du NCPC.

CONDAMNER la société ARS aux entiers dépens.'

Pour plus ample exposé des faits de la cause et le développement des moyens de droit ou de fait des parties au soutien de leurs prétentions, il est renvoyé à leurs dernières écritures exposées dans leurs développements essentiels infra par la Cour en la motivation du présent arrêt.

* * *

MOTIVATION :

Sur le non-respect par le premier juge de l'article 16 du code de procédure civile

Il résulte du jugement de première instance que le premier juge a d'office soulevé l'irrecevabilité des demandes de la S.A.R.L ARS pour non-respect du délai de 15 jours de l'article R 523 -9 du Code des procédures civiles d'exécution et saisine d'une juridiction incompétente au visa de l'article R 512-2 du Code des procédures civiles d'exécution.

En soulevant d'office ces questions de procédure qui n'étaient pas dans le débat de première instance, le premier juge n'a pas respecté le principe du contradictoire mais il n'est pas demandé dans le dispositif des écritures de l'appelante la nullité du jugement.

Il n'y a donc pas lieu de statuer de ce chef.

Sur la recevabilité de la contestation de la S.A.R.L ARS

Sur la recevabilité et le respect du délai de 15 jours de l'article 523-9 du Code des procédures civiles d'exécution, il est justifié et non contesté par la S.A.S ISOSIGN intimée que si la contestation de la conversion du 26 juillet 2016 est parvenue le 14 août 2017 à l'huissier, l'envoi en était intervenu le 9 août 2017 selon cachet de la Poste, en conséquence conformément au délai.

Par ailleurs l'article R512-2 du Code des procédures civiles d'exécution dispose :

' La demande de mainlevée est portée devant le juge qui a autorisé la mesure. Si celle-ci a été prise sans autorisation préalable du juge, la demande est portée devant le juge de l'exécution du lieu où demeure le débiteur. Toutefois, lorsque la mesure est fondée sur une créance relevant de la compétence d'une juridiction commerciale, la demande de mainlevée peut être portée, avant tout procès, devant le président du tribunal de commerce de ce même lieu'.

La compétence du président du tribunal de commerce n'est possible que dans l'hypothèse de l'article L 511-3 du Code des procédures civiles d'exécution, lorsqu'il a autorisé la mesure, le texte disposant :

'L'autorisation est donnée par le juge de l'exécution. Toutefois, elle peut être accordée par le président du tribunal de commerce lorsque, demandée avant tout procès, elle tend à la conservation d'une créance relevant de la compétence de la juridiction commerciale'.

La S.A.S ISOSIGN intimée ne conteste pas ce point désormais expressément soutenu par la S.A.R.L ARS , et en conséquence dans le débat.

La juridiction saisie du juge de l'exécution était donc bien compétente.

AU FOND, sur la mesure d'exécution

Il n'appartient pas à la cour, saisie en appel d'une contestation initiée devant le juge de l'exécution, de statuer au fond sur la créance ou les créances opposant les parties ( bien fondé des factures sur la demande principale et sur la demande reconventionnelle pour objectifs commerciaux de contrat non atteints et concurrence déloyale justifiant la rupture des relations commerciales , ...).

Il est constant que sur la contestation de la S.A.R.L ARS relativement à la compétence de la juridiction saisie au fond par l'opposition à l'injonction de payer, le tribunal de commerce de Nîmes s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, et la S.A.S ISOSIGN a non seulement pris l'option - qu'elle revendique d'ailleurs en ses écritures - de ne pas contester cette incompétence, mais elle a même pris l'initiative de la faire signifier à la S.A.R.L ARS.

L'opposition à injonction de payer n'a jamais été contestée en son principe et le jugement rendu se substitue totalement à l'ordonnance contestée conformément à l'article 1420 du Code de procédure civile.

L'ordonnance d'injonction de payer ne peut pas être invoquée comme un titre exécutoire pouvant servir de fondement à une mesure conservatoire ou d'exécution.

En l'absence d'un titre exécutoire pouvant servir de fondement tant à la mesure conservatoire en l'absence de toute autorisation préalable - et d'ailleurs de tout risque avéré de difficultés sérieuses en compromettant à terme le paiement-, qu'a fortiori à la conversion de cette mesure conservatoire, il y a lieu de faire droit aux demandes de la S.A.R.L ARS, en ordonnant la mainlevée de l'ensemble des mesures prises par la S.A.S ISOSIGN.

Sur la demande de dommages-intérêts de la S.A.R.L ARS pour procédure abusive

Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la S.A.S ISOSIGN a entendu poursuivre une procédure d'exécution dans les présentes circonstances.

Sur l'appréciation du préjudice ainsi causé, la cour ne peut faire une appréciation au fond du comportement par ailleurs de la S.A.R.L ARS qui relève d'une procédure en cours devant une autre juridiction.

Le risque encouru par une éventuelle conversion menée à son terme est seul légitimement invoqué et sera à suffire à indemniser à hauteur de 500 €.

Sur les frais et dépens

La S.A.S ISOSIGN qui succombe sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, outre à payer à la S.A.R.L ARS la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

Dit recevable et bien fondée la saisine du juge de première instance en sa qualité de juge de l'exécution ;

Au fond sur la contestation des mesures conservatoire et d'exécution, constate l'absence de titre exécutoire tant pour la mesure conservatoire initiale que pour la demande de conversion de cette mesure ;

Ordonne en conséquence la mainlevée de la saisie conservatoire diligentée le 2 mai 2016 à la requête de la S.A.S ISOSIGN, avec toutes conséquences de droit ;

Déboute la S.A.S ISOSIGN de l'ensemble de ses prétentions et notamment de voir la cour d'appel statuer au fond du litige opposant les parties sur l'existence de créances éventuelles réciproques ;

Condamne la S.A.S ISOSIGN à payer à la S.A.R.L ARS la somme de 500 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la S.A.S ISOSIGN aux entiers dépens de première instance et d'appel.