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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 5, 26 octobre 2022, n° 20/01632

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Gertop Polytechnique Du CCS (SARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Sentucq

Conseillers :

Mme Morlet, Mme Pelier-Tetreau

Avocats :

Me Jeanmougin, Me Brousse

T. com. Meaux, du 5 nov. 2019, n° 201700…

5 novembre 2019

FAITS ET PROCEDURE

La société GERTOP POLYTECHNIQUE DU CCS (ci-après, GERTOP POLYTECHNIQUE), entreprise spécialisée dans la réalisation et la pose de couverture, chauffage centrale, sanitaire, carrelage et maçonnerie et la société ETABLISSEMENT [O], dont le gérant est Monsieur [O], entretiennent des relations commerciales sur des chantiers communs.

En 2010, Monsieur [O] fait appel à la société GERTOP POLYTECHNIQUE pour la rénovation de la salle de bains à son domicile personnel.

Les travaux sont effectués.

La société GERTOP POLYTECHNIQUE fait parvenir une facture pour les travaux effectués à la société ETABLISSEMENT [O].

Cette facture reste impayée et par une mise en demeure délivrée par lettre recommandée envoyée le 11 juillet 2016, le conseil de la société GERTOP POLYTECHNIQUE sommait la société SAS [O] de lui régler sous huitaine la somme de 17 202,72 euros correspondant aux travaux réalisés selon facture du 29 mars 2012.

Suivant exploit d'huissier en date du 9 mars 2017, la société GERTOP POLYTECHNIQUE a donné assignation à la société ETABLISSEMENT [O], à comparaître devant le tribunal de commerce de Meaux.

Par jugement du 5 novembre 2019, le Tribunal de commerce de Meaux a statué en ces termes :

Reçoit la société GERTOP POLYTECHNIQUE en sa demande, au fond la dit mal fondée et l'en déboute,

Met hors de cause la société ETABLISSEMENT [O],

Reçoit la société ETABLISSEMENT [O] en ses demandes, au fond les dit bien fondées.

Condamne la société GERTOP POLYTECHNIQUE à payer à la société ETABLISSEMENT [O] la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que tous les dépens, qui comprendront le coût de l'assignation qui s'élève à 69,45 euros T.T.C, ainsi que les frais de greffe liquidés a 77,08 euros T.T.C, en ce non compris le coût des actes qui seront la suite du présent jugement, resteront à la charge de la Société GERTOP POLYTECHNIQUE.

Par déclaration d'appel déposée au greffe de la cour le 15 janvier 2020, la société GERTOP POLYTECHNIQUE a interjeté appel dudit jugement intimant devant la cour d'appel de Paris la société ETABLISSEMENT [O].

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 9 octobre 2020, l'appelante, la SARL GERTOP POLYTECHNIQUE, demande à la cour de :

Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Meaux le 5 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Débouter la SAS ETABLISSEMENT [O] de toutes ses demandes reconventionnelles,

Condamner la SAS Établissement [O] à payer à la SARL GERTOP Polytechnique la somme en principal de 17.162,72 € augmentée des intérêts légaux à compter du 11 juillet 2016 date de la première mise en demeure,

A titre subsidiaire,

Vu les dispositions de l'article 1240 du code civil,

Dire que la SAS Établissement [O] a commis une faute en concourant au préjudice causé à la SARL GERTOP Polytechnique,

Condamner la SAS Établissement [O] à payer à la société GERTOP Polytechnique la somme de 17.162 € à titre de dommages intérêts au titre des manœuvres commises par son Président,

Condamner solidairement la SAS Établissement [O] à payer à la société GERTOP Polytechnique la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

La condamner aux entiers dépens.

Par conclusions signifiées via le réseau privé virtuel des avocats le 9 juillet 2020, l'intimé, la société ETABLISSEMENT [O], demande à la cour de :

Confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions ;

Y ajoutant, ordonner à la société GERTOP POLYTECHNIQUE de rembourser à la société ETABLISSEMENT [O] ses frais non compris dans les dépens à concurrence de 2.000 €, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Laisser à la société GERTOP POLYTECHNIQUE la charge des entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Adrien Brousse, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 mai 2022.

SUR QUOI,

LA COUR,

1- Sur la demande en paiement

Le tribunal a retenu que le devis n'étant pas signé et aucune acceptation n'étant démontrée, la preuve d'un accord sur la chose et sur le prix n'est pas rapportée.

La société Etablissement [O] fait valoir qu'elle a été sollicitée par la société GERTOP POLYTECHNIQUE pour la démolition d'une salle de bains existante et la reconstruction d'une nouvelle salle de bains dans une maison qui s'est avérée être celle du dirigeant de ladite société et que ce n'est qu'une fois les travaux réalisés, lesquels ont duré plusieurs semaines, que la société intimée, sommée de régler, a fait valoir que les travaux ne la concernaient pas mais son dirigeant et son épouse. Elle soutient, au visa de l'article L 227-6 du code de commerce, que la société est engagée à l'égard des tiers par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet social sauf à prouver que le tiers connaissait le dépassement de l' objet social ou ne pouvait l'ignorer compte tenu des circonstances. Elle souligne que le devis et la facture initialement établis au nom de la SAS Etablissements [O] constituent un commencement de preuve par écrit quant au commanditaire des travaux et que la société intimée, au regard de son activité de vitrerie et de peinture était parfaitement informée du coût des travaux dont le seul poste fourniture et pose de sanitaires représentait 14 000 euros.

Elle fait en outre valoir que si une erreur ou une incompréhension avait été commise, il incombait à Monsieur et Madame [O] de régler la facture personnellement et de solliciter l'établissement d'une facture à leur nom.

La société Etablissements [O] oppose qu'elle a contracté avec l'appelante non pas dans le cadre de son objet social mais pour le compte de son gérant [L] [O] et de son épouse à titre personnel pour des travaux de rénovation de la plomberie d'une salle de bains à leur domicile, que le représentant de la société est venu sur place et a évalué le montant des travaux à 4 000 euros sans fournir de devis préalable. Elle indique que les travaux ont duré trois jours et qu'une fois achevés, la société GERTOP POLYTECHNIQUE a adressé à la société et non aux époux, sans aucune explication ni détail du tarif, une facture à hauteur de 17 162,72 euros. Etant restés sans nouvelle de la société GERTOP POLYTECHNIQUE pendant une année, ils indiquent qu'au début de l'année 2013, celle-ci leur a adressé un document improprement qualifié devis, faisant référence à un montant inférieur à la facture initial de 13 143,02 euros TTC dont ils ont refusé de s'acquitter compte tenu de son caractère excessif. Ils soulignent qu'ils sont ensuite restés sans nouvelle de la société GERTOP POLYTECHNIQUE pendant plusieurs années pour finalement recevoir le 11 juillet 2016 une facture de 17 202,72 euros puis le 18 juillet 2016 une facture de 18 060,86 euros.

Selon les intimés, la société ETABLISSEMENTS [O] doit être mise hors de cause au motif qu'aucune disposition légale n'oblige une partie autre que la société débitrice à rembourser les dettes de l'un des associés ou de son président sauf en cas de dépassement de l’objet social cette preuve n'étant pas rapportée en l'absence de tout document établissant que la société intimée ait pris la qualité de co-contractant. Ils précisent en outre que la société appelante avait une parfaite connaissance du fait que l'ensemble des bons de livraison de matériels avaient été signés par Madame [O] et que c'est en considération de cet élément qu'elle a adressé à la société intimée un nouveau devis à l'ordre de Monsieur et Madame [O] au mois de mars 2013.

Réponse de la cour :

Selon les dispositions de l'article 1315 du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de la l'ordonnance du 10 février 2016 applicable au litige : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. »

L'exécution des travaux n'est en l'espèce pas contestée, les parties s'accordant sur le fait que ceux-ci ont consisté en la rénovation d'une salle de bains avec fourniture et pose de sanitaires outre les travaux d'alimentation au domicile personnel du dirigeant de la SAS [O] au [Adresse 1].

Un devis a été adressé le 7 février 2011 à l'adresse de la société ETABLISSEMENT [O] [Adresse 3] le 7 février 2011 pour un montant de 17 162,72 euros TTC portant sur les travaux de salle de bains au 1er étage attenant à la chambre des parents.

Ce devis n'a certes pas été signé mais il a été suivi suivi d'une facture envoyée à l'adresse de cette même société faisant suite aux travaux réalisés conformément au descriptif du devis et à hauteur du même montant, la société ETABLISSEMENT [O] ne produisant aucun élément de nature à étayer un commencement de preuve de la contestation qu'elle émet relativement à l'erreur de facturation qu'elle invoque laquelle ne saurait en tout état de cause l'exonérer de son obligation à paiement puisqu'elle a accepté que des travaux ayant fait l' objet d'un devis à l'adresse de son établissement soient réalisés au domicile personnel du dirigeant.

En outre les relations d'affaires dans lesquelles se trouvaient de manière constante les deux parties depuis plusieurs années autorisaient l'appelante à croire légitimement en la qualité de cocontractant de la société ETABLISSEMENTS [O] quand rien ne vient au soutien du fait, allégué mais non prouvé par l'intimée, que l'épouse du dirigeant Monsieur [O] ait été la signataire des bons de livraison du matériel ce qui là encore ne suffirait pas à exonérer la société ayant ratifié les travaux de son obligation à paiement.

Surabondamment il sera observé que la résistance de la société débitrice à régler les prestations exécutées par l'appelante est de nature à expliquer l'envoi d'un deuxième devis au nom de Monsieur et Madame [O], conformément à la demande de l'intimée postérieurement à l'exécution des travaux, moyennant une ristourne portant sur la fourniture d'un meuble vasque manifestement motivée par le refus de règlement du prix du marché.

Par conséquent et sur infirmation, la société ETABLISSEMENT [O] sera condamnée à régler à la société GERTOP POLYTECHNIQUE la somme de 17 162,72 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure délivrée le 11 juillet 2016.

2- Les dépens et les frais irrépétibles

La société ETABLISSEMENT [O] succombante sera condamnée aux dépens et au règlement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles à la société GERTOP POLYTECHNIQUE.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société SAS ETABLISSEMENT [O] à régler à la société GERTOP POLYTECHNIQUE la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société SAS ETABLISSEMENT [O] aux entiers dépens de première instance et d'appel.