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Décisions

CA Versailles, ch. 1 sect. 1, 7 septembre 2018, n° 16/06715

VERSAILLES

Arrêt

PARTIES

Demandeur :

F.

Défendeur :

L. veuve B.

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Monsieur Alain PALAU

Conseillers :

Madame Anne LELIEVRE, Madame Nathalie LAUER

Avocats :

SELARL LEXAVOUE PARIS VERSAILLES, SCP C. G.N. T.

Nanterre, du 11 août 2016

11 août 2016

Vu le jugement rendu le 11 août 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre qui a :

- dit n'y avoir lieu à application de la majoration de cinq points sur la somme de 170 377,02 euros,

- ordonné le renvoi des parties devant Maître François Burneau, notaire à Issy les Moulineaux, pour qu'il soit procédé au partage conformément à son projet d'état liquidatif du 3 décembre 2014 après rectificatif du décompte des intérêts au taux légal,

- débouté les parties de toutes autres demandes,

- ordonné l'exécution provisoire,

- ordonné l'emploi des dépens en frais généraux de partage ;

Vu l'appel relevé le 12 septembre 2016 par M. F. qui dans ses dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2017 demande à la cour de :

- annuler le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

- à titre subsidiaire, l'infirmer et, statuant à nouveau,

- débouter l'intimée, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- constater que par acte notarié du 4 février 2008 ainsi que dans l'assignation du 11 août 2008, Mme Claudette L. a expressément renoncé à tout droit autre que ses droits sur la valeur de la maison de Quiberon,

- constater au vu de l'ensemble des décisions rendues entre les parties, que M. F. n'a jamais été jugé débiteur d'une somme, ni d'une restitution de la valeur de la maison de Quiberon à l'égard de la succession de M. Raymond B. décédé le 9 mars 1983,

- dire que faute de toute créance contre qui que ce soit, l'indivision successorale de Raymond B. est vide et que les droits de Mme L. sont égaux à zéro,

- constater que depuis le décès intervenu il y plus de trente ans, le 9 mars 1983, ni Jacques B., ni son épouse Mme L., n'ont interrompu la prescription de l'action en réduction ni revendiqué le droit à réserve,

- dire en conséquence que Mme L. ne dispose d'aucun droit dans la succession de Raymond B. qui est intégralement dévolue, faute de réduction, à son épouse Suzanne B. en qualité de donataire, aux droits de laquelle vient M. F.,

- condamner en conséquence Mme L. à restituer à M. F. l'avance sur sa part qu'il lui a versée le 16 juillet 1996 à hauteur de 45 734,70 euros en exécution d'un arrêt du 9 novembre 1996, avec intérêts légaux à compter du paiement de cette avance intervenu le 16 juillet 1996 et capitalisation annuelle desdits intérêts,

- ordonner la mainlevée de l'hypothèque conservatoire prise sur le bien sis ..., cadastré section AZ n°85 publiée et enregistrée le 5 août 2008 à la conservation des hypothèques de Meaux, volume 2008 V n°5663, à hauteur de 230 000 euros sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification du jugement,

- dire que faute pour Mme L. de procéder à cette mainlevée, M. F. sera en droit, sur présentation de la minute de la décision à intervenir, de faire publier la mainlevée de cette

hypothèque conservatoire nonobstant son droit à faire liquider l'astreinte,

- condamner Mme L. à verser à M. F. la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner Mme L. à verser à M. F. la somme de 60 000 euros au titre de l'article sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens, dont distraction au profit de la selarl Lexavoué, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions notifiées le 20 novembre 2017 par lesquelles Mme L. demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris du 11 août 2016 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à la majoration de cinq points sur la somme de 170 377,02 euros,

Statuant à nouveau,

- homologuer le projet d'état liquidatif dressé par Me Burneau le 3 décembre 2014,

- débouter M. F. de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. F. à payer à Mme L. la somme de 30 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Raymond B. est décédé le 9 mars 1983 laissant pour lui succéder d'une part Suzanne B., son épouse séparée de biens, donataire de ses biens aux termes d'une donation notariée du 20 avril 1972 et d'autre part son fils Jacques B., issu de sa première union.

Suzanne B. veuve B. est elle même décédée le 17 août 1987 laissant pour recueillir sa succession, Jean Marc F., son neveu désigné comme son légataire universel.

Jacques B., héritier réservataire de son père Raymond B., s'estimant lésé de ses droits en raison de l'acquisition en mai 1962 par son père, au nom de son épouse Suzanne B., d'un terrain situé à Quiberon sur lequel il avait fait édifier une villa, a saisi le tribunal de grande instance de Nanterre afin de faire constater l'existence d'une donation déguisée.

Nombre de décisions de justice ont par la suite été rendues :

- par jugement du 27 février 1991, le tribunal de grande instance de Nanterre a annulé l'acte du 12 mai 1962 comportant acquisition de l'immeuble susvisé comme constituant une donation déguisée par Raymond B. au profit de son épouse Suzanne B., a ordonné l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession des époux B., constaté l'existence de l'acte de donation en date du 20 février 1972 et notamment dit que cette donation ne peut porter atteinte à la réserve et dit que le notaire devra considérer, pour l'établissement de l'état liquidatif, le bien de Quiberon, terrain et construction, à sa valeur actuelle estimée selon ses soins,

- par arrêt du 29 octobre 1992, la cour d'appel de Versailles a confirmé en toutes ses dispositions le jugement susvisé du 27 février 1991, a débouté Jacques B. de sa demande d'annulation de la donation du 20 février 1972 et a ordonné une expertise afin de déterminer la valeur de l'immeuble sis à Quiberon et désigné à cet effet, M. D. expert foncier à Rennes,

- par arrêt du 9 novembre 1995, la cour d'appel de Versailles a notamment, vu le rapport d'expertise, fixé la valeur de l'immeuble de Quiberon à la somme de 1 117 600 francs (170 377,02 euros), dit que le notaire devra faire le compte des fruits de l'immeuble dont la restitution incombe à M. F. et condamné M. F. à payer à Jacques B. une somme de 300 000 francs (45 734,70 euros) à titre de provision à valoir sur la part lui revenant,

- par jugement du 26 mai 2005, le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté Jacques B. de sa demande d'approbation du projet de partage établi par Me Clerc, débouté M. F. de toutes ses demandes, dit que dans l'acte de partage qui sera dressé par le notaire liquidateur, la valeur de l'immeuble de Quiberon restera fixée à 170 377,02 euros mais portera intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt de la cour de Versailles du 9 novembre 1995 jusqu'au partage, débouté Jacques B. de ses autres demandes.

Le 7 août 2007 Jacques B. est décédé, laissant pour lui succéder Mme L. son épouse, bénéficiaire d'une clause d'attribution intégrale de la communauté.

Le 4 février 2008, Me Clerc, notaire liquidateur, a dressé un procès verbal de difficultés et de défaut, constatant l'impossibilité de parvenir au partage en raison du défaut de comparution de M. F., malgré sommation de comparaître en son étude pour signature.

Ce procès verbal a été transmis au juge commissaire qui a convoqué les parties en vue de leur conciliation puis a constaté l'absence de conciliation.

Le 11 août 2008, Mme L. a assigné M. F. afin d'obtenir sa condamnation à lui verser diverses sommes.

Par jugement du 3 décembre 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre a principalement rejeté la fin de non recevoir et l'exception de procédure et condamné M. F. à payer à Mme L. la somme de 170 377,02 euros augmentée des intérêts au taux légal depuis le 2 décembre 2005 et dit qu'il sera déduit de cette somme la provision de 45 734,70 euros versée par M. F., ordonné la capitalisation des intérêts, débouté M. F. de toutes ses demandes, condamné M. F. à payer à Mme L. la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Mais par arrêt rendu le 20 décembre 2012, la cour d'appel de Versailles, après avoir rejeté l'exception de nullité du jugement susvisé, l'a infirmé et, statuant à nouveau, a débouté M. F. de ses demandes fondées sur le recel successoral et renvoyé les parties devant le notaire afin que M. F. exerce l'option qui était ouverte à Suzanne B. en vertu de l'acte notarié du 20 avril 1972 et qu'il soit procédé aux opérations de compte liquidation et partage, désigné à cet effet le président de la chambre des notaires des Hauts de Seine avec faculté de délégation, à l'exception de Maîtres Clerc, Beuriot, Leroy et Jubaul, notaires à Neuilly sur Seine, débouté Mme L. de sa demande de dommages et intérêts, dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chacune des parties conservera la charge des dépens par elle exposés.

En exécution de cet arrêt, le président de la chambre des notaires des Hauts de Seine a désigné Me Burneau, notaire à Issy les Moulineaux aux fins de procéder aux opérations de compte, liquidation, partage. Ce notaire a établi un projet d'état liquidatif approuvé par Mme L., qui n'a pu être signé en raison du désaccord de M. F.. Un procès verbal de difficultés a alors été dressé par le notaire le 3 décembre 2014.

Le juge commis a constaté le 25 septembre 2015 l'impossibilité de concilier les parties qui ont été renvoyées devant le tribunal de grande instance de Nanterre.

C'est dans ces circonstances que le jugement entrepris a été rendu.

Sur la demande tendant à l'annulation du jugement du 11 août 2016

Considérant que M. F. sollicite "à titre préliminaire" de voir prononcer l'annulation du jugement ;

Qu'il fonde cette demande, dans ses dernières conclusions auxquelles il convient de se référer, ce en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé de ses moyens, successivement sur la violation des articles 785 du code de procédure civile, 440 alinéa 2 du code de procédure civile, 803 et 455 du code de procédure civile ;

Considérant qu'en premier lieu il fait ainsi grief au magistrat devant lequel l'audience a eu lieu, d'avoir refusé que les avocats plaident et d'avoir indiqué avoir son idée, laquelle était différente de ce que son conseil s'apprêtait à plaider ; qu'il soutient qu'il s'agit d'une violation de l'article 785 du code de procédure civile qui prévoit notamment que le juge de la mise en état fait un rapport oral avant les plaidoiries, sans faire connaître l'avis du magistrat qui en est l'auteur ;

Considérant d'une part qu'il ne résulte d'aucune pièce ou mention que dans son rapport oral, le magistrat devant lequel l'affaire a été débattue, a fait connaître son avis sur quelque point que ce soit ; que d'autre part, cette prescription de ne pas faire connaître son avis, n'est sanctionnée par aucun texte ; que son non respect, s'il était avéré, ne saurait constituer une cause de nullité du jugement ;

Considérant que M. F. fait en second lieu valoir que la mention portée au jugement selon laquelle l'affaire a été débattue le 26 mai 2016, ne correspond pas à la réalité dans la mesure où le magistrat a refusé d'entendre les plaidoiries ; qu'il soutient que l'article 440 alinéa 2 du code de procédure civile qui prévoit que le demandeur puis le défendeur sont ensuite invités à exposer leurs prétentions, a été violé ; qu'il dénonce en outre l'absence de réponse à son courrier adressé à la greffière le 22 septembre 2016 ainsi qu'à son courrier recommandé du 6 octobre 2016 ;

Considérant cependant que si Mme L. ne conteste pas que les débats aient été brefs, elle réfute l'affimration relative à l'absence de plaidoiries ;

Qu'il n'est pas établi que le conseil de M. F. n'ait pu s'exprimer à l'audience ;

Que l'article 440 du code de procédure civile sur lequel se fonde le moyen, prévoit en son alinéa 3 que lorsque la juridiction s'estime éclairée, le président fait cesser les plaidoiries ou les observations présentées par les parties ; que la brièveté des plaidoiries ne constitue pas une cause de nullité du jugement, étant rappelé qu'en l'espèce la procédure devant le tribunal de grande instance était écrite ;

Que par ailleurs aucun texte n'impose au magistrat saisi d'un litige de répondre à des courriers parvenus postérieurement à la clôture des débats ; qu'au contraire l'article 445 du code de procédure civile mentionne que postérieurement à la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 ; qu'en l'occurrence, les courriers dont il est fait état sont postérieurs au jugement rendu le 11 août 2016, lequel a eu pour effet de dessaisir la juridiction et que de surcroît, ils ne rentraient pas dans le champ d'application de l'article 445 du code de procédure civile ci dessus mentionné ;

Que ce moyen d'annulation doit être également rejeté ;

Considérant que M. F. développe un autre moyen tiré de la violation de l'article 803 du code de procédure civile, dont les dispositions n'ont selon lui pas été respectées ; qu'il fait valoir qu'il n'a pas été avisé de ce que l'affaire devait être examinée à juge unique et qu'aucune mention n'a par ailleurs été portée au dossier ; qu'il a donc pensé que l'audience était prise en juge rapporteur conformément à l'article 786 du code de procédure civile, ce qu'il a accepté dans la croyance erronée que l'affaire

ferait l'objet d'un délibéré entre trois juges ; qu'il s'est ainsi trouvé privé de la possibilité de demander le renvoi de l'affaire à la formation collégiale, demande qui, en vertu de l'article 804 du code de procédure civile doit être formulée dans les 15 jours de l'avis prévu à l'article 803 du code de procédure civile ;

Que ce faisant, il a subi un grief, dans la mesure où s'il avait été informé de ce que l'affaire était examinée à juge unique, il aurait sollicité son renvoi devant la formation collégiale, compte tenu du refus de plaidoiries et de l'énoncé par le magistrat d'un avis préconçu ;

Que Mme L. réplique que le jour de l'audience M. F. n'a émis aucune contestation quant à la composition de la juridiction, qu'elle statue à juge unique ou à juge rapporteur et qu'il lui appartenait dès l'ouverture des débats et au plus tard avant leur clôture, de faire état de la difficulté et de solliciter le renvoi devant la formation collégiale ;

Considérant qu'il résulte de la réponse du directeur des services de greffe du pôle famille du 27 octobre 2016, que si l'ordonnance de roulement arrêtée en septembre 2016 diffusée au bâtonnier du barreau des Hauts de Seine indique précisément que les audiences du pôle famille 3 sont tenues à juge unique, il admet qu'en dehors de ce mode d'information général, le greffe n'a pas dans l'affaire litigieuse, procédé par voie de mention au dossier ni envoyé un message RPVA aux avocats constitués, pour les informer de l'attribution de l'affaire à un juge unique ;

Qu'il est exact que les dispositions de l'article 803 du code de procédure civile n'ont en ce sens pas été respectées dès lors que l'ordonnance de roulement à laquelle il est fait référence vaut à partir de sa diffusion en septembre 2016 et ne saurait donc suppléer à l'absence d'avis aux avocats, dès lors que l'affaire a été examinée à l'audience du 26 mai 2016, soit à une date antérieure à cette ordonnance ;

Mais considérant qu'en l'absence d'avis, le délai de 15 jours ouvert à l'avocat pour solliciter le renvoi à la formation collégiale, ne lui était pas opposable et qu'il pouvait donc former cette demande à l'audience ; que s'il a eu le moindre doute sur la composition du tribunal, il lui appartenait de poser la question à l'audience dès l'ouverture des débats afin de savoir si l'affaire était prise devant un juge rapporteur ou à juge unique et, le cas échéant de demander le renvoi de l'affaire en formation collégiale jusqu'avant la clôture des débats, ce qu'il n'a pas fait ; qu'il ne peut donc se prévaloir de l'irrégularité de la composition de la juridiction, alors qu'il n'a pu que constater que l'affaire était évoquée devant un seul magistrat qui était susceptible de statuer à juge unique, ce à quoi il ne s'est pas opposé en temps utile ; que ce moyen d'annulation doit encore être écarté ;

Considérant que M. F. invoque en dernier lieu la violation de l'article 455 du code de procédure civile ; qu'il fait grief au jugement de n'indiquer aucun des moyens soutenant sa demande de dommages et intérêts alors que l'article 455 du code de procédure civile prescrit à peine de nullité que le jugement doit énoncer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens ; qu'il prétend que le motif non explicite ayant conduit à rejeter sa demande ne fait pas sens et qu'en réalité la demande n'a pas été examinée ;

Mais considérant qu'il suffit de se reporter au jugement (3ème paragraphe de sa page 4) pour constater que le juge, qui n'a pas manqué d'énoncer les demandes de M. F. et notamment sa demande de dommages et intérêts, a expressément mentionné qu'il se référait pour un exposé détaillé des moyens des parties à leurs dernières écritures notifiées, ainsi que le lui permet l'article 455 du code de procédure civile qui n'exige que le visa des conclusions avec l'indication de leur date ; que par ailleurs, la critique de la motivation sur laquelle se fonde le tribunal pour rejeter la demande de dommages et intérêts ne saurait constituer une cause d'annulation du jugement mais tout au plus justifier sa réformation ; que ce dernier moyen est également rejeté ;

Que la demande d'annulation du jugement entrepris est rejetée ;

Sur le fond

Sur la teneur du projet d'état liquidatif

Considérant que dans son projet d'état liquidatif dressé le 3 décembre 2014, Me Burneau a compris au titre du seul actif de succession, la valeur du bien immobilier sis à Quiberon 3 rue des Corsaires, en capital et intérêts, tel que cette valeur a été fixée par l'arrêt de cette cour du 9 novembre 1995 ; qu'il a rappelé que le bien a été vendu le 23 décembre 1988 par M. F. et son prix encaissé par ce dernier ; qu'il a fixé cette valeur en capital et intérêts à la somme de 417 827,28 euros en appliquant à la somme de 170 377,02 euros, représentant la valeur du bien immobilier sis à Quiberon arrêtée sur expertise par la décision sus mentionnée, les intérêts au taux légal du 11 février 1995 au 11 février 1996, puis les intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 12 février 1996 ; qu'il ne mentionne aucun élément au titre du passif ; que tenant compte de l'option exercée par M. F. en sa qualité de légataire de Suzanne B., en faveur de la moitié en pleine propriété des biens et droits mobiliers et immobiliers de la succession de Raymond B., il a arrêté les droits des parties à hauteur de moitié chacune, soit à hauteur de 208 913,64 euros et proposé en conséquence à M. F. de verser une soulte de ce montant dont à déduire la somme de 45 734,70 euros, soit une soulte de 163 178,94 euros à Mme L. ;

Considérant que Mme L. a acquiescé à ce projet tandis que M. F. l'a contesté en indiquant qu'il n'est débiteur d'aucune somme et que Mme L. doit lui restituer la provision de 45 734,70 euros ;

Sur les points de désaccord des parties

Considérant que M. F. prétend qu'il n'a jamais été jugé débiteur d'une somme, ni d'une créance de restitution de la valeur de la maison de Quiberon, dans la succession de Raymond B. ; qu'il fait valoir que seul le dispositif d'un jugement a autorité de chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ;

Qu'il se prévaut des articles 480 et 4 du code de procédure civile pour faire valoir qu'aucune demande judiciaire de restitution n'a jamais été présentée ni donc jugée et que la nullité d'une convention ne conduit pas à une obligation de restitution à la succession de Raymond B. puisqu'il n'était pas partie à l'acte annulé ;

Qu'il fait grief au tribunal d'avoir retenu qu'il aurait été condamné à la restitution de la maison et du terrain de Quiberon par le jugement du 27 février 1991, alors qu'il n'en est rien ; que les motifs de ce jugement qui n'ont pas autorité de la chose jugée, sont erronés en droit et en fait ; que les juges ont "cru" que la nullité de la donation déguisée entraînait une restitution automatique alors que le vendeur n'était pas le de cujus et que la nullité n'a en réalité produit aucun effet ; qu'aucune demande de restitution n'a jamais été présentée ni a fortiori débattue et que le jugement n'a pas statué sur la question ; que par conséquent, le jugement dont appel a violé le droit et l'autorité de chose jugée lorsqu'il énonce que l'acquisition faite au nom de Suzanne B. a été annulée après avoir été jugée constitutive d'une donation déguisée, ce qui a pour conséquence que la valeur de ce bien immobilier doit être réintégrée à l'actif de succession à partager ;

Qu'il prétend que les jugements et arrêts postérieurs n'ont jamais statué sur une créance de restitution, tous étant dans la croyance qu'il était débiteur d'une restitution consécutive à la nullité prononcée, ce qu'il n'est pas et n'a jamais été ;

Considérant que Mme L. réplique que M. F. doit restituer la valeur de l'immeuble de Quiberon, selon ce qui a été fixé par arrêt de la cour d'appel de Versailles le 9 novembre 1995 et qu'il est débiteur des intérêts au taux légal sur cette valeur depuis la signification de l'arrêt jusqu'à parfait paiement ; que c'est sur ces bases que le projet d'état liquidatif a été établi par Me Burneau ; que M.

F. prétend à tort remettre en cause des décisions devenues définitives ; qu'il résulte notamment du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 27 février 1991 confirmé par arrêt de cette cour du 29 octobre 1992, qu'il doit restituer la valeur de l'immeuble de Quiberon selon ce qui a été jugé par la suite ; qu'elle soutient que les multiples contestations de M. F. sont inopérantes et qu'elles doivent être écartées ;

***

Considérant qu'il est acquis et résulte du dispositif de décisions devenues définitives et irrévocables, qu'elles contiennent ou non des erreurs de droit, que :

- l'ouverture des opérations de compte liquidation et partage de la succession de Raymond B. et de Suzanne B. a été ordonnée,

- l'acte du 12 mai 1962 portant acquisition d'un terrain à Quiberon a été annulé en ce qu'il constitue une donation déguisée par Raymond B. à son épouse,

- le notaire liquidateur doit fixer le montant de la quotité disponible dont Raymond B. pouvait disposer en considérant le bien de Quiberon à la valeur de 170 377,02 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 novembre 1995 jusqu'au partage ;

Considérant que la constatation de l'existence d'une donation déguisée emporte automatiquement pour effet de réintégrer dans le patrimoine du donateur le bien objet de cette donation, ce qu'a dit le jugement du 27 février 1991 en disant que le bien doit être considéré comme étant la propriété exclusive de Raymond B. et qu'il sera représenté à l'actif successoral à sa valeur actuelle ;

Considérant qu'il ne fait pas de doute que la conséquence de l'ensemble des décisions rendues est la réintégration du bien dans l'actif successoral de Raymond B. ;

Que l'arrêt rendu par cette cour le 20 décembre 2012 énonce également que le bien immobilier objet de l'acte annulé du 12 mai 1962, est devenu, par l'effet du prononcé de la nullité, la propriété de Raymond B. et doit à ce titre être représenté à l'actif successoral à sa valeur au jour de la restitution du bien, ainsi que le tribunal l'a énoncé dans le jugement précité (jugement du 27 février 1991) ;

Considérant que le projet d'état liquidatif critiqué a été établi en exécution notamment de la dernière décision, à savoir l'arrêt du 20 décembre 2012, qui a renvoyé les parties devant le notaire afin que M. F. exerce l'option qui était ouverte à Suzanne B. en vertu de l'acte notarié du 20 avril 1972 ; qu'en effet selon cet acte Raymond B. avait consenti à son épouse une donation de l'universalité de ses biens mobiliers et immobiliers avec réduction, en cas de descendant, au choix de la donataire, à la plus forte quotité disponible entre époux, soit en pleine propriété seulement, soit en pleine propriété et en usufruit, soit en usufruit seulement, afin que le notaire fixe la quotité disponible dont Raymond B. pouvait disposer ;

Considérant que suite au procès verbal de difficultés dressé par le notaire, la cour, tout comme le tribunal avant elle, ne statue que sur les points de désaccord tels qu'ils résultent de ce procès verbal ;

Que contrairement à ce que tente d'invoquer M. F. le débat ne porte pas sur l'existence d'une "créance de restitution" mais sur la liquidation et le partage des droits des parties dans la succession de Raymond B. à laquelle M. F. vient en qualité de légataire universel de Suzanne B. ;

Considérant que M. F. fait valoir à titre subsidiaire qu'en l'absence de toute action en réduction contre la donation entre époux, Mme L. n'aurait plus aucun droit dans la succession de

Raymond B. ouverte il y a plus de trente ans ;

Mais considérant d'une part que le jugement du 27 février 1991, confirmé en toutes ses dispositions par l'arrêt du 29 octobre 1992 a au terme de son dispositif, dit que la donation du 20 février 1972 ne peut porter atteinte à la réserve de Jacques B. ; que la donation a donc été jugée réductible ; qu'en outre l'action en réduction ne se conçoit que s'il y a atteinte à la réserve ; qu'elle ne pouvait être exercée avant que l'actif de la succession ne soit déterminé d'une part et d'autre part avant que M. F. n'ait exercé son option au titre de la donation, aux lieu et place de Suzanne B., ce qui n'a été fait que postérieurement à l'arrêt rendu le 20 décembre 2012 ; que le moyen est inopérant, Jacques B. puis Mme L., n'ayant cessé d'agir aux fins de faire reconnaître leurs droits en tant qu'héritiers réservataires, dans la succession de Raymond B., depuis l'acte d'assignation du 18 juillet 1989 aux fins d'ouverture des opérations de compte liquidation et partage et de contestation des donations déguisées ou intervenues au terme d'un acte notarié ;

Considérant que Me Burneau a, en exécution de sa mission, justement déterminé l'actif successoral de la succession de Raymond B. en y incorporant la valeur du bien de Quiberon, puis le passif et justement procédé au calcul des droits des parties en prenant en considération l'option exercée par M. F. en sa qualité d'ayant droit de Suzanne B., en précisant que celui ci avait opté pour la moitié en pleine propriété ; qu'il a à juste titre intégré à l'actif de la succession la valeur du bien objet de la donation déguisée, conformément aux modalités fixées de manière définitive par les décisions rendues et dit que les parties avaient des droits par moitié, compte tenu de la portée de l'option exercée par M. F. ;

Qu'il a à juste titre proposé le principe d'une soulte à la charge de M. F. puisque le bien n'existe plus pour avoir été vendu par ce dernier qui en a perçu le prix en entier en son temps ;

Que M. F. est mal fondé en sa demande de restitution de la somme de 45 734,70 euros qu'il a été condamné à verser à Jacques B. à titre de provision à valoir sur ses droits dans la succession de son père ;

Considérant qu'ainsi que l'a considéré le tribunal, les seules questions restant en discussion portent donc sur la question de la prescription des intérêts appliqués à la valeur en capital du bien de Quiberon et sur la détermination de leur taux ;

Sur la prescription des intérêts, sur leur majoration et sur le calcul des droits des parties

Considérant que M. F. soutient que seuls les intérêts légaux sur cinq ans doivent être appliqués à la valeur en capital du bien de Quiberon ; qu'il conteste également la majoration des intérêts de cinq points appliqués à cette valeur en invoquant l'absence de condamnation pécuniaire par décision de justice ; qu'il sollicite en outre de voir appliquer des intérêts sur l'avance de la somme de 45 734,70 euros ;

Que Mme L. fait valoir s'agissant de la prescription quinquennale des intérêts, opposée par M. F. devant le notaire que ce n'est que par jugement du 26 mai 2005 que le tribunal de grande instance de Nanterre a dit que la somme de 170 377,02 euros porterait intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt du 9 novembre 1995 ; que depuis, la prescription a été interrompue par l'assignation délivrée en 2008 et que les dispositions de l'article 2243 du code civil sont inapplicables dès lors que contrairement à ce que soutient M. F., elle n'a pas été déboutée de ses demandes, mais seulement de sa demande de dommages et intérêts ;

Considérant que c'est par une décision définitive que par jugement du 26 mai 2005, le tribunal de grande instance de Nanterre a dit que dans l'acte de partage qui sera dressé par le notaire liquidateur, la valeur de l'immeuble de Quiberon restera fixée à 170 377,02 euros mais portera intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 9 novembre 1995

jusqu'au partage ; que la prescription courant à compter du jugement susvisé a été interrompue par l'assignation délivrée le 11 août 2008 par Mme L. aux fins d'obtenir la condamnation de M. F. notamment au paiement de la somme susdite augmentée des intérêts ; que par arrêt du 20 décembre 2012, les parties ont été renvoyées devant le notaire ; que la prescription des intérêts s'est trouvée suspendue au moins jusqu'au projet d'état liquidatif ; qu'elle a de nouveau été interrompue en 2015 par le renvoi des parties par le juge commissaire devant le tribunal de grande instance de Nanterre ;

Que la prescription quinquennale invoquée n'est pas acquise ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de la majoration de cinq points, prévue par l'article L 313-3 du code monétaire et financier dès lors qu'aucune condamnation pécuniaire n'a été prononcée à l'encontre de M. F. et qu'il n'a pas été mis à sa charge de créance de restitution à proprement parler ;

Considérant qu'il n'est par ailleurs pas contesté que M. F. a versé à Jacques B. la somme de 45 734,70 euros le 16 juillet 1996 ; que cette provision à laquelle il a été condamné ne portait pas sur la somme de 170 377,02 euros, mais sur la part devant revenir à Jacques B. ; que cependant cette somme provisionnelle qui doit venir en déduction de cette part, une fois déterminée, doit porter intérêts au taux légal à compter de son versement, soit du 16 juillet 1996 ;

Considérant par conséquent, que les parties doivent être renvoyées devant le notaire afin qu'il procède au partage, conformément à son projet d'état liquidatif sauf à rectifier le décompte des droits des parties en appliquant à la somme de 170 377,02 euros les seuls intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 1995, date de signification non contestée de l'arrêt du 9 novembre 1995, sans majoration de cinq points ;

Qu'il est ajouté qu'il conviendra de déduire de la soulte qui sera fixée à la charge de M. F., la somme de 45 734,70 euros avec intérêts au taux légal depuis le 16 juillet 1996 ;

Sur la demande de mainlevée de l'hypothèque judiciaire provisoire prise par Mme L.

Considérant que le principe d'une créance de Mme L. au titre du partage à intervenir est certain, compte tenu de ce qui précède ; qu'il ne peut donc être fait droit à la demande de mainlevée de l'hypothèque prise par Mme L. publiée le 5 août 2008 sur un bien immobilier appartenant à M. F. sis à Crégy les Meaux ; que M. F. sera débouté de toutes autres demandes relatives à cette inscription ;

Sur la demande de dommages et intérêts de M. F.

Considérant que M. F. sollicite la condamnation de Mme L. à lui payer la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts ; qu'il fait grief à Mme L. d'avoir tenté de l'évincer de la succession par fraude, d'avoir obtenu l'autorisation d'inscrire une hypothèque conservatoire par des affirmations mensongères, d'avoir trompé les juridictions en utilisant des subterfuges, alors qu'il est avéré qu'il a droit à la moitié de la succession ;

Considérant que Mme L. s'oppose à cette demande ; qu'elle fait valoir qu'elle a seulement entendu faire appliquer les décisions de justice ; qu'il incombait à M. F. d'exercer les voies de recours appropriées s'il estimait ces décisions mal fondées ; que ni elle, ni auparavant son mari, Jacques B., n'ont été animés d'une quelconque intention maligne dès lors qu'il est résulté seulement de l'arrêt du 20 décembre 2012 que du fait de la donation déguisée de 1962, l'immeuble de Quiberon s'est rétroactivement retrouvé dans le patrimoine de Raymond B. et qu'il était par voie de conséquence inclus dans la donation de 1972 ; qu'elle déclare indécente la demande présentée et fait valoir que c'est au contraire Suzanne B. puis ensuite M. F. qui ont tenté d'exclure de la

succession de Raymond B. le fils de celui ci, Jacques B. aux droits duquel elle se trouve ;

Considérant que la complexité de la situation juridique née de l'ensemble des décisions rendues exclut toute faute de la part de Jacques B. ou désormais de Mme L. qui depuis plus de trente ans tentent de faire reconnaître leurs droits dans la succession de Raymond B. ; que la non réalisation du partage à ce jour ne résulte en aucun cas de leur attitude alors qu'au contraire Mme L. sollicite depuis plus de 10 ans l'aboutissement des opérations de partage ;

Considérant que les fautes invoquées à l'encontre de cette dernière ne sont pas établies ; que M. F. est donc débouté de sa demande de dommages et intérêts ;

Sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

Considérant que le tribunal a exactement statué sur les dépens ;

Considérant que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage ; qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,

Déboute M. F. de sa demande d'annulation du jugement rendu le 11 août 2016 par le tribunal de grande instance de Nanterre,

Confirme le jugement en ses dispositions relatives aux dépens,

Infirme le jugement en ses autres dispositions et statuant à nouveau,

Renvoie les parties devant Maître François Burneau, notaire à Issy les Moulineaux, afin qu'il soit procédé au partage conformément à son projet d'état liquidatif après rectification de celui ci qui tiendra compte des points suivants :

- dit que les droits des parties doivent être arrêtés à hauteur de moitié chacune sur la base d'un actif de succession représenté par la somme de 170 377,02 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 1995 sans majoration de cinq points jusqu'au partage,

- dit que M. F. est débiteur envers Mme L. de la soulte représentant la moitié de l'actif, dont à déduire la somme de 45 734,70 euros avec intérêts au taux légal depuis le 16 juillet 1996,

Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires des parties,

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Alain PALAU, président, et par Madame Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.